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12/11/2020 | FRANCE | N°20DA00348

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 novembre 2020, 20DA00348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser une somme de 29 330 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n°1802547 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annul

er la décision de licenciement ;

3°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme globale de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser une somme de 29 330 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n°1802547 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de licenciement ;

3°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme globale de 29 330 euros à parfaire en réparation des préjudices matériel et moral subis ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Eure la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

-la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H... B..., présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me F... A..., représentant le département de l'Eure.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... D... a été recruté par le département de l'Eure en tant que technicien bâtiment en charge de la maintenance du patrimoine, affecté à la direction du patrimoine et de la logistique, par contrat à durée déterminée d'une durée d'un an à compter du 1er décembre 2017. Par un arrêté du 30 janvier 2018, notifié le lendemain en main propres à M. D..., le département de l'Eure a licencié l'intéressé au terme de sa période d'essai d'un mois, renouvelée une fois. Il a sollicité, par un courrier du 27 mars 2018, sa réintégration. Par une décision du 25 avril 2018, le département de l'Eure a rejeté son recours gracieux. Par un courrier du 3 juillet 2018, M. D... a sollicité le versement d'une indemnité d'un montant de 29 330 euros au titre du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il allègue avoir subis en raison de son éviction irrégulière. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le département de l'Eure sur cette réclamation indemnitaire préalable. M. D... relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement :

2. L'appelant, qui a présenté une demande indemnitaire devant le tribunal administratif n'est pas recevable à présenter devant la cour des conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement, qui sont nouvelles en appel. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que ce jugement a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. D... ne comporte pas la reproduction de ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier pour ce motif doit être écarté.

4. Après avoir cité les dispositions de l'article 4 du décret du 15 février 1988, relatives à la période d'essai et le contenu de l'article 3 du contrat de recrutement de M. D..., relatif également à cette période, le tribunal administratif a estimé que les dispositions de l'article 4 du décret avaient été respectées, la période d'essai, sa durée et son renouvellement ayant été expressément prévus dans le contrat de M. D.... Il a également écarté comme inopérant à l'encontre de la décision de licenciement, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 du contrat qui prévoit en cas de renouvellement de la période d'essai une information au plus tard deux semaines avant le terme de la période initiale d'essai. Ce faisant, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité dont serait entachée la procédure de renouvellement de la période d'essai.

5. Par ailleurs, le tribunal administratif n'a pas davantage insuffisamment motivé son jugement ou omis de répondre à des moyens en estimant que si la décision de licenciement était irrégulière, faute pour le département d'avoir organisé un entretien préalable au licenciement, aucun préjudice ne pouvait pour autant été établi, puisque le département aurait pris la même décision s'il avait respecté la procédure. Par suite, le moyen d'irrégularité du jugement ainsi soulevé doit également être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En qui concerne l'illégalité de la décision de renouvellement de sa période d'essai :

6. Aux termes de l'article 4 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le contrat peut comporter une période d'essai qui permet à la collectivité territoriale ou à l'établissement public d'évaluer les compétences de l'agent et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (...) / La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : (...) ; - d'un mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est inférieure à un an ; - de deux mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est inférieure à deux ans ; (...). / La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale. La période d'essai ainsi que sa durée et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat. Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable au cours duquel l'agent peut être assisté par la personne de son choix conformément au troisième alinéa de l'article 42. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. (...). ". Aux termes de l'article 3 du contrat : " (...). M. G... D... effectuera une période d'essai d'un mois au cours de laquelle la dénonciation du présent contrat pourra intervenir sans préavis. Cette période d'essai pourra être renouvelée pour la même durée ; l'agent en sera informé dans le cadre d'un entretien avec le responsable hiérarchique au plus tard deux semaines avant l'échéance de la période initiale d'essai ".

7. Il résulte de l'instruction que M. D..., recruté à compter du 1er décembre 2017, a été reçu en entretien le 29 décembre 2017 par sa supérieure hiérarchique, qui l'a informé de ce que sa période d'essai d'un mois serait renouvelée. Le délai de deux semaines avant l'échéance de la période initiale, ainsi prévu à l'article 3 de son contrat, n'a pas été respecté. La méconnaissance de ce délai de prévenance n'est pas de nature à faire regarder l'engagement de M. D... comme définitif à la date du 31 janvier 2018. En revanche, l'inobservation du délai de prévenance dans le cadre de la décision de procéder au renouvellement de la période d'essai, constitue bien une faute susceptible d'engager la responsabilité du département de l'Eure. Toutefois, M. D... ne justifie pas de l'existence d'un préjudice en lien direct et certain avec ce non-respect du délai de prévenance de deux semaines par l'administration lors du renouvellement de sa période d'essai. Par suite, il n'est pas fondé à présenter des conclusions indemnitaires au titre de cette irrégularité.

En ce qui concerne la faute résultant des conditions de l'annonce de son licenciement :

8. M. D... avait été informé lors de l'entretien du 29 janvier 2018 de ce que son contrat ne serait pas poursuivi à la suite de la période d'essai. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le département de l'Eure aurait commis une faute en informant le 30 janvier 2018 les agents du service dans lequel il était affecté, de son licenciement alors qu'il ne s'est vu lui-même notifié en main propre son licenciement que le 31 janvier 2018. En outre, il appartenait au département de l'Eure, dans le cadre de l'organisation du service, d'informer ces agents des conséquences de ce licenciement sur leur charge de travail. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le département aurait commis une faute en informant les agents du service de son licenciement.

En ce qui concerne l'illégalité de la décision de licenciement et celle de rejet de son recours gracieux :

9. Par une décision du 17 juillet 2017, publiée le même jour, le président du conseil départemental de l'Eure a donné délégation permanente de signature au directeur général des services, signataire de l'arrêté du 30 janvier 2018 prononçant le licenciement de M. D... et de la décision du 25 avril 2018 refusant de faire droit à son recours gracieux, à l'effet de signer les actes d'administration courantes relatifs au fonctionnement, à l'activité et aux compétences de services départementaux ainsi que les actes à caractère décisionnel et non décisionnel relevant de l'organe exécutif du département à l'exclusion de certains documents limitativement énumérés. D'une part, la circonstance que la décision de rejet de son recours gracieux ne vise pas cette délégation de signature est sans incidence sur sa légalité. D'autre part, le directeur général des services était compétent pour signer la décision de licenciement ainsi que celle rejetant son recours gracieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit être écarté.

10. Il résulte de l'instruction que le licenciement, décidé le 30 janvier 2018 est intervenu, au terme de la période d'essai d'un mois, renouvelée une fois. Le département de l'Eure a rejeté le recours gracieux de M. D... par une décision du 25 avril 2018. Le licenciement d'un agent public contractuel au terme de la période d'essai prévue par le contrat n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision de licenciement et de la décision de rejet de son recours gracieux doit être écarté.

11. Le non-respect du délai de prévenance de deux semaines dans le cadre du renouvellement de la période d'essai examiné au point 7 n'est pas de nature à faire regarder le licenciement de M. D... comme illégal dès que ce vice est sans rapport avec la procédure de licenciement.

12. Aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. / L'agent peut se faire accompagner par la personne de son choix. / Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement (...). "

13. Par un courrier électronique du 26 janvier 2018, qui avait pour objet " entretien de fin de période d'essai ", M. D... a été convoqué à un entretien prévu le 29 janvier 2018 afin de tirer le " bilan de cette période d'essai ". Il ne résulte pas ainsi de l'instruction que M. D... aurait été régulièrement convoqué à un entretien préalable au licenciement dans les conditions précises prévues à l'article 42 du décret du 15 février 1988. Il a ainsi été privé de la garantie, résultant des dispositions de cet article. Ce vice de procédure constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du département de l'Eure.

14. Il résulte de l'instruction et notamment du compte rendu de l'entretien mené le 29 janvier 2018, que M. D... est arrivé à plusieurs reprises en retard sans explication, qu'il a rencontré des difficultés de positionnement vis à vis de sa hiérarchie. Ses collègues ont émis de sérieux doutes sur ses compétences techniques, M. D... ayant employé des termes techniques inappropriés ou proposé des solutions inadaptées. Il a également méconnu son devoir de réserve en critiquant ouvertement les choix de sa hiérarchie. Les deux courriers électroniques que l'intéressé produit d'un principal de collège et d'une intendante, ne sont pas de nature à remettre en cause l'évaluation de ses compétences. Par suite, les moyens tirés ce que le département se serait fondé sur des faits inexacts et aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en licenciant M. D... au terme de sa période d'essai doivent être écartés.

15. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'autorité administrative, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

16. Ainsi qu'il a été dit au point 14, il résulte de l'instruction que le licenciement de M. D... était motivé par le fait qu'il ne disposait pas des capacités requises pour assumer les missions dévolues à un technicien bâtiment. Les préjudice matériel et moral qu'aurait subis M. D... du fait de l'illégalité de la décision de licenciement ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice de procédure dont cette décision était entachée. Ses conclusions indemnitaires doivent, par suite, être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme réclamée par le département de l'Eure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., au département de l'Eure et à Me C... E....

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N°20DA00348

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00348
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-12;20da00348 ?
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