La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2020 | FRANCE | N°18DA00247

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 novembre 2020, 18DA00247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, enregistrée sous le n° 1503686, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1602482, elle a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution, à hauteur d'un montant de 211 578

euros, des droits mis à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2008...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, enregistrée sous le n° 1503686, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1602482, elle a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution, à hauteur d'un montant de 211 578 euros, des droits mis à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2008, dans la catégorie des capitaux mobiliers, ainsi que des prélèvements sociaux supplémentaires assignés à ce titre.

Par un jugement nos 1503686, 1602482 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille, qui a joint ces deux demandes, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer, à hauteur de 2 841 euros, sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités afférentes à la cotisation à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, et à hauteur de 160 euros en droits et 24 euros en pénalités sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge et à la restitution des impositions restant en litige ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des année 2007 à 2009, pour un montant total de 287 928 euros en droits et de 105 339 euros en pénalités ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la restitution des droits mis à sa charge, à hauteur d'un montant de 211 578 euros, au titre des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2008 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de la comptabilité de la société anonyme (SA) A..., l'administration a rehaussé les revenus de Mme A... au titre de l'année 2007 au motif que celle-ci avait bénéficié de cette société, dont elle était la présidente et l'associée majoritaire, d'avantages occultes, et a, en conséquence, mis en recouvrement, au titre de l'année 2007, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, d'un montant de 11 853 euros en droits et 6 163 euros en pénalités, et de prélèvements sociaux, d'un montant de 3 260 euros en droits et 1 696 euros en pénalités. Par ailleurs, après un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 et 2009, Mme A... s'est vu adresser des rectifications résultant notamment des conséquences, sur sa situation fiscale, des vérifications de comptabilité de la société A... et de la société à responsabilité limitée (SARL) La Presse, dont elle était devenue associée unique le 22 août 2008. A l'issue de cette procédure, l'administration a mis en recouvrement, au titre des années 2008 et 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, d'un montant total de 189 500 euros en droits et 80 402 euros en pénalités, et de prélèvements sociaux, d'un montant total de 73 934 euros en droits et 26 449 euros en pénalités. Par un jugement du 5 décembre 2017, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 2 841 euros, s'agissant des pénalités afférentes à la cotisation à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, et à hauteur de 160 euros en droits et 24 euros en pénalités, s'agissant de la cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, restant en litige, mis à sa charge au titre des années 2007 à 2009. Par le même jugement, le tribunal a rejeté la demande, dont Mme A... l'avait également saisie, tendant à la restitution des suppléments d'imposition mis à sa charge à hauteur d'un montant de 211 578 euros, au titre de l'imposition sur le revenu de l'année 2008 dans la catégorie des capitaux mobiliers, ainsi que des prélèvements sociaux supplémentaires assignés à ce titre.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision en date du 18 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel des prélèvements sociaux assignés à Mme A..., à hauteur de 652 euros en droits et 340 euros en pénalités au titre de l'année 2007 et à hauteur de 5 120 euros en droits et 2 562 euros en pénalités au titre de l'année 2008. Ainsi, à concurrence de ces montants, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des année 2007 et 2008, ni par suite d'examiner le moyen invoqué par elle, au soutien de ces conclusions, relatif à la jurisprudence du Conseil constitutionnel prohibant le calcul des prélèvements sociaux sur une base majorée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de communication de pièces demandées :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. Mme A... soutient que l'administration n'a pas donné suite à sa demande tendant à la communication des chèques bancaires, prétendument signés de sa main, tirés sur le compte bancaire de la société La Presse ainsi que des liasses fiscales déposées par cette société avant qu'elle ne soit désignée comme la gérante. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait fondée, pour assigner les suppléments d'impôt en litige, sur les liasses fiscales déposées par la société La Presse, dont il n'est pas fait état que ce soit dans les documents adressés à Mme A... ou à cette société dans le cadre des procédures de rectification les concernant, ni davantage sur la teneur de chèques bancaires tirés sur les comptes de la société La Presse, alors au contraire que le ministre fait valoir, sans être contredit, que l'administration s'est seulement appuyée sur les déclarations de Mme A... au cours des opérations de contrôle de la société La Presse, dont il résultait qu'elle disposait, dès avant sa désignation comme gérante, du pouvoir d'engagement bancaire de cette société et signait l'ensemble des chèques tirés sur le compte bancaire de celle-ci. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du débat oral et contradictoire :

5. Les impositions supplémentaires établies au titre de l'année 2007, comme celles établies au titre des années 2008 et 2009, ont fait l'objet de deux propositions de rectification adressées à Mme A... selon la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales. D'une part, la requérante ne conteste pas avoir reçu des réponses à ses observations, dans chacune des procédures en litige, par lettres des 27 octobre et 15 novembre 2011. D'autre part, Mme A... ne soutient, ni même n'allègue, avoir été privée de la possibilité de faire valoir ses observations et arguments à tous les stades des deux procédures suivies avant la mise en recouvrement des impositions en litige, que ce soit avec le vérificateur, le supérieur hiérarchique de celui-ci, ou l'interlocuteur interrégional. Dans ces conditions, et alors que la requérante ne précise pas dans ses écritures quelles seraient les observations auxquelles l'administration n'aurait pas suffisamment répondu, les circonstances que l'administration se serait abstenue de communiquer des pièces de procédure essentielles ou qu'elle n'aurait pas mentionné les conséquences du décès de la mère de Mme A... sur l'imposition des plus-values redressées, ne sont pas de nature à caractériser une insuffisance de débat contradictoire. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile.

7. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 27 décembre 2010, relative aux impositions auxquelles Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2007 et de la proposition de rectification du 25 juillet 2011, relative aux impositions auxquelles Mme A... a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, que le vérificateur y a indiqué les impôts concernés, les années d'imposition afférentes, les types de revenus concernés ainsi que les bases d'imposition et énoncé les motifs sur lesquels il entendait se fonder pour justifier les redressements envisagés. Alors que le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement et que Mme A... se borne à indiquer, de manière générale, que la motivation des redressements est insuffisante ou que l'administration n'a pas fait référence aux notifications de redressement envoyées à son père, M. B... A..., le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification dont s'agit doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition de la SARL La Presse :

8. En raison de l'indépendance des procédures d'imposition, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, des irrégularités dont la procédure d'établissement du supplément d'impôt sur les sociétés assigné à la SARL La Presse serait entachée à l'encontre du rehaussement d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne les impositions supplémentaires au titre de l'année 2007 :

9. Il résulte de l'instruction que, jusqu'au mois d'avril 2008, la SA A... a exercé une activité de courtier mandataire pour la société Française des jeux, consistant notamment à diffuser des jeux dits " de grattage " auprès d'un réseau de détaillants, au nombre desquels figurait la société La Presse. A ce titre, la SA A... était chargée d'encaisser auprès des détaillants le montant correspondant aux ventes des jeux, qu'elle reversait ensuite à la société Française des jeux, sous déduction de sa commission. A l'occasion de la vérification de comptabilité de la SA A..., l'administration a constaté deux types d'écarts de caisse relatifs aux encaissements en espèces : le premier, d'un montant de 7 203,88 euros, correspondant au total annuel des écarts entre, d'une part, les états financiers établis par les commerciaux de la SA A... pour retracer les montants récupérés auprès des détaillants et, d'autre part les versements d'espèces enregistrés sur les comptes bancaires de cette société, le second, d'un montant de 16 501 euros, correspondant au total annuel des écarts entre, d'une part, les bordereaux de remise d'espèces par la société La Presse et, d'autre part, les versements d'espèces enregistrés corrélativement sur les comptes bancaires de la SA A.... L'administration a considéré que ces écarts de caisse correspondaient à des prélèvements d'espèces opérés par Mme A... au détriment de la SA A..., et a soumis les sommes correspondantes à l'impôt sur le revenu de l'appelante au titre de l'année 2007 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

10. En premier lieu, pour contester le redressement de 7 203,88 euros en base, Mme A... fait valoir que la SA A..., qui a refusé de désigner un bénéficiaire de cette distribution, s'est vu infliger pour cette raison une amende dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Toutefois, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition de cette distribution entre les mains de son bénéficiaire. Mme A... ne peut davantage utilement soutenir que la soumission de ces distributions à l'impôt sur le revenu procéderait d'une double imposition au regard des rectifications d'impôt sur les sociétés assignées au titre de ces distributions à la SA A... ou à la société La Presse.

11. En deuxième lieu, pour contester le redressement de 16 501 euros en base, Mme A... soutient que, si les bordereaux de remise d'espèces dressés par la société La Presse révèlent un montant d'espèces supérieur à celui apparaissant ensuite comme encaissé par la SA A..., la différence entre ces deux montants est susceptible d'avoir été appréhendée par des personnes autres qu'elle, notamment le gérant ou des salariés de la société La Presse. Toutefois, il résulte de la proposition de rectification du 27 décembre 2010 que, pour considérer que Mme A... avait appréhendé la somme en cause, l'administration a relevé que les sommes versées en espèces par la société La Presse étaient en règle générale remises directement à Mme A... par la responsable de la caisse de cette société, comme cela ressortait des mentions, non contestées par l'appelante, du journal de caisse tenu par cette employée, alors que la SA A... ne disposait, au contraire, d'aucun document de même nature permettant d'opérer un rapprochement avec les fonds collectés. En retour, Mme A... n'apporte aucun élément circonstancié au soutien de ces allégations, exprimées en des termes très généraux, que ce soit sur l'éventualité de soustraction des fonds par des tiers, ou sur l'imputabilité des écarts relevés à des erreurs ou à des retards affectant la saisie de recettes qui seraient inhérents aux spécificités de l'activité des sociétés. Dans ces conditions, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, dans la mesure où Mme A... n'a pas accepté les redressements, apporte des éléments permettant d'établir l'appréhension par l'intéressée des espèces provenant de l'activité de la société La Presse au détriment de la SA A....

12. En troisième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, qui ne révèle pas, par elle-même, l'expression d'une position formelle de l'administration invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que les écarts de caisse constatés à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL La Presse au titre des exercices clos de 2004 à 2005 et de 2011 à 2013, n'ont pas donné lieu à la notification à cette société de redressements.

13. Il résulte des points précédents que l'administration a, à bon droit, regardé les écarts de caisse ainsi relevés comme la distribution d'avantages ou de rémunérations occultes par la SA A... et les a soumis en conséquence à l'impôt sur le revenu de Mme A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne les impositions supplémentaires au titre des années 2008 et 2009 :

S'agissant du redressement lié à la somme inscrite au crédit du compte de tiers de Mme A... dans la comptabilité de la société La Presse :

14. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.

15. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté par Mme A..., que, par une écriture comptable passée le 30 juin 2008, date de clôture de l'exercice 2008, la société La Presse a annulé une dette de 366 639,55 euros contractée envers la SA A... et inscrit au compte de tiers de Mme A... un crédit du même montant. En l'absence de cession de créance entre la SA A... et Mme A..., l'administration a estimé que l'écriture d'annulation de cette dette traduisait un abandon de créance générant une augmentation de l'actif net de la société La Presse, et, constatant que le rehaussement de son résultat aboutissait à substituer à un déficit déclaré un solde bénéficiaire de 169 262 euros, a considéré que cette dernière somme devait être réputée distribuée, le 30 juin 2008, à Mme A... en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Elle a, pour ce motif, imposé ce revenu, augmenté du coefficient de majoration de 1,25 prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de Mme A....

16. Mme A... soutient que l'écriture d'annulation de la dette de la société La Presse envers la SA A... procède non d'un choix de gestion de cette société mais d'une erreur comptable involontaire dont il ne peut être tiré aucune conséquence. Toutefois, d'une part, Mme A..., en se bornant à faire valoir que cette écriture n'est appuyée sur aucun justificatif d'extinction de la dette souscrite envers la SA A... et a dès lors été passée en méconnaissance des règles comptables applicables et que la créance correspondante a été maintenue dans les écritures comptables de la SA A..., n'établit pas le caractère d'erreur involontaire dont elle se prévaut alors, au contraire, que cette écriture n'a été extournée qu'à l'occasion d'un bilan rectificatif établi par la société La Presse au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011 à la suite de la réception d'une proposition de rectification. Par suite, l'administration était fondée à regarder comme distribuée par la société La Presse, à concurrence du bénéfice résultant de la rectification des résultats de cette société, la variation de l'actif née de l'extinction de la dette ainsi comptabilisée. D'autre part, Mme A..., en se bornant à faire valoir qu'elle n'était ni gérante, ni associée de cette société avant sa nomination le 22 août 2008 et qu'elle ne peut être regardée, avant cette date, comme le seul maître de l'affaire, n'établit pas qu'elle n'aurait pu, en droit ou en fait, opérer au plus tard le 31 décembre 2008 un prélèvement des sommes inscrites le 30 juin 2008, au compte de tiers ouvert à son nom et dont le montant créditeur excédait sensiblement celui de cette distribution redressée. Il s'ensuit que l'administration était fondée, pour ce seul motif, à soumettre à l'impôt sur le revenu de Mme A... les sommes ainsi distribuées et mises à sa disposition au 31 décembre de l'année 2008.

S'agissant du redressement afférent à la somme inscrite au débit du compte courant de Mme A... dans la comptabilité de la SA A... :

17. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) ". Aux termes du 3° de l'article 120 du même code, sont considérées comme des revenus " les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission ".

18. En application des dispositions précitées, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts au 31 décembre de l'année en cause. En cas de variation de ce solde d'une année civile sur l'autre, seule la différence positive entre ces deux soldes peut légalement être incluse dans le revenu imposable de l'associé, l'actionnaire ou le porteur de parts pour l'année concernée.

19. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté par l'appelante, qu'au cours de l'année 2009, la SA A... a mis à la disposition effective de Mme A... des avances d'un montant total de 209 361 euros, déterminé par différence entre le solde débiteur de son compte courant d'associé au 31 décembre 2009 et ce même solde débiteur au 1er janvier précédent. Mme A... conteste qu'une part de ce montant soit, en application des dispositions précitées, imposable dans son revenu au titre de 2009 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en faisant valoir qu'à hauteur de 142 890,07 euros, ces sommes lui ont seulement permis de racheter les actions détenues par les actionnaires minoritaires de la société, ce rachat s'inscrivant selon elle dans le cadre de la liquidation de la SA A..., qui avait été décidée le 25 juillet 2008 avec effet immédiat par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires. Cependant, cette circonstance est sans incidence sur le montant des revenus distribués à Mme A... par l'effet de l'accroissement du solde débiteur de son compte d'associé durant l'année 2009, dès lors que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la personnalité morale de la société, dont la liquidation n'était pas clôturée au 31 décembre 2009, a subsisté au-delà de cette date pour les besoins de la liquidation en vertu de l'article 1844-8 du code civil. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction, au regard notamment des mentions du procès-verbal de l'assemblée générale du 23 novembre 2009 produit au dossier, que Mme A... aurait racheté les parts des actionnaires minoritaires en sa qualité de liquidatrice. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les sommes litigieuses, qui présentent le caractère d'une distribution et non d'un boni de liquidation, n'entraient pas dans les prévisions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

S'agissant du redressement relatif à des plus-values professionnelles en report d'imposition :

20. Aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : / a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. Toutefois, en cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l'apport ou de la nue-propriété de ces droits, le report d'imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement d'acquitter l'impôt sur la plus-value à la date où l'un des événements prévus à la phrase précédente se réalise ; / (...) / II. Le régime défini au I s'applique : / a. Sur simple option exercée dans l'acte constatant la constitution de la société, lorsque l'apport de l'entreprise est effectué à une société en nom collectif, une société en commandite simple, une société à responsabilité limitée dans laquelle la gérance est majoritaire ou à une société civile exerçant une activité professionnelle ; / (...) / L'option est exercée dans l'acte d'apport conjointement par l'apporteur et la société ; elle entraîne l'obligation de respecter les règles prévues au présent article. / Si la société cesse de remplir les conditions permettant de bénéficier sur simple option du régime prévu au I, le report d'imposition des plus-values d'apport peut, sur agrément préalable, être maintenu. A défaut, ces plus-values deviennent immédiatement taxables. / L'apporteur doit joindre à la déclaration prévue à l'article 170 au titre de l'année en cours à la date de l'apport et des années suivantes un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values dont l'imposition est reportée conformément aux premier et troisième alinéas du a du I. Un décret précise le contenu de cet état. / (...) ".

21. Au titre de l'année 2008, l'administration a rehaussé le revenu imposable de Mme A... d'une somme de 177 546 euros constitutive de la quote-part de l'intéressée dans une plus-value à long terme taxable au taux de 16 %, en considérant que le report d'imposition bénéficiant à ladite plus-value, en application des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts, avait pris fin à la date de la dissolution de la SA A.... La plus-value en litige provenait, d'une part, de l'apport à la SA A..., le 23 décembre 1995, de l'entreprise individuelle de courtier mandataire de la société Française des jeux exploitée par M. B... A..., père de l'appelante, d'autre part, de la donation-partage du 2 janvier 1996 des titres que ce dernier avait reçus en rémunération de son apport.

22. En premier lieu, la dissolution d'une société, ayant pour conséquence d'emporter le transfert du patrimoine de la société dans les patrimoines privés des associés, produit ainsi les mêmes effets qu'une cession à titre onéreux des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport à la société. Dès lors que la dissolution de la SA A... intervenue le 28 juillet 2008 présente ainsi, au sens du I de l'article 151 octies du code général des impôts, le caractère d'une cession à titre onéreux des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport à la société, elle met fin au report d'imposition des plus-values d'apport, conformément aux dispositions de cet article. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la fin du report d'imposition de la plus-value interviendrait à la date de la liquidation de la société, et non à la date de la décision prononçant sa dissolution, ne peut qu'être écarté.

23. En deuxième lieu, Mme A... soutient que le montant de la plus-value imposable devrait être ramené à la somme de 117 674 euros au motif que " le décès de [sa] mère a, en raison des droits de mutation à titre gratuit acquittés, effacé la plus-value antérieure sur la moitié de la valeur de l'entreprise à la date du décès ". Toutefois, la circonstance que Mme A... aurait acquitté des droits de mutation sur la valeur de l'entreprise lors du décès de sa mère n'est pas de nature à établir, par elle-même, le caractère exagéré du montant rectifié par l'administration, qui est celui mentionné par l'appelante elle-même dans les annexes à ses déclarations 2042 relatives aux revenus 2008 et 2007 portant " état de suivi des plus-values en report d'imposition " qui lui est, comme tel, opposable.

24. En troisième lieu, Mme A... soutient que, faute d'avoir respecté le formalisme requis pour bénéficier du report d'imposition de la plus-value en litige, l'imposition de cette plus-value était exigible immédiatement, de telle sorte que le droit de reprise était expiré lorsque l'administration a notifié ce chef de redressement. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., contrairement à ce qu'elle soutient, n'aurait pas satisfait aux conditions de report d'imposition dès lors que, comme il a été dit plus haut, elle a joint à ses déclarations de revenus 2007 et 2008 l'état de suivi des plus-values en report d'imposition. Par suite, et alors qu'elle n'indique pas l'année au titre de laquelle elle aurait perdu le droit à ce report d'imposition, le moyen tiré de ce que la somme due au titre de l'imposition de la plus-value en cause serait prescrite doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la demande de restitution :

25. Il résulte des dispositions de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts que le contribuable qui a remboursé les sommes distribuées sur le fondement du a. de l'article 111 de ce code peut demander la restitution de l'impôt qu'il a supporté. Aux termes de l'article 49 quinquies de cette même annexe, il incombe toutefois au contribuable de produire, au soutien de sa demande, une attestation du comptable justifiant du paiement de l'impôt dont la restitution est demandée.

26. Si Mme A... se prévaut du remboursement à la société La Presse au cours de l'exercice clos en 2011, des sommes que cette société lui a distribuées le 30 juin 2008, elle n'a pas justifié devant les premiers juges, ni davantage en cause d'appel, du paiement effectif de l'imposition procédant de la taxation de sommes regardées comme distribuées. Par suite, et en tout état de cause, l'administration était fondée, pour ce motif, à rejeter la demande de restitution présentées par Mme A... sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts.

Sur les intérêts de retard et les pénalités portant sur les droits mis à la charge de Mme A... au titre de l'année 2009 en tant que liquidatrice de la SA A... :

27. Aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. ". Aux termes du I de l'article 1758 A du même code : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. ".

28. Il résulte de l'instruction que Mme A... n'a déclaré la rémunération perçue en 2009 en qualité de liquidatrice de la SA A... que par une déclaration rectificative de revenus produite le 26 avril 2011 à l'instigation du vérificateur qui procédait à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressée. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a fait application des dispositions citées au point précédent, au rehaussement de 7 920 euros effectué dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le revenu 2009.

Sur les pénalités pour manquement délibéré appliquées aux autres rehaussements :

29. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". La pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

30. Pour faire application de la majoration prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts aux rehaussements de revenus distribués liés aux rémunérations et avantages occultes servis en 2007 à Mme A... par la SA A..., aux distributions opérées en 2008 par la SARL La Presse ainsi qu'à l'accroissement du solde débiteur de son compte d'associé de la SA A... durant l'année 2009, l'administration s'est fondée, respectivement, sur l'implication personnelle de l'intéressée dans les transferts de fonds entre les sociétés, sur la connaissance du caractère injustifié de l'écriture portée en sa faveur qu'elle tirait nécessairement de sa qualité de gérante de la SARL La Presse lors du dépôt des comptes de l'exercice, sans y avoir remédié avant la notification du redressement en 2011, et, enfin, sur l'importance des sommes figurant au solde débiteur de son compte courant dans la SA A..., sur le caractère répétitif depuis plusieurs années des prélèvements effectués sur ce compte courant, ainsi que sur la position de dirigeante de l'intéressée dans la société. En faisant valoir ces éléments, l'administration établit le caractère délibéré des manquements de Mme A... de nature à justifier l'application à ces chefs de redressement de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts.

31. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Il s'ensuit que sa requête tendant à la décharge des impositions restant en litige ainsi qu'aux fins de restitution doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à la décharge des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2007, à hauteur de la somme de 652 euros en droits et 340 euros en pénalités, et au titre de l'année 2008, à hauteur de la somme de 5 120 euros en droits et 2 562 euros en pénalités.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°18DA00247 11


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00247
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-19;18da00247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award