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19/11/2020 | FRANCE | N°18DA01197

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 novembre 2020, 18DA01197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Activ'Océane a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, d'autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1601047 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a réduit d'une somme de

3 000 euros et d'une somme de 3 600 euros les bases d'imposition assignées à l'asso...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Activ'Océane a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, d'autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1601047 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a réduit d'une somme de 3 000 euros et d'une somme de 3 600 euros les bases d'imposition assignées à l'association Activ'Océane, tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et de la période couvrant ces mêmes années, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2011 et de la période couvrant cette même année, a prononcé la décharge, à due concurrence de ces réductions de base, des impositions et pénalités en litige et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'association.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2018, et par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2018 et qui n'a pas été communiqué, l'association Activ'Océane, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Activ'Océane, dont le siège est situé à Aizier (Eure), a été créée en 2001 sous le statut des associations à but non lucratif prévu par la loi de 1901 et a pour objet social l'organisation de manifestations sportives et de loisirs. Elle a fait l'objet, en 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Ce contrôle a permis de révéler que l'association Activ'Océane organisait des manifestations payantes de grande ampleur, en particulier, un vide-grenier, deux fois par an et sur deux jours, en mars ou avril et en novembre, aux Docks Café du Havre (Seine-Maritime) et accueillant un grand nombre d'exposants et de visiteurs. Le vérificateur a estimé, au terme de ce contrôle, que l'association Activ'Océane ne répondait pas aux conditions permettant de la considérer comme un organisme non lucratif exonéré, à raison des recettes et bénéfices générés par ses activités, de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés, notamment parce-que sa gestion ne pouvait être regardée comme désintéressée. Après avoir constaté que l'association Activ'Océane ne tenait pas de comptabilité, ni de registre de billetterie, le vérificateur a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par elle au cours de la période vérifiée ainsi que des charges afférentes à son fonctionnement et à ses activités. Par deux propositions de rectification qui lui ont été adressées le 21 décembre 2012 et le 28 août 2013, l'association Activ'Océane a été informée, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, de ce que l'administration envisageait de l'assujettir à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des éléments entrant dans la détermination de ses bases soumises à chacun de ces impôts. L'administration a, pour l'essentiel, maintenu sa position au vu des observations présentées par l'association Activ'Océane, de sorte que les cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2014 pour les montants respectifs de 129 763 euros et de 81 459 euros, en droits et pénalités.

2. La réclamation présentée par l'association Activ'Océane n'ayant été que partiellement accueillie et ayant donné lieu au prononcé de dégrèvements s'élevant, en droits et pénalités, à 12 808 euros en matière d'impôt sur les sociétés et à 5 046 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée, celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, d'autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Par un jugement du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a réduit d'une somme de 3 000 euros et d'une somme de 3 600 euros les bases d'imposition assignées à l'association Activ'Océane, tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et de la période couvrant ces mêmes années, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2011 et de la période couvrant cette même année, a prononcé la décharge, à due concurrence de ces réductions de base, des impositions et pénalités en litige et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'association Activ'Océane. Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et conclut, à titre principal, à la décharge, à titre subsidiaire, à la réduction des impositions restant en litige, en droits et pénalités. Le ministre de l'action et des comptes publics conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a prononcé une réduction des impositions et pénalités mises à la charge de l'association Activ'Océane.

Sur l'appel principal :

3. L'association Activ'Océane ne conteste pas, en appel, le principe de son assujettissement, à raison des activités qu'elle a exercées au cours de la période vérifiée, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, mais dirige sa contestation contre, d'une part, les méthodes utilisées par le vérificateur pour reconstituer les recettes, liées à la vente de sandwiches et d'emplacements destinés aux exposants, qu'elle a réalisées au cours des vide-greniers organisés par elle au cours de cette période, d'autre part, le montant des recettes ainsi reconstituées, qu'elle estime excessif.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; / (...) ". L'article L. 68 de ce livre, dans sa rédaction applicable, dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) ". Enfin, en vertu de l'article L. 193 du même livre, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui en demande la décharge ou la réduction, l'article R. 193-1 de ce livre précisant qu'il lui incombe, à cette fin, d'en démontrer le caractère exagéré.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'association Activ'Océane, qui s'est livrée chaque année, au cours de la période vérifiée, à raison de deux manifestations de grande ampleur et également d'autres événements payants, à l'exercice habituel d'une activité commerciale, n'a souscrit aucune déclaration de chiffre d'affaires et de résultat auprès de l'administration fiscale. Dans ces conditions et alors, en outre, qu'il est constant que l'association Activ'Océane ne s'est pas fait connaître, à raison de cette activité, auprès d'un centre de formalités des entreprises, ni du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent, l'administration, sans lui adresser une mise en demeure préalable, lui a notifié selon la procédure de taxation d'office, comme les dispositions précitées des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales l'autorisaient à le faire, les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle conteste. Par suite, l'association Activ'Océane, qui ne conteste pas la régularité de la procédure d'imposition ainsi mise en oeuvre par l'administration, supporte, en application des dispositions, rappelées au point précédent, des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige. Elle peut aussi choisir de discuter du bien-fondé des méthodes mises en oeuvre par l'administration pour reconstituer ses recettes taxables et ses bénéfices imposables, en démontrant que ces méthodes sont soit radicalement viciées dans leur principe, soit excessivement sommaires.

En ce qui concerne la pertinence des méthodes de reconstitution mises en oeuvre par l'administration :

6. L'association Activ'Océane n'ayant pu produire aucun document comptable se rapportant à la période vérifiée mais seulement des feuillets présentant des recettes globalisées par événement, ainsi que des dépenses donnant lieu à des intitulés abrégés ne permettant pas d'en déterminer la nature, le vérificateur s'est livré à une reconstitution des recettes encaissées par l'association durant cette période, en particulier en ce qui concerne la vente de sandwiches et la vente d'emplacements aux exposants réalisées par elle à l'occasion des deux vide-greniers annuels. L'association Activ'Océane soutient que l'une et l'autre des méthodes ainsi mises en oeuvre par le vérificateur, dont elle ne conteste pas le principe, sont excessivement sommaires.

7. D'une part, pour reconstituer le chiffre d'affaires lié à la vente de sandwiches, le vérificateur s'est fondé sur les factures d'achats de pain et de sachets en papier destinés à emballer les sandwiches en vue de leur vente, qui lui ont été remises ou lui ont été transmises dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès des fournisseurs de l'association. Le vérificateur a ainsi constaté que l'association Activ'Océane avait pour habitude d'acheter 300 baguettes de pain en prévision de chacun des vide-greniers organisés durant la période vérifiée. En retenant que chaque baguette permettait de confectionner trois sandwiches, le vérificateur a retenu que 900 sandwiches avaient été réalisées et vendus à l'occasion de chacun de ces événements, qui se sont tenus chacun sur deux jours. Il a conforté cette analyse en retenant que l'association Activ'Océane avait acheté une quantité de 1 000 sachets en papier à l'occasion de chacune de ces manifestations, ce qui confirmait la vraisemblance du nombre de 900 sandwiches vendus lors de chacune de ces manifestations. L'association Activ'Océane conteste toutefois cette approche, en faisant observer que l'examen de ses factures d'achat ne permet pas de corroborer le postulat retenu par le vérificateur, selon lequel 1 000 sachets en papier auraient été systématiquement achetés en prévision de chacun des deux vide-greniers qu'elle a organisés par an durant la période vérifiée, alors, en particulier, que ces factures révèlent un achat de seulement 1 000 sachets durant toute l'année 2009. Toutefois, en en admettant même, comme le fait d'ailleurs le ministre, le bien-fondé, cette critique, qui ne concerne que l'une des trois années d'imposition en litige et qui n'affecte qu'un élément retenu, à titre confortatif, par le vérificateur, ne suffit pas à démontrer que la méthode de reconstitution mise en oeuvre, sur la base de données issues de l'activité réelle de l'association, à savoir le nombre, non contesté par lui-même, de baguettes achetées, en prévision de chaque vide-grenier, par l'association, et le fait, qui n'est pas davantage contesté, qu'une baguette permet de confectionner trois sandwiches, serait excessivement sommaire.

8. D'autre part, dès lors que l'association Activ'Océane n'a pu lui fournir aucun justificatif du nombre d'exposants présents à chacun des vide-greniers organisés par elle au cours de la période vérifiée, le vérificateur s'est appuyé, pour reconstituer les recettes issues de la vente d'emplacements aux exposants, sur les chiffres de fréquentation relatés par la presse locale, qui avait fait état de la présence de 620 exposants lors du vide-grenier organisé en avril 2010 et de 750 exposants à l'occasion de chacun des deux événements de ce type organisés en 2011. Au vu de ces données, le vérificateur a estimé qu'un nombre d'exposants présents de 600 pouvait constituer une valeur représentative de l'activité habituelle de l'association au cours de la période vérifiée, et une base de reconstitution pertinente des recettes correspondantes. L'association Activ'Océane soutient qu'il aurait appartenu à l'administration de corriger son approche au vu des listes de participants aux vide-greniers organisés en 2010 et en 2011, qu'elle verse à l'instruction et qui, à ses yeux, constituent des commencements de preuve, dès lors que ces documents sont visés par l'autorité de police. Elle fait observer que ces listes comportent, pour chaque événement, un nombre d'exposants très notablement inférieur à celui retenu par l'administration, et qu'il lui demeurerait inférieur même si chacune de ces listes était regardée, en l'absence de précision sur ce point, comme ne concernant que l'une des deux journées durant lesquelles se sont tenues ces manifestations et si le nombre d'exposants qu'elle comporte devait être multiplié par deux. Toutefois, ainsi que le fait observer le ministre, ces listes, qui rendent compte des inscriptions déclarées par l'organisateur de la manifestation et qui ont, pour chacune d'elles, été transmises à l'autorité de police dix à quinze jours avant chacun des événements auxquels elles se rapportent, ne peuvent suffire à justifier du nombre d'exposants effectivement présents à ces vide-greniers. Dès lors, en invoquant seulement l'importance de l'écart entre le nombre d'exposants porté sur ces listes et le nombre moyen de 600 personnes retenu par le vérificateur, l'association Activ'Océane, qui, ainsi qu'il a été dit au point 5, supporte la charge de la preuve et qui n'a pu fournir, alors même qu'elle organisait ces manifestations, aucun relevé de présence au vérificateur, n'établit pas que la méthode utilisée par ce dernier, à partir des éléments d'information dont il disposait, serait excessivement sommaire.

En ce qui concerne le montant des recettes reconstituées :

9. Pour contester le montant, retenu par l'administration pour établir les impositions en litige, des recettes issues de la vente de sandwiches, de frites et de saucisses, l'association Activ'Océane reproche au vérificateur de n'avoir opéré aucune ventilation entre les quantités de baguettes de pain utilisées pour confectionner des sandwiches dits " américains ", c'est-à-dire servis avec un accompagnement de frites, et celles qui sont entrées dans la composition de sandwiches simples, non accompagnés de frites. Elle estime que le défaut d'une telle ventilation entache d'erreur la reconstitution des recettes liées à la vente de sandwiches, mais aussi de celles afférentes à la vente de frites et de saucisses, dès lors que ces deux denrées ont été prises en compte comme étant vendues sans pain. Toutefois, ainsi que l'expose, sans d'ailleurs être contredit, le ministre, le vérificateur a effectué son évaluation des recettes liées à la vente de ces denrées alimentaires à partir des seuls éléments dont il a pu disposer et qui, faute pour l'association Activ'Océane d'avoir été à même de lui communiquer des informations plus précises, ne lui permettaient pas, à eux seuls, d'effectuer une ventilation du chiffre d'affaires en fonction de tous les produits proposés à la vente, ni, en particulier, de déterminer le volume de vente de sandwiches américains au regard du volume de vente de sandwiches non accompagnés de frites. En outre, le seul fait que l'intégralité des quantités de frites achetées ait été prise en compte comme ayant été vendue en barquette sans accompagnement ou comme entrant dans la composition d'assiettes en accompagnement de viande ou de saucisse, n'a pu conduire à une augmentation artificielle des recettes correspondantes, dès lors que le prix de vente retenu par le vérificateur pour ces assiettes est de 6 euros, qui est aussi le prix auquel, selon les déclarations du président de l'association, les sandwiches américains étaient proposés à la vente, tandis que le prix retenu pour une barquette de frites de 500 ml sans accompagnement s'élève à 4 euros. De surcroît, le fait que l'intégralité des baguettes de pain achetées ait été prise en compte comme entrant dans la composition de sandwiches vendus sans frites, au nombre desquels étaient proposés des produits simples, tels les sandwiches jambon-beurre, ou plus élaborés, incluant des oeufs, des tomates, des sauces ou des crudités, n'a pas davantage induit une majoration des recettes liées à la vente de sandwiches, dès lors que l'ensemble de ceux-ci, qu'ils soient simples ou plus élaborés, ont été pris en compte par le vérificateur comme vendus au prix unique de 4,50 euros. Enfin, eu égard aux prix de vente ainsi pris en compte par le vérificateur, d'une part, pour les assiettes composées de frites et de saucisses, d'autre part, pour les sandwiches non accompagnés de frites, le fait pour le vérificateur d'avoir retenu que les saucisses étaient systématiquement vendues comme accompagnées de frites, et non comme entrant dans la composition de sandwiches, n'a pu entraîner une surévaluation des recettes correspondantes.

10. L'association Activ'Océane soutient que le vérificateur aurait pris en compte, pour reconstituer ses recettes liées à la vente de sandwiches et d'autres denrées alimentaires à l'occasion des vide-greniers qu'elle a organisés durant la période vérifiée, des prix excessifs. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, un prix de vente unique de 4,50 euros a été retenu pour l'ensemble des sandwiches non accompagnés de frites. A supposer même que ce prix soit regardé comme élevé en ce qu'il porte sur la vente de spécialités simples, comme le sandwich jambon-beurre, il constitue, en réalité, un prix moyen que le vérificateur a choisi d'utiliser, en l'absence de données précises sur les ventes effectivement réalisées, pour prendre en compte le fait que des spécialités plus élaborées, comme celles incluant des sauces, des crudités, des tomates ou des oeufs, étaient également proposées à la vente. Ainsi appréhendé comme un prix moyen, ce prix de 4,50 euros critiqué par l'association Activ'Océane n'est pas excessif. Par ailleurs, cette dernière soutient qu'en réalité, l'ensemble des prix de vente de denrées alimentaires, dont le vérificateur a tenu compte pour reconstituer les recettes réalisées par elle au cours des vide-greniers, sont excessifs, le prix de vente des boissons ayant, par exemple, été majoré de 50 centimes d'euro par rapport aux prix qu'elle allègue pratiquer habituellement, et celui des frites, accompagnées ou non de saucisses ou de viande, ayant été majoré de 50 centimes d'euro à 2 euros. Toutefois, l'association Activ'Océane, pour étayer sa démonstration, s'appuie sur un constat d'huissier de justice qu'elle a fait établir au cours d'un vide-grenier organisé les 23 et 24 novembre 2013, soit à des dates postérieures aux opérations de contrôle dont elle a fait l'objet. Les constatations effectuées à cette occasion par l'huissier ne peuvent ainsi être regardées comme constituant une justification probante des pratiques tarifaires qui étaient celles de l'association au cours de la période vérifiée, allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, antérieure de près de deux ans à ces constatations. En outre, si l'association Activ'Océane soutient que le montant de la recette totale constatée par l'huissier à l'issue du vide-grenier organisé les 23 et 24 novembre 2013, soit 12 787,48 euros, correspondrait, en ordre de grandeur, aux sommes constatées sur son compte bancaire après les vide-greniers qu'elle a organisés durant la période vérifiée, il résulte de l'examen du procès-verbal de constat d'huissier versé à l'instruction que, comme le relève d'ailleurs le ministre, ce montant de 12 787,48 euros y est désigné comme correspondant à la recette totale de la billetterie à l'issue de l'événement en cause et non au total de l'ensemble des recettes, y compris celles provenant de la vente de denrées alimentaires et de boissons, réalisées par l'association au cours de cette manifestation. Dans ces conditions, la seule similitude relevée entre ce montant et celui des sommes portées, au cours de la période vérifiée, sur le compte bancaire de l'association ne peut être regardée comme constituant un indice d'une surévaluation par le vérificateur des recettes, provenant de la vente de produits alimentaires, réalisées par l'association Activ'Océane lors des vide-greniers organisés durant la période vérifiée.

11. L'association Activ'Océane soutient que les recettes reconstituées par l'administration, selon la méthode exposée au point 8, en ce qui concerne la vente d'emplacements aux exposants accueillis lors des vide-greniers, présenteraient, elles aussi, un caractère excessif, en ce qu'elles se fondent sur un nombre moyen de 600 exposants, irréaliste à ses yeux. Elle appuie son raisonnement sur des listes de participants qu'elle a établies et adressées aux services de police compétents en prévision des vide-greniers organisés au cours des années 2010 et 2011. Elle ajoute que ces listes, qui sont revêtues du visa de l'autorité de police, présentent le caractère d'éléments probants. Elle fait observer que celle de ces listes qui présente le plus d'exposants en comporte 269 et que celle qui en présente le moins en comporte 139. Elle soutient cependant que, dès lors que ces listes ne précisent pas si elles se rapportent aux deux journées durant lesquelles ces événements ont été organisés ou à une seule journée, il pourrait être admis de doubler ces données, ce qui aboutirait à un nombre maximal de 538 exposants et minimal de 278 exposants. Elle fait observer que les recettes qui seraient évaluées sur ces bases demeureraient très inférieures à celles reconstituées par l'administration. Toutefois, ainsi que le relève le ministre en défense et comme il a été dit au point 8, ces listes ont été établies, par l'association elle-même, plusieurs jours avant les vide-greniers auxquelles elles se rapportent, à telle enseigne qu'elles ont toutes été transmises à l'autorité de police dix à quinze jours avant chacun de ces événements. Elles ne peuvent ainsi être regardées comme permettant un recensement exhaustif du nombre d'exposants ayant pris part à chacune de ces manifestations, dès lors, notamment, qu'elles ne peuvent être tenues comme prenant en compte les inscriptions parvenues à l'association Activ'Océane après leur transmission à l'autorité de police. L'association Activ'Océane, qui, ainsi qu'il a été dit au point 5, supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige et qui, en tant qu'organisatrice de ces manifestations, est réputée connaître le nombre exact de participants, n'apporte aucun élément permettant de corroborer les données issues de ces listes qui ne peuvent, à elles seules, eu égard à ce qui vient d'être dit, constituer une justification probante, ni permettre une remise en cause sérieuse de la reconstitution opérée par l'administration en ce qui concerne le montant des recettes liées à la vente d'emplacements.

12. Il résulte de ce qui précède que l'association Activ'Océane, à qui il incombe, pour les motifs énoncés au point 5, d'établir que les reconstitutions opérées par l'administration ont conduit à mettre à sa charge des impositions d'un montant exagérément élevé, n'apporte pas cette preuve par les seuls éléments auxquels elle se réfère. Par suite, sa contestation relative au montant des recettes retenues dans ses bases soumises à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée doit être écartée.

13. Enfin, l'association Activ'Océane ne peut utilement, dans le cadre du présent litige, qui concerne exclusivement sa propre situation fiscale, soutenir que les suppléments d'impôt qui ont été mis à la charge de son président ne seraient pas justifiés, un tel moyen étant, en tout état de cause, dépourvu d'incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions qu'elle entend contester.

Sur l'appel incident :

14. Pour prononcer, par le jugement attaqué, une réduction des impositions en litige, le tribunal administratif de Rouen a estimé que l'administration avait évalué à hauteur d'un montant excessif les recettes de l'association Activ'Océane correspondant à la vente de billets d'entrée aux vide-greniers. Les premiers juges ont tout d'abord relevé que le vérificateur avait fondé sa reconstitution, d'une part, sur un contrôle sur place effectué à l'occasion de l'un de ces événements, le 27 novembre 2011, journée au cours de laquelle la vente de 5 869 billets d'entrée pour les deux jours durant lesquels cette manifestation s'était tenue avait été relevée, ce chiffre étant corroboré, selon le vérificateur, par le niveau de fréquentation donné par la presse locale, qui faisait état de plus de 6 000 visiteurs pour chaque manifestation, de sorte qu'une fréquentation moyenne de 6 000 personnes lui paraissait pouvoir être retenue, d'autre part, sur un prix unique fixé, par billet, à 2,50 euros, au titre des années 2009 et 2010, et à 3 euros, au titre de l'année 2011. Les premiers juges ont estimé que le montant des recettes calculées sur la base de ce prix unique ne tenait pas compte des entrées gratuites offertes par l'association Activ'Océane au bénéfice des mineurs de moins de quinze ans, alors que cette pratique avait été constatée par un huissier de justice les 22, 23 et 24 novembre 2013 et avait, en outre, été mentionnée sur le site internet de l'établissement d'accueil. En se fondant sur les données avancées par l'association Activ'Océane, qui faisait état, par événement, d'un nombre de 600 entrées offertes, le tribunal administratif a estimé que le chiffre moyen de 6 000 entrées payantes, retenu par l'administration pour fonder la reconstitution des recettes liées à la vente des tickets d'entrée ,devait être ramené à 5 400 entrées pour chacun des vide-greniers organisées par l'association au cours de la période vérifiée.

15. Pour contester, par la voie de l'appel incident, le motif de décharge ainsi retenu par les premiers juges, le ministre se prévaut de ce que le tribunal administratif a fondé son analyse sur les données issues du procès-verbal de constat d'huissier établi, à la demande de l'association Activ'Océane, à la suite de constatations effectuées, sur la base des éléments mis à sa disposition par celle-ci, par cet officier ministériel les 22, 23 et 24 novembre 2013, soit à des dates postérieures à la réception, par cette association, des propositions de rectification mentionnées au point 1, et qui ne sauraient, ainsi qu'il a été dit au point 10, constituer un justificatif probant des pratiques qui étaient celles de l'association Activ'Océane au cours de la période vérifiée. Or, le seul fait que l'huissier de justice ait constaté que des entrées gratuites étaient offertes, au cours du vide-grenier oragnisé les 23 et 24 novembre 2013, aux mineurs de moins de quinze ans n'est pas de nature à établir que tel aurait été également le cas lors des événements de même nature organisés par l'association Activ'Océane durant la période vérifiée. Le ministre fait d'ailleurs également observer, à juste titre, qu'à l'occasion du contrôle sur place effectué le 27 novembre 2011, lors de l'un de ces événements, le vérificateur a constaté qu'étaient proposés aux visiteurs des billets d'entrée d'un modèle unique ne comportant aucune mention de tarif. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a estimé, alors que la charge de la preuve incombait à l'association Activ'Océane, que, par le seul procès-verbal de constat d'huissier qu'elle versait à l'instruction et qui ne pouvait constituer un justificatif probant des pratiques tarifaires qui étaient les siennes au cours de la période vérifiée, quand bien même une offre d'entrées gratuites avait été mentionnée sur le site internet de l'établissement d'accueil, ce fait ne pouvant constituer un indice suffisant à lui seul, que les recettes reconstituées par l'administration en ce qui concerne la vente des billets d'entrée avaient été surévaluées pour n'avoir pas tenu compte de l'offre d'entrées gratuites. Dès lors que l'association Activ'Océane n'avait, en ce qui concerne ce chef de rehaussement, présenté devant les premiers juges aucun autre moyen sur lequel il appartiendrait à la cour de se prononcer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le ministre est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il prononce une réduction des bases d'imposition assignées à l'association Activ'Océane ainsi que la décharge, dans la mesure de cette réduction, des impositions mises à la charge de cette association, d'autre part, que ces impositions soient remises à la charge de l'association Activ'Océane.

16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a prononcé une réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles l'association Activ'Océane a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi qu'une réduction de la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de cette association au titre de la période couvrant les mêmes années, d'autre part, que l'association Activ'Océane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge du surplus des impositions en litige. Les conclusions aux fins de décharge présentées par l'association Activ'Océane, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601047 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il prononce, d'une part, une réduction des bases d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée assignées à l'association Activ'Océane au titre, respectivement, des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et de la période couvrant ces mêmes années, d'autre part, la décharge, dans la mesure de cette réduction de base, des impositions et pénalités correspondantes.

Article 2 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles l'association Activ'Océane a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de cette association au titre de la période couvrant les mêmes années, et les pénalités correspondantes, dont la décharge avait été prononcée par le jugement du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen, sont remises à la charge de l'association Activ'Océane.

Article 3 : La requête de l'association Activ'Océane et les conclusions qu'elle a présentées au tribunal administratif de Rouen aux fins de décharge tant des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, que de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période couvrant les mêmes années, en conséquence de la reconstitution de ses recettes de billetterie, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Activ'Océane et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01197
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Procédure de taxation - Taxation - évaluation ou rectification d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CABINET D'AVOCAT OLIVIA CHERFILS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-19;18da01197 ?
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