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19/11/2020 | FRANCE | N°18DA01427

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 novembre 2020, 18DA01427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Presse a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503627 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juill

et 2018 et le 23 octobre 2018, la SARL La Presse, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Presse a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503627 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2018 et le 23 octobre 2018, la SARL La Presse, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur d'un montant total de 74 032 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la SARL La Presse.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) La Presse, qui exploitait un point de vente au détail de presse et de jeux de loterie à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), l'administration a, par une proposition de rectification en date du 24 juin 2011, mis à la charge de cette société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, qu'elle a assorties de pénalités, au titre des années 2007, 2008 et 2009. La SARL La Presse relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de ces trois années.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales que l'administration a l'obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements, obtenus auprès de tiers, qui ont effectivement servi à l'établissement de l'impôt. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée à la SARL La Presse que l'administration y a relevé que Mme A..., avant même sa nomination en qualité de gérante le 22 août 2008, disposait du pouvoir d'engagement bancaire de cette société dans la mesure où elle émettait l'ensemble des chèques tirés sur le compte de cette dernière. Toutefois, ni les chèques bancaires émis par la SARL La Presse dont l'administration indique qu'ils ont été signés par Mme A..., ni les déclarations fiscales de cette société, à laquelle l'administration ne s'est d'ailleurs nullement référée au cours des opérations de contrôle, n'émanent de tiers. En conséquence, l'administration, en ne donnant pas suite à la demande de la SARL La Presse tendant à la communication de ces documents, n'a pas, en tout état de cause, méconnu ces dispositions. Dès lors, à le supposer soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article L. 76 B du code général des impôts doit être écarté.

3. En deuxième lieu, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir, sans être démenti par les éléments de l'instruction, que l'administration, pour redresser les écarts de caisse qu'elle a relevés au motif, notamment, de l'implication personnelle de Mme A... dans la gestion de la société, s'est uniquement fondée sur les propres déclarations de l'intéressée effectuées au cours des opérations de contrôle, dont il résultait qu'elle disposait du pouvoir d'engagement bancaire de cette société et ce, avant même d'être désignée comme sa gérante. Par suite, la SARL La Presse n'est pas fondé à soutenir que l'administration, en ne lui communiquant pas les documents et pièces sur lesquelles elle se serait fondée pour établir l'existence de ce pouvoir d'engagement bancaire, aurait manqué à l'obligation de loyauté et méconnu les droits de la défense. La SARL La Presse n'est pas davantage fondée à soutenir que l'administration, en refusant de prolonger à nouveau le délai, qui lui avait été imparti pour présenter ses observations sur la proposition de rectification notifiée dès le 25 juin 2011 et qui, après la première prolongation de droit tirée de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, expirait le 25 août 2011, aurait manqué à ces mêmes obligations ou principes.

4. En troisième lieu, la SARL La Presse se borne à reprendre, en cause d'appel, sans apporter d'éléments de droit ou de fait nouveaux, les moyens tirés de ce qu'elle a été privée de la garantie attachée au débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de l'insuffisance de motivation des réponses apportées à ses recours hiérarchiques et à ses réclamations préalables successives, de la méconnaissance par l'administration des prescriptions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 24 juin 2011. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 6, 7, 9 et 11 du jugement attaqué, d'écarter ces moyens.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. La SARL La Presse, qui n'a pas présenté d'observations sur la proposition de rectification, doit être regardée comme ayant tacitement accepté les rehaussements en cause. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il lui incombe d'apporter la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires mises à sa charge.

En ce qui concerne les minorations de recettes sur les exercices 2007 et 2008 :

6. En premier lieu, la SARL La Presse, qui ne conteste pas avoir omis d'inscrire en comptabilité les recettes retirées de la vente de jeux dits " de grattage " rehaussées par l'administration au titre des exercices vérifiés, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles l'administration n'aurait pas contrôlé effectivement l'ensemble de la période vérifiée, et aurait ainsi omis de prendre en considération les majorations indues de recettes déclarées résultant d'écarts de caisse en défaveur de la société, dont elle n'établit d'ailleurs pas davantage l'existence.

7. En second lieu, ainsi que les premiers juges l'ont relevé à juste titre, la circonstance que les écarts de recettes redressés auraient exercé une incidence sur les rectifications assignées à la société anonyme (SA) A..., destinataire du produit des ventes en sa qualité de mandataire de la société Française des jeux, est sans incidence sur le bien-fondé des rehaussements mis à la charge de la SARL La Presse, qui n'a pas été doublement imposée. Le caractère dit minime par la société requérante des écarts de recettes constatés tout comme la circonstance que l'administration n'a pas assigné de redressements à raison d'écarts de caisse relevés à l'occasion de vérifications de comptabilité dont la SARL La Presse a fait l'objet au titre d'années autres que celles en litige, sont dépourvus d'incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

En ce qui concerne l'extinction d'une dette commerciale de la SARL La Presse envers la SA A... :

8. Aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que par une écriture comptable passée le 30 juin 2008, date de clôture de l'exercice 2008 de la SARL La Presse, cette société a annulé une dette de 366 639,55 euros envers la SA A... portée au compte " jeux (A...) créditeur ", et a inscrit au crédit du compte ouvert au nom de Mme A... dans la SARL La Presse " 4676000 Créditeur Mme A... " une somme du même montant. En l'absence de cession de créance entre la SA A... et Mme A..., l'administration a estimé que cette écriture d'annulation de dette traduisait un abandon de créance générant une augmentation de l'actif net de la SARL La Presse, qu'elle a réintégrée au résultat imposable de l'exercice. Si la SARL La Presse soutient que cette écriture résulte d'une " erreur involontaire " et qu'elle est demeurée débitrice, après la clôture de cet exercice, de la somme de 366 639,55 euros envers la SA A..., elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une telle erreur en se bornant à faire valoir que la créance correspondante a été maintenue dans les écritures comptables de la SA A... sans être redressée par l'administration et que l'expert-comptable de la SARL La Presse n'aurait pas été en mesure de fournir une explication quant à la passation de cette écriture. Ni le caractère irrégulier de cette écriture ni son extourne au titre de l'exercice clos au 30 juin 2011, qui n'est intervenue qu'à la suite de la réception de la proposition de rectification du 24 juin 2011, ne sont davantage de nature à établir que cette inscription comptable procéderait de l'erreur involontaire alléguée.

10. Or, d'une part, dans la mesure où il est constant qu'aucune cession de créance respectant les formalités, impératives, de l'article 1690 du code civil n'est intervenue entre la SARL La Presse, la SA A..., et Mme A..., il résulte de ce qui vient d'être dit que cette écriture constatant l'extinction d'une dette traduit un abandon de créance venant accroître l'actif net de la SARL La Presse, sans qu'ait d'incidence la circonstance que Mme A... ait ou non été gérante de fait de cette dernière société à la date du 30 juin 2008, ou encore le fait qu'elle ne pouvait alors être regardée comme seul maître de l'affaire, cette dernière considération n'étant susceptible d'influer que sur la détermination du bénéficiaire éventuel de la distribution de la somme correspondante et non sur la soumission de celle-ci à l'impôt sur les sociétés dû par la SARL La Presse.

11. D'autre part, la SARL La Presse n'a produit ni devant l'administration, ni devant le tribunal ou la cour, aucun justificatif de nature à établir que la somme de 366 639,55 euros portée le 30 juin 2008 au crédit du compte courant de Mme A..., sur laquelle elle n'apporte au demeurant aucune explication, présenterait le caractère d'un passif, ou d'une charge déductible du bénéfice, venant en diminution de l'accroissement d'actif né de l'extinction de la dette envers la SA A....

12. Il résulte des trois points précédents que c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme de 366 639,55 euros au résultat de la SARL La Presse pour l'exercice 2008.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

14. En premier lieu, pour faire application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré au rehaussement fondé sur la réintégration de la somme de 366 639,55 euros au résultat de la SARL La Presse de l'exercice clos en 2008, l'administration a relevé que cette société ne pouvait ignorer ni que l'écriture d'extinction de sa dette avait été passée dans sa comptabilité sans être étayée de justificatifs, ni sa conséquence sur la variation de son actif net. En faisant valoir ces éléments l'administration établit le caractère délibéré du manquement par la SARL La Presse à ses obligations, de nature à fonder l'application à ce rehaussement de la pénalité prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

15. En second lieu, pour faire application également de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rehaussements résultant du report injustifié de déficits antérieurs à l'exercice clos en 2007, l'administration a relevé que la SARL La Presse avait été informée en 2006, à l'issue d'un précédent contrôle, du caractère infondé de ces déficits, ce que la société n'a contesté ni à l'issue de ce contrôle ni davantage dans la présente instance, et qu'elle ne pouvait dès lors ignorer que ces déficits ne pouvaient être reportés sur les exercices vérifiés. En faisant valoir ces éléments, l'administration justifie de l'application à ces rehaussements de la pénalité prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Presse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL La Presse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée La Presse et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

4

N°18DA01427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01427
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-19;18da01427 ?
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