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22/12/2020 | FRANCE | N°18DA01857

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 décembre 2020, 18DA01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Licques à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 novembre 2014 par lequel le maire de Licques a déclaré le péril non imminent de sa propriété située 212 rue Antoine de Lumbres à Licques (Pas-de-Calais) et des préjudices consécutifs à l'effondrement de la voûte du pont passant sous sa propriété, d'ordonner à la commune de Licques et au département du Pas-de-Calais de proc

der à la réfection de l'intégralité de la voûte du pont, ou à défaut, de lui verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... H... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Licques à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 novembre 2014 par lequel le maire de Licques a déclaré le péril non imminent de sa propriété située 212 rue Antoine de Lumbres à Licques (Pas-de-Calais) et des préjudices consécutifs à l'effondrement de la voûte du pont passant sous sa propriété, d'ordonner à la commune de Licques et au département du Pas-de-Calais de procéder à la réfection de l'intégralité de la voûte du pont, ou à défaut, de lui verser la somme de 70 558,80 euros afin qu'elle effectue elle-même ces travaux, de condamner la commune de Licques et le département du Pas-de-Calais à lui payer la somme totale de 13 461,03 euros à titre de dommages et intérêts en raison du défaut d'entretien de l'ouvrage public, de mettre à la charge de la commune de Licques et du département du Pas-de-Calais les frais d'expertise d'un montant de 3 895,79 euros et la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500466 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2018, les 26 octobre et 25 novembre 2020, Mme H..., représentée par Me E... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2014 du maire de Licques ;

3°) d'enjoindre à la commune de Licques de procéder aux travaux nécessaires à la réfection de l'intégralité de la voûte du pont passant sous sa propriété, ou à défaut de lui verser la somme de 54 000 euros afin qu'elle effectue elle-même ces travaux ;

4°) de condamner la commune de Licques à lui verser la somme totale de 23 263,03 euros en indemnisation de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Licques la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme de 3 895,79 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C..., présidente de chambre,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- les observations de Me B... J..., substituant Me G... I..., représentant la commune de Licques.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... est propriétaire d'une maison, mise en location, située 212 rue Antoine de Lumbres sur le territoire de la commune de Licques. En 2013, puis en 2014, la commune de Licques a réalisé des travaux de tout à l'égout dans la rue. Le 28 novembre 2014, Mme H... a constaté l'affaissement de la voûte souterraine en maçonnerie de briques d'une galerie canalisant un cours d'eau passant sous son habitation, menaçant d'effondrement une partie de la façade arrière de son habitation. Le jour même, le maire de Licques a pris un arrêté de péril non imminent assorti d'une interdiction d'habiter ou d'utiliser le bien et a mis Mme H... en demeure de faire cesser dans un délai d'un mois maximum le péril résultant du risque d'effondrement d'un mur de son habitation, en effectuant des travaux de consolidation de la voûte souterraine. Le 23 mars 2015, un éboulement d'une partie de la voûte du pont a eu lieu sous le trottoir situé au pied de la façade avant de l'habitation de Mme H.... Par une ordonnance en date du 15 février 2016, la présidente du tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande d'expertise de Mme H.... L'expert a remis son rapport le 21 décembre 2016, dans lequel il conclut que la cause de l'effondrement de la voûte en maçonnerie de briques résulte de sa vétusté et de son mauvais entretien et n'est pas imputable aux travaux d'assainissement réalisés par la commune. L'expert a évalué le montant des travaux de réparation de la voûte à la somme de 70 558,80 euros, à répartir par moitié entre la commune et le département du Pas-de-Calais.

2. Mme H... a contesté devant le tribunal administratif de Lille l'arrêté de péril non imminent et a demandé l'indemnisation des préjudices subis en raison de cet arrêté et sur le fondement des dommages de travaux publics. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme H... dirigée contre l'arrêté du 28 novembre 2014, ainsi que les conclusions indemnitaires y afférentes et a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Licques et le département du Pas-de-Calais fondées sur le défaut d'entretien d'un ouvrage public au motif qu'il s'agissait d'un litige distinct. Mme H... interjette appel du jugement du 12 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires fondées sur le défaut d'entretien d'un ouvrage public.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Les collectivités publiques doivent réparer les dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont elles ont la charge ou les travaux publics qu'elles entreprennent. La responsabilité qu'elles encourent ainsi, même en l'absence de toute faute relevée à leur encontre, ne peut être appréciée que par la juridiction administrative.

4. La demande présentée par Mme H... tend à la condamnation de la commune de Licques à réparer les conséquences des désordres qu'elle impute à la vétusté et au mauvais entretien de la voûte en maçonnerie de briques du pont passant sous sa propriété et sous la voie publique, à l'égard duquel elle a la qualité de tiers. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise amiable de l'agence Saretec du 20 février 2015, ainsi que du rapport d'expertise du 21 décembre 2016, que cet ouvrage traverse la commune entre les parcelles cadastrées 592 et 431, en passant notamment sous la rue Antoine de Lumbres pour venir s'écouler en fossé de l'autre côté de la rue, qu'il sert à canaliser la rivière Sanghen et permet l'évacuation des eaux pluviales de la commune. Cet ouvrage, qui fait partie du réseau d'écoulement des eaux pluviales de la commune, constitue, par suite, un ouvrage public. L'exception d'incompétence soulevée par la commune de Licques doit donc être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Mme H... soutient que la responsabilité de la commune de Licques doit être engagée du fait de la vétusté et du mauvais entretien de la voûte de la galerie souterraine passant en partie sous sa propriété. Elle fait valoir que ses conclusions indemnitaires fondées sur la vétusté de cet ouvrage public, à l'égard duquel elle a la qualité de tiers, pouvaient être soulevées à l'occasion d'un litige dirigé contre l'arrêté du 28 novembre 2014 par lequel le maire de Licques a déclaré le péril non imminent de son immeuble, dès lors qu'il existe un lien factuel entre ses différentes conclusions et les différents dommages invoqués.

6. D'une part, aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. (...) Le président de la formation de jugement (...) peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. "

7. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 30 novembre 2017, le président de la chambre chargé de l'instruction du dossier a demandé à Me D..., avocat de Mme H..., de produire un mémoire récapitulatif dans un délai de quarante-cinq jours, en l'avertissant que les conclusions et moyens qui ne seraient pas repris dans le mémoire récapitulatif seraient réputés abandonnés et qu'à défaut de production de ce mémoire, Mme H... serait réputée s'être désistée de sa requête. Mme H... a produit un mémoire récapitulatif le 4 décembre 2017, dans lequel elle demande " l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2014 ", sans plus de précision et sans reprendre aucun des moyens développés dans sa requête introductive d'instance tendant à cette annulation, à ce qu'il soit fait injonction à la commune de Licques et/ou au département du Pas-de-Calais, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, solidairement ou, l'un à défaut de l'autre, d'avoir à procéder à la réfection de l'intégralité de la voûte du pont passant sous sa propriété et sous la voie publique, ou, à défaut, de les condamner à lui verser la somme de 70 558,80 euros pour effectuer les réparations, à l'indemnisation des préjudices subis en raison de la vétusté et du mauvais entretien de la voûte du pont passant sous sa propriété pour un montant total de 13 461 euros et au paiement des frais d'expertise d'un montant de 3 895,79 euros. En ne reprenant, dans son mémoire récapitulatif, aucun des moyens d'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2014, Mme H... est réputée avoir abandonné ces moyens. Il suit de là que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en se prononçant sur des conclusions d'annulation irrecevables en l'absence de tout moyen venant à leur soutien.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'effondrement de la voûte maçonnée en briques de la galerie souterraine passant sous la propriété de Mme H... est à l'origine de la menace d'effondrement du mur arrière de sa propriété, à la suite duquel un arrêté de péril non imminent a été pris le 28 novembre 2018 par le maire de Licques, lui ordonnant de procéder aux travaux de réfection de la voûte. Les préjudices dont Mme H... demande réparation sont les conséquences d'un même dommage et sont communs à l'arrêté de péril non imminent et au mauvais entretien de l'ouvrage public. Il suit de là que Mme H... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'existait pas de lien suffisant entre le litige relatif aux dommages de travaux publics et le litige relatif à l'arrêté du 28 novembre 2014 et qu'ils ont déclaré irrecevables ses conclusions indemnitaires fondées sur la vétusté et le mauvais entretien de l'ouvrage public. Ainsi, le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 12 juillet 2018 est aussi entaché d'irrégularité sur ce point et doit, dès lors, être annulé.

9. Enfin, le département du Pas-de-Calais n'ayant pas été appelé à la procédure de première instance en dépit de la demande de Mme H... formulée dans son mémoire récapitulatif du 4 décembre 2017 et des conclusions d'appel en garantie de la commune de Licques formulées dans son mémoire en défense du 14 novembre 2017, il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur les conclusions de la requête après avoir appelé à la procédure le département du Pas-de-Calais.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Mme H... n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de la commune de Licques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme H... présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 150466 du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Mme H... est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur les conclusions de sa requête après mise en cause du département du Pas-de-Calais.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme H... et les conclusions de la commune de Licques tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... H... et à la commune de Licques.

Copie sera adressée au département du Pas-de-Calais.

N°18DA01857 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01857
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics. Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP WABLE TRUNECEK TACHON AUBRON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-22;18da01857 ?
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