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04/02/2021 | FRANCE | N°19DA00707

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 19DA00707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Voirie Assainissement Travaux Publics a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois à lui régler le solde, assorti des intérêts contractuels et des intérêts pour paiement tardif de certaines situations de travaux, des marchés publics dont elle est titulaire, portant sur les lots n° 1 " Voirie Réseaux Divers " et n° 2 " Gros oeuvre " de l'opération relative à la réalisation d'un bâtiment en simple r

ez-de-chaussée en extension et à la réhabilitation de la résidence Sully située à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Voirie Assainissement Travaux Publics a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois à lui régler le solde, assorti des intérêts contractuels et des intérêts pour paiement tardif de certaines situations de travaux, des marchés publics dont elle est titulaire, portant sur les lots n° 1 " Voirie Réseaux Divers " et n° 2 " Gros oeuvre " de l'opération relative à la réalisation d'un bâtiment en simple rez-de-chaussée en extension et à la réhabilitation de la résidence Sully située à Béthune et de mettre à la charge du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1702827 du 21 janvier 2019 le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 27 mai 2019 et 8 juillet 2020, la société Voirie Assainissement Travaux Publics, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois à lui régler la somme de 46 755 euros, assortie des intérêts moratoires au titre du solde du marché, la somme de 35 103 euros au titre d'intérêts moratoires pour paiement tardif de certaines situations de travaux, la somme de 433 367 euros au titre de travaux supplémentaires, assortie des intérêts moratoires à compter du 13 février 2014, date de la notification du projet de décompte final valant demande de paiement, la somme de 1 566 973 euros au titre du préjudice subi ou de demande de rémunération complémentaire, assortie des intérêts moratoires à compter du 13 février 2014, ces sommes étant afférentes aux marchés publics dont elle est titulaire, portant sur les lots n° 1 " Voirie Réseaux Divers " et n° 2 " Gros oeuvre " de l'opération relative à la réalisation d'un bâtiment en simple rez-de-chaussée en extension et à la réhabilitation de la résidence Sully située à Béthune.

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur-public ;

- et les observations de Me A..., représentant le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois.

Considérant ce qui suit :

1. La société Voirie Assainissement Travaux Publics a été désignée par le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois attributaire des lots n° l " Voirie Réseaux Divers " et n° 2 " Gros Oeuvre " d'un marché public de travaux tendant à la réalisation d'un bâtiment en simple rez-de-chaussée en extension de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Frédéric Degeorge et à la réhabilitation de la résidence Sully à Béthune. La Société Voirie Assainissement Travaux Publics a souhaité obtenir rémunération de travaux supplémentaires et la prise en charge des incidences financières des aléas et sujétions qu'elle estime avoir subis. Après avoir porté le litige devant le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Nancy, qui a rendu un avis le 4 novembre 2016, la société Voirie Assainissement Travaux Publics a saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à obtenir le versement d'une somme de 46 755 euros, assortie des intérêts moratoires au titre de situations impayées sur le solde du marché, d'une somme de 35 103 euros au titre d'intérêts moratoires pour paiement tardif de certaines situations de travaux, d'une somme de 433 367 euros au titre de travaux supplémentaires et d'une somme de 1 566 973 euros pour une rémunération complémentaire. Elle relève appel de l'ordonnance du 21 janvier 2019 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté, pour irrecevabilité manifeste, ses demandes, au motif d'une tardiveté. Le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois forme des conclusions d'appel provoqué à l'encontre des maîtres d'oeuvre, les sociétés Atlante architectes et Maning.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés litigieux : " Documents contractuels. Les pièces constitutives du marché sont les suivantes par ordre de priorité décroissante : a) Pièces particulières : Acte d'Engagement (A.E.), Cahier des Clauses Administratives Particulières (C.C.A.P.) du 20/02/2004. b) Pièces générales : Les documents applicables sont ceux en vigueur au premier jour du mois d'établissement des prix, tel que ce mois est défini au 3.5.2 du présent cahier. " et aux termes de l'article 3.5.2 du cahier précité : " Mois d'établissement des prix du marché : Les prix du présent marché sont réputés établis sur la base des conditions économiques du mois ci-après : Aout 2008 - ce mois est appelé " mois zéro ". ".

3. Il ressort tant des visas que du texte même de l'ordonnance attaquée que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société Voirie Assainissement Travaux Publics comme manifestement irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux dans sa version issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier en question. Toutefois les dispositions contractuelles des articles 2 et 3.2 du cahier des clauses administratives particulières précisent que les documents applicables étaient ceux en vigueur au premier jour du mois d'établissement des prix, soit le 1er août 2008. Par suite, la version applicable était celle du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux dans sa rédaction approuvée par le décret n°7687 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.

4. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux dans sa rédaction approuvée par le décret du 21 janvier 1976, version applicable en vigueur au premier jour du mois d'établissement des prix soit le 1er août 2008, auquel renvoie le cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés litigieux : " ....50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché.50.32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article.50.4. Intervention d'un comité consultatif de règlement amiable: Lorsque le titulaire du marché saisit d'un différend ou d'un litige le comité consultatif interministériel de règlement amiable, il supporte les frais de l'expertise, s'il en est décidé une. Toutefois, la personne publique peut en rembourser tout ou partie après avis du comité. ".

5. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient à l'entrepreneur qui a contesté le décompte général dans le délai prévu à l'article 13.44 à compter de la notification qui lui en a été faite et qui n'accepte pas la décision qui a été prise sur sa réclamation par le maître de l'ouvrage dans le délai de trois mois prévu à l'article 50.31 ou le refus implicite né du silence gardé par le maître de l'ouvrage au terme de ce délai, de saisir du litige le tribunal administratif compétent dans le délai de six mois prévu à l'article 50.32 à partir de la notification de cette décision. Ainsi, le délai de forclusion de six mois fixé par l'article 50.32 précité ne court qu'à compter de la notification d'une décision explicite du maître de l'ouvrage à l'entreprise. Dès lors, en l'espèce, en l'absence de notification d'une décision explicite de rejet, le délai de six mois prévu à l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales n'a pas couru et la demande, enregistrée le 24 mars 2017, n'était pas tardive.

6. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité, que la société Voirie Assainissement Travaux Publics est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste pour tardiveté. Par suite, cette ordonnance est irrégulière et doit être annulée.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Voirie Assainissement Travaux Publics devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la somme de 46 755 euros réclamée au titre de trois situations impayées :

8. La société Voirie Assainissement Travaux Publics demande le versement d'une somme de 39 080,19 euros hors taxe soit 46 755 euros toutes taxes comprises, en se prévalant de trois situations de travaux n° 36, 39 et 40 des 31 mai 2013, 31 octobre 2013 et 28 février 2014 afférentes au lot n° 2, demeurées impayées. Le syndicat intercommunal à vocation multiple fait valoir que ces situations de travaux, dont il ne conteste pas l'absence de paiement, n'intégraient pas l'actualisation négative des prix prévue par l'article 3.5 du cahier des clauses administratives particulières d'un montant de 19 764,73 euros hors taxes. Mais la société Voirie Assainissement Travaux Publics est fondée à obtenir le règlement des sommes qui lui sont dues après prise en compte de cette actualisation négative. La société est donc fondée à demander la condamnation du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois à lui verser la somme de 19 315,46 euros hors taxes, soit 23 178,55 euros toutes taxes comprises.

Sur la somme de 35 103 euros réclamée au titre d'intérêts moratoires pour paiement tardif de certaines situations de travaux :

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ".

10. Il résulte de l'instruction que la somme de 35 103 euros que demande la société Voirie Assainissement Travaux Publics concerne des intérêts moratoires qui ont couru avant le 1er janvier 2013. Comme l'oppose le syndicat intercommunal à vocation multiple, au jour de la demande de première instance de la société Voirie Assainissement Travaux Publics, soit le 24 mars 2017, la créance concernant de tels intérêts était prescrite en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, était prescrite. S'agissant des seize factures réglées postérieurement au 1er janvier 2013, celles-ci ne sont pas produites de même que la preuve de la date de leur règlement, ne permettant ainsi pas d'établir un quelconque retard dans le règlement qui aurait été susceptible de faire courir les intérêts moratoires. Cette demande doit donc être rejetée.

Sur la somme de 433 367 euros réclamée au titre de travaux supplémentaires :

11. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et dont la charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. La société Voirie Assainissement Travaux Publics soutient avoir droit au paiement de travaux supplémentaires correspondant à différents postes.

En ce qui concerne des emprises insuffisantes du bâtiment :

12. La société Voirie Assainissement Travaux Publics soutient qu'à la suite du démarrage des opérations d'implantation du bâtiment à construire le 6 mars 2009, elle a constaté que le positionnement du bâtiment à construire sortait des emprises du maître d'ouvrage ce qui a nécessité que les études de projet soient modifiées pour un surcoût de 52 316 euros hors taxes. Toutefois l'entreprise reconnaît avoir démarré ses travaux sans disposer d'un plan d'implantation du bâtiment en ce qui concerne les limites de propriété et la maîtrise d'oeuvre, qui n'a pas été défaillante en la matière, le lui avait demandé à plusieurs reprises. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne la déviation des réseaux :

13. La société Voirie Assainissement Travaux Publics soutient que les études de projet n'étaient pas abouties car elles n'intégraient pas le positionnement des réseaux existants. Elle aurait ainsi été dans l'obligation de réaliser les travaux en deux phases distinctes, ce qui a entraîné l'augmentation des coûts des travaux de 97 050 euros hors taxes afin d'absorber l'allongement de la durée des travaux dans un délai constant. Toutefois l'article 1.3.2 du cahier des clauses techniques particulières précise que : " L'entrepreneur est réputé avoir, avant la remise de son offre, pris connaissance complète et entière des lieux et de leurs abords. Il est donc parfaitement en mesure d'apprécier les difficultés qu'il pourrait rencontrer ultérieurement, du fait de la configuration du terrain, de ses accès, de la nature du sol, des constructions voisines, de la voirie existante. ". La société appelante était ainsi réputée avoir connaissance des lieux, et disposait des réponses des concessionnaires quant à l'implantation des réseaux enterrés. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne le décalage de niveau des bâtiments :

14. La société appelante soutient avoir dû réaliser une adaptation de l'ouvrage pour un coût de 17 400 euros hors taxes à la suite d'un décalage de niveau des planchers de plus de trente centimètres non prévu entre les deux bâtiments impliquant la réalisation d'un ouvrage complémentaire pour respecter 1'accessibilité handicapé. Mais elle a omis de faire les relevés nécessaires afin d'effectuer une réalisation conforme aux plans d'exécution qui faisaient apparaître une dalle basse au même niveau entre le bâtiment créé et la dalle basse de l'existant. Il y a donc eu manquement au niveau de l'étude du projet et une erreur lors de l'exécution de la part de l'entreprise. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne la découverte de longrines :

15. La société Voirie Assainissement Travaux Publics soutient que la découverte de longrines a influé sur la réalisation des réseaux sous le dallage du bâtiment existant impliquant un surcoût de 96 680,40 euros hors taxes, ce que ne conteste pas le syndicat qui a accepté de prendre en charge un tiers du montant demandé. Toutefois, eu égard aux durées de réalisation des travaux supplémentaires et à l'immobilisation des équipes de l'entreprise, la somme de 56 666,26 euros hors taxe indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art doit être mise à la charge du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois.

En ce qui concerne la réparation de la toiture :

16. L'entreprise relève qu'elle a pris en compte une demande de réparation de la toiture terrasse qui n'était pas prévue au marché pour un coût de 20 577,00 euros hors taxes. Toutefois l'article 1.4.3 du cahier des clauses techniques particulières précise que : " ...L'attention de l'entreprise est attirée sur la nécessité de préserver les ouvrages existants non prévus démolis... Les désordres ou détériorations subis par ces existants du fait des travaux de l'entreprise seront réparés par cette dernière à ses frais. ". Ces réparations font suite à des fuites apparues après intervention de la société Voirie Assainissement Travaux Publics lors des travaux en toiture. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne les travaux de déshabillage des coupe-feu des poutrelles métalliques dans les gaines de désenfumage :

17. La société Voirie Assainissement Travaux Publics relève que la réalisation de ces travaux pour un coût de 21 456,00 euros hors taxes, notifiés par ordre de service, n'était pas prévue au marché, et que les études de projet ne les intégraient pas. Cependant l'entreprise n'a pas réalisé de trémie en béton au droit des gaines de désenfumage estimant que la section libre entre poutrelles serait suffisante. Or il est apparu après essais de désenfumage, que la section était insuffisante. Aussi les travaux de reprise doivent être laissés à la charge de la société Voirie Assainissement Travaux Publics. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne les sondages complémentaires :

18. La société Voirie Assainissement Travaux Publics soutient qu'il lui a été demandé de réaliser des sondages au niveau des planchers haut du rez-de-chaussée au droit des chambres inoccupées, pour un coût de 3204 euros hors taxes. L'article 1.3.1 du cahier des clauses techniques particulières précise toutefois que : " Prise de connaissance du projet.... Il ne pourra réclamer aucun supplément en s'appuyant sur le fait que des ouvrages mentionnés sur les plans et sur le CCTP pourraient se présenter inexacts ou incomplets après la remise de son offre... ". Les travaux qui ont fait l'objet d'une demande du bureau de contrôle étaient nécessaires au parfait achèvement de la construction et sont compris dans le marché forfaitaire. Cette demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne la réalisation d'une porte provisoire de recoupement :

19. La société Voirie Assainissement Travaux Publics indique avoir dû réaliser une porte provisoire entre la partie du bâtiment dans laquelle les travaux sont terminés et la partie toujours en cours de transformation pour un coût de 4 938 euros hors taxes. Le syndicat intercommunal à vocation multiple a d'ailleurs accepté le versement de la somme de 3 604,74 euros hors taxes correspondant aux seuls travaux indispensables. Pour le surplus la demande doit être rejetée.

En ce qui concerne les travaux d'adaptation entre le bâtiment " Cantou " et un muret en pierre :

20. La société Voirie Assainissement Travaux Publics a dû adapter pour un coût de 31 500 euros hors taxes, l'ouvrage initialement prévu eu égard aux modifications des dimensions du bâtiment survenu après la signature du contrat. Le syndicat intercommunal à vocation multiple a proposé de retenir un montant de 7 400 euros hors taxes. Pour le surplus la demande doit être rejetée car il ne résulte pas de l'instruction que la totalité des travaux ait été indispensable.

En ce qui concerne la création d'une issue de secours :

21. La société appelante indique que la maîtrise d'oeuvre lui aurait demandé la création d'une issue de secours non prévue, pour un coût de 6 108 euros hors taxes. Toutefois seul le versement de la somme de 2 905 euros hors taxes correspondant au coût d'utilisation de deux ouvriers pendant un jour, une demi-journée pour le redressement et la mise en sécurité et l'évacuation et trois jours pour le chef d'équipe, l'utilisation d'un fourgon avec du petit matériel, d'ailleurs acceptée par le syndicat correspond à des travaux indispensables. Pour le surplus la demande doit être rejetée.

En ce qui concerne la démolition d'un mur :

22. La société Voirie Assainissement Travaux Publics demande la rémunération des travaux de réalisation pour un coût de 4 272 euros, d'une cloison complémentaire suite à la démolition non prévue d'un mur au sous-sol pour le passage d'une gaine de désenfumage. Cependant cette prestation était prévue et la demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne la mise en place de crochets complémentaires sur acrotères :

23. La société soutient qu'il lui a été fait obligation de laisser en place et de compléter les crochets complémentaires d'acrotère pour un coût de 3 642 euros hors taxes pour permettre l'accessibilité pour les interventions ultérieures de la toiture terrasse en phase d'exploitation du bâtiment. Cependant l'article 1.3.6 du cahier des clauses techniques particulières stipule que les installations provisoires et définitives liés à la sécurité des travailleurs sont inclus dans les travaux de l'entreprise. Les travaux en question sont donc dûs par l'entreprise sans rémunération complémentaire et la demande doit donc être rejetée.

En ce qui concerne la démolition d'une tête de mur :

24. La demande a pour objet d'indemniser la société pour les travaux de démolition de la tête de mur pour un coût de 3 204 euros hors taxes afin d'élargir le couloir et permettre le passage des brancards. Il résulte de l'instruction que lors des travaux de rénovation la largeur du couloir au droit de l'angle de la chapelle ne permettant pas le passage d'un lit, le maître d'ouvrage a donc demandé la réalisation de l'élargissement d'une partie du couloir afin de faciliter le passage d'un lit depuis l'accès de service. Il s'agissait donc de travaux indispensables, que d'ailleurs le syndicat intercommunal à vocation multiple a accepté de prendre en charge et qui doivent être mis à sa charge.

25. Il résulte de ce qui précède que la société Voirie Assainissement Travaux Publics a donc droit à la somme totale de 73 780 euros hors taxes soit à la somme de 88 536 euros toutes taxes comprises au titre de ces travaux supplémentaires afférents au lot n° 2 " gros oeuvre ".

Sur la somme de 1 310 177,60 euros réclamée du fait de l'allongement de la durée du chantier :

26. En premier lieu, la société Voirie Assainissement Travaux Publics entend rechercher la responsabilité du maître de l'ouvrage au titre de sujétions imprévues apparues lors des travaux de réhabilitation du bâtiment Sully du fait de contretemps liés aux opérations de désamiantage de ce bâtiment et demande à ce titre la somme totale de 1 310 177,60 euros hors taxes, soit 211 913 euros hors taxes pour le lot n°1 " Voirie réseaux Divers " et 1 098 265 euros hors taxes pour le lot n° 2 " Gros oeuvre". Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les surcoûts allégués auraient conduit à un bouleversement de l'économie des contrats des lots n°1 ou n°2. La demande présentée sur un tel fondement doit être rejetée.

27. En second lieu, la société Voirie Assainissement Travaux Publics peut être regardée comme ayant entendu rechercher la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage pour ces mêmes sommes, à raison de travaux supplémentaires. Elle met en avant des surcoûts liés au renforcement de l'encadrement de chantier pour réaliser des tâches non prévues, soit 119 880 euros hors taxes pour le lot n° 1 et 130 710 euros hors taxes pour le lot n°2, des frais liés à l'allongement de la durée de mobilisation de l'encadrement soit 69 600 euros hors taxes pour le lot n° 1 et 675 690 euros hors taxes pour le lot n° 2, des frais liés à l'arrêt du chantier pour le lot n° 2 soit 71 748 euros hors taxes puis à la nécessité par la suite d'accélèrer la réalisation des travaux de ce même lot pour 233 504 euros hors taxes et des pertes d'amortissement des frais généraux sur le chiffre d'affaires de 22 433 euros hors taxes pour le lot n° 1 et de 4 634 euros hors taxes pour le lot n° 2.

28. S'agissant du lot n° 1, il ne résulte pas de l'instruction que les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché seraient étrangères à la société Voirie Assainissement Travaux Publics comme elle le prétend, ni que l'allongement du délai d'exécution de ce lot résulterait de travaux supplémentaires à ce marché forfaitaire susceptibles d'ouvrir droit à une indemnisation. La demande indemnitaire chiffrée à 119 880 euros hors taxes pour le lot n°1 doit donc être écartée.

29. S'agissant du lot n°2, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la découverte d'une chape susceptible de contenir de l'amiante, le démarrage des travaux a été retardé. Si le rapport " amiante " relevait qu'il n'y avait pas de présence d'amiante dans la chape, il s'est avéré que cette chape était armée générant des travaux supplémentaires. Puis des zones contenant de l'amiante ont été découvertes par ailleurs. Le lot n° 2 a connu un retard. Toutefois, ainsi que l'a relevé le syndicat et alors que devant la cour la société se borne à renvoyer à son mémoire en réclamation, le renforcement de l'encadrement de chantier est en partie rémunéré par les avenants signés et pour le surplus le surcoût n'est pas établi. Au titre de l'allongement de la durée de mobilisation de l'encadrement, une somme de 74 500 euros, d'ailleurs acceptée par le syndicat, doit seule être mise à la charge de ce dernier. Le surcoût lié à l'arrêt des travaux doit lui être évalué à la somme de 11 250 euros hors taxes. S'agissant de l'accélération des travaux, les retards qui en sont la cause sont imputables à la société et elle n'est donc pas fondée à obtenir l'indemnisation demandée à ce titre. Enfin, la réalité de la perte d'amortissement des frais généraux sur le chiffre d'affaires n'est pas établie. Il résulte de ce qui précède que la société Voirie Assainissement Travaux Publics a droit à la somme totale de 85 750 euros hors taxes, soit 102 900 euros toutes taxes comprises, au titre du lot n° 2.

30. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois doit être condamné à verser à la société Voirie Assainissement Travaux Publics la somme totale de 214 614,55 euros toutes taxes comprises au titre du lot n° 2 " Gros oeuvre " et le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté.

Sur les intérêts :

31. L'article 3.4.6 b) du cahier des clauses administratives particulières relatif aux modalités de règlement des comptes dispose : " Le règlement des travaux se fait par des acomptes mensuels et un solde. Le paiement des sommes dues est effectué dans un délai global maximum de 50 jours. Par dérogation aux articles 11.7, 13.23, 13.43 et 13.5 du cahier des clauses administratives générales, les conditions de mise en oeuvre du délai maximum de paiement sont celles énoncées dans le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 (JO du 22/02/02) relatives au calcul du délai et au versement des intérêts moratoires. Le taux des intérêts moratoires prévu au II du décret de l'article 5 du décret précité est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, augmenté de deux points ".

32. La réception par le maître d'oeuvre, le 13 février 2014, du projet de décompte final soumis par la société Voirie Assainissement Travaux Publics a fait courir un délai de quarante-cinq jours pour l'établissement du décompte général, expirant le 30 mars 2014. Le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois était donc tenu de notifier à l'entreprise le décompte général au plus tard à cette dernière date. L'établissement public disposait alors d'un délai de cinquante jours à compter de cette dernière date, pour procéder au mandatement de toute somme relevant du solde du marché, soit au plus tard le 19 mai 2014. Il ne résulte pas de l'instruction que le retard dans l'établissement du solde du marché soit imputable à la société Voirie Assainissement Travaux Publics. Il résulte de ce qui précède que les intérêts moratoires au taux légal en vigueur augmenté de deux points ont commencé à courir à compter du 19 mai 2014, sur la somme de 214 614,55 euros toutes taxes comprises.

Sur les appels provoqués du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois à l'encontre des sociétés Atlante Architectes et Maning :

33. Le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois se borne à soutenir que le maître d'oeuvre a gravement erré dans sa mission de conseil et d'assistance envers le maître de l'ouvrage. Toutefois, il n'apporte, en tout état de cause, aucune précision sur les manquements de la maîtrise d'oeuvre. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois une somme de 1 500 euros à verser à la société Voirie Assainissement Travaux Publics. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Voirie Assainissement Travaux Publics, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le syndicat intercommunal précité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1702827 du 21 janvier 2019 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois est condamné à verser à la société Voirie Assainissement Travaux Publics une somme de 214 614,55 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires au taux légal augmenté de deux points à compter du 19 mai 2014.

Article 3 : Les conclusions du syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois en appel provoqué et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois versera à la société Voirie Assainissement Travaux Publics une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Voirie Assainissement Travaux Publics est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour la société Voirie Assainissement Travaux Publics, à Me A... pour le syndicat intercommunal à vocation multiple de la communauté du Béthunois, à la SARL Atlante Architectes et à la SAS Maning.

2

N°19DA00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00707
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP JEAN-JACQUES GATINEAU - CAROLE FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;19da00707 ?
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