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11/02/2021 | FRANCE | N°18DA02296

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 11 février 2021, 18DA02296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1600089 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence de la somme de 209 616 euros, sur les conclusions à fin de décharge présentées par M. B...,

d'autre part, a accordé à celui-ci une réduction en base de 5 000 euros au titre de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1600089 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence de la somme de 209 616 euros, sur les conclusions à fin de décharge présentées par M. B..., d'autre part, a accordé à celui-ci une réduction en base de 5 000 euros au titre des impositions restant en litige, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2018 et le 3 avril 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, restant en litige, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie Saoudite en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, sur les successions et la fortune, signée à Paris le 18 février 1982 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., médecin anesthésiste résidant et exerçant en France depuis l'année 2005 dans des établissements de santé publics, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 à 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration a procédé à la taxation d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, de sommes versées sur ses comptes bancaires en avril et mai 2012, qu'elle a analysées comme des revenus d'origine indéterminée. M B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions l'article 1729 du code général des impôts, auxquelles il a, en conséquence, été assujetti au titre de l'année 2012, pour un montant total de 268 585 euros. En cours d'instance devant le tribunal, l'administration a prononcé, à hauteur de 209 616 euros, le dégrèvement de ces impositions et contributions. Par un jugement du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur de ce dégrèvement, a accordé à M B... une réduction de 5 000 euros en base des impositions et contributions contestées devant lui et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel, dans cette mesure, de ce jugement.

Sur l'appel principal de M. B... :

En ce qui concerne les bases d'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 16 A du même livre : " Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". L'article L. 69 du même livre dispose que : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. En vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable, il incombe au contribuable d'établir le caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, alors même qu'il peut se prévaloir, comme en l'espèce, d'un avis défavorable au maintien des redressements émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

4. Pour justifier de l'origine des crédits inscrits sur ses comptes en avril et en mai 2012, taxés d'office en tant que revenus d'origine indéterminée à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, M B..., qui ne conteste plus en appel qu'il se trouvait dans la situation de taxation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, soutient qu'il avait conservé ses économies sous forme d'espèces à son domicile à partir de la fin de l'année 2008, afin d'éviter les risques d'une faillite des établissements bancaires, avant de les reverser sur ses comptes bancaires dans le but de financer l'acquisition d'un bien immobilier.

5. En particulier, le requérant fait, tout d'abord, valoir que les sommes réintégrées dans son revenu imposable provenaient, en partie, d'un retrait d'espèces de 111 595 euros, effectué le 9 octobre 2008 sur son compte ouvert auprès de la Société générale en 2005, lors de son arrivée en France, et qui trouvaient leur origine dans le dépôt sur ce compte d'une somme totale de 104 610 euros, constituée par un dépôt initial de 20 000 euros, effectué le 16 septembre 2005, puis par le versement des rémunérations provenant de son activité de médecin anesthésiste. Il fait, ensuite, valoir qu'il justifie de l'origine de ces dépôts à hauteur de la somme totale de 50 521 euros, retirée entre le 9 octobre 2008 et le 10 mars 2010 de son livret A, alors ouvert auprès de la Banque Postale, et provenant, d'une part, de ses salaires, pour un montant de 23 557 euros, et, d'autre part, d'une partie des espèces retirées le 9 octobre 2008, pour une somme de 26 964 euros. Il fait, enfin, valoir que ces dépôts provenaient, à hauteur de 16 949 euros, de retraits d'un montant total de 27 480 euros, effectués entre le 24 août 2010 et 31 janvier 2011 sur son nouveau compte bancaire ouvert auprès de la Banque Nationale de Paris et alimenté, à hauteur de 23 974 euros, par ses salaires versés de septembre 2010 à mars 2011.

6. Toutefois, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, les relevés bancaires produits par M B..., tant en première instance qu'en appel, ne suffisent pas à établir, par leur teneur, que les versements opérés en 2012 constitueraient le réemploi des retraits d'espèces auxquels l'intéressé a procédé de 2008 jusqu'à la fin de l'année 2010.

7. En deuxième lieu, dans les circonstances décrites au point 5, M B... n'est pas fondé à soutenir que les sommes restant en litige, dont l'origine n'est pas démontrée, auraient dû être imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

8. En troisième lieu, et dans les mêmes circonstances, M B... ne peut davantage soutenir que la somme de 18 100 euros, versée en 2005 sur son compte bancaire, aurait dû être imposée, au titre de cette même année, sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts qui prévoit que les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations déclaratives mentionnées à l'article L 152-1 du code monétaire et financier. Il n'est, ainsi, pas fondé à soutenir que le droit de reprise de l'administration était prescrit en ce qui concerne cette somme.

S'agissant d'une prise de position formelle de l'administration fiscale :

9. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;(...) ". Les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A ou de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que des interprétations ou des appréciations antérieures à l'imposition primitive. Les motifs du dégrèvement, accordé par l'administration, d'une partie des impositions auxquelles elle a assujetti un contribuable à la suite d'un contrôle fiscal, ne peuvent, par suite, être invoqués par celui-ci à l'appui de sa contestation de la fraction de ces impositions laissée à sa charge, dès lors que ces motifs n'ont pas été explicités antérieurement aux impositions primitives.

10. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à opposer à l'administration, à supposer qu'il ait entendu s'en prévaloir sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, des explications qu'elle a données en première instance sur les dégrèvements qu'elle lui a alors accordés. Au surplus, il résulte de ces explications que, s'agissant des sommes ayant pour origine, selon le requérant, le retrait d'un montant de 111 595 euros qu'il a effectué le 28 octobre 2009, l'administration a admis que l'origine des sommes initialement en litige était justifiée en tant qu'elles provenaient de ses rémunérations versées sur son compte bancaire ouvert auprès de la Société générale. Elle n'a, ainsi, pas pris expressément position sur le versement initial que l'intéressé soutient avoir effectué en 2005, à son arrivée en France. De même, si l'administration a considéré comme justifiée l'origine d'une somme de 88 249 euros retirée par M B... de son compte courant postal, elle ne s'est pas prononcée sur les retraits effectués par l'intéressé sur son livret A ouvert auprès de la Poste.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Pour contester l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, M. B... fait valoir, d'une part, que le nombre des crédits bancaires regardés par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée et l'importance des sommes considérées ne constituent pas des critères suffisants pour caractériser, à eux seuls, l'intention délibérée par le contribuable d'éluder l'impôt, et, d'autre part, que l'administration lui a accordé le dégrèvement des trois quarts des redressements qui lui avaient été initialement notifiés. Toutefois, l'administration fait valoir que l'application de cette majoration aux impositions laissées à la charge du requérant est justifiée, dès lors que l'absence de déclaration par ce dernier de l'origine des sommes dont l'origine n'a pas été justifiée par M. B... fait suite à l'abstention systématique, par ce dernier, de s'acquitter spontanément de ses obligations déclaratives depuis son arrivée en France, en l'absence de toute déclaration de revenu souscrite par l'intéressé au titre des années 2005 à 2007 et 2009, ses déclarations de revenu au titre des années 2008, 2010 et 2011 n'ayant été déposées qu'à la suite de mises en demeure. Dans ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant que M. B... a sciemment entendu éluder l'impôt, à hauteur des rehaussements confirmés par le présent arrêt, et était fondée à appliquer, dans cette mesure, la pénalité litigeuse.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.

Sur l'appel incident de l'administration :

13. L'administration ne conteste plus, devant la cour, que l'origine de la somme de 5 000 euros, qui a donné lieu à la réduction par le tribunal des bases d'imposition de M B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, est justifiée, dès lors qu'elle provient de salaires perçus par l'intéressé lors d'un séjour effectué par celui-ci en Arabie Saoudite. Elle soutient, toutefois, pour la première fois en appel, que cette somme devait être réintégrée dans les bases d'imposition de M. B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012, dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 79 du code général des impôts. Les stipulations de la convention fiscale franco-saoudienne du 18 février 1982 ne font pas obstacle à cette rectification, dès lors que l'article 15 de la convention prévoit que les doubles impositions des salaires, traitements et autres rémunérations similaires perçus par le résident d'un État contractant, imposables dans cet État en vertu de l'article 10 de la même convention, sont évitées au moyen de l'attribution à ce résident d'un crédit d'impôt.

14. Il résulte, en outre, de l'instruction que les redressements en litige, résultant de la taxation d'office, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, de sommes regardées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée, ont été notifiés à M. B... par une proposition de rectification en date du 10 avril 2014, à la suite de laquelle ce dernier a pu présenter des observations auxquelles l'administration a répondu. Par ailleurs, il résulte des termes de cette proposition de rectification que M. B... avait reçu la charte des droits et obligation du contribuable vérifié, alors qu'aucune mention de la réponse à ses observations n'était de nature à le dissuader de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et l'interlocuteur fiscal. La substitution de base légale demandée par l'administration n'a, ainsi, pour effet de priver le contribuable d'aucune garantie attachée à la procédure contradictoire, celles-ci ayant été effectivement mises en oeuvre.

15. Toutefois, comme d'ailleurs le précise l'administration elle-même, cette substitution de base légale ne justifie la réintégration dans le revenu imposable de M. B..., du salaire perçu, d'un montant de 5 000 euros, que sous déduction de la part forfaitaire de 10 % représentative des frais professionnels, prévue par les dispositions de l'article 183 du code général des impôts, soit de la somme de 500 euros. Il n'y a donc lieu de procéder à cette substitution qu'en tant qu'elle justifie un rehaussement de 4 500 euros des bases d'imposition du contribuable.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que l'administration est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant que la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales accordée à M. B... par l'article 2 de ce jugement excède la somme de 500 euros.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais non compris dans les dépens exposés par M B... dans le cadre de la présente instance soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La réduction de 5 000 euros des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignées à M. B... au titre de l'année 2012, accordée à celui-ci par l'article 2 du jugement n° 1600089 du 19 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens, est ramenée à 500 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1600089 du 19 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de M. B..., les conclusions de sa demande tendant à la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2012 pour la fraction excédant le montant de 500 euros mentionné à l'article 1er du présent arrêt, ainsi que le surplus des conclusions de l'appel incident du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

6

No18DA02296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02296
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-11;18da02296 ?
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