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18/02/2021 | FRANCE | N°19DA00679

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 18 février 2021, 19DA00679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 7 octobre 2016 par laquelle la directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, anciennement établissement public d'insertion de la défense, a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail arrivant à échéance le 30 novembre 2016, de condamner cet établissement à lui verser la somme de 92 612,15 euros, avec intérêts, en réparation de divers préjudices subis, de lui enjoindre de régulariser

sa situation administrative, notamment ses droits sociaux, et de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 7 octobre 2016 par laquelle la directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, anciennement établissement public d'insertion de la défense, a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail arrivant à échéance le 30 novembre 2016, de condamner cet établissement à lui verser la somme de 92 612,15 euros, avec intérêts, en réparation de divers préjudices subis, de lui enjoindre de régulariser sa situation administrative, notamment ses droits sociaux, et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603848 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars 2019 et 30 décembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2016 par laquelle la directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail arrivant à échéance le 30 novembre 2016 ;

3°) de condamner l'établissement pour l'insertion dans l'emploi à lui verser la somme totale de 42 932,15 euros, avec intérêts légaux, en réparation de divers préjudices subis du fait d'illégalités fautives commises par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi ;

4°) d'enjoindre à l'établissement pour l'insertion dans l'emploi de régulariser sa situation administrative, notamment ses droits sociaux ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté le 1er décembre 2010 par l'établissement public d'insertion de la défense, devenu l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, en qualité d'agent public contractuel exerçant les fonctions de directeur administratif et financier au sein du centre de Valde-Reuil (Eure) pour une durée de trois ans, en application de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Son contrat a été renouvelé le 1er décembre 2013 pour la même durée. Par un avenant au contrat du 25 août 2015, il a été nommé chef de service " moyens généraux " pour la durée du contrat restant à courir. Par la décision du 7 octobre 2016, la directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi a décidé de ne pas renouveler le contrat de M. B... à son échéance. Par courrier du 22 novembre 2016, reçu le 25 novembre suivant, l'intéressé a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant, selon lui, de l'illégalité de la décision du 7 octobre 2016. Le silence gardé par la directrice générale de cet établissement pendant deux mois a fait naître, le 25 janvier 2017, une décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire. M. B... relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2016 et à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur.

3. Il ressort des écritures de première instance de M. B... que celui-ci avait demandé la réparation de divers préjudices se rattachant au fait générateur tiré de l'illégalité fautive de la décision du 7 octobre 2016 de non-renouvellement de son contrat à durée déterminée mais également à celui tiré de l'illégalité fautive du non-respect du délai de prévenance imparti à l'administration pour l'informer de son souhait de ne pas renouveler son contrat. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi et tirée de l'irrecevabilité en cause d'appel des conclusions indemnitaires présentées par M. B... sur ce dernier terrain doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 octobre 2016 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque l'agent non titulaire est recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : [...] - trois mois avant le terme de l'engagement pour l'agent dont le contrat est susceptible d'être renouvelé pour une durée indéterminée en application des dispositions législatives ou réglementaires applicables. [...] ".

5. La notification par l'administration, en application de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986, de son intention de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée d'un agent dont le contrat est susceptible d'être renouvelé pour une période indéterminée, n'a pas le caractère d'une décision faisant grief. La circonstance que cette notification soit faite après le début du troisième mois précédant le terme de l'engagement, en méconnaissance des dispositions du même article, est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration mais n'entraîne pas illégalité de la décision ultérieure de non-renouvellement du contrat.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement pour l'insertion dans l'emploi devait, en application de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 précité, notifier son intention de renouveler ou non l'engagement de M. B... au plus tard trois mois avant le terme de son contrat dès lors que le contrat de l'intéressé était susceptible d'être renouvelé pour une durée indéterminée. Alors que son contrat prenait fin le 30 novembre 2016, la décision de non-renouvellement de celui-ci ne lui a cependant été adressée que le 7 octobre 2016. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 7 octobre 2016 par laquelle l'établissement pour l'insertion dans l'emploi a refusé de renouveler son contrat. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En deuxième lieu, une décision de non renouvellement à son terme d'un contrat à durée déterminée d'un agent public, même prise pour des raisons tirées de la manière de servir de l'intéressé, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

8. En troisième lieu, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

9. Pour justifier le non-renouvellement du contrat de M. B..., l'établissement pour l'insertion dans l'emploi fait valoir qu'il souhaitait pourvoir par un agent titulaire le poste de chef de service " moyens généraux " occupé par l'appelant. Il ressort des pièces du dossier qu'une candidate, attachée d'administration hospitalière titulaire, a été informée par ledit établissement, le 24 novembre 2016, qu'elle était retenue pour ce poste et a effectivement pris ses fonctions le 1er février 2017. Si le requérant soutient que la fiche de poste visant à recruter son successeur n'a été publiée que le 26 octobre 2016, soit postérieurement à la décision de ne pas renouveler son contrat, cette circonstance ne permet pas d'estimer que le souhait de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi de recruter un agent titulaire, qui constitue un motif tiré de l'intérêt du service, n'était pas existant à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif de non-renouvellement du contrat de M. B... retenu par l'administration serait étranger à l'intérêt du service doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2016.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence d'illégalité de la décision du 7 octobre 2016 de non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi pour faute sur ce fondement. En revanche, la notification tardive de l'intention de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée est susceptible d'engager la responsabilité de cet établissement, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, si le supérieur hiérarchique de M. B... a fait part à la directrice générale de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi de son souhait de voir l'intéressé renouvelé dans ses fonctions en contrat à durée indéterminée, il ne s'agissait que d'une proposition faite à sa hiérarchie et non d'un engagement vis-à-vis de l'intéressé. Si ce dernier soutient que l'information tardive du non-renouvellement de son contrat l'a empêché de rechercher un emploi et a conduit à ce qu'il soit resté durant plusieurs mois sans emploi, il n'apporte aucun élément de nature à justifier du lien entre ce retard fautif, qui est néanmoins intervenu près de deux mois avant le terme de son contrat, et la perte de chance de trouver un emploi qu'il invoque.

13. En deuxième lieu, si le requérant se prévaut également d'un préjudice d'atteinte à sa réputation, d'une perte de chance de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée ainsi que d'un préjudice financier tiré, d'une part, de pertes de revenus entre le 1er décembre 2016 et le 1er juillet 2017 et, d'autre part, de frais de déplacement qu'il supporte pour se rendre sur son nouveau lieu de travail au sein de l'université Paris 8, il n'établit pas le lien direct entre ces préjudices et le retard fautif susmentionné au point 6.

14. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que M. B..., qui a été employé pendant six années au sein de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, soutient avoir subi un préjudice moral du fait du caractère soudain de la décision de non-renouvellement de son contrat, alors qu'il faisait jusqu'alors l'objet de bonnes appréciations, que son supérieur hiérarchique avait, ainsi qu'il a été dit précédemment, proposé son renouvellement en contrat à durée indéterminée et que, le délai de prévenance étant dépassé, il pensait voir son contrat renouvelé. Il souligne qu'à son âge il a fort mal vécu cette situation. Ce préjudice pouvant, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme direct et certain, il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi à l'indemniser des préjudices subis. Il y a donc lieu d'annuler, dans cette mesure, ce jugement.

Sur les intérêts :

16. M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 000 euros à compter du 25 novembre 2016, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que l'établissement pour l'insertion dans l'emploi procède à la régularisation de la situation administrative de M. B..., notamment de ses droits sociaux. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par ce dernier ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... en mettant à la charge de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'indemnisation de M. B....

Article 2 : L'établissement pour l'insertion dans l'emploi est condamné à verser à M. B... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016.

Article 3 : L'établissement pour l'insertion dans l'emploi versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'établissement pour l'insertion dans l'emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. B..., à Me A... pour l'établissement pour l'insertion dans l'emploi et à la ministre des armées.

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N°19DA00679

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00679
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CHAUVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-18;19da00679 ?
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