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11/05/2021 | FRANCE | N°19DA00427

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 11 mai 2021, 19DA00427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. Vincent, Sylvain et Nicolas A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à M. D... A... la somme totale de 1 554 473 euros et à MM. Sylvain et Nicolas A... ainsi que Mme E... A..., la somme de 10 000 euros chacun, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite de la vaccination contre la grippe A (H1N1) de M. D.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. Vincent, Sylvain et Nicolas A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à M. D... A... la somme totale de 1 554 473 euros et à MM. Sylvain et Nicolas A... ainsi que Mme E... A..., la somme de 10 000 euros chacun, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite de la vaccination contre la grippe A (H1N1) de M. D... A... et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'un règlement amiable de leur dossier avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Par un jugement n° 1600926 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir estimé que la narcolepsie-cataplexie survenue chez M. D... A... était imputable à la vaccination contre la grippe A (H1N1) du 18 novembre 2009 et que la réparation des préjudices subis par l'intéressé incombait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sur le fondement de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, a condamné cet établissement à verser à M. D... A... une somme de 138 435,72 euros, à M. C... A... et à Mme E... A..., ses parents, une somme de 5 000 euros chacun et à M. B... A..., son frère, une somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 février et 22 juillet 2019, 17 mars et 17 avril 2020, M. D... A..., M. C... A..., Mme E... A... et M. B... A..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à M. D... A... la somme totale de 820 822, 08 euros, à M. C... A... et Mme E... A..., la somme de 25 000 euros chacun et à M. B... A..., la somme de 18 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert neurologue compétent dans le domaine de la vaccination contre la grippe A (H1N1) pour une nouvelle mission d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., né le 21 février 1996, a été vacciné le 18 novembre 2009 par injection de Pandemrix contre le virus de la grippe H1N1 dans le cadre de la campagne de vaccination de l'hiver 2009. Présentant en décembre 2010 une fatigue et des symptômes d'hypersomnolence diurne, il s'est vu diagnostiquer le 30 mai 2013 une narcolepsie cataplexie. Il a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, le 25 juin 2014, d'une demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale. Par un jugement du 20 décembre 2018, non contesté sur ce point par les parties, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que la narcolepsie-cataplexie survenue chez M. D... A... était imputable à la vaccination contre la grippe H1N1 du 18 novembre 2009 et que la réparation des préjudices subis par l'intéressé incombait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, sur le fondement de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. Le tribunal a condamné cet établissement à verser à M. D... A... une somme de 138 435,72 euros, à M. C... A... et à Mme E... A..., ses parents, une somme de 5 000 euros chacun et à M. B... A..., son frère, une somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis et rejeté le surplus des conclusions des parties. Les consorts A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis.

Sur l'évaluation des préjudices de M. D... A... :

2. Il ressort du rapport d'expertise du professeur Andrejak en date du 28 décembre 2015, diligenté à la demande de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales que l'état de santé de M. D... A... est consolidé à la date du 30 mai 2013 à l'âge de dix-sept ans.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant aux dépenses d'assistance par une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne :

3. M. D... A... demande une somme de 29 512,34 euros au titre de ce chef de préjudice pour la période du 1er février 2010 au 30 mai 2013, date de consolidation de son état de santé. Il ressort du rapport d'expertise du 28 décembre 2015 que sa maladie a été pour la première fois constatée de manière formelle le 1er décembre 2010. Il y a lieu de retenir le besoin de 10 heures par semaine d'assistance par une tierce personne évalué par l'expert dans le cadre d'une perte d'autonomie. Par suite, en se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération fixé à 13 euros en tenant compte des charges patronales, correspondant à une aide non spécialisée et en retenant une base annuelle de 412 jours, soit 58 semaines incluant les congés payés, à raison de 10 heures par semaine, M. D... A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont alloué une somme de 34 412,86 euros pour la période comprise entre le 1er février 2010 et le 28 décembre 2015, date de dépôt du rapport d'expertise.

Quant aux dépenses d'assistance par une tierce personne pour les besoins en matière scolaire et universitaire :

4. S'il ressort du rapport d'expertise du 28 décembre 2015 que l'état de santé de M. A... pouvait justifier du 1er décembre 2010 jusqu'à la date du baccalauréat, un soutien scolaire à raison d'une heure par jour cinq jours sur sept hors vacances scolaires et, pour ses études universitaires, une aide de quatre heures par semaine hors vacances scolaires, M. A..., qui se borne à produire un devis du 20 novembre 2014 pour un soutien scolaire, n'établit pas que cette assistance lui aurait été effectivement apportée. Par suite, il ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant aux dépenses de santé futures :

5. M. D... A... soutient que depuis le début de l'année 2020, il subit, du fait des effets indésirables du Modiodal, un traitement par Motropine qui lui coûte 25 euros par semaine, non pris en charge par la sécurité sociale et demande le versement d'une somme de 61 399 euros au titre des dépenses de santé futures. Cependant, M. D... A... est pris en charge à 100 % au titre de son affection de longue durée par la sécurité sociale et il ne justifie pas de la prescription médicale par Motropine, ni du coût du reste à charge de ce médicament. Par suite, il ne peut être fait droit à sa demande d'indemnisation à ce titre.

Quant aux dépenses futures d'assistance par une tierce personne :

6. Il résulte de l'instruction que M. D... A... vit seul depuis le début de ses études universitaires en 2014 et qu'il est titulaire du permis de conduire. L'expert indique dans son rapport du 28 décembre 2015 que l'état de M. D... A... ne correspond pas à une perte d'autonomie justifiant une aide spécifique à la personne ou une aide matérielle, estime qu'il y aura lieu de réexaminer son état tous les deux ans et évalue une telle aide à dix heures par semaine dans la seule hypothèse où il y aurait une perte d'autonomie. Or, M. D... A... ne démontrant pas qu'il aurait subi une perte d'autonomie depuis la date de consolidation de son état de santé, il n'est, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont alloué une somme de 13 222,86 euros pour la période comprise entre le 28 décembre 2015 et le 28 décembre 2017.

Quant au préjudice scolaire :

7. M. D... A... fait valoir qu'il a dû bénéficier d'un tiers temps pour passer son baccalauréat et qu'inscrit en classe de 1ère scientifique, il s'est réorienté en classe de 1ère économique et sociale avec un changement d'établissement scolaire. Il soutient également que la première année universitaire en licence d'économie et de finance a été difficile et demande le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice scolaire, universitaire et de formation. Cependant, si l'intéressé a changé de spécialité en classe de première, il a toutefois obtenu son baccalauréat et poursuivi des études universitaires, n'a pas interrompu sa scolarité, ni redoublé de classe. Il n'est ainsi pas fondé à demander une indemnisation de ce chef de préjudice, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

Quant à l'incidence professionnelle :

8. Il ressort du rapport d'expertise que M. D... A... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % et a besoin d'un poste aménagé avec des périodes autorisées de sieste et des horaires fixes de jour uniquement. Compte tenu des difficultés pour trouver un emploi adapté à ses problèmes d'endormissement diurnes, c'est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué une somme de 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

9. Il ressort du rapport d'expertise que M. D... A... a été atteint d'un déficit fonctionnel temporaire total de trois jours lors de son hospitalisation au centre de référence pour la narcolepsie et l'hypersomnie de la Pitié Salpêtrière (AP-HP) et d'un déficit fonctionnel temporaire de classe III, soit 50 %, du 1er décembre 2010 au 30 mai 2013, date de consolidation de son état de santé, soit 899 jours. Il y a lieu de se fonder sur un taux de 13,33 euros par jour, soit un montant mensuel de 400 euros pour évaluer ce chef de préjudice et de confirmer la somme de 6 100 euros allouée par les premiers juges à ce titre.

Quant aux souffrances endurées :

10. Les douleurs endurées par M. D... A... ont été estimées par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7, en tenant compte des douleurs liées aux soins et au retentissement psychologique. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 600 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

11. Ce préjudice a été estimé par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7. L'expert précise qu'au moment où ils se produisent, les états de narcolepsie et de cataplexie constituent des situations vécues comme dégradantes. Il y a donc lieu d'allouer à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

12. Il ressort du rapport d'expertise que M. D... A... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 30 mai 2013, à l'âge de dix-sept ans, un déficit fonctionnel permanent de 30 %. Les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 70 600 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

13. Ce préjudice a été estimé par le rapport d'expertise du 28 décembre 2015 à 2 sur une échelle de 7. L'expert précise que pendant l'examen de M. A..., il n'y a eu aucune manifestation d'endormissement ou de phénomène de cataplexie et estime que le traitement a entraîné une diminution des manifestations par rapport à la date de consolidation. Il sera ainsi fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant M. A... une somme de 1 500 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

14. L'expert retient ce chef de préjudice en précisant que M. A..., qui était inscrit à un club de karaté et suivait des cours de théâtre, a interrompu ces activités du fait de sa pathologie. Il précise également que son temps de conduite seul au volant est limité à 30-40 minutes. Dès lors, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en allouant à M. A... une somme de 3 000 euros.

Quant au préjudice sexuel :

15. L'expert précise que ni les capacités de procréation, ni de réalisation de l'acte sexuel ne sont altérées. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. A... d'indemnisation de ce chef de préjudice.

Sur les préjudices de M. C... A... et de Mme E... A... :

16. M. D... A... poursuivant des études universitaires et vivant la semaine en résidence universitaire, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection de M. C... A... et de Mme E... A..., ses parents, en leur allouant une somme de 5 000 euros chacun.

17. Les intéressés demandent pour la première fois en appel l'indemnisation d'un préjudice extra-patrimonial exceptionnel qu'ils évaluent chacun à la somme de 10 000 euros. Toutefois, ces demandes excédent le quantum de leurs demandes en première instance. Elles sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les préjudices de M. B... A... :

18. Il résulte de l'instruction que M. B... A..., frère cadet de M. D... A..., s'est beaucoup occupé de son frère en l'aidant dans sa vie quotidienne, notamment pour le réveil et les transports en commun. Dès lors, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une somme de 1 000 euros, qu'il y a lieu de porter à 2 000 euros.

19. M. B... A... demande également l'indemnisation d'un préjudice extra-patrimonial exceptionnel qu'il évalue à la somme de 8 000 euros. Cette demande, nouvelle en appel, excède le quantum de sa demande en première instance et doit être rejetée comme irrecevable.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité de 138 435,72 euros allouée à M. D... A... et mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par les premiers juges, doit être portée à la somme de 138 935,72 euros. L'indemnité due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à M. C... A... et Mme E... A... au titre de leurs préjudices propres demeure fixée à 5 000 euros chacun. L'indemnité de 1 000 euros due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à M. B... A... au titre de ses préjudices propres est portée à la somme de 2 000 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser aux consorts A... la somme qu'ils réclament au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 138 435,72 euros mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à M. D... A... est portée à 138 935,72 euros.

Article 2 : L'indemnité due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à M. B... A... au titre de ses préjudices propres est portée à la somme de 2 000 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1600926 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à M. C... A..., à Mme E... A..., à M. B... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, à la mutuelle des étudiants SMENO et au pôle national RCT travailleurs indépendants.

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N°19DA00427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00427
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-049 Santé publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL BIROT-MICHAUD-RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-11;19da00427 ?
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