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17/06/2021 | FRANCE | N°19DA01229

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 19DA01229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille, sauf à prescrire avant-dire droit une expertise sur les éléments comptables qu'ils détiennent, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1702190 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille, sauf à prescrire avant-dire droit une expertise sur les éléments comptables qu'ils détiennent, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1702190 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Europ Automobile, qui a son siège à Beaurains (Pas-de-Calais) et a pour activité le négoce de véhicules neufs et d'occasion ainsi que l'entretien et la réparation automobiles, a pour associé et pour gérant M. A... B.... Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue au 31 mai 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ce contrôle a amené le vérificateur à estimer que M. B... avait bénéficié, de la part de la SARL Europ Automobile, d'une distribution de revenus s'élevant à une somme totale de 34 763 euros au titre de l'année 2010 et de 25 094 euros au titre de l'année 2011. L'administration a fait connaître sa position à la SARL Europ Automobile par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 28 juin 2013. Parallèlement, par une proposition de rectification qui leur a été adressée le 13 novembre 2013, M. et Mme B... ont été informés des conséquences que l'administration entendait tirer de ce constat en ce qui concerne leurs revenus imposables de l'année 2011. Par ailleurs, M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur leurs revenus imposables des années 2009 et 2010. L'administration a envisagé, à l'issue de ce contrôle, de rehausser les revenus imposables dont avaient disposé les intéressés au titre de l'année 2010, ce qu'elle leur a fait connaître par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 19 avril 2013. Il est, en effet, notamment apparu que M. B... avait perçu, au cours de cette année, de la SARL Europ Automobile, la somme totale de 73 000 euros, rémunération comprise, alors que M. et Mme B... n'avaient porté, sur la déclaration de revenus souscrite par eux au titre de cette année, qu'une somme de 48 000 euros. La différence de 25 000 euros a donc été regardée par l'administration comme correspondant à des revenus distribués entre les mains de M. B..., imposables sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. M. et Mme B... n'ayant pas formulé d'observations sur les rectifications qui leur avaient été ainsi notifiées, les suppléments d'impôt et de contributions sociales résultant de ces rehaussements ont été mis en recouvrement le 31 août 2013, s'agissant de ceux afférents à l'année 2010, et le 31 août 2014, en ce qui concerne ceux concernant l'année 2011, ces impositions d'élevant à la somme de 31 249 euros, en droits et pénalités. Leurs réclamations ayant été rejetées, M. et Mme B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, sauf à prescrire une expertise sur les éléments comptables qu'ils détiennent, de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011. Ils relèvent appel du jugement du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir estimé qu'il n'y avait pas lieu de prescrire, avant-dire droit, l'expertise sollicitée, a rejeté leur demande.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".

3. Il est constant que M. et Mme B... n'ont formulé aucune observation sur les propositions de rectification qui leur avaient été adressées les 19 avril et 13 novembre 2013. Ils supportent ainsi, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions qu'ils contestent.

Sur l'existence de distributions :

En ce qui concerne l'année 2011 :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société et prélevées sur les bénéfices de celle-ci. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Cependant, l'invocation de cette présomption pour établir l'appréhension des sommes en cause ne dispense pas l'administration d'établir, au préalable, que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.

5. Les impositions en litige en ce qui concerne l'année 2011 procèdent, ainsi qu'il a été dit au point 1, de l'inclusion dans les revenus imposables de M. et Mme B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SARL Europ Automobile au titre de l'exercice clos en 2011 et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. B..., que l'administration a considéré comme le seul maître de l'affaire.

6. D'une part, dans une situation dans laquelle la SARL Europ Automobile n'a pu, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, produire aucune comptabilité probante se rapportant à l'exercice clos en 2011, l'administration était fondée à retenir, en l'absence de tout autre élément contraire, tel une délibération des associés décidant de la mise en réserve ou de l'incorporation au capital des bénéfices reconstitués ou même d'allégations précises en ce sens, que le bénéfice réalisé par cette société au titre de cet exercice n'avait pas, fût-ce pour partie, été gardé en réserve ou investi.

7. D'autre part, l'administration a entendu, en ce qui concerne le bénéfice reconstitué, au titre de l'exercice clos en 2011, de la SARL Europ Automobile, à hauteur de la somme de 25 094 euros, se prévaloir, dans la proposition de rectification qu'elle a adressée à M. et Mme B... le 13 novembre 2013, de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée à M. B.... Au nombre de ces indices figure le fait que M. B... était, au cours de l'année d'imposition en cause, le gérant et salarié de la SARL Europ Automobile, dont il était aussi l'associé majoritaire, puisqu'il en détenait 72,5 % des parts sociales. L'administration a retenu, en outre, le fait que M. B... disposait seul du pouvoir de mouvementer le compte bancaire de la société. Les indices ainsi avancés par l'administration, et non contestés par M. et Mme B..., doivent être regardés comme établissant que M. B... était le seul maître de l'affaire au cours de l'année d'imposition en litige. Dès lors que la qualité de seul maître de l'affaire suffit à regarder, en application des dispositions précitées du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, M. B... comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société et correspondant à un rehaussement des bénéfices de cette société, la circonstance, à la supposer même établie, que les relevés de son compte bancaire personnel se rapportant à l'année 2011 ne comporteraient aucune écriture correspondant à une appréhension effective des sommes correspondantes s'avère sans incidence à cet égard. M. et Mme B..., qui n'apportent, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la charge de la preuve leur incombe, aucun élément de nature à démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt et de contributions sociales mis à leur charge au titre de l'année 2011, n'en critiquent, dans ces conditions, pas utilement le bien-fondé.

En ce qui concerne l'année 2010 :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

9. L'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. et Mme B... ont fait l'objet a permis au vérificateur de constater que M. B... avait, au cours de l'année 2010, perçu de la SARL Europ Automobile, qui l'employait en tant que gérant et dont il était l'associé majoritaire, une somme totale de 73 000 euros qui lui avait été versée au moyen de huit chèques bancaires remis par lui à l'encaissement au cours des mois de janvier à novembre 2010. L'administration a également relevé que cette somme excédait de 25 000 euros le montant de 48 000 euros porté par M. et Mme B... sur la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2010 comme correspondant aux salaires perçus par M. B... de la SARL Europ Automobile.

10. M. et Mme B... soutiennent que la somme de 25 000 euros que M. B... a ainsi perçue en sus de sa rémunération annuelle correspond à un remboursement d'une avance en compte courant d'un montant de 40 000 euros qu'il avait précédemment consentie à la SARL Europ Automobile. Toutefois, cette dernière n'a pu présenter, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, aucune comptabilité probante et complète se rapportant à son exercice clos en 2010. Or, les appelants ne contestent pas cette situation et précisent même que, dans un contexte de crise du marché de l'automobile, dans le cadre duquel M. B... s'est pleinement investi en vue d'assurer le redressement de l'activité de la société, celui-ci n'a pas été à même de terminer la saisie comptable des opérations intervenues au cours de l'exercice clos en 2010. En outre, ni cette société, ni M. B... n'ont produit, malgré la demande expresse que le vérificateur leur avait adressée à cette fin, une édition du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B..., de sorte que la réalité des mouvements qui l'auraient affecté n'a pu être établie. Si M. et Mme B... ont versé à l'instruction, pour la première fois devant le tribunal administratif, un extrait reconstitué du bilan de la SARL Europ Automobile à la clôture de l'exercice comptable 2010, lequel fait apparaître que le solde du poste " emprunts et dettes financières diverses - associés " s'établissait à 173 601 euros, alors qu'il s'élevait à 161 864 euros à la clôture de l'exercice précédent, cette progression de 11 737 euros du solde de ce poste ne peut suffire, à elle seule, à corroborer les allégations de M. et Mme B... quant à l'existence, au cours de l'année 2010, d'un apport en compte courant d'un montant de 40 000 euros, puis d'un remboursement partiel à hauteur de 25 000 euros, alors que de telles opérations auraient eu pour conséquence de porter le solde de ce poste comptable à 176 864 euros à la clôture de l'exercice 2010 et non à 173 601 euros. Enfin, si les appelants établissent, par la production, d'une part, d'un relevé du compte bancaire de la SARL Europ Automobile, d'autre part, de la copie d'un bordereau de remise de chèque, que M. B... a versé à cette société, le 22 février 2010, une somme de 40 000 euros par chèque, la nature et l'objet de ce versement ne peuvent, dans les conditions qui viennent d'être décrites, être tenus pour établis. Il suit de là que l'administration était fondée à regarder la somme de 25 000 euros, perçue par M. B... en sus des salaires que lui a versés la SARL Europ Automobile au titre de l'année 2010, comme constituant un revenu distribué imposable entre ses mains, sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il en est de même, en tout état de cause, de celles afférentes à la charge des dépens mentionnés à l'article R. 761-1 du même code.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19DA01229
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-Francois Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CAMPBELL-BOULOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-17;19da01229 ?
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