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01/07/2021 | FRANCE | N°19DA01575

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 01 juillet 2021, 19DA01575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société privée à responsabilité limitée (SPRL) de droit belge Infoserv a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604613 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juillet

2019 et le 20 novembre 2019, la SPRL Infoserv, représentée par Me Wemaëre, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société privée à responsabilité limitée (SPRL) de droit belge Infoserv a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604613 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juillet 2019 et le 20 novembre 2019, la SPRL Infoserv, représentée par Me Wemaëre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à hauteur de la somme de 51 880 euros en droits et de la somme de 7 886 euros en pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention conclue entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée le 10 mars 1964 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société privée à responsabilité limitée (SPRL) Infoserv, société de droit belge, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a fait savoir, par une proposition de rectification du 26 mai 2010, qu'elle estimait que la société disposait d'un établissement stable en France, au sein des locaux de la société A... Technologies à Lezennes (Nord), et qu'elle entendait assujettir à l'impôt sur les sociétés le produit des prestations de service rendues par cet établissement à la société A... Technologies. Par un jugement du 9 mai 2019, dont la société Infoserv relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui en ont résulté au titre de l'année 2008 à hauteur de la somme totale de 59 766 euros en droits et pénalités.

Sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet alors même qu'elle définirait directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

3. D'une part, aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles imposition. ".

4. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

5. Les sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL), dont il n'est pas contesté qu'en vertu du droit belge des sociétés, le capital est divisé en parts égales qui sont librement cessibles, entre des associés qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports, doivent, pour l'application du droit français, être assimilées à des sociétés à responsabilité limitée lorsqu'elles ne poursuivent pas un objet civil.

6. Il résulte de l'instruction que, selon les termes mêmes des stipulations de la convention conclue le 2 janvier 2008, la société Infoserv, dont le siège est situé en Belgique, au domicile de M. A..., qui est l'un de ses deux administrateurs, rend à titre commercial des prestations de conseil et d'assistance technique à la société A... Technologies, dont le siège est à Lezennes (Nord) et dont M. A... est le président. L'administration a relevé, au cours des opérations de contrôle, que les prestations prévues par cette convention étaient rendues par M. A..., seul membre du personnel de la société Infoserv, que leur objet, qui impliquait le conseil en stratégie de développement et la conduite de projets en lien direct avec les équipes techniques de l'entreprise A... Technologies, présentait un caractère indissociable des missions dévolues à M. A..., en sa qualité de président de la société, dès lors qu'il n'était pas établi que les fonctions attachées à ce mandat social de président auraient été réduites à la gestion administrative et financière de la société A... Technologies dont M. A... était d'ailleurs le directeur général avant 2008. Il est apparu au vérificateur, à l'examen des factures émises par la société Infoserv, et notamment au vu du remboursement des déplacements de M. A... qui y figurait, que ce dernier était présent entre 15 et 18 jours chaque mois, à l'exception du mois d'août, dans les locaux de la société A... Technologies pour l'accomplissement des prestations prévues par la convention conclue entre les deux sociétés. La société Infoserv, en se bornant à produire des extraits de l'agenda de M. A... et un tableau établi par ses soins, insuffisamment probant, ventilant le lieu d'exercice des missions de l'intéressé en 2008, qui d'ailleurs fait apparaître que l'activité de celui-ci a été exercée pour un quart dans les locaux de la société A... Technologies et pour un quart sans lieu déterminé, n'étaye pas le bien fondé de ses assertions selon lesquelles, d'une part, ces prestations ont été essentiellement rendues hors des locaux de la société A... Technologies, et notamment à son siège en Belgique ou sur les chantiers des clients hors de France, d'autre part, que la présence de M. A... dans les locaux de Lezennes n'était rendue nécessaire que pour l'accomplissement de tâches purement administratives requises par son mandat social de président de la société A... Technologies. Dans ces conditions, la société Infoserv doit être regardée comme ayant exercé son activité par un établissement stable en France.

7. D'autre part, aux termes de l'article 4, relatif aux bénéfices industriels et commerciaux, de la convention conclue entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée le 10 mars 1964, modifiée par les avenants des 15 février 1971 et 8 février 1999 : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent. (...) / 3. Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 4. Constituent notamment des établissements stables : / a. Un siège de direction ; / b. Une succursale ; / c. Un bureau ; / d. Une usine ; / e. Un atelier ; / (...) / h. Les installations dont disposent dans l'un des deux Etats (...) les artisans ou autres personnes exerçant une activité entrant dans le cadre du présent article, lorsque ces installations sont à leur disposition dans cet Etat pendant une durée totale d'au moins trente jours au cours d'une année civile. / 5. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : / a. Il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; / b. Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; (...) ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Les bénéfices industriels ou commerciaux de l'établissement stable sont ceux qui proviennent de l'ensemble des opérations traitées par cet établissement ainsi que l'aliénation totale ou partielle des biens investis dans ledit établissement. / (...) " . Enfin l'article 7 de cette convention stipule : " 1. Les revenus ou profits qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'autres activités personnelles et dont le régime n'est pas spécialement fixé par les dispositions de la présente Convention ne sont imposables dans l'autre Etat contractant que si, pour l'exercice de son activité, ledit résident y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière. Dans cette éventualité, les revenus ou profits provenant de l'activité exercée dans ce dernier Etat ne sont imposables que dans cet Etat. / 2. Est notamment visée par le paragraphe 1 l'activité des (...) ingénieurs conseils (...) ".

8. Les éléments rappelés au point 6 permettent de regarder la société Infoserv comme ayant disposé, au sein des locaux de la société A... Technologies, pour l'exercice de son activité d'assistance technique, d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 4 de la convention fiscale franco-belge ainsi que d'une installation fixe utilisée de façon régulière au sens des stipulations, précitées, de l'article 7 de cette convention, s'agissant des prestations d'ingénieur-conseil qu'elle a effectuées. Par suite, ces stipulations ne s'opposent pas à l'imposition en France des bénéfices que la société Infoserv a tirés de l'activité de son établissement de Lezennes en 2008.

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

9. En premier lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 189 A de ce livre, applicables à l'espèce :" Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte entre la France et un autre Etat ou territoire sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale (...), le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, (...). ".

10. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 24 de la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique : " (...) / 3. Si un résident de l'un des Etats contractants estime que les impositions qui ont été établies ou qu'il est envisagé d'établir à sa charge ont entraîné ou doivent entraîner pour lui une double imposition dont le maintien serait incompatible avec les dispositions de la Convention, il peut, sans préjudice de l'exercice de ses droits de réclamation et de recours suivant la législation interne de chaque Etat, adresser aux autorités compétentes de l'Etat dont il est résident une demande écrite et motivée de révision desdites impositions. / Cette demande doit être présentée avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la notification ou de la perception à la source de la seconde imposition. Si elles en reconnaissent le bien-fondé, les autorités saisies d'une telle demande s'entendront avec les autorités compétentes de l'autre Etat contractant pour éviter la double imposition. / 4. S'il apparaît que, pour parvenir à une entente, des pourparlers soient opportuns, l'affaire sera déférée à une commission mixte dont les membres seront désignés par les autorités compétentes des deux Etats contractants. ".

11. Il résulte de l'instruction que, le 4 juillet 2011, la société Infoserv a demandé aux autorités fiscales belges l'ouverture de la procédure amiable prévue par les stipulations précitées de l'article 24 de la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, afin d'éliminer le risque de double imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2008 auquel elle estimait être exposée du fait de la procédure de rectification qui était alors menée par l'administration française. Par courrier du 14 juillet 2011, les autorités fiscales belges ont accepté d'examiner la demande dont la société Infoserv les avait saisies, et en ont informé l'administration fiscale française. Contrairement à ce que soutient la société Infoserv, les autorités belges et françaises se sont alors rapprochées afin d'examiner les suites pouvant être données à cette demande en application de ces stipulations, à l'occasion notamment d'une commission mixte qui s'est tenue les 23 et 24 janvier 2013, comme cela résulte des mentions du courrier, versé au dossier de première instance, par lequel l'administration fiscale française a notifié à la société le 30 octobre 2014 l'échec de cette procédure amiable. Ainsi, et alors que la circonstance, à la supposer établie, que la demande d'ouverture de cette procédure aurait été présentée aux autorités belges au-delà du délai de six mois prévu par les stipulations de l'article 24 de la convention fiscale franco-belge, est sans incidence sur l'application de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, il résulte des dispositions de cet article que le délai de reprise, qui avait été interrompu par l'effet de la notification de la proposition de rectification du 26 mai 2010 pour courir de nouveau jusqu'au 31 décembre 2013, a été suspendu avant son terme, par la procédure amiable ouverte au plus tard au mois de janvier 2013, pour recommencer à courir le 31 janvier 2015, trois mois après la notification que l'administration française a faite à la société Infoserv, le 30 octobre 2014 de l'échec de cette procédure amiable. Il s'ensuit que le délai de reprise n'était pas expiré lorsque l'imposition en litige a été mise en recouvrement le 14 décembre 2015.

12. En second lieu, la société Infoserv n'est pas fondée à se prévaloir des éléments énoncés aux points 92 à 94 de l'instruction 14 F-1-06 du 23 février 2006 dont il résulte que la date d'ouverture de la procédure amiable est déterminée au regard de son acceptation par les autorités françaises, ni du point 330 de l'instruction BOI REC-PREA-10-10-10-20 selon lequel le dégrèvement prononcé par l'administration remet le contribuable dans l'état qui était le sien avant la mise en recouvrement de l'imposition, qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celles dont il vient d'être fait application.

13 Il résulte de tout ce qui précède que la société Infoserv n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société privée à responsabilité limitée Infoserv est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société privée à responsabilité limitée Infoserv et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01575


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