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21/12/2021 | FRANCE | N°19DA01607

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 19DA01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Beuvrages a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Tecmo et la société d'architecture Simon à lui verser la somme de 31 884,46 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait du remplacement du revêtement de sol de la salle communale Hubert Dudebout.

Par un jugement n° 1607800 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 13 juillet 2019, la commune de Beuvrages, représentée par Me Loïc Ruol, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Beuvrages a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société Tecmo et la société d'architecture Simon à lui verser la somme de 31 884,46 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait du remplacement du revêtement de sol de la salle communale Hubert Dudebout.

Par un jugement n° 1607800 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2019, la commune de Beuvrages, représentée par Me Loïc Ruol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la société Tecmo et la société d'architecture Simon à lui verser la somme de 31 884,46 euros toutes taxes comprises au titre de l'avenant n°2 du marché 2011-6-03 du 15 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société Tecmo et de la société d'architecture Simon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Loïc Ruol, représentant la commune de Beuvrages et de Me Manuel De Abreu, représentant la société Iera.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la rénovation et de l'extension de la salle communale " Hubert Dudebout ", la commune de Beuvrages a confié à la société d'architecture Simon une mission d'architecte en tant que maître d'œuvre et à la société Tecmo une mission d'économiste de la construction. A la suite de la pose des revêtements de sols souples et coulés effectuée par la société Iera, la commune a demandé les 7 et 28 octobre 2013 aux sociétés d'architecture Simon et Tecmo de prendre en charge le coût des travaux de mise en conformité de ces revêtements de sols évalué à titre provisoire à la somme de 22 000 euros. Ces sociétés ont mis en cause la responsabilité de la société Iera, qui s'était vue confier le lot n° 5 " Finitions " et la commune de Beuvrages a été amenée à conclure un avenant au marché avec cette société pour un montant de 26 659,25 euros hors taxes, soit 31 884,46 euros toutes taxes comprises, prévoyant le remplacement des revêtements de sols par un revêtement multifonctions. La commune de Beuvrages relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Tecmo et de la société d'architecture Simon à lui verser cette somme de 31 884,46 euros en réparation du préjudice subi du fait du remplacement du revêtement de sol de la salle communale.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation. La réception ne met toutefois fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure et demeure ainsi, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard.

3. D'autre part, il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

4. En l'espèce, la maîtrise d'œuvre de l'opération et de rénovation de la salle communale a été confiée un groupement d'entreprises composé de la société d'architecture Simon, architecte, de son bureau d'études techniques " Fluides ", la société C.T.H et de la société Tecmo, économiste de la construction. La réception de l'ouvrage, pour le lot n° 5, a été prononcée le 14 octobre 2013 avec des réserves portant sur les travaux de peinture et finitions, qui ont été levées le 21 octobre 2013. La réception définitive de l'ouvrage a été prononcée le 2 novembre 2013 pour le lot n° 5, avec la levée de toutes les réserves afférentes à ce lot. Il résulte ainsi de l'instruction et, notamment, des pièces versées à l'instance que la commune de Beuvrages a réceptionné à titre définitif l'ouvrage concerné après avoir levé les réserves qu'elle avait formulées, alors même qu'elle avait déjà connaissance de l'inadaptation du revêtement de sol de la salle multifonction, comme le montrent les lettres recommandées avec accusé de réception qu'elle a adressées les 7 et 28 octobre 2013 au cabinet d'architecture Simon et à la société Tecmo et l'avenant au lot n° 5 signé le 15 octobre 2013 avec la société Iera pour la reprise du revêtement de sol. Il suit de là que la commune de Beuvrages est ainsi réputée avoir renoncé à demander réparation des désordres apparents causés à l'ouvrage. Par ailleurs, et sans que cela soit contesté par la commune, il résulte de l'instruction et, notamment, du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre produit pour la première fois en appel que ce décompte a été établi le 31 décembre 2014 et transmis à la commune de Beuvrages, maitre d'ouvrage, le 12 janvier 2015, qui n'établit ni même n'allègue avoir émis des réserves et que le solde de ce marché de maîtrise d'œuvre a été réglé par la commune le 7 mai 2015. Il en résulte que la commune de Beuvrages ne peut rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés d'architecture Simon et Tecmo en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux, dès lors que le décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, qui ne contenait aucune réserve relative à la façon dont ces sociétés s'étaient acquittées de cette obligation, était devenu définitif à la date de saisine du tribunal. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la commune de Beuvrages comme irrecevables.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la société d'architecture Simon et la société Iera, que la commune de Beuvrages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société d'architecture Simon et à la charge solidaire de cette société et de la société Tecmo, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, les sommes que la société Iera et la commune de Beuvrages réclament à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Beuvrages le versement de la somme réclamée par la société d'architecture Simon au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Beuvrages est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société d'architecture Simon et la société Iera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beuvrages, à la société d'architecture Simon, à la société Tecmo et à la société Iera.

4

N°19DA01607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01607
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP COURTIN et RUOL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;19da01607 ?
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