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21/12/2021 | FRANCE | N°20DA00520

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 20DA00520


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ghent Dredging a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner le Grand Port Maritime de Rouen à lui verser une somme de 3 026 152,84 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle a subi pendant l'exécution de la tranche ferme des travaux d'approfondissement et d'agrandissement de la zone d'évitage d'Hautot, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande, avec capitalisation, à titre subsidiaire, de condamner le Grand Por

t Maritime de Rouen à lui verser une somme de 2 392 716,17 euros hors taxes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ghent Dredging a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner le Grand Port Maritime de Rouen à lui verser une somme de 3 026 152,84 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle a subi pendant l'exécution de la tranche ferme des travaux d'approfondissement et d'agrandissement de la zone d'évitage d'Hautot, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande, avec capitalisation, à titre subsidiaire, de condamner le Grand Port Maritime de Rouen à lui verser une somme de 2 392 716,17 euros hors taxes au titre du même préjudice, évalué sur la base d'un rendement initial de 19 000 m3 par semaine retenu par le comité consultatif de règlement amiable de Nantes, assortie des intérêts légaux capitalisés et, en tout état de cause, de mettre à la charge du Grand Port Maritime de Rouen une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1704077 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Rouen a condamné le Grand Port Maritime de Rouen à verser à la société Ghent Dredging une indemnité de 67 395,80 euros, avec intérêts légaux à compter du 5 septembre 2017, capitalisés à compter du 5 septembre 2018 et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mars, 17 septembre et 26 novembre 2020, la société Ghent Dredging, représentée par Me Mathieu Prats-Denoix et Me Lionel Levain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) condamner le Grand Port Maritime de Rouen à lui verser une somme de 3 026 152,39 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle a subi pendant l'exécution de la tranche ferme des travaux d'approfondissement et d'agrandissement de la zone d'évitage d'Hautot, augmentée des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande de première instance, qui seront capitalisés ;

3°) mettre à la charge du Grand Port Maritime de Rouen une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- les observations de Me Mathieu Prats-Denoix, représentant la société Ghent Dredging et celles de Me Yohann Leconte, représentant le Grand Port Maritime de Rouen.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 octobre 2014, le groupement Ghent- Dredging-Baggerberdrijf De Boer, composé des sociétés Ghent Dredging, mandataire, et Baggerbedrijf De Boer, s'est vu attribuer par le Grand Port Maritime de Rouen un marché de travaux, à prix unitaires et forfaitaires, portant sur l'amélioration des accès au port de Rouen et la réalisation de travaux d'approfondissement et d'agrandissement de la zone d'évitage d'Hautot. La société Ghent Dredging était chargée d'exécuter la tranche ferme, dont l'objet était le dragage d'environ 705 000 m3 de sédiments devant être acheminés par barges majoritairement à Yville-sur-Seine pour y être refoulés par voie hydraulique, ou vers un quai situé à Moulineaux pour les éventuels matériaux non refoulables. Les travaux ont débuté le 19 novembre 2014, sans que la société Ghent Dredging n'ait procédé préalablement à aucune étude complémentaire concernant l'état du sol, la nature des sédiments ou leur volume. Les travaux ont été interrompus pour les congés de fin d'année et à la reprise, en janvier 2015, la société a été confrontée à une baisse significative de la production, associée à la présence de blocs en quantité croissante dans les barges, dont la dimension était peu compatible avec les engins alors déployés. Les travaux, qui devaient être achevés au plus tard le 18 août 2015, n'ont en définitive été réceptionnés que le 19 novembre 2015. Par un courrier du 28 janvier 2016, la société Ghent Dredging a adressé son projet de décompte, auquel était jointe une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des difficultés rencontrées pendant les travaux, assortie d'un mémoire en réclamation. Par une lettre du 15 mars 2016 reçue le lendemain, le Grand Port Maritime de Rouen a notifié le décompte général sans faire droit aux demandes d'indemnisation présentées par la société Ghent Dredging dans son projet de décompte et en mettant en outre à sa charge des pénalités contractuelles de 478 420 euros pour quatre-vingt-quatorze jours de retard et de 17 000 euros pour trente-quatre coups de pelle intempestifs. Le 20 avril 2016, la société Ghent Dredging a signé le décompte avec une réserve relative à sa réclamation du 28 janvier 2016. Le 22 avril 2016, la société Ghent Dredging a de nouveau adressé au Grand Port Maritime de Rouen son mémoire en réclamation du 28 janvier 2016. Le 5 décembre 2016, la société Ghent Dredging a saisi le comité consultatif de règlement amiable de Nantes en demandant une indemnisation de 3 777 403,94 euros. Le comité a formulé une proposition de conciliation, en ne retenant les sujétions imprévues que pour la tranche ferme ayant pour conséquence de porter au crédit de groupement d'entreprises la somme de 929 763,00 euros hors taxes en ce qui concernait 1'indemnisation des surcoûts d'exploitation du fait de la présence de matériaux grossiers et de réduire de 133 560,45 euros hors taxes le montant global des pénalités. Le Grand Port Maritime de Rouen n'a pas accepté cette proposition.

2. Saisi d'une demande de la société Ghent Dredging, enregistrée le 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a, par un jugement du 17 janvier 2020, condamné le Grand Port Maritime de Rouen à verser à la société Ghent Dredging une indemnité de 67 395,80 euros, avec intérêts légaux à compter du 5 septembre 2017, capitalisés à compter du 5 septembre 2018, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté soulevée par le Grand Port Maritime de Rouen, écarté le droit à indemnisation de la société Ghent Dredging au titre de la responsabilité sans faute et de la responsabilité pour faute du Grand Port Maritime de Rouen et accordé une indemnisation correspondant à un total de dix jours de pénalités de retard infligées à tort et de 33 pénalités contractuelles injustifiées de 500 euros chacune. La société Ghent Dredging relève appel de ce jugement en tant qu'il a écarté à la fois la responsabilité sans faute au titre des sujétions imprévues et la responsabilité pour faute du Grand Port Maritime de Rouen. Par la voie de l'appel incident, le Grand Port Maritime de Rouen relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours de la société Ghent Dredging.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La société Ghent Dredging soutient que le tribunal administratif de Rouen a omis de se prononcer sur sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi en raison du changement de quai de déchargement des matériaux graveleux l'ayant obligée à opérer un transfert de la pelle de déchargement et des tracto-bennes, pour un montant de 2 563 euros. Il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges y auraient répondu alors que cette demande avait été présentée dans les écritures de première instance. Par suite, la société Ghent Dredging est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'irrégularité et doit, dans cette seule mesure, eu égard au caractère divisible de cette demande, être annulé.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur la demande concernant l'indemnisation sollicitée au titre de la faute commise par l'administration tenant au changement, en cours de chantier, du quai de déchargement des matériaux graveleux, de se prononcer immédiatement sur cette demande par la voie de l'évocation et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions indemnitaires d'un montant de 2 563 euros :

5. La société Ghent Dredging soutient que le Grand Port Maritime de Rouen a commis une faute dans l'exécution du marché en lui imposant, en cours de chantier, la modification du quai de déchargement des matériaux graveleux, de QPAP vers Carue, l'obligeant ainsi à opérer un transfert de la pelle de déchargement et des tracto-bennes, ce qui aurait généré un coût supplémentaire de 2 563 euros. Toutefois, si le Grand Port Maritime de Rouen a bien demandé, le 23 octobre 2015 en cours de réunion de chantier, à la société Ghent Dredging de déposer les matériaux graveleux depuis le quai Carue, il ne résulte pas de l'instruction que la nature des matériaux déposés n'aurait pas permis, à cette date, leur refoulement par la voie hydraulique et justifiait le déplacement des engins invoqué par la requérante. Il suit de là que la demande tendant au versement de la somme de 2 563 euros doit être rejetée.

Sur le surplus des conclusions d'appel principal et les conclusions d'appel incident :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

6. L'article 50.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux stipule que : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. / 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. " Aux termes de l'article 50.3.2 du même cahier : " 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. " L'article 50.3.3 du même cahier stipule que : " 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable " et aux termes de l'article 50.4.1 : " La saisine d'un comité consultatif de règlement amiable suspend les délais de recours prévus par le présent CCAG jusqu'à la décision du représentant du pouvoir adjudicateur après avis du comité. / Le délai de recours suspendu repart ensuite pour la durée restant à courir au moment de la saisine du comité. ". Enfin, aux termes du II de l'article 8 du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics, alors en vigueur : " (...) / La décision prise par le pouvoir adjudicateur sur l'avis du comité est notifiée au titulaire et au secrétaire du comité. Elle est transmise, pour information, au ministre chargé de l'économie. / La suspension des délais de recours mentionnés à l'article 127 du code des marchés publics prend fin le jour suivant la notification au titulaire de la décision expresse prise par le pouvoir adjudicateur en application de l'alinéa précédent. ".

7. Il résulte de l'instruction qu'une réclamation a été formée par la société Ghent Dredging datée du 22 avril 2016, après la notification du décompte général et qu'aucune date certaine de notification de cette réclamation ne résulte des pièces versées par les parties. Toutefois, à supposer même que cette réclamation ait été reçue le 22 avril 2016 par le Grand Port Maritime de Rouen, dès lors que cet établissement n'a pas notifié sa décision à la société Ghent Dredging dans le délai de quarante-cinq jours précité, une décision implicite de rejet est née le 6 juin 2016, date à compter de laquelle doit être computé le délai de six mois ouvert à la requérante pour saisir le tribunal administratif compétent. Ainsi, à la date à laquelle la société Ghent Dredging a saisi le comité consultatif de règlement amiable de Nantes, le 5 décembre 2016, elle ne disposait plus que d'un jour pour saisir le tribunal administratif compétent. Le comité consultatif a émis son avis le 13 octobre 2017. Par deux lettres recommandées avec accusé de réception en date du 26 décembre 2017, reçues le lendemain par le conseil de la société Ghent Dredging et le 29 décembre 2017 par le groupement Ghent- Dredging-Baggerberdrijf De Boer, le Grand Port Maritime de Rouen a indiqué ne pas accepter la proposition du comité consultatif de règlement amiable de Nantes. Ainsi, à la date du 29 décembre 2017, le délai dont disposait la société Ghent Dredging pour saisir le tribunal administratif compétent a recommencé à courir pour un jour. Dès lors que la demande de la société Ghent Dredging a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 29 décembre 2017, la requérante n'était pas forclose. Par suite, le Grand Port Maritime de Rouen n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance a été introduite tardivement.

En ce qui concerne l'existence de sujétions techniques imprévues :

8. Ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues ouvrant droit à indemnisation du titulaire du marché que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution de ce marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat, dont la cause est extérieure aux parties et, pour les marchés à prix forfaitaire, qui entraînent un bouleversement de l'équilibre financier du contrat.

9. En l'espèce, la société Ghent Dredging, chargée de l'exécution de la tranche ferme, soutient qu'elle a subi de telles sujétions en raison de la découverte de 80 000 m3 de blocs au lieu des 20 000 m3 prévus au cahier des clauses techniques particulières, qui, en outre, étaient répartis dans 300 000 m3 de sédiments à draguer et n'étaient donc pas limités au seul droit du corps de digue comme prévu au cahier des clauses techniques particulières. Selon la requérante, ces 60 000 m3 de blocs supplémentaires correspondent aux blocs refoulés par voie hydraulique sur le site d'Yville-Sur-Seine et les informations transmises par le pouvoir adjudicateur, notamment le caractère détaillé des soixante-et-onze sondages annexés au dossier de consultation, ne lui permettaient aucunement d'anticiper un volume aussi important de blocs dans le terre-plein à draguer.

10. Toutefois, les données chiffrées, analyses et constats produits par la société Ghent Dredging, tels que contredits par le Grand Port Maritime de Rouen, ne permettent pas de tenir pour établi qu'un volume supérieur à 20 000 m3 de blocs, étant compris comme des cailloux dont le diamètre est supérieur à 20 centimètres et donc non refoulables, aurait été extrait des opérations de dragage, ce qui aurait constitué une sujétion supérieure à ce qui était initialement prévu au cahier des clauses techniques particulières. Il ne résulte donc d'aucun élément de l'instruction que la société Ghent Dredging aurait été confrontée à des difficultés relatives au volume, à la nature et à la localisation sur l'ensemble du terre-plein, des sédiments à draguer qui, compte tenu de leur intensité, pourraient être qualifiées d'aléa exceptionnel au regard des stipulations contractuelles. En tout état de cause, il résulte des pièces contractuelles et des documents de la consultation que les données sédimentologiques délivrées par le pouvoir adjudicateur ne l'étaient qu'à titre indicatif, avec la précision qu'elles étaient incertaines et qu'elles pouvaient faire l'objet de mesures d'investigations complémentaires par le titulaire du marché. Tant les documents de la consultation que les échanges lors de la négociation du marché insistaient sur la présence de blocs ou d'exogènes susceptibles de gêner la réalisation du marché et sur la nécessité de faire procéder à des études complémentaires pour compléter les données transmises. A cet égard, les articles 1.2. et 1.2.2 du cahier des clauses techniques particulières précisaient expressément que les données sédimentologiques n'étaient fournies qu'à titre indicatif et l'article 1.3.4.1 rappelait l'incertitude sur la nature des sédiments à draguer. Les articles 1.4 et 1.3.4 du marché prévoyaient ainsi le recours possible à des investigations complémentaires nécessaires à l'exécution des travaux et le bordereau de prix indiquait qu'y était inclus le prix de toute investigation complémentaire. Ainsi, nonobstant la circonstance que la société Ghent Dredging disposait d'une étude sédimentologique comprenant soixante-et-onze sondages sur la zone à draguer, il résulte de l'instruction qu'elle était avertie de l'incertitude relative à la nature des sédiments à draguer et des données géologiques et s'est délibérément abstenue de faire procéder aux investigations documentaires et reconnaissances complémentaires nécessaires à son information et à la bonne exécution des travaux en fonction des moyens et méthodes d'exécution mis en œuvre. Ainsi, les difficultés résultant de la rencontre de ces blocs non refoulables, à les supposer même exceptionnelles dans leur intensité, ne peuvent être regardées comme ayant été imprévisibles pour la société Ghent Dredging lors de la conclusion du contrat ou comme ayant constitué une cause extérieure aux parties et ne peuvent donc ouvrir droit à indemnisation au titre des sujétions techniques imprévues. La société Ghent Dredging n'est dès lors pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté son droit à indemnisation sur ce fondement.

En ce qui concerne la définition insuffisante de l'étendue de son besoin par le Grand Port Maritime de Rouen :

11. La société Ghent Dredging soutient que le Grand Port Maritime de Rouen lui a fourni des indications erronées et insuffisantes sur l'étendue de son besoin et, en particulier, sur la nature et la localisation des sédiments à draguer pour la tranche ferme. Toutefois, ainsi qu'il a été énoncé au point précédent, le Grand Port Maritime de Rouen a défini de façon suffisamment précise l'étendue de son besoin en fournissant une étude sédimentologique de la zone à draguer fondée sur soixante-et-onze sondages, tout en précisant que les données fournies n'étaient qu'indicatives et incertaines, des études complémentaires pouvant être réalisées dont le coût serait inclus dans le prix du marché. Il suit de là que le pouvoir adjudicateur n'a pas commis de faute dans la définition de son besoin.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ghent Dredging n'est pas fondée à demander que la somme que le tribunal administratif de Rouen a condamné le Grand Port Maritime de Rouen à lui verser soit portée à la somme de 3 026 152,39 euros hors taxes. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à la charge du Grand Port Maritime de Rouen la somme non contestée en appel par l'intimé de 67 395,80 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Les conclusions d'appel incident présentées par le Grand Port Maritime de Rouen doivent, pour les motifs énoncés aux points 5 et 6, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Ghent Dredging tendant au versement d'une somme par le Grand Port Maritime de Rouen au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ghent Dredging une somme de 2 000 euros à verser au Grand Port Maritime de Rouen au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à la condamnation du Grand Port Maritime de Rouen au versement de la somme de 2 563 euros.

Article 2 : Les conclusions de première instance tendant à la condamnation du Grand Port Maritime de Rouen au versement d'une somme de 2 563 euros et les conclusions d'appel de la société Ghent Dredging sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident du Grand Port Maritime de Rouen sont rejetées.

Article 4 : La société Ghent Dredging versera au Grand Port Maritime de Rouen une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Ghent Dredging et au Grand Port Maritime de Rouen.

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N°20DA00520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00520
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-03-02 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Aléas du contrat. - Imprévision.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;20da00520 ?
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