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27/01/2022 | FRANCE | N°19DA02088

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 27 janvier 2022, 19DA02088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Picvert a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par trois demandes successives, de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, d'une part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, enfin, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge a

u titre de l'année 2016.

Par un jugement nos 1700762, 1701658, 1702488 du 4 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Picvert a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par trois demandes successives, de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, d'une part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, enfin, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016.

Par un jugement nos 1700762, 1701658, 1702488 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 2019 et 30 décembre 2021, la SARL Picvert, représentée par la SELARL Langlade et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014, pour un montant total de 138 586 euros, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, pour un montant total de 53 534 euros, et de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016, pour un montant de 12 925 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014, à concurrence d'un montant total de 125 516 euros, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, à concurrence d'un montant total de 37 474 euros, et de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016, à concurrence d'un montant de 6 464 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me de Langlade, représentant la SARL Picvert.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Picvert, qui a son siège à Estrées-Mons (Somme), a pour objet social la production, le stockage et le conditionnement de fruits et de légumes, ainsi que le négoce de tous produits agricoles. Elle a spécialisé son activité dans la production, le conditionnement et la vente de salades. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que la SARL Picvert, qui achetait, en réalité, une bonne part des salades qu'elle proposait à la vente, devait être regardée comme n'exerçant pas une activité agricole, exclue par nature du champ d'application de la cotisation foncière des entreprises et de l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, mais que son activité revêtait une nature commerciale prépondérante, qui justifiait qu'elle soit assujettie à ces impositions. L'administration a fait connaître sa position à la SARL Picvert, en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées les 25 mars 2016 et 1er juin 2016 et, en ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, par un courrier du 25 mars 2016. Les observations que la SARL Picvert a présentées en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n'ont pas amené l'administration à revoir son appréciation. Les impositions résultant de ce contrôle, à savoir des droits de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les années 2012 à 2014, des droits de cotisation foncière des entreprises pour les années 2013 à 2015, enfin, des droits de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016, ont été mises en recouvrement les 31 août, 30 septembre et 30 novembre 2016, ainsi que le 30 avril 2017, pour les montants respectifs de 173 213 euros, 53 534 euros et 12 925 euros. Ses réclamations ayant été rejetées, la SARL Picvert a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant, par trois demandes successives, de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction, d'une part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014, d'autre part, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, enfin, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016.

2. La SARL Picvert relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes et limite ses conclusions en décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 à un montant total de 138 586 euros, tandis qu'elle doit être regardée comme demandant, par les conclusions qu'elle présente à titre principal, la décharge totale de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2015, pour un montant total de 53 534 euros, et de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2016, pour un montant de 12 925 euros.

3. D'une part, aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / (...) ". Aux termes de l'article 1450 de ce code : " Les exploitants agricoles (...) sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises. / (...) ". L'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime définit comme agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. / Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite et le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période mentionnée à l'article 1586 quinquies, à l'exception, d'une part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation foncière des entreprises en application des articles 1449 à 1463 et 1464 K, à l'exception du 3° de l'article 1459, et, d'autre part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application des I à III de l'article 1586 nonies. (...) ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la SARL Picvert commercialise non seulement des salades issues de sa propre production, mais aussi des salades qu'elle achète auprès de tiers, notamment d'une filiale établie au Portugal. Si la SARL Picvert soutient que ces achats ont pour seul objet de lui permettre de disposer, tout au long de l'année, d'un large choix de variétés de salades lui permettant de les proposer à la vente sous la forme de sachets de mélanges, il n'est pas contesté que ces achats pour revendre, qui ne s'inscrivent pas dans le cycle biologique de la production végétale, n'ont pas eu pour seul objet de compenser les variations saisonnières de la production de la SARL Picvert, mais qu'ils ont été réalisés dans des proportions similaires tout au long des années d'imposition en litige. Toutefois, il est constant que les salades ainsi achetées à des tiers sont conditionnées dans le même atelier et à l'aide des mêmes équipements que celles issues de la production de la SARL Picvert et qu'elles ne font aucunement l'objet d'une commercialisation distincte, mais qu'elles entrent, avec les variétés produites par l'entreprise, dans la composition des mélanges que celle-ci offre à la vente. En outre, même en tenant compte des données avancées par le ministre, la part relative de ces achats pour revendre n'a excédé, au titre d'aucune des années d'imposition en litige, 50 % du chiffre d'affaires réalisé par la SARL Picvert. Il suit de là que ces achats pour revendre doivent être regardés, quand bien même ils n'ont pas strictement pour objet de compenser les variations saisonnières de la production agricole de la SARL Picvert, comme constituant, en réalité, le prolongement de l'activité agricole exercée par cette société, à laquelle ils sont intrinsèquement liés pour concourir à la commercialisation d'un unique produit. Ainsi, la SARL Picvert doit être regardée comme exerçant, au cours des années d'imposition en litige, une activité exclusivement agricole et c'est, dans ces conditions, à tort que l'administration a retenu que cette activité revêtait, au moins pour partie, une nature commerciale. Par suite, la SARL Picvert est fondée à soutenir qu'elle était en situation de bénéficier, pour l'ensemble de son activité, de l'exonération de cotisation foncière des entreprises prévue par les dispositions précitées de l'article 1450 du code général des impôts, en faveur des activités agricoles, et à demander, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle invoque en ce qui concerne cette imposition, la décharge, dans la limite des conclusions de sa requête, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2013 à 2016.

6. Par ailleurs, dès lors qu'il n'est pas contesté que la SARL Picvert exerce son activité dans les conditions fixées à l'article 1447 du code général des impôts et qu'elle n'allègue pas que son chiffre d'affaires annuel aurait été, durant la période vérifiée, inférieur au seuil de 152 500 euros fixé par les dispositions précitées du I de l'article 1586 ter de ce code, son activité entrait, contrairement à ce qu'elle soutient, dans le champ d'application de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en application de ces mêmes dispositions. Toutefois, dès lors qu'en vertu des dispositions précitées du II de l'article 1586 ter du code général des impôts, la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation foncière des entreprises doit être exclue des bases d'imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la SARL Picvert est également fondée à soutenir que son activité a été soumise à tort à cette imposition et à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la décharge, dans les limites de ses conclusions d'appel, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mise à sa charge au titre des années 2012 à 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Picvert est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à décharge des impositions en litige, et à demander, à concurrence d'un montant de 138 586 euros, la décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014. Elle est également fondée à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, pour un montant de 53 534 euros, au titre des années 2013 à 2015, ainsi que la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, pour un montant de 12 925 euros, au titre de l'année 2016. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Picvert et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL Picvert est déchargée, à concurrence d'un montant de 138 586 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014, à concurrence d'un montant de 53 534 euros, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et, à concurrence d'un montant de 12 925 euros, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016.

Article 2 : Le jugement nos 1700762, 1701658, 1702488 du 4 juillet 2019 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Picvert la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Picvert et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA02088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02088
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-27;19da02088 ?
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