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03/03/2022 | FRANCE | N°19DA01614

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 19DA01614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Alres a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, le cas échéant après expertise, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011.

Par un jugement no 1702530 du 16 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019, la SNC Alr

es, représentée par Me Ducellier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Alres a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, le cas échéant après expertise, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011.

Par un jugement no 1702530 du 16 mai 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019, la SNC Alres, représentée par Me Ducellier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais non compris dans les dépens qu'elle chiffrera en fin d'instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Alres, dont le siège est situé à Airaines (Somme), exerce une activité de recherche agronomique sur diverses variétés de pois, de lin et de tournesol. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011. Au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté des insuffisances de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée. L'administration a, en conséquence, estimé qu'il y avait lieu de mettre à la charge de la SNC Alres des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe dont elle était redevable, après rétablissement de la taxe collectée qu'elle aurait dû déclarer et prise en compte de la taxe déductible dont elle était fondée à se prévaloir au titre de la période vérifiée. L'administration a fait connaître à la SNC Alres sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 20 décembre 2012. Les observations formulées par la SNC Alres n'ayant pas amené l'administration à revoir son appréciation, pas davantage que l'argumentation développée par les responsables de cette société dans le cadre des entretiens qui leur ont été successivement accordés, le 16 mai 2013, par le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le 10 juillet 2013, par l'interlocuteur fiscal interrégional, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de ce contrôle ont été mis en recouvrement le 26 septembre 2013, pour un montant total de 1 253 339 euros, dont 436 769 euros résultent de l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts. Sa réclamation ayant été rejetée, la SNC Alres a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, le cas échéant après expertise, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011. Elle relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions de la demande de la SNC Alres tendant à la décharge des impositions en litige, les premiers juges ont estimé que cette société, qui ne pouvait prétendre à une compensation entre, d'une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, qui résultaient d'insuffisances de déclaration de taxe collectée, et, d'autre part, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle revendiquait, n'apportait pas la preuve, qui lui incombait selon le tribunal administratif, du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, en se bornant à faire état de régularisations postérieures à la période vérifiée. Ces motifs étaient, par eux-mêmes, suffisants pour permettre à la SNC Alres de comprendre que la mesure d'expertise qu'elle sollicitait ne présentait pas, dans ces conditions, un caractère utile, quand bien même certains des faits de l'espèce faisaient l'objet d'une discussion entre les parties. Par suite, en énonçant, sans autre justification, que les conclusions tendant au prononcé d'une expertise avant-dire droit devaient être rejetées, les premiers juges n'ont pas insuffisamment motivé leur jugement. La SNC Alres ne peut utilement invoquer, sur ce point, les prévisions du paragraphe n°50 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CTX-ADM-10-40-10, dès lors qu'elles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui soit opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la SNC Alres n'est pas fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

3. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, aux termes du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est, en principe, exigible, en ce qui concerne les prestations de services, envisagées au c) de ce 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération.

4. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SNC Alres a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait porté, sur la plupart des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires souscrites par elle au cours de la période vérifiée, allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011, des montants insuffisants de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les prestations d'études qu'elle avait effectuées pour le compte de sociétés clientes, membres du groupe auquel elle appartient, alors que ces prestations étaient, par nature, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts. Ces insuffisances de déclaration ont représenté un montant total de 1 112 587 euros. Le service a également constaté que certaines des déclarations périodiques de chiffre d'affaires souscrites par la SNC Alres au cours de la même période présentaient des montants excessifs de taxe sur la valeur ajoutée collectée, ces excédents représentant, sur l'ensemble de la période vérifiée, un montant total de 626 058 euros. Il ressort des termes de la proposition de rectification adressée à la SNC Alres le 20 décembre 2012, à laquelle sont annexés les calculs effectués par le service et présentés sous la forme de tableaux, que, pour déterminer le montant des rappels de taxe qu'elle se proposait de mettre à la charge de la SNC Alres, l'administration a tenu compte des crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont celle-ci pouvait se prévaloir au titre de chacun des mois inclus dans la période vérifiée et qu'elle a imputé ceux-ci sur le montant de l'insuffisance déclarative de taxe collectée constaté au titre de chacun des mois suivants. Au terme de ce processus, la prise en compte, par l'administration, de ces insuffisances déclaratives et de ces crédits de taxe l'a conduite à estimer qu'il y avait lieu de mettre à la charge de la SNC Alres des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 816 570 euros. Ces calculs ont également conduit le service à établir que la SNC Alres était en droit de revendiquer, au terme de la période vérifiée, soit au 31 janvier 2011, l'existence, à son bénéfice, d'un crédit de taxe d'un montant de 330 041 euros dont il lui appartiendrait de demander l'imputation.

5. Si la SNC Alres soutient avoir porté ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée sur la déclaration de chiffre d'affaires qu'elle a souscrite au titre du mois du mars 2013, ce qu'il lui était loisible de faire, cette demande d'imputation, qu'elle regarde comme ayant la nature d'une " régularisation " de sa situation antérieure en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ne saurait, en réalité, porter que sur le mois au titre duquel elle est formulée, mais demeure sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, qui sont afférents à une période antérieure, allant du 1er juillet 2008 au 31 janvier 2011. Elle ne peut davantage demander, pour le même motif, le bénéfice d'une compensation, telle que prévue aux articles L. 203 et suivants du livre des procédures fiscales, entre, d'une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et, d'autre part, ce crédit qui n'a vocation à s'imputer que sur la période postérieure à celle vérifiée, sans que la SNC Alres puisse, dans ces conditions, soutenir que cette absence de compensation, qui n'équivaut pas à une absence de prise en compte, induirait une double imposition. Il suit de là que, comme l'a estimé le tribunal administratif, les conclusions de la SNC Alres à fin de décharge ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

7. Pour justifier qu'il soit fait application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification qu'elle a adressée le 20 décembre 2012 à la SNC Alres, que les insuffisances déclaratives de taxe sur la valeur ajoutée collectée constatées au cours de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet se rapportaient à des opérations facturées par celle-ci à d'autres entités du groupe auquel elle appartient, notamment à la société par actions simplifiée (SAS) Laboulet. Il est apparu, en outre, que le règlement des factures adressées à cette société était effectué, de même d'ailleurs que le règlement des factures adressées à d'autres entités du groupe, au moyen d'inscriptions portées au compte courant ouvert au nom de la SAS Laboulet dans la comptabilité de la SNC Alres. Par ailleurs, la vérification dont la SAS Laboulet a fait l'objet a conduit l'administration à constater que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures adressées par la SNC Alres à cette société faisait systématiquement l'objet d'une déduction immédiate. L'administration a déduit de ces constats, rapprochés de la circonstance que ces deux sociétés avaient les mêmes dirigeants, que la SNC Alres ne pouvait ignorer que la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle portait sur les factures établies par elle à l'adresse d'autres sociétés du groupe, et que la SAS Laboulet portait d'ailleurs aussitôt en déduction, était, en application des dispositions, citées au point 3, du 2 de l'article 269 du code général des impôts, exigible dès l'enregistrement des règlements correspondants au compte courant ouvert, dans sa comptabilité, au nom de la SAS Laboulet. En reprenant ces éléments et en y ajoutant le caractère répété de ces insuffisances déclaratives ainsi que l'importance des montants sur lesquels celles-ci portaient, puisqu'ils ont atteint la somme totale de 1 112 587 euros, quand bien même des excédents de déclaration avaient pu, au titre d'autre mois, être mis en évidence, à hauteur d'un montant total de 626 058 euros, au cours de la période vérifiée, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de la SNC Alres d'éluder l'impôt et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 %, prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. A cet égard, la SNC Alres ne peut utilement se prévaloir des constatations de fait contenues dans le jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal correctionnel d'Amiens a relaxé son président, ainsi que son directeur général, des fins de la poursuite dont ils faisant l'objet à raison de faits de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, en se fondant sur l'absence d'élément établissant leur participation personnelle, leur acquiescement à la fraude, ni même leur connaissance de celle-ci, lesquelles constatations de l'absence de preuve des faits reprochés aux intéressés, au regard de la loi pénale, ne s'imposaient pas, contrairement à ce qu'elle soutient, à l'administration dans la qualification de ses propres manquements au regard de la loi fiscale. Elle ne peut davantage utilement soutenir que les manquements qui lui sont reprochés sont imputables au responsable de son service comptable, alors qu'elle n'établit, ni même n'allègue, avoir engagé une procédure à l'encontre de l'intéressé, pour faire valoir ses droits. Enfin, la SNC Alres n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions du paragraphe n°83 de l'instruction administrative publiée le 19 février 2007 sous la référence 13 N-1-07 n° 83, reprises au paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, qui se bornent à rappeler qu'il " appartient au service de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment ", dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ni davantage ordonner avant-dire droit une expertise, que la SNC Alres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir estimé qu'une mesure d'expertise avant-dire droit ne serait pas utile à la résolution du litige, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, lesquelles ne sont au demeurant pas chiffrées, doivent, en tout état de cause, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Alres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Alres et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

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N°19DA01614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01614
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Régularité du jugement.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL DUCELLIER-WIELGOSIK

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-03;19da01614 ?
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