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23/03/2022 | FRANCE | N°19DA01715

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 23 mars 2022, 19DA01715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Agence de surveillance commerciale et industrielle (ASCI) a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n°1700433 du 20 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des

mémoires, enregistrés les 24 juillet 2019, le 21 novembre 2019 et le 7 janvier 2022, la SARL ASCI, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Agence de surveillance commerciale et industrielle (ASCI) a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n°1700433 du 20 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2019, le 21 novembre 2019 et le 7 janvier 2022, la SARL ASCI, représentée par la SCP Bejin-Camus-Belot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Elle soutient que :

- le juge se réfère à l'instruction pour déterminer si une entreprise a droit à l'exonération d'impôt sur les sociétés en qualité d'entreprise nouvelle ;

- s'il y a des liens privilégiés entre la société ASCI et les entreprises préexistantes que sont les sociétés ACS Marne et ACS Nord, ces liens ne sauraient justifier, par eux-mêmes, de la reprise par la société ASCI d'une activité préexistante ;

- la reprise du personnel d'une entreprise préexistante n'est pas un élément déterminant dès lors que le critère essentiel porte sur le transfert de clientèle ; seuls quatre salariés ont au demeurant fait l'objet d'un transfert ;

- il n'y a pas eu de transfert de moyens d'exploitation entre, d'une part, les sociétés ACS Marne et ACS Nord et, d'autre part, la société ASCI ;

- il n'y a pas eu de transfert de clientèle entre les sociétés ACS Marne et ACS Nord et la société ASCI ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, il est faux d'affirmer que " plus de la moitié du chiffre d'affaires de la société ASCI au cours de son premier exercice a été réalisée avec trois clients des sociétés ACS Marne et ACS Nord " ;

- l'administration ne justifie pas du bien-fondé de l'application aux droits en litige des pénalités pour manquement délibéré prévues au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, un mémoire, enregistré le 2 décembre 2019, ainsi qu'un mémoire, enregistré le 14 janvier 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Agence de surveillance commerciale et industrielle ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Agence de surveillance commerciale et industrielle (ASCI), qui exerce une activité de surveillance et gardiennage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé que cette société était issue de la reprise des activités préexistantes assurées par les sociétés Agence canine de sécurité Marne (ACSM) et Agence canine de sécurité Nord (ACSN). En conséquence, l'administration a remis en cause l'exonération de l'impôt sur les sociétés dont la société ASCI avait bénéficié sur le fondement de l'article 44 sexies du code général des impôts et l'a assujettie, en suivant la procédure de redressement contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, qui ont été assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. La société ASCI demande l'annulation du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) / III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I. / (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées du III de l'article 44 sexies du code général des impôts que sont exclues du régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés institué en faveur des entreprises nouvelles par le I du même article, les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

5. Il résulte de l'instruction que la société ASCI, qui a été créée le 14 avril 2011, exerce une activité de surveillance et de gardiennage. Son gérant et unique actionnaire est directeur commercial et actionnaire de la société Agence canine de sécurité Marne (ACSM) et directeur administratif et actionnaire de la société Agence canine de sécurité Nord (ACSN), deux entreprises de sécurité privée. Hormis son gérant, près d'un tiers du personnel embauché par la société ASCI à sa création en 2011 était salarié ou ancien salarié de l'une de ces deux sociétés dans la période immédiatement antérieure. Enfin, il résulte de l'instruction que 56 % du chiffre d'affaires de la société ASCI au cours de son premier exercice, clos le 31 décembre 2012, et 40 % du chiffre d'affaires de cette société au titre de l'exercice clos en 2013, a été réalisé avec trois des clients des sociétés ACSM et ACSN, à savoir la société Super U à Fère-en-Tardenois, la société Lidl à Cambrai et la société Vallourec à Aulnoye-Aymeries. Si la société requérante soutient que les sociétés Lidl et Vallourec sont des clients communs des sociétés ASCI, ACSM et ACSN pour des sites différents appartenant à des groupes ayant des filiales qui sont des sociétés autonomes sur le plan juridique, il résulte, au contraire, des mentions de la proposition de rectification du 27 avril 2015 que la société Lidl à Cambrai avait également les sociétés ACSM et ACSN comme prestataires de services dans le secteur de la sécurité pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, que la société Vallourec à Aulnoye-Aymeries avait également la société ACSN comme prestataire de services pour la période allant de janvier à mars 2011 tandis que la société Super U à Fère-en-Tardenois avait comme prestataire de services la société ACSN pour la période allant de février à août 2011. La circonstance que les sociétés ACSM et ACSN n'ont pas connu de baisse de leur chiffre d'affaires en 2011 reste sans incidence dès lors que ce transfert de chiffre d'affaires vers la société ASCI n'est pas incompatible avec une augmentation du chiffre d'affaires réalisé, parallèlement, par les sociétés ACSM et ACSN, avec les clients conservés. Dès sa création, la société ASCI avait ainsi trois clients, avec lesquels elle a réalisé une partie prépondérante de son chiffre d'affaires, alors que les sociétés ACSM et ACSN réalisaient antérieurement pour les mêmes sociétés des prestations dans le domaine de la sécurité et du gardiennage. Dans ces conditions, compte tenu de l'identité d'activité et du transfert de clientèle et de moyens de production, l'administration a pu estimer, à bon droit, que la société ASCI avait été créée dans le cadre de la reprise ou de la restructuration d'activités préexistantes, compte tenu des liens privilégiés entretenus. C'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés dont la société ASCI avait bénéficié au titre des exercices clos en 2012 et 2013, sur le fondement des dispositions précitées du I de l'article 44 quater du code général des impôts.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

7. En faisant valoir que le gérant, associé unique et gérant de la société ASCI, ne pouvait ignorer que la création de la société ASCI procédait de la reprise d'une activité préexistante exercée par les sociétés ACSM et ACSN alors que l'article 44 sexies du code général des impôts prévoit expressément que les entreprises créées dans le cadre d'une restructuration d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime d'exonération prévu par ce texte, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la société ASCI d'éluder le paiement de l'impôt normalement dû.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société ASCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, à raison de la remise en cause par l'administration du régime d'exonération prévu au I de l'article 44 sexies du code général des impôts.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Agence de surveillance commerciale et industrielle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Agence de surveillance commerciale et industrielle (ASCI) et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01715
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables. - Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-23;19da01715 ?
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