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05/04/2022 | FRANCE | N°20DA01142

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 avril 2022, 20DA01142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société immobilière Lacroix a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a ordonné de consigner la somme de 23 189,60 euros nécessaire à la sécurisation et à la remise en état du site qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Condette au lieudit " Ecault ".

Par un jugement n°1710042 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, et des mémoires, enregistrés le 16 novembre et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société immobilière Lacroix a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a ordonné de consigner la somme de 23 189,60 euros nécessaire à la sécurisation et à la remise en état du site qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Condette au lieudit " Ecault ".

Par un jugement n°1710042 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, et des mémoires, enregistrés le 16 novembre et le 21 décembre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société immobilière Lacroix, représentée par Me Eric Forgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait en ce que l'arrêté du préfet du 28 octobre 2010 ne comprenait pas de mise en demeure ;

- le motif de l'arrêté attaqué tenant à l'absence de notification d'une déclaration de cessation d'activité manque en fait ;

- l'arrêté ne tient pas compte de l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération du Boulonnais ;

- le motif de l'arrêté tenant au risque et aux nuisances pour l'environnement est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Eric Forgeois, représentant la société immobilière Lacroix.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société immobilière Lacroix relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a ordonné de consigner la somme de 23 189,60 euros nécessaire à la sécurisation et à la remise en état du site qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Condette au lieudit " Ecault ".

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. En vertu du 1° de l'article L. 211-2 et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives qui constituent une mesure de police, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 du même code, doivent être motivées et, à ce titre, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. L'arrêté attaqué a visé l'article L. 171-8 du code de l'environnement ainsi que l'arrêté de mise en demeure pris par le préfet du Pas-de-Calais le 10 avril 2012. De plus, il a repris à son compte les conclusions du rapport de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement du 3 juillet 2017, faisant suite à une visite sur site réalisée le 4 avril 2017, qui a relevé que la mise en sécurité des fronts de taille n'était pas assurée. Enfin, il a évalué le montant des travaux de mise en sécurité de ces fronts de taille à la somme de 23 189,30 euros.

4. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté attaqué ne s'est pas borné à se référer de façon générique à " des risques et nuisances vis-à-vis de l'environnement ", et a comporté, de manière suffisante, les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement. Le moyen tenant à l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. / Cette somme bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. / L'opposition à l'état exécutoire pris en application d'une mesure de consignation ordonnée par l'autorité administrative devant le juge administratif n'a pas de caractère suspensif ; (...) / Les mesures mentionnées aux 1° à 4° du présent II sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. (...). ". Aux termes de l'article L. 171-11 du même code : " Les décisions administratives à caractère de sanction prises en application des dispositions de la présente section sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application de l'article L. 171-8 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

S'agissant du contenu de l'arrêté du 28 octobre 2010 :

7. Il est constant que l'arrêté attaqué s'est fondé sur un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 10 avril 2012 qui comprenait une mise en demeure, dans un délai de trois mois, de diligenter la mise en sécurité des fronts de taille du site litigieux. Il suit de là que la requérante ne peut utilement se plaindre de ce qu'un arrêté antérieur pris par le préfet le 28 octobre 2010 ne comprenait pas une telle mise en demeure.

S'agissant de la portée du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération du Boulonnais :

8. La préfecture a refusé, par un courrier du 8 novembre 2007, d'instruire la demande d'autorisation d'exploitation déposée par la société immobilière Lacroix le 30 mai 2007, en raison de l'incompatibilité d'une telle exploitation avec le plan local d'urbanisme de la commune de Condette alors en vigueur. A supposer même que le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération du Boulonnais, approuvé le 6 avril 2017, autorise désormais l'exploitation des carrières litigieuses, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que la société immobilière Lacroix aurait déposé une nouvelle demande d'exploitation à compter de l'adoption de ce plan.

9. Ainsi, et contrairement aux allégations de la requérante, les conditions d'une levée de la mise en demeure du 10 avril 2012 n'étaient pas réunies et l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération du Boulonnais est restée sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui pouvait légalement se fonder sur cette mise en demeure et ne pas tenir compte de ce plan.

S'agissant du motif tiré de l'absence de déclaration de la cessation de l'activité :

10. L'arrêté attaqué, pris en application de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, a prononcé la consignation litigieuse en vue de mettre en sécurité, par adoucissement de leur pente, les fronts de taille de deux carrières de sable à ciel ouvert limitrophes dont la société immobilière Lacroix avait cessé l'exploitation. Le premier motif de cet arrêté a été tiré, ainsi qu'un rapport de l'inspection des installations classées du 22 août 2017 l'avait relevé, de la circonstance que la mise à l'arrêt définitif de l'exploitation n'avait pas fait l'objet d'une notification.

11. En produisant un courrier de la préfecture du Pas-de-Calais, en date du 6 juin 2007, ayant notamment eu pour objet d'accuser réception d'une déclaration de cessation " partielle " d'activité, la société requérante n'a pas démontré que le motif de l'arrêté analysé au point précédent était entaché d'erreur de fait.

S'agissant du motif tiré de la dangerosité de la pente des fronts de taille :

12. Le second motif de la décision attaquée, qui a repris à son compte un constat fait par un rapport de l'inspection des installations classées du 30 décembre 2014 corroboré par une visite sur site du 4 avril 2017, a retenu que l'exploitant n'avait toujours pas mis en sécurité les fronts de taille, en dépit de la mise en demeure figurant dans l'arrêté du 10 avril 2012, et que cette situation présentait des risques de nuisances pour l'environnement de l'établissement concerné.

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement aux allégations de la société requérante, le rapport de l'inspection des installations classées du 27 avril 2006, faisant suite à une visite des lieux du 6 avril 2006, qualifiait d'ores et déjà la zone de fronts de taille de " dangereuse " et déplorait à la fois que l'accès à la carrière puisse se faire sans aucun contrôle et que le danger n'était pas signalé par des pancartes placées, d'une part, sur le ou les chemins d'accès aux abords des travaux, d'autre part, à proximité des zones clôturées. Par suite, le moyen tiré de l'absence de constat de dangerosité des fronts de taille par l'inspection des installations classées avant 2011, circonstance qui tendrait à démonter une erreur de fait quant à cette dangerosité, doit être écarté comme manquant en fait.

14. En deuxième lieu, le rapport de l'inspection des installations classées du 15 décembre 2011, faisant suite à une visite sur site du 4 octobre 2011, a constaté que les fronts de taille étaient très abrupts et non sécurisés et qu'au regard de la cohésion nulle du sable, la sécurité publique pouvait être affectée en cas de glissement de terrain. Les rapports de la même inspection des 22 octobre 2013, 13 mars 2015 et 3 juillet 2017, qui ont respectivement fait suite à des visites sur site des 18 juillet 2013, 30 décembre 2014 et 4 avril 2017, ont constaté que les fronts de taille, qui n'avaient pas été repris, présentaient toujours, au regard de leur pente, un risque pour la sécurité, le reboisement n'étant que partiel.

15. Si le requérant a produit un constat d'huissier réalisé sur le site le 4 décembre 2017, dont il résulte que ce site est partiellement replanté, ce qui pourrait être de nature à stabiliser en partie les fronts de taille, il ne résulte pas de ce constat que la totalité de ces fronts seraient plantés ou stabilisés, ni que le portail d'accès au site, tout juste fermé par une chaîne cadenassée, serait suffisamment sécurisé ou que le danger serait signalé de quelque façon que ce soit. Si ce constat est resté silencieux sur les caractéristiques des pentes des fronts bâtis, il résulte de certaines photographies que ces pentes sont effectivement abruptes et laissent apparaître des zones sableuses, ces éléments étant de nature à corroborer les constatations récurrentes de l'inspection des installations classées.

16. En troisième lieu, la circonstance que l'inspection des installations classées a demandé à la société immobilière Lacroix, par un courriel du 4 mai 2017, de lui faire part de sa décision soit de procéder au remaniement des fronts de taille, soit de fournir un bon de commande pour la réalisation par un bureau d'étude compétent d'une étude attestant de la stabilité des fronts en l'état et de leur absence de risque pour la sécurité publique, cette alternative ayant fait suite à une visite sur site du 4 avril 2017, ne saurait avoir pour effet de démontrer l'inexistence d'un tel risque.

17. En dernier lieu, ni l'absence de glissement de terrain sur le site depuis 2006, ni l'existence de pentes sablonneuses équivalentes voire plus abruptes à proximité de ce site, soit à l'état naturel, soit en raison de travaux de voirie, ne sont de nature à démontrer une absence de risque sur le site litigieux.

18. Il suit de là que la société immobilière Lacroix n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de fait ou d'appréciation en retenant que l'absence de mise en sécurité des fronts de taille présentait des risques de nuisances pour l'environnement de l'établissement concerné.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société immobilière Lacroix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a ordonné de consigner la somme de 23 189,60 euros nécessaire à la sécurisation et à la remise en état du site qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Condette au lieudit " Ecault ".

20. Par voie de conséquence, les conclusions de la société immobilière Lacroix présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société immobilière Lacroix est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société immobilière Lacroix et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord-Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : N. Boukheloua

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°20DA01142

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01142
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Pouvoirs du préfet.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-05;20da01142 ?
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