La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2022 | FRANCE | N°21DA00394

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 17 mai 2022, 21DA00394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les gîtes des ânes a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Vieux-Condé à lui verser une indemnité de 200 793,65 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 21 mars 2017 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices nés de l'abandon de son projet de construction de gîtes ruraux sur les parcelles cadastrées AV 72, 73, 74 et 75 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1706139 du 18 décembre

2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Vieux-Condé à lui vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les gîtes des ânes a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Vieux-Condé à lui verser une indemnité de 200 793,65 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 21 mars 2017 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices nés de l'abandon de son projet de construction de gîtes ruraux sur les parcelles cadastrées AV 72, 73, 74 et 75 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1706139 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Vieux-Condé à lui verser la somme de 73 553,38 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2021 et des mémoires enregistrés le 13 janvier 2022 et le 18 mars 2022, la SCI Les gîtes des ânes, représentée par Me Pierre-Etienne Bodart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions tendant au versement d'une indemnité de 122 500 euros en réparation de la perte de valeur vénale des parcelles cadastrées AV 72, 73, 74 et 75 sur le territoire de la commune de Vieux-Condé ;

2°) de condamner la commune de Vieux-Condé à lui verser cette indemnité de 122 500 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 21 mars 2017 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vieux-Condé la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a acquis les parcelles litigieuses pour un prix de 130 000 euros qui tenait compte du caractère partiellement constructible des terrains classés en zone Ng ;

- les constructions qui étaient situées dans ces parcelles au moment de cet achat étaient en l'état de ruine ;

- sous l'empire du nouveau document d'urbanisme, ces parcelles sont devenues inconstructibles du fait de la démolition des bâtiments qui s'y trouvaient et ont subi une perte de valeur vénale de 122 500 euros ;

- après leur achat et avant leur démolition, ces bâtiments ne pouvaient être reconstruits dans les conditions prévues à l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dès lors qu'ils étaient en état de ruine ;

- à titre subsidiaire, une telle reconstruction porterait sur l'ensemble des bâtiments litigieux, donc ceux agricoles, et présenterait ainsi un coût très élevé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 25 janvier 2022 et le 11 mars 2022, la commune du Vieux-Condé, représentée par Me Phelip demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 73 553,38 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'appelante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que

- la SCI a sollicité tardivement un permis de construire et avait connaissance de l'action contentieuse engagée contre le plan local d'urbanisme ;

- les parcelles litigieuses sont désormais classées en zone ND dans laquelle sont autorisées les extensions des bâtiments existants ;

- à titre subsidiaire, la SCI peut reconstruire, dans les conditions prévues par l'article

L. 111-5 du code de l'urbanisme, les bâtiments qu'elle a démolis ;

- les frais financiers exposés par la SCI pour acquérir les terrains litigieux n'ont pas été déboursés en vain dès lors que ces derniers ne sont pas inconstructibles ;

- plusieurs factures produites n'ont pas été libellées à l'ordre de la SCI de sorte que la réalité des préjudices n'est pas établie ;

- les frais de constitution du dossier économique et d'étude économique ont été engagés avant l'adoption du plan local d'urbanisme litigieux ;

- les frais d'études préliminaires et d'incidences environnementales, ainsi que les frais d'aménagement et de démolition n'ont pas été engagés en vain dès lors qu'ils sont utiles pour la reconstruction à l'identique des bâtiments ; la réalité des frais d'esquisse n'est pas établie en l'absence de production de ces esquisses.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Chloé Guilbeau, représentant la SCI Les gîtes des ânes.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Les gîtes des ânes a acquis le 29 novembre 2010 les parcelles cadastrées AV 72, 73, 74 et 75 sur le territoire de la commune de Vieux-Condé, classées en zone Ng par le plan local d'urbanisme adopté par une délibération du 16 septembre 2010. A la suite de l'annulation de cette délibération, la SCI Les gîtes des ânes a saisi la commune d'une demande indemnitaire préalable, puis le tribunal administratif de Lille d'un recours tendant à la réparation des préjudices nés de l'abandon de son projet de construction de gîtes sur ces parcelles. Par un jugement du 18 décembre 2020, le tribunal a condamné la commune de Vieux-Condé à verser à la SCI Les gîtes des ânes une indemnité de 73 553,38 euros, augmentée des intérêts de retard à compter du 21 mars 2017 et de leur capitalisation. Dans la présente instance, la SCI Les gîtes des ânes demande à la cour l'annulation de l'article 3 de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 122 500 euros au titre de la perte de valeur foncière de ces parcelles et la commune de Vieux-Condé demande, par des conclusions d'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SCI une somme de 73 553,38 euros.

Sur la responsabilité de la commune :

En ce qui concerne la faute de la commune :

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement n° 1101381 du 17 octobre 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 16 septembre 2010 par laquelle le conseil municipal de Vieux-Condé a approuvé son plan local d'urbanisme. Il résulte des motifs qui sont le support nécessaire du dispositif de ce jugement que cette délibération était entachée d'illégalités tenant, notamment, à l'irrégularité de l'enquête publique et à l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux. L'illégalité de la délibération du 16 septembre 2020 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Vieux-Condé.

En ce qui concerne les fautes de la victime :

3. En premier lieu, la commune fait valoir qu'en s'abstenant de déposer un permis de construire avant l'annulation de ce plan local d'urbanisme, la SCI Les gîtes des ânes a commis une négligence fautive. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette société, qui a acquis les parcelles litigieuses le 29 décembre 2010, a déposé dès le 26 mai 2011 une demande de permis de démolir et que des difficultés techniques ont ralenti l'élaboration du projet consistant à construire plusieurs gîtes ruraux en bois à structure passive. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI aurait eu connaissance en temps utile avant le 17 octobre 2013 de l'action contentieuse engagée le 4 mars 2011 à l'encontre du plan local d'urbanisme. Par suite, la commune de Vieux-Condé n'est pas fondée à soutenir que l'appelante a commis une faute de nature à l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité.

4. En deuxième lieu, la commune fait valoir à titre incident que l'abandon du projet est imputable au seul choix de la SCI Les gîtes des ânes dès lors que les terrains en cause n'étaient pas devenus inconstructibles.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur ".

6. En application de ces dispositions, l'annulation du plan local d'urbanisme par le jugement du 17 octobre 2013 mentionné ci-dessus a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur, qui avait été approuvé le 30 juin 2005 par le conseil municipal de Vieux-Condé. Il résulte de l'instruction que ce plan classait les terrains en cause en zone Nd et que dans cette dernière, seuls les " exhaussements et affouillements des sols liés aux équipements d'infrastructures " et " l'extension des bâtiments existants " étaient autorisés.

7. Si le plan d'occupation des sols remis en vigueur n'interdisait pas toute construction sur les parcelles classées en zone Nd, il faisait toutefois obstacle à la réalisation du projet de la SCI Les gîtes des ânes qui consistait à édifier des constructions nouvelles, sans extension de bâtiments existants.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme en vigueur du 14 juillet 2010 au 1er janvier 2016 : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié. / Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment ". Aux termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme : " " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. ".

9. En application de ces dispositions et en l'absence de disposition contraire du plan d'occupation des sols mentionné au point 6, les bâtiments agricoles implantés sur les parcelles litigieuses pouvaient être reconstruits à l'identique dans un délai de dix ans à compter de la date à laquelle leur destruction avait commencé. A cet égard, il résulte de l'instruction que ces bâtiments n'étaient pas dégradés le 19 octobre 2006 lors de leur acquisition par l'établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais, que leur destruction a commencé après cette date et qu'elle avait atteint un stade très avancé le 29 décembre 2010, date à laquelle la SCI Les gîtes des ânes en a fait l'acquisition. Il s'ensuit qu'à la date de l'annulation du plan local d'urbanisme, cette société bénéficiait encore du droit de reconstruire à l'identique les bâtiments agricoles mentionnés ci-dessus.

10. Toutefois, il résulte de l'instruction que le projet consistait à construire plusieurs nouvelles habitations en bois de " type maisons passives " et ne pouvait ainsi être réalisé sans que soient apportées des modifications substantielles, excédant celles permises dans le cadre d'une reconstruction à l'identique, aux bâtiments en cause qui étaient affectés à une activité agricole. Par suite, la commune de Vieux-Condé n'est pas fondée à soutenir que la SCI aurait été en mesure de réaliser son projet dans le cadre d'une reconstruction à l'identique de ces bâtiments agricoles.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les frais de réalisation d'un dossier économique d'un montant de 2 152,80 euros et les frais d'intervention auprès des gîtes de France d'un montant de 107,64 euros ont été respectivement facturés le 26 juillet 2010 et le 27 août 2010, avant l'approbation du plan local d'urbanisme. Alors même que le maire de Vieux-Condé avait exprimé, notamment par un courrier du 15 juin 2009, son soutien au projet de construction de gîtes ruraux et sa volonté d'obtenir un classement des terrains d'assiette en zone Ng par le prochain règlement du plan local d'urbanisme, la SCI Les gîtes des ânes ne disposait pas d'assurances suffisantes à cette date pour engager les frais mentionnés ci-dessus compte tenu de l'aléa qui pèse nécessairement sur la procédure d'élaboration et d'adoption d'un tel document d'urbanisme. Par suite, dès lors que ces frais, qui s'élèvent à la somme totale de 2 260,44 euros, ne sont imputables qu'à la seule imprudence de la SCI Les gîtes des ânes, la commune de Vieux-Condé est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à réparer ce chef de préjudice.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la perte de valeur des terrains :

12. La SCI Les gîtes des ânes soutient que l'annulation du plan local d'urbanisme, qui avait classé en zone Ng les terrains acquis le 29 décembre 2010 au prix de 130 000 euros, a déprécié leur valeur vénale.

13. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le plan d'occupation des sols du 30 juin 2005, remis en vigueur par l'annulation de la délibération du 16 septembre 2010, classait les terrains en cause en zone Nd, au sein de laquelle, seuls les " exhaussements et affouillements des sols liés aux équipements d'infrastructures " et " l'extension des bâtiments existants " étaient autorisés. Or il résulte de l'instruction et notamment des photographies produites que les bâtiments agricoles implantés sur les terrains litigieux présentaient un état de dégradation très avancé à la date de leur acquisition le 29 décembre 2010 par la SCI et que leur démolition était en grande partie achevée à la date de l'annulation du plan local d'urbanisme. Dès lors que ces terrains ne supportaient plus à cette date de bâtiments existants, aucune extension ne pouvait être autorisée sur le fondement des dispositions citées au point précédent. La SCI Les gîtes des ânes est ainsi fondée à soutenir que cette circonstance a entraîné une dépréciation de la valeur de ses terrains.

14. En revanche, les bâtiments qui étaient implantés sur les terrains en cause pouvaient encore, à la date de l'annulation du plan local d'urbanisme, faire l'objet, ainsi qu'il a été dit, d'une reconstruction à l'identique après l'abandon du projet en cause. Par suite, la commune de Vieux-Condé est fondée à soutenir que la perte de valeur foncière des terrains doit être appréciée en tenant compte de cette faculté de reconstruction à l'identique. Si cette faculté s'est éteinte ultérieurement après l'expiration du délai de dix ans mentionné au point 8, cette circonstance n'est imputable qu'à la négligence de la SCI Les gîtes des ânes.

15. Si, pour évaluer son préjudice, l'appelante produit une estimation établie le 6 décembre 2021 par une agence immobilière selon laquelle la valeur des terrains en cause serait désormais comprise entre 33 000 et 38 000 euros, il résulte des termes mêmes de cette estimation qu'elle a été réalisée en considération du classement en zone naturelle de ces terrains par le plan local d'urbanisme intercommunal de Valenciennes Métropole. Or ce classement n'est en tout état de cause pas imputable à la faute commise par la commune de Vieux-Condé.

16. Il résulte toutefois d'une attestation établie le 6 décembre 2021 par une agence immobilière que la valeur des terrains en litige avait été estimée en 2016, à une date où était remis en vigueur le plan d'occupation des sols du 30 juin 2005, à la somme de 95 000 euros " malgré l'obligation de bâtir à l'identique ". Cette évaluation n'est pas sérieusement contestée par la commune en défense. Dans ces conditions, et compte tenu du prix d'achat du terrain, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la SCI Les gîtes des ânes en le fixant à la somme de 35 000 euros.

En ce qui concerne les frais exposés pour la réalisation du projet de gîtes ruraux :

S'agissant des frais d'études environnementales :

17. Il résulte de l'instruction et notamment des factures produites que, pour la préparation de son projet de construction de gîtes ruraux, la SCI Les gîtes des ânes a exposé des frais d'études environnementales pour un montant de 5 083 euros et des frais de maîtrise d'œuvre pour un montant de 5 561,40 euros. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction que ces études environnementales, dont la réalisation n'est pas sérieusement contestée, auraient pu être utiles à la réalisation d'un projet de reconstruction à l'identique des bâtiments détruits ou démolis.

18. En outre, si la commune conteste la réalité des frais de maîtrise d'œuvre, il résulte de l'instruction que l'architecte a établi au nom du gérant de la SCI Les gîtes des ânes, d'une part, une facture datée du 9 mars 2011 d'un montant de 3 887 euros ayant pour objet la réalisation d'une " étude de faisabilité et esquisse " en vue de la " construction de gîtes ruraux passif sur le site d'une ancienne ferme à Vieux-Condé " et, d'autre part, une facture datée du 23 septembre 2011 d'un montant de 1 674,40 euros ayant pour objet la réalisation d' " études d'esquisse " en vue de la " construction de cinq gîtes ruraux à ossature bois à Vieux-Condé ".

19. Par suite, la commune de Vieux-Condé n'est pas fondée à demander la réformation du jugement quant à ce chef de préjudice.

S'agissant des frais bancaires :

20. Il résulte de l'instruction et notamment du tableau d'amortissement produit que, pour l'acquisition des terrains litigieux, la SCI Les gîtes des ânes a souscrit un emprunt et exposé jusqu'en juin 2017 des frais bancaires à hauteur de la somme de 18 216,76 euros. Contrairement à ce que soutient la commune, il résulte de l'instruction que cette société a acheté ces terrains en vue de réaliser son projet de gîtes ruraux et il ne résulte pas de l'instruction qu'elle les aurait acquis s'ils n'avaient pas été classés en zone Ng par le plan local d'urbanisme du 16 septembre 2010. Par suite, dès lors que ces frais sont directement imputables à la faute commise par la commune, elle n'est pas fondée à contester sa condamnation à ce titre.

S'agissant des frais de travaux de démolition et des frais annexes :

21. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a indemnisé les frais de démolition et les frais annexes exposés par la SCI à hauteur de 16 909,05 euros. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI aurait exposé ces frais si elle avait poursuivi un projet de reconstruction à l'identique des bâtiments que supportaient les terrains en cause.

22. En outre, si la commune conteste l'indemnisation de ces frais de démolition et de végétalisation, il résulte des termes mêmes de la facture établie le 4 janvier 2012 par la société Pro-TP que ces travaux ont été effectués " rue César Dewasme sur la commune du Vieux-Condé ". Si la commune conteste aussi les frais de " nettoyage de site " s'élevant à 660 euros et les frais d'" abattage de 28 peupliers d'Italie " s'élevant à 980 euros, il résulte de l'instruction que le site comportait des " plantations de peupliers ", ainsi que le relève l'expertise environnementale produite, et que ces frais ont été facturés respectivement le 26 mai 2011 et le 29 avril 2011, au gérant de la SCI, à une date où les travaux de démolition et de nettoyage du site étaient en cours.

23. Il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à demander à titre incident que l'indemnité allouée par le jugement attaqué au titre de ce chef de préjudice soit réduite.

24. Il résulte de tout ce qui précède, et en l'absence de moyens dirigés contre les autres chefs de préjudice indemnisés par le tribunal, qu'il y a lieu de porter à 106 292,94 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Vieux-Condé à la SCI Les gîtes des ânes et de réformer en ce sens le jugement attaqué.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

25. L'appelante est fondée à demander le versement d'intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2017, date de réception de sa réclamation préalable. En outre, il y a lieu de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 21 mars 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêt, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 73 553,38 euros que la commune de Vieux-Condé a été condamnée à verser à la société civile immobilière Les gîtes des ânes est portée à 106 292,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2017. Les intérêts échus à la date du 21 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les gîtes des ânes et à la commune de Vieux-Condé.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe l7 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé: S. Eustache

La présidente de la formation de jugement,

Signé: C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA00394 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00394
Date de la décision : 17/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-17;21da00394 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award