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19/05/2022 | FRANCE | N°20DA00181

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 mai 2022, 20DA00181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.

Par un jugement no 1701289 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2020 et le 19 octobre 2020

, la SCI A..., représentée par Me Bejin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.

Par un jugement no 1701289 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2020 et le 19 octobre 2020, la SCI A..., représentée par Me Bejin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition en litige et de prescrire la restitution des sommes versées à ce titre, augmentées des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Elle soutient que :

- l'administration, qui l'avait, dans un premier temps, informée, dans la réponse apportée, le 2 septembre 2014, à ses observations, qu'elle avait la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a, en définitive, refusé de soumettre le différend à l'avis de cette commission ; or, cette information, contenue dans la réponse à ses observations, constituait une prise de position formelle du service sur sa situation de fait qu'elle est fondée à opposer à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; en outre, en ne lui permettant pas de consulter cette commission, l'administration a entaché la procédure d'imposition d'une irrégularité qui l'a privée d'une garantie substantielle ; enfin, en agissant ainsi, l'administration a méconnu, à son détriment, le principe de sécurité juridique, qui lui faisait interdiction de remettre en cause une situation juridiquement établie, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait qu'elle se soit trouvée en situation de taxation d'office ;

- l'administration a refusé à tort de faire droit à la demande, qu'elle avait formulée dans le cadre des observations présentées par elle sur la seconde proposition de rectification, que le service lui avait adressée le 11 décembre 2014, tendant à ce que son représentant légal soit reçu par le supérieur hiérarchique de la vérificatrice ; ce faisant et alors même que ce représentant avait pu être reçu par cette autorité pour discuter du bien-fondé des rehaussements portés à sa connaissance par la première proposition de rectification, qui lui avait été adressée le 28 mai 2014, l'administration l'a privée d'une garantie substantielle de procédure offerte par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; la double circonstance que l'administration ait proposé que son représentant légal soit reçu par l'interlocuteur fiscal départemental et qu'elle ait été en situation de taxation d'office est sur ce point sans incidence ; enfin, la seconde proposition de rectification s'inscrit dans le cadre des suites de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;

- l'avis de mise en recouvrement qui a été émis le 22 novembre 2016 pour obtenir le paiement de l'imposition en litige est irrégulier, au regard des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, en ce qu'il fait référence à un courrier du 18 juillet 2016 qui n'a pas la nature d'une réponse aux observations du contribuable, au sens de ces dispositions, et ne fait aucune référence à la proposition de rectification du 11 décembre 2014 ; cette irrégularité substantielle, au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, est de nature à entraîner la décharge de l'imposition en litige ou, à tout le moins, celle des pénalités et majorations de retard, sans qu'ait d'incidence le fait qu'elle l'ait ou non privée d'une garantie ; elle est fondée à invoquer, à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes n°60, n°150 et n°360 de la doctrine administrative publiée le 17 juillet 2015 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-20 ;

- l'administration n'était pas fondée à tirer des conséquences de l'absence de présentation de la comptabilité relative à l'exercice clos en 2012, dès lors, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 28 mai 2014 qu'elle a pu remettre à la vérificatrice, au cours du contrôle, une partie des documents comptables afférents à cet exercice et, d'autre part, que le fait que la comptabilité et les déclarations requises pour cet exercice n'aient pas été déposées en temps utile s'explique par des raisons, indépendantes de sa volonté et revêtant le caractère de la force majeure, liées à la circonstance que son expert-comptable, qui en atteste, était dans l'attente d'éléments d'information sollicités auprès d'une étude notariale ;

- eu égard au fait que c'est cette situation de force majeure qui a fait obstacle à ce qu'elle souscrive en temps utile sa déclaration de résultat, la majoration de 40 % pour dépôt tardif d'une déclaration malgré une mise en demeure, dont l'administration a assorti l'imposition en litige, n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les rectifications dont procède l'imposition en litige ayant été notifiées dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, la SCI A... ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie, prévue à l'article L. 59 de ce livre, de pouvoir soumettre à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le différend l'opposant à l'administration, dès lors que cette garantie s'applique seulement dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de rectification contradictoire, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait que le service vérificateur a omis, dans le courrier qu'il a adressé à la SCI A... le 2 septembre 2014, de barrer la mention relative à la possibilité de saisine de cette commission ; enfin, la SCI A..., n'est, en ce qui concerne cette question afférente à la régularité de la procédure d'imposition, pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- alors que l'administration n'était pas tenue de donner une suite aux demandes de la SCI A..., dont l'imposition a été établie d'office, tendant à ce que son représentant légal soit reçu par le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, ce qu'elle a cependant accepté de faire dans un souci de conciliation, le supérieur hiérarchique de la vérificatrice ayant reçu le dirigeant de cette société le 5 novembre 2014, la SCI A... ne peut soutenir qu'elle aurait été privée de cette garantie ; aucune disposition législative ni réglementaire ne fait obligation à l'administration d'accorder à un contribuable la possibilité de pouvoir exercer, à plusieurs reprises, cette voie de recours, nonobstant la persistance d'un désaccord ; enfin, la SCI A... ne peut tirer argument de ce que le service lui aurait, par erreur, indiqué qu'elle pouvait demander à rencontrer l'interlocuteur fiscal interrégional ;

- l'avis de mise en recouvrement du 22 novembre 2016, qui fait référence à la proposition de rectification du 28 mai 2014 et à la lettre du 18 juillet 2016 par laquelle la SCI A... a été informée des modifications des conséquences financières des rectifications notifiées, a été régulièrement établi au regard des prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, qui a, en revanche, estimé, à juste titre, que la SCI A... n'avait été privée d'aucune garantie ; en effet, cette lettre a fait connaître à cette société les dégrèvements intervenus à la suite de l'annulation de la proposition de rectification du 11 décembre 2014, qui était irrégulière et qui n'avait donc pas à être mentionnée par l'avis de mise en recouvrement, l'imposition en litige résultant exclusivement de la proposition de rectification du 28 mai 2014 et des éléments précisés dans la lettre du 18 juillet 2016 ; la doctrine invoquée ne donne pas du texte fiscal une interprétation différente quant aux mentions devant figurer dans les avis de mise en recouvrement, étant précisé que les paragraphes invoqués sont sans rapport avec le présent litige ;

- la vérificatrice, compte tenu du fait que seul le ficher contenant la comptabilité afférente à l'exercice clos en 2011 avait pu lui être présenté, était fondée à constater le défaut de présentation de la comptabilité afférente à l'exercice suivant, clos en 2012 ; le fait que la vérificatrice ait pu, au cours du contrôle, consulter des pièces permettant une appréhension partielle de la comptabilité de l'entreprise est dépourvu d'effet sur ce point ; en outre, le service était fondé à établir d'office l'imposition en litige, dès lors que la SCI A... n'avait pas déposé, dans le délai légal, la déclaration de résultat afférente à l'exercice clos en 2012 et qu'elle n'a pas régularisé sa situation en dépit d'une mise en demeure en ce sens ; la SCI A..., qui disposait de tous les éléments propres à lui permettre de souscrire cette déclaration et qui connaissait, en particulier, le montant de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de trois immeubles lui appartenant à Beauvais, ne produit, à cet égard, aucun élément de nature à établir que cette situation résulterait, comme elle l'allègue, d'un cas de force majeure ;

- la SCI A... n'a pas transmis la déclaration de résultat afférente à l'exercice clos en 2012 dans le délai de trente jours qui lui avait été imparti par la mise en demeure que le service lui avait adressée le 19 juin 2013 ; l'administration était, en conséquence, fondée à assortir l'imposition en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas d'absence, de retard ou d'omission de déclaration malgré une mise en demeure, au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ; ainsi qu'il a été dit, la SCI A... n'est pas fondée, à cet égard, à soutenir qu'un cas de force majeure aurait fait obstacle à ce qu'elle souscrive en temps utile cette déclaration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) A..., qui a son siège à (Oise), exerce une activité consistant en la location de locaux nus, ainsi qu'en l'achat et à la vente de biens immobiliers. Elle a opté, à compter du 1er janvier 2012, pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de capitaux et pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur place de ses documents comptables portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 et d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012. Au cours de ces contrôles, la vérificatrice a constaté que la SCI A... n'avait pas souscrit les déclarations auxquelles elle était tenue, pour ce qui concerne tant la période au titre de laquelle elle était imposée par ses associés au titre des revenus fonciers que celle au titre de laquelle les options qu'elle avait exercées trouvaient à s'appliquer. La vérificatrice a également constaté que seule la comptabilité afférente à l'exercice clos en 2011 avait pu lui être présentée. Elle a, par ailleurs, relevé que des opérations, effectuées au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012 et consistant en la vente de trois pavillons à usage d'habitation, n'avaient, à tort, pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'achat des terrains n'était pas déductible, tandis que celle grevant les travaux de construction des pavillons pouvait, pour partie seulement, être portée en déduction. Enfin, la vérificatrice a procédé, en l'absence de comptabilité, à la reconstitution des recettes taxables et du résultat imposable réalisés par la SCI A... au cours de l'exercice clos en 2012 et de la période couvrant celui-ci. L'administration a fait connaître à la SCI A... sa position sur ces points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 28 mai 2014. La SCI A... a présenté des observations qui ont été partiellement accueillies. Son représentant légal a, ensuite, été reçu par le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, qui a accepté, pour partie, de faire droit à son argumentation. A la suite de cet entretien, l'administration, après s'être livrée entre-temps à un contrôle sur pièces, a fait connaître à cette société, par une nouvelle proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 11 décembre 2014, les modifications, à la baisse, apportées aux rehaussements précédemment notifiés. Enfin, de nouveaux échanges ayant eu lieu entre la SCI A... et le service et le premier avis de mise en recouvrement, en date du 30 juin 2015, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements notifiés ayant été annulé en raison de son irrégularité, l'administration a informé la SCI A..., par une lettre du 18 juillet 2016, des conséquences financières définitives emportées par les contrôles auxquels il avait été procédé. Les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants, en ce qui concerne l'exercice clos en 2012 et la période couvrant celui-ci, ont été mis en recouvrement le 22 novembre 2016, à hauteur des montants respectifs, en droits et pénalités, de 21 531 euros et de 15 301 euros. Sa réclamation n'ayant fait l'objet que d'une admission partielle, la SCI A... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la seule cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions s'insèrent dans la sous-section de ce livre afférente à la procédure de rectification contradictoire, dans le cas où le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts.

3. Il est constant que l'imposition en litige résulte de rehaussements notifiés à la SCI A... selon la procédure de taxation d'office, prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, et non selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants de ce livre. Il suit de là que la SCI A... ne pouvait bénéficier, en ce qui concerne ces rehaussements, de la garantie tenant à ce que le différend l'opposant à l'administration soit soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, prévue à l'article L. 59 du même livre, dont les dispositions ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre de la procédure d'imposition mise en œuvre par l'administration. Est sans incidence, à cet égard, le fait que le service a omis de barrer, sur la page de garde de la réponse, qu'il a adressée le 2 septembre 2014 à la SCI A..., à ses observations sur les rehaussements notifiés, la mention relative à la possibilité de saisir cette commission. En outre, l'erreur matérielle entachant ce courrier ne saurait être regardée comme présentant le caractère d'une prise de position formelle sur une situation de fait au regard du texte fiscal qui serait opposable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. La SCI A... n'est pas davantage fondée à soutenir que l'administration, en ne lui ouvrant pas, malgré la mention figurant dans le document comportant la réponse aux observations du contribuable, la possibilité de soumettre sa situation à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait méconnu, à son détriment, le principe de sécurité juridique. Enfin, l'administration a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition et sans priver la SCI A... d'une garantie à laquelle elle aurait pu prétendre, ne pas donner suite à la demande de cette société tendant à la consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

4. En second lieu, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les énonciations sont opposables à l'administration en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoit la possibilité pour le contribuable qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, de saisir, en cas de désaccord persistant avec le service, l'inspecteur divisionnaire ou principal, supérieur hiérarchique du vérificateur, et, le cas échéant, l'interlocuteur fiscal spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.

5. Après avoir été rendue destinataire de la seconde proposition de rectification, que l'administration lui a adressée le 11 décembre 2014, la SCI A... a formulé, le 10 février 2015, des observations par lesquelles elle demandait notamment que, dans le cas où le désaccord persisterait avec le service après l'examen de ses observations, le supérieur hiérarchique de la vérificatrice en soit saisi. L'administration a refusé de donner une suite favorable à cette demande. Toutefois, la proposition de rectification du 11 décembre 2014 avait pour seul objet de faire connaître à la SCI A... un état actualisé de la position de l'administration en ce qui concerne les rectifications notifiées à cette société, à la suite de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, par la précédente proposition de rectification datée du 28 mai 2014, compte-tenu, d'une part, des échanges intervenus depuis lors entre l'administration et cette société et, d'autre part, de constatations opérées au cours d'un contrôle sur pièces diligenté entre-temps. Or, il est constant que, dans le cadre de ces échanges, le représentant de la SCI A... avait déjà eu l'occasion de s'entretenir, le 5 novembre 2014, avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice au sujet des rehaussements consécutifs à la vérification de comptabilité. Par suite, l'administration a pu, sans entacher d'irrégularité, la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SCI A..., refuser de faire droit à la demande de cette dernière tendant à ce que son représentant soit reçu par le supérieur hiérarchique de la vérificatrice pour un nouvel entretien en ce qui concerne les rectifications faisant suite à la vérification de comptabilité et pour s'entretenir sur les rehaussements issus du contrôle sur pièces dont cette société avait par ailleurs fait l'objet, alors que cette garantie n'est pas ouverte au contribuable qui fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Ce faisant, l'administration, qui a, au demeurant, rappelé à la SCI A..., dans la réponse qu'elle a apportée, le 23 mars 2015, à ses observations du 10 février 2015, qu'elle conservait la possibilité de saisir l'interlocuteur fiscal interrégional, n'a privé celle-ci d'aucune garantie de procédure afférente à la possibilité de former des recours administratifs.

6. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité dont la SCI A... a fait l'objet, seuls les fichiers informatiques contenant la comptabilité de l'exercice clos en 2011 ont été communiqués à la vérificatrice, à qui il a été indiqué que la comptabilité de l'exercice clos en 2012 n'avait pas été finalisée. Dans ces conditions, la vérificatrice était fondée, d'une part, à constater, par procès-verbal, l'absence de présentation d'une comptabilité au titre de l'exercice clos en 2012, d'autre part, à procéder à une reconstitution du résultat imposable de cet exercice, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait qu'elle ait pu consulter, au cours du contrôle, des pièces destinées à appuyer la comptabilité manquante ou encore des extraits de comptes. En outre, il est constant que la SCI A... n'a pas souscrit de déclaration de résultat afférente à l'exercice clos en 2012 et qu'elle n'a pas régularisé sa situation dans le délai imparti par la mise en demeure qui lui a été adressée à cette fin. La SCI A... soutient que l'inachèvement de sa comptabilité et l'absence de dépôt de déclaration de résultat pour cet exercice trouvent leur cause dans les difficultés rencontrées par son expert-comptable pour obtenir de l'étude notariale chargée de constater la vente, au cours de cet exercice, de trois immeubles lui appartenant, des éléments chiffrés lui permettant de déterminer le montant de la plus-value réalisée dans le cadre de cette opération. Toutefois, la SCI A..., qui était à même, avec l'assistance de son expert-comptable, d'évaluer cette plus-value à partir des éléments d'information en sa possession en ce qui concerne la valeur d'origine des immeubles et leur prix de vente, et qui n'a ainsi pas été empêchée de souscrire, dans le délai imparti, la déclaration attendue, en conservant, le cas échéant, la possibilité de déposer une déclaration rectificative au vu des éléments entre-temps obtenus, n'établit pas, par la seule attestation établie le 25 septembre 2020 par son expert-comptable, selon laquelle celui-ci a vainement demandé à l'étude notariale chargée de la vente la communication de la fiche de calculs établie par elle, que le non-respect de ses obligations comptables et déclaratives résulterait, comme elle l'allègue, d'un cas de force majeure. Il suit de là que l'administration était fondée à tirer les conséquences de ces carences en établissant d'office l'imposition en litige à partir de la reconstitution de recettes opérée par le service.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la critique, par la SCI A..., de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard n'est pas fondée.

Sur les pénalités :

8. Aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6, la SCI A..., malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée en ce sens le 19 juin 2013 et qu'elle a reçue le lendemain, n'a pas souscrit de déclaration de résultat se rapportant à l'exercice clos en 2012. En outre, la société requérante ne démontre pas que cette carence serait la conséquence d'une situation de force majeure. Par suite, l'administration était fondée à assortir les suppléments d'impôt sur les sociétés en litige de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

10. Il ressort des mentions de l'avis de mise en recouvrement adressé le 22 novembre 2016 à la SCI A... que celles-ci font référence, conformément aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les mentions que doit contenir un tel avis, aux documents adressées au contribuable dans le cadre de la procédure d'établissement des impositions qu'il a pour objet de recouvrer. C'est le cas en l'espèce s'agissant de la mention de la proposition de rectification du 28 mai 2014, mais aussi de la lettre du 18 juillet 2016, par laquelle l'administration a fait connaître à la SCI A... les conséquences financières emportées en définitive par les contrôles opérés sur sa situation, sans qu'ait d'incidence le fait que ce document n'a pas la nature d'une proposition de rectification. Or, ces documents comportent les éléments de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer, tant dans son principe que dans son montant, l'imposition en litige et précisent celles des dispositions du code général des impôts qui en constituent le fondement. L'ensemble de ces indications étaient suffisantes pour permettre à la SCI A... de contester utilement l'imposition en litige, sans que l'avis de mise en recouvrement ait eu à faire mention de la proposition de rectification du 11 décembre 2014, qui avait entre-temps été retirée par l'administration comme étant entachée d'irrégularité. Par ailleurs, dès lors que les énonciations des paragraphes n°60, n°150 et n°360 de la doctrine publiée le 17 juillet 2015 au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-20 ne comportent pas, en ce qui concerne les mentions que doivent contenir les avis de mise en recouvrement, une interprétation du texte fiscal qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application, la SCI A... n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution des sommes qu'elle aurait acquittées en paiement des impositions en litige et à l'octroi d'intérêts moratoires ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

N°20DA00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00181
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-19;20da00181 ?
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