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09/06/2022 | FRANCE | N°21DA01208

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 juin 2022, 21DA01208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la société Atelier d'Architecture et d'Urbanisme de la Bretèque (ATAUB), la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, la société Qualiconsult, et la société Couverture Isolation Membrane d'étanchéité (CIME), à lui verser la somme totale de 214 009,78 euros en réparation des sommes engagées au titre des mesures conservat

oires, des travaux de reprise des dommages, des frais de maîtrise d'œuvre et de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la société Atelier d'Architecture et d'Urbanisme de la Bretèque (ATAUB), la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, la société Qualiconsult, et la société Couverture Isolation Membrane d'étanchéité (CIME), à lui verser la somme totale de 214 009,78 euros en réparation des sommes engagées au titre des mesures conservatoires, des travaux de reprise des dommages, des frais de maîtrise d'œuvre et de contrôleur de la sécurité et de la protection de la santé pour la mise en œuvre des travaux de réparation, ainsi que des honoraires du bureau Kalaya Ingéniérie, de condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, ces mêmes sociétés au paiement d'une indemnité de 20 000 euros pour privation de jouissance des locaux durant la mise en œuvre des travaux de réparation, de condamner ces sociétés aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire, d'indexer les condamnations prononcées au titre des travaux de reprise sur l'indice INSEE du coût de la construction, de majorer les condamnations prononcées au titre des mesures conservatoires des intérêts au taux légal à compter de la réclamation et de mettre à la charge conjointement et solidairement de ces mêmes sociétés, ou l'une à défaut de l'autre, la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900439 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par la société ATAUB contre les assureurs des entreprises parties à l'instance comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné solidairement la société ATAUB, la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et la société Qualiconsult à verser à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf une somme de 207 023,18 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 4 022,44 euros toutes taxes comprises, solidairement à la charge de la société ATAUB, de la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et de la société Qualiconsult. Par ailleurs, il a jugé que la société Qualiconsult serait garantie du paiement de ces sommes à hauteur de 95 % par la société ATAUB et la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et que la société ATAUB, la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et la société Qualiconsult verseraient in solidum une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2021, la société ATAUB, représentée par Me Lemiègre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ainsi que les conclusions formulées à son encontre par les autres parties ;

3°) de condamner les sociétés Lafranque, Qualiconsult et CIME à la garantir à hauteur de 95 % des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf ou de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses missions, de sorte que les désordres ne sauraient lui être imputables et que sa responsabilité sur le terrain de la garantie décennale des constructeurs ne saurait être engagée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité la part de responsabilité de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf à 2 % du montant des travaux destinés à remédier aux désordres survenus sur la toiture des vestiaires ;

- le préjudice matériel relatif aux honoraires du bureau Kalaya Ingéniérie et le préjudice de jouissance invoqués par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf ne sont pas établis ;

- elle est fondée à être garantie des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 95 % par les sociétés Lafranque, Qualiconsult et CIME en raison des fautes commises par celles-ci.

Par un mémoire, enregistré le 26 août 2021, la société Couverture Isolation Membrane d'étanchéité (CIME), représentée par Me Poirot-Bourdain, conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause ainsi qu'au rejet des conclusions présentées à son encontre et présente, à titre subsidiaire, des conclusions d'appels incident et provoqué tendant à la condamnation in solidum des codéfendeurs à la garantir à hauteur de 95 % des sommes qui pourraient être mises à sa charge et, en tout état de cause, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ATAUB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les désordres constatés ne lui sont pas imputables, que les préjudices liés à son intervention sont inexistants et, à titre subsidiaire, qu'elle est fondée à être garantie par l'ensemble des codéfendeurs des sommes mises à sa charge à hauteur de 95 %.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2021, la société Qualiconsult, représentée par Me Malbesin, présente des conclusions d'appels incident et provoqué tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il retient sa responsabilité à hauteur de 5 %, au rejet des demandes formulées à son encontre, à la condamnation in solidum des sociétés ATAUB, Lafranque, CIME à la garantir à hauteur de 95 % des sommes qui pourraient être mises à sa charge et de mettre à la charge de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les désordres étaient connus à la date de réception des travaux, que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs, que les préjudices relatifs aux honoraires du bureau Kalaya Ingéniérie et à l'absence de jouissance des locaux ne sont pas établis, qu'un coefficient de vétusté de 30 % aurait dû être appliqué, que la part de responsabilité de la commune doit être portée à 20 % et qu'elle est fondée à être garantie des sommes mises à sa charge à hauteur de 95 % par les sociétés ATAUB, Lafranque et CIME en raison des fautes commises par celles-ci.

Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2021, la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, représentée par Me Hummel-Desanglois, conclut au rejet de la requête et présente des conclusions d'appels incident et provoqué tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a laissé à sa charge une part de responsabilité de 2 % et qu'il a écarté celle de la société CIME et à ce qu'il soit mis à la charge des sociétés ATAUB, Lafranque, Qualiconsult et CIME la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé et que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa part de responsabilité à hauteur de 2 % et qu'ils ont écarté celle de la société CIME.

La requête a été communiquée à la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 19 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Hummel-Desanglois pour la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Considérant ce qui suit :

1 La commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf a souhaité, en 2007, faire réaliser un ensemble immobilier à usage de courts de tennis couverts. Elle a confié une mission de maîtrise d'œuvre complète à un groupement, dont la société ATAUB est mandataire, ainsi que la réalisation du lot n° 3 " bardage bac acier " à la société Lafranque. Elle s'est également assurée le concours d'un contrôleur technique, la société Qualiconsult. Dans le cadre de sa mission, la société ATAUB a procédé aux opérations de réception des travaux et émis un procès-verbal de réception le 31 mars 2011 avec effet au 23 septembre 2010 sous réserve des travaux restant à parfaire avant fin avril 2011, notamment sur le lot n° 3, puis a signé un procès-verbal de levée des réserves le 2 mai 2011 pour ce lot n° 3. La commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, qui a constaté des infiltrations après cette levée des réserves, a sollicité les interventions des sociétés ATAUB et Lafranque. Face à l'inertie de la société Lafranque, la société ATAUB a donné son accord, le 6 septembre 2012, pour faire intervenir la société CIME afin de remédier aux désordres constatés par huissier le 1er octobre 2012. A la suite de l'intervention de la société CIME, les désordres se sont poursuivis et ont été constatés par huissier le 7 avril 2014 puis le 28 mai 2015. La commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen qui a désigné un expert, lequel a déposé son rapport, en l'état, le 16 décembre 2018.

2. La société ATAUB relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée solidairement avec la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et la société Qualiconsult à verser à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf une somme de 207 023,18 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019 et a jugé que la société Qualiconsult serait garantie du paiement de cette somme à hauteur de 95 % par la société ATAUB et la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur.

Sur les conclusions d'appel principal présentées par la société ATAUB :

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. Aux termes de l'article 8 du décret 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé alors en vigueur : " I. Les études d'exécution permettent la réalisation de l'ouvrage. Elles ont pour objet, pour l'ensemble de l'ouvrage ou pour les seuls lots concernés : a) D'établir tous les plans d'exécution et spécifications à l'usage du chantier ainsi que les plans de synthèse correspondants ; b) D'établir sur la base des plans d'exécution un devis quantitatif détaillé par lot ou corps d'état ; c) D'établir le calendrier prévisionnel d'exécution des travaux par lot ou corps d'état ; d) D'effectuer la mise en cohérence technique des documents fournis par les entreprises lorsque les documents pour l'exécution des ouvrages sont établis partie par la maîtrise d'oeuvre, partie par les entreprises titulaires de certains lots. / II. Lorsque les études d'exécution sont, partiellement ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d'oeuvre s'assure que les documents qu'elles ont établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa. " Aux termes de l'article 9 de ce même décret : " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : a) De s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ; b) De s'assurer que les documents qui doivent être produits par l'entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l'exécution des travaux sont conformes audit contrat ; c) De délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l'exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier ; d) De vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d'avances présentés par l'entrepreneur, d'établir les états d'acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur, d'établir le décompte général ; e) D'assister le maître de l'ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l'exécution des travaux ".

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Rouen, que le bâtiment construit présente un défaut d'étanchéité de sa couverture se manifestant par des infiltrations dans les vestiaires et au droit des puits de lumière, avec des décollements de peinture dans les vestiaires et une détérioration des zones de Placoplatre cintré. L'expert indique que ces désordres sont de nature à rendre le bâtiment impropre à sa destination et que les infiltrations au droit des zones translucides sur les aires de jeux risquent de compromettre, à moyen terme, la solidité de l'ouvrage. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres trouvent leur cause, d'une part, dans des défauts de conception et de réalisation du chéneau cintré situé au-dessus de la zone d'entrée, qui ne constitue pas un vrai chéneau mais plutôt un pliage en relevé derrière un " mini-acrotère " ne disposant pas d'une capacité suffisante de récolte d'eau compte-tenu des quantités drainées et, d'autre part, dans le non-respect des règles de conception et de pose de la toiture au droit du raccord entre les zones translucides et la toiture en bac acier.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre, que la société ATAUB a exercé une mission d'étude d'exécution (VISA), de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET) ainsi qu'une mission complémentaire EXE portant sur des quantitatifs et plans d'études. Si le rapport d'expertise ne mentionne pas expressément le nom de cette société ainsi qu'elle le fait valoir, celui-ci relève toutefois, s'agissant de l'infiltration dans les vestiaires, un défaut de conception du chéneau cintré qui lui incombait de contrôler, au moins au titre du visa qu'elle devait délivrer sur les études d'exécution réalisées par l'entrepreneur. De même, s'agissant des infiltrations au droit des zones translucides, il résulte de l'instruction que ces désordres résultent notamment du non-respect des règles de conception de la toiture et sont ainsi imputables à la société ATAUB. Enfin, il est constant qu'au titre de sa mission de direction de l'exécution du contrat de travaux, elle devait s'assurer que les ouvrages en cours de réalisation respectaient les dispositions des études effectuées. Dans ces conditions et eu égard aux missions qui lui étaient confiées, les désordres mentionnés ci-dessus sont imputables à la société appelante.

7. En second lieu, si la société ATAUB conteste la part de responsabilité, fixée à 2 % du montant des travaux destinés à remédier aux désordres survenus sur la toiture des vestiaires, retenue par les premiers juges à titre de faute exonératoire du maître d'ouvrage, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les infiltrations dans les vestiaires ont pu être aggravés par un défaut de maintenance des chéneaux par celui-ci mais que cette circonstance demeure très subsidiaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu une part de responsabilité de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf de 2 %.

En ce qui concerne le quantum de l'indemnisation :

8. Il résulte du jugement attaqué qu'il n'a pas retenu, au titre du préjudice indemnisable, les sommes de 4 524,14 euros toutes taxes comprises correspondant aux honoraires du bureau Kalaya Ingéniérie ainsi que de 20 000 euros correspondant au préjudice de jouissance invoqué par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf en première instance. Dans ces conditions, les demandes formulées par la société appelante tendant à ce que ces sommes ne soient pas mises à sa charge doivent être rejetées.

En ce qui concerne le rejet par les premiers juges de l'appel en garantie formé à l'encontre des sociétés Lafranque, Qualiconsult et CIME :

9. En premier lieu, s'agissant de la société Lafranque, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, concernant l'infiltration dans les vestiaires, ces désordres résultent d'une faute de cette société dans sa mission d'exécution des travaux, l'expert relevant qu'elle " est en cause en premier chef " et qu'elle a réalisé les travaux de " la section et la conception du chéneau qui collecte les eaux de pluie au-dessus de l'entrée et les renvoient côté vestiaire (...) de manière non satisfaisante au regard des quantités d'eau drainées ". Concernant les infiltrations au droit des zones translucides, ces désordres résultent également d'une faute de la société Lafranque dont l'expert relève que la responsabilité est principale notamment dans le défaut d'étanchéité entre le matériau translucide (" Danpalon ") et la costière en tôle préfabriquée. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la société Lafranque, représentée par son mandataire liquidateur, à garantir la société ATAUB à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal administratif de Rouen.

10. En deuxième lieu, s'agissant de la société Qualiconsult, il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement du marché de contrôle technique, qu'il incombait à cette société, au titre de sa mission de contrôle de la solidité des ouvrages, de signaler le défaut de conception et de réalisation du chéneau cintré mentionné au point 5. Par ailleurs, quand bien même elle a fait état, dans un compte-rendu de visite de chantier du 11 août 2010, d'un défaut d'étanchéité de la couverture, elle n'a pas suspendu son avis alors que les travaux relatifs à la toiture n'étaient pas conformes, de sorte qu'elle a commis une faute dans l'exercice de ses missions. Si les premiers juges ont, à bon droit, retenu une part de responsabilité de cette société à hauteur de 5 %, compte-tenu de sa mission limitée au contrôle des travaux, c'est à tort qu'ils ont rejeté l'appel en garantie présenté par la société ATAUB à son encontre. Dès lors, il y a lieu de condamner la société Qualiconsult à garantir la société ATAUB à hauteur de 5 % des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal administratif de Rouen.

11. En troisième lieu, s'agissant de la société CIME, il résulte de l'instruction qu'elle n'est intervenue, à la demande de la société ATAUB, qu'après la survenue des désordres, pour y remédier. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que son intervention aurait aggravé ces désordres, sans que la circonstance que les travaux qu'elle a effectués seraient inefficaces ait une incidence pour la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs quant aux désordres qui préexistaient à son intervention. Dans ces conditions, la société ATAUB n'est pas fondée à demander que la société CIME la garantisse des sommes prononcées à son encontre.

12. Il résulte de ce qui précède que la société ATAUB est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce que les sociétés Lafranque et Qualiconsult la garantissent respectivement à hauteur de 70 % et 5 % des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les conclusions d'appels incident et provoqué présentées par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf :

13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu une part de responsabilité de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf de 2 % en sa qualité de maître d'ouvrage.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 11, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'intervention de la société CIME était étrangère aux désordres au titre desquels la garantie décennale des constructeurs avait été invoquée par le maître d'ouvrage, en raison de son intervention postérieure à ces désordres, de sorte que sa responsabilité sur ce fondement doit être écartée.

15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf n'est pas fondée, par les voies de l'appel incident et de l'appel provoqué, à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à obtenir une indemnisation complémentaire.

Sur les conclusions d'appels incident et provoqué présentées par la société Qualiconsult :

En ce qui concerne l'appel incident :

16. Si la société Qualiconsult demande à être garantie totalement par la société ATAUB des condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges et non seulement à hauteur de 95 % comme l'ont retenu ces derniers, il résulte de ce qui a été dit au point 10, qu'une part de responsabilité de 5 % doit rester à sa charge. Par suite, ses conclusions d'appel incident tendant à ce que la société ATAUB la garantisse entièrement des sommes mises à sa charge doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'appel provoqué :

17. En premier lieu, la garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.

18. Si la société Qualiconsult soutient que les infiltrations au droit des puits de lumière, mentionnées au point 5, étaient apparentes à la réception des travaux du lot n° 3 dès lors notamment qu'elle avait elle-même relevé, dans un compte-rendu de visite de chantier du 11 août 2010, un défaut d'étanchéité de la couverture, il résulte de l'instruction que la réception des travaux a été prononcée par le maître d'ouvrage le 31 mars 2011 avec effet au 23 septembre 2010 sous certaines réserves portant notamment sur " les fuites en couverture " et que ce n'est que le 2 mai 2011 que ces réserves ont été levées. Il résulte du procès-verbal de levée de ces réserves qu'à cette date, les travaux ayant fait l'objet de réserves avaient été exécutés et que les malfaçons constatées avaient été corrigées. Dans ces conditions, les désordres relatifs aux infiltrations n'étant pas apparents à la date de réception définitive des travaux, ceux-ci permettaient à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, propriétaire de cet ouvrage, de mettre en jeu la garantie décennale des constructeurs.

19. En deuxième lieu, si la société Qualiconsult, qui a la qualité de constructeur du fait de sa mission de contrôleur technique, soutient que les désordres constatés ne lui sont pas imputables, il résulte de ce qui a été dit précédemment, notamment au point 10, que tel n'est pas le cas eu égard à la mission de contrôle de la solidité des ouvrages dont elle avait la charge.

20. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu une part de responsabilité de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf de 2 % en sa qualité de maître d'ouvrage.

21. En quatrième lieu, la société Qualiconsult n'est pas fondée à demander la décharge de sommes de 4 524,14 euros toutes taxes comprises correspondant aux honoraires du bureau Kalaya Ingéniérie ainsi que de 20 000 euros correspondant au préjudice de jouissance invoqué par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf dès lors que celles-ci n'ont pas été mises à sa charge par les premiers juges ainsi qu'il a été dit au point 8.

22. En cinquième lieu, si la société Qualiconsult sollicite l'application d'un abattement pour vétusté à la somme qu'elle a été condamnée solidairement avec la société ATAUB et la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, à verser à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier eu égard au court délai qui s'est écoulé entre l'achèvement de la construction et la survenance des désordres dès 2012, qu'il y ait lieu de faire droit à cette demande.

23. En dernier lieu, si la société Qualiconsult demande à être garantie totalement par la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, des condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges et non seulement à hauteur de 95 % comme l'ont retenu ces derniers, il résulte de l'instruction, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10, qu'une part de responsabilité de 5 % doit rester à sa charge. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la société Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, la garantisse entièrement des sommes mises à sa charge doivent être rejetées. En outre, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 11, la société Qualiconsult n'est pas fondée, en l'absence de faute de la société CIME, à demander que cette dernière la garantisse des condamnations prononcées à son encontre.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Qualiconsult n'est pas fondée, par les voies de l'appel incident et de l'appel provoqué, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant au rejet des demandes présentées à son encontre et à ce qu'elle soit garantie par les sociétés ATAUB, Lafranque, en la personne de son mandataire liquidateur, et CIME des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les conclusions présentées par la société CIME :

25. Le présent arrêt faisant droit aux conclusions présentées à titre principal par la société CIME tendant au rejet des demandes présentées à son encontre, il n'y a pas lieu de statuer sur ses demandes présentées, à titre subsidiaire, à l'encontre des autres codéfendeurs.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par les sociétés ATAUB et Qualiconsult et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société CIME et par la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Lafranque, prise en la personne de son mandataire liquidateur, est condamnée à garantir la société ATAUB, à hauteur de 70 %, des sommes mises à sa charge solidaire par les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 avril 2021.

Article 2 : La société Qualiconsult est condamnée à garantir la société ATAUB, à hauteur de 5 %, des sommes mises à sa charge solidaire par les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 avril 2021.

Article 3 : L'article 6 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ATAUB, à la société Lafranque prise en la personne de son mandataire liquidateur, à la société Qualiconsult, à la société CIME et à la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : N. Carpentier-Daubresse

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 21DA01208

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01208
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BONIFACE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-09;21da01208 ?
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