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16/06/2022 | FRANCE | N°20DA01580

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 juin 2022, 20DA01580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ladenime a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période d'avril 2011 à mars 2015.

Par un jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2020, la SARL La

denime, représentée par Me Guey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709414, 1802783, 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ladenime a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période d'avril 2011 à mars 2015.

Par un jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2020, la SARL Ladenime, représentée par Me Guey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement ne peut pas porter sur une période non visée par l'avis de vérification de comptabilité ; or l'avis de mise en recouvrement fait état au titre de la période incriminée du 04-2011 à 03-2015 et l'avis de vérification de comptabilité concernait la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie et la charge de la preuve incombe à l'administration, laquelle ne l'a pas apportée compte tenu de la faiblesse du pourcentage du redressement ;

- une erreur de saisie ou la formation du personnel permet d'expliquer les suppressions constatées ;

- une reconstitution conduisant à un pourcentage de moins de 6% de redressement ne peut être regardée comme suffisante pour justifier les rappels ;

- les pénalités de 40% sont contestées au motif que la pratique d'annulations par le recours au mode maintenance n'a pas été établie sur les périodes en litige, les redressements n'étant consécutifs qu'à une extrapolation aux autres périodes du pourcentage déterminé sur la période du 3 mars 2014 au 31 mars 2014 et du 1er avril 2014 au 28 février 2015. En outre, les redressements évalués à moins de 6% du chiffre d'affaires, ne présentent pas donc le caractère d'importance requis pour l'application des pénalités pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens de la requête de la SARL Ladenime ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guey Balgairies, avocat de la SARL Ladenime.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Ladenime, qui exerce une activité de restauration à Lille, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration a mis en évidence des manipulations sur le système informatique de gestion des caisses enregistreuses qui a permis d'occulter une partie des recettes payées en espèces. En conséquence, le vérificateur a établi le 26 juin 2015 un procès-verbal de non-conservation des documents comptables par la société Ladenime en méconnaissance des articles 54 du code général des impôts, 13 et L. 102 B du livre des procédures fiscales. Le 8 décembre 2015, l'administration a également dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité selon les modalités prévues au paragraphe II de l'article 47 A du livre des procédures fiscales, applicable en cas de tenue de comptabilité informatisée. Par suite, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de la société pour les exercices clos de 2012 à 2014 et a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015 en suivant la procédure de rectification contradictoire.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

3. En l'espèce, l'administration a relevé dans la proposition de rectification que des anomalies constatées de manière récurrente et massive sur l'ensemble de la période vérifiée étaient la marque d'une modification a posteriori des données de caisse par l'utilisation du mode " maintenance " du logiciel pour éluder une partie des recettes. Ces manipulations constituent de graves irrégularités dans la tenue de la comptabilité. La SARL Ladenime ne conteste pas sérieusement que sa comptabilité comportait ces graves irrégularités. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité de la SARL Ladenime.

4. En l'espèce, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

5. Pour reconstituer le chiffre d'affaires, l'administration a retenu, au titre des périodes pour lesquelles elles ont été fournies, les données de caisse contenues dans la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse, qui reprend de façon exhaustive et précise l'ensemble du chiffre d'affaires toutes taxes comprises encaissé et exempt de toute manipulation. Toutefois, l'absence de justificatifs sur la période du 1er avril 2011 au 31 août 2013 et du 7 janvier 2014 au 2 mars 2014 n'a pas permis à l'administration d'utiliser la même méthode pour ces périodes. L'administration a donc établi un rapport entre les recettes éludées, qui sont récurrentes sur toute la période vérifiée, et les recettes déclarées sur les périodes pour lesquelles le chiffrage était possible à l'aide de la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse. Puis elle a appliqué ce rapport aux recettes déclarées pour les périodes pour lesquelles aucun justificatif n'a été transmis et déterminé un chiffre d'affaires reconstitué de 788 720 euros pour l'exercice clos en 2012, de 769 215 euros pour l'exercice clos en 2013, 811 189 euros pour l'exercice clos en 2014 et de 793 673 euros pour l'exercice clos en 2014.

6. En premier lieu, la SARL Ladenime ne conteste pas sérieusement l'existence des manipulations volontaires affectant sa comptabilité. Elle se borne à indiquer que la suppression des tickets pouvait résulter d'erreurs ou être la conséquence de la formation d'un salarié à l'utilisation du logiciel de caisse. Toutefois, l'administration fait valoir que l'horodatage des tickets supprimés révèle que les manipulations du logiciel informatique permettant de supprimer des tickets de caisse intervenaient systématiquement les lundis, hors de la présence du personnel de l'établissement et une à deux semaines après la clôture de la caisse et portait quasi exclusivement sur des tickets de caisse réglés en espèces. Ainsi, une erreur de saisie ou la formation du personnel ne permet pas d'expliquer les suppressions qui intervenaient systématiquement en dehors des heures d'ouverture. Dès lors, le moyen doit être écarté.

7. En second lieu, si la société requérante fait valoir qu'une reconstitution conduisant à un pourcentage de redressement de moins de 6% ne peut être regardée comme suffisante pour justifier les rappels, l'administration fait valoir que le pourcentage moyen de chiffre d'affaires éludé est effectivement de 5,78% mais ce taux a été déterminé d'après la comparaison entre les données de caisse effectivement fournies et le montant du chiffre d'affaires retracé dans la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse, exempt de toute manipulation. Par suite, le moyen doit être également écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence du chiffre d'affaires reconstitué pour la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur le chiffre d'affaires ainsi reconstitué.

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

9. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification contradictoire, il fait référence soit à la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ". Si, depuis l'entrée en vigueur du décret du 20 avril 2000 modifiant l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales définissant le contenu de l'avis de mise en recouvrement, la mention de la période d'imposition dans l'avis de mise en recouvrement consécutif à une procédure de rectification n'est plus prescrite, cet avis et la proposition de rectification à laquelle il doit continuer de faire référence ne sauraient induire en erreur le contribuable sur la période d'imposition en litige sans priver ce dernier d'une garantie.

10. Il ressort des mentions de l'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2016 que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée concerne la période d'avril 2011 à mars 2015. Or si la vérification de comptabilité de la société n'a porté que sur la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015, ce même avis fait également référence à la proposition de rectification du 18 décembre 2015, laquelle précise notamment en page 29 que les droits rappelés portent sur la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015 ainsi que leur montant. Le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement est identique au montant mentionné dans la proposition de rectification. Cette discordance sur la période n'a pas été source de confusion pour la société Ladenime qui a pu identifier le montant et l'origine des droits, pénalités et intérêts de retard dont l'Etat poursuivait le recouvrement. En particulier, la société a correctement identifié dans sa réclamation du 18 décembre 2017 la période d'imposition courant du 1er avril 2011 au 28 février 2015, malgré la mention erronée de l'avis de mise en recouvrement. Ainsi, la mention erronée de la période concernée sur l'avis de mise en recouvrement constitue une erreur matérielle sans influence sur la régularité de cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) c. 80% en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

12. L'administration a appliqué la majoration de 80 % sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période du 1er avril 2013 au 28 février 2015. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait valoir que le contrôle des données informatiques a permis de mettre en évidence une annulation de tickets de caisse tout au long de la période vérifiée et que cette suppression avait été rendue possible par la manipulation du système informatique de gestion de caisse en mode " maintenance ". En particulier, l'administration a établi que ces manipulations avaient lieu principalement les lundis avant l'ouverture du restaurant et une à deux semaines après la clôture de la caisse et qu'elles portaient quasi exclusivement sur des tickets de caisse réglés en espèces. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société d'égarer et restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration par l'utilisation du mode " maintenance " du logiciel.

13. L'administration a appliqué la majoration de 40 % sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait valoir que la société a fait usage d'une fonction permissive de la caisse enregistreuse, qu'elle n'a présenté aucune donnée informatique du système de caisse pour la période du 1er avril 2011 au 31 août 2013 et du 7 janvier au 2 mars 2014, ni les bandes de contrôle papier. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société d'éluder le paiement de l'impôt dû.

14. Il résulte de ce qui précède que la SARL Ladenime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ladenime est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ladenime et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. A...La conseillère la plus ancienne,

Signé : D. Bureau

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°20DA01580 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01580
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-16;20da01580 ?
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