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16/06/2022 | FRANCE | N°20DA01581

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 juin 2022, 20DA01581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Catzam a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2020, la SAS Catzam, r

eprésentée par Me Guey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Catzam a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2020, la SAS Catzam, représentée par Me Guey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709414, 1802783, 1903339, 1903341 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie et la charge de la preuve incombe à l'administration, laquelle ne l'a pas apportée compte tenu de la faiblesse du pourcentage du redressement ;

- les pénalités de 40% sont contestées au motif que la pratique d'annulations par le recours au mode maintenance n'a pas été établie sur les périodes en litige, les redressements n'étant consécutifs qu'à une extrapolation aux autres périodes du pourcentage déterminé sur la période du 3 mars 2014 au 31 mars 2014 et du 1er avril 2014 au 28 février 2015. En outre, les redressements évalués à moins de 6% du chiffre d'affaires, ne présentent pas donc le caractère d'importance requis pour l'application des pénalités pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens de la requête de la SAS Catzam ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guey Balgairies, avocat de la SAS Catzam.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Ladenime, qui exercice une activité de restauration à Lille, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration a mis en évidence des manipulations sur le système informatique de gestion des caisses enregistreuses qui a permis d'occulter des recettes payées en espèces. En conséquence, le vérificateur a établi le 26 juin 2015 un procès-verbal de non-conservation des documents comptables par la société Ladenime en méconnaissance des articles 54 du code général des impôts, 13 et L. 102 B du livre des procédures fiscales. Le 8 décembre 2015, l'administration a également dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité selon les modalités prévues au paragraphe II de l'article 47 A du livre des procédures fiscales, applicable en cas de tenue de comptabilité informatisée. Par suite, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de la société pour les exercices clos de 2012 à 2014 et a rehaussé les bénéfices de la société pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 à 2014 en suivant la procédure de rectification contradictoire. La SAS Catzam ayant opté pour le régime fiscal des groupes de sociétés prévu à l'article 223 A du code général des impôts qui la rend seul redevable de l'impôt dû par ses filiales, au nombre desquels figure la SARL Ladenime, l'administration l'a informée par lettre du 24 aout 2017 qu'elle était redevable des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de sa filiale. La SAS Catzam relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du Livre des procédures fiscales : " (...) Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

3. L'administration a relevé dans la proposition de rectification que des anomalies constatées de manière récurrente et massive sur l'ensemble de la période vérifiée étaient la marque d'une modification a posteriori des données de caisse par l'utilisation du mode " maintenance " du logiciel pour éluder une partie des recettes. Ces manipulations constituent de graves irrégularités dans la tenue de la comptabilité de la SARL Ladenime. La SAS Catzam ne conteste pas sérieusement que la comptabilité de la SARL Ladenime comportait ces graves irrégularités. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité de la SARL Ladenime.

4. En l'espèce, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

5. Pour reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices de la SARL Ladenime, l'administration a retenu, au titre des périodes pour lesquelles elles ont été fournies, les données de caisse contenues dans la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse qui reprend de façon exhaustive et précise l'ensemble du chiffre d'affaires toutes taxes comprises encaissé et exempt de toute manipulation. Toutefois, l'absence de justificatifs sur la période du 1er avril 2011 au 31 août 2013 et du 7 janvier 2014 au 2 mars 2014 n'a pas permis à l'administration d'utiliser la même méthode pour ces périodes. L'administration a donc établi un rapport entre les recettes éludées, qui sont récurrentes sur toute la période vérifiée, et les recettes déclarées sur les périodes pour lesquelles le chiffrage était possible à l'aide de la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse. Puis elle a appliqué ce rapport aux recettes déclarées pour les périodes pour lesquelles aucun justificatif n'a été transmis et déterminé un chiffre d'affaires reconstitué de 788 720 euros pour l'exercice clos en 2012, 769 215 euros pour l'exercice clos en 2013, 811 189 euros pour l'exercice clos en 2014 et 793 673 euros pour l'exercice clos en 2014.

6. En premier lieu, la société requérante ne conteste pas sérieusement l'existence des manipulations volontaires affectant sa comptabilité. Elle se borne à indiquer que la suppression des tickets pouvait résulter d'erreurs ou être la conséquence de la formation d'un salarié à l'utilisation du logiciel de caisse. Toutefois, l'administration fait valoir que l'horodatage des tickets supprimés révèle que les manipulations du logiciel informatique permettant de supprimer des tickets de caisse intervenaient systématiquement les lundis, hors de la présence du personnel de l'établissement et une à deux semaines après la clôture de la caisse et portait quasi exclusivement sur des tickets de caisse réglés en espèces. Ainsi, une erreur de saisie ou la formation du personnel ne permet pas d'expliquer les suppressions qui intervenaient systématiquement en dehors des heures d'ouverture. Dès lors, le moyen doit être écarté.

7. En second lieu, si la société requérante fait valoir qu'une reconstitution conduisant à un pourcentage de redressement de moins de 6% ne peut être regardée comme suffisante pour justifier les rappels, l'administration fait valeur que le pourcentage moyen de chiffre d'affaires éludé est effectivement de 5,78% mais que ce taux a été déterminé d'après la comparaison entre les données de caisse effectivement fournies et le montant du chiffre d'affaires retracé dans la table informatique intitulée " tireg " du logiciel de caisse, exempt de toute manipulation. Par suite, le moyen doit être également écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué pour la période du 1er avril 2011 au 28 février 2015 et du rehaussement du bénéfice en découlant. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a assujetti la SARL Lademine à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et a rendu la SAS Catzam, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, redevable du paiement de ces impositions supplémentaires.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) c. 80% en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

10. L'administration a appliqué la majoration de 80 % sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période du 1er avril 2013 au 28 février 2015. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait valoir que le contrôle des données informatiques a permis de mettre en évidence une annulation de tickets de caisse tout au long de la période vérifiée et que cette suppression avait été rendue possible par la manipulation du système informatique de gestion de caisse en mode " maintenance ". En particulier, l'administration a établi que ces manipulations avaient lieu principalement les lundis avant l'ouverture du restaurant et une à deux semaines après la clôture de la caisse et qu'elles portaient quasi exclusivement sur des tickets de caisse réglés en espèces. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société d'égarer et restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration par l'utilisation du mode " maintenance " du logiciel.

11. L'administration a appliqué la majoration de 40 % sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait valoir que la société a fait usage d'une fonction permissive de la caisse enregistreuse et qu'elle n'a présenté aucune donnée informatique du système de caisse pour la période du 1er avril 2011 au 31 août 2013 et du 7 janvier au 2 mars 2014, ni les bandes de contrôle papier. Par suite, par ces motifs, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société d'éluder le paiement de l'impôt dû.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS Catzam n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SAS Catzam tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Catzam est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Catzam et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 16 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. A...La conseillère la plus ancienne

Signé : D. Bureau

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°20DA01581 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01581
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-16;20da01581 ?
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