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29/09/2022 | FRANCE | N°20DA01322

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 29 septembre 2022, 20DA01322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Maximin a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 400 000 euros, majorée des intérêts de droit, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de la mauvaise évaluation des bases de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la contribution foncière des entreprises (CFE) au titre des années 2010 à 2017.

Par un jugement no 1801208 du

29 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Maximin a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 400 000 euros, majorée des intérêts de droit, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de la mauvaise évaluation des bases de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la contribution foncière des entreprises (CFE) au titre des années 2010 à 2017.

Par un jugement no 1801208 du 29 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2020 et le 24 juin 2022, la commune de Saint-Maximin, représentée par la SELARL Gaïa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 400 000 euros, majorée des intérêts au taux légal ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du supplément d'instruction demandé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de ses moyens et, d'autre part, dès lors qu'elle n'a pas été informée du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives aux années 2010 à 2013 en faisant application de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales alors que cet article n'était pas applicable en l'espèce ;

- l'administration a commis une faute en ne procédant pas, en dépit de ses demandes à cet effet, au réexamen des bases de la taxe sur les surfaces commerciales, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la contribution foncière des entreprises ;

- les opérations de contrôle sur les entreprises menées par l'administration fiscale suite au signalement de la commune ont été insuffisantes, voire inexistantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, et un mémoire, enregistré le 12 juillet 2022, le ministre de de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Maximin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Regis, substituant Me Peru, représentant la commune de Saint-Maximin.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'intégration de la commune de Saint-Maximin à la communauté d'agglomération Creil-Sud Oise à compter du 1er janvier 2017, la commune a fait procéder à un examen des contributions des entreprises installées sur son territoire au titre de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la contribution foncière des entreprises (CFE) pour les années 2013 à 2015. Estimant avoir mis en évidence des anomalies dans les recettes fiscales provenant de ces impositions, la commune de Saint-Maximin a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 400 000 euros en réparation du préjudice financier résultant, selon elle, de la faute de l'administration fiscale dans l'établissement et le recouvrement de la TASCOM, de la CVAE et de la CFE pour les années 2010 à 2017. Par un jugement du 29 juin 2020, dont la commune de Saint-Maximin relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la commune de Saint-Maximin, en se bornant à soutenir que les premiers juges n'ont pas répondu " à l'ensemble des moyens " soulevés par elle à l'appui des conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute commise par les services de l'Etat dans l'établissement de l'assiette de la TASCOM, de la CVAE et de la CFE pour les années 2010 à 2017, n'apporte pas de précisions suffisantes permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

3. En second lieu, la commune de Saint-Maximin soutient qu'elle n'a " pas été informée " du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience. Toutefois, l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, que le sens des conclusions du rapporteur public a été mis en ligne dans l'application Télérecours le 9 juin 2020, à 9 heures. Dès lors, la commune de Saint-Maximin n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Sur les conclusions indemnitaires en ce qu'elles portent sur les années 2010 à 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 : " L'action en réparation du préjudice subi fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure ou la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle l'existence de la créance a été révélée au demandeur. ". Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux actions en réparation relatives à des créances dont l'existence a été révélée au demandeur à compter du 1er janvier 2013.

5. Il résulte de l'instruction et, notamment, du courrier du maire de la commune de Saint-Maximin adressé, le 1er juin 2016, au directeur départemental des finances publiques de l'Oise, que la commune a eu connaissance, au plus tard à cette date, du document intitulé " examen des contributions TASCOM/CFE/CVAE (2013/2014/2015) " établi à sa demande par une société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes. Selon les écritures mêmes de la commune de Saint-Maximin, ce document, dont la commune a ainsi eu connaissance au plus tard le 1er juin 2016, a mis en évidence différentes anomalies conduisant à une sous-évaluation des produits fiscaux. Dès lors, l'existence de la créance dont se prévaut la commune de Saint-Maximin lui a été révélée à compter de cette date et donc postérieurement au 1er janvier 2013, date à compter de laquelle les dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales ont commencé à trouver à s'appliquer, nonobstant l'application de la prescription quadriennale résultant de la loi du 31 décembre 1968. La commune de Saint-Maximin n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont relevé, pour les rejeter, que les conclusions indemnitaires, en ce qu'elles portaient sur les années 2010 à 2013, étaient atteintes de la prescription prévue à l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions indemnitaires en ce qu'elles portent sur les années 2014 à 2017 :

6. Une faute commise par l'administration fiscale lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration, notamment l'absence de recettes fiscales légalement dues, mais doit prendre en compte, le cas échéant, les sommes effectivement perçues par la collectivité territoriale ou la personne publique au titre d'un mécanisme de compensation par l'Etat de ses pertes de recettes mis en œuvre à tort dans cette hypothèse. L'administration, qui n'est pas tenue d'engager spontanément avant l'expiration du délai de reprise, une vérification des bases déclarées au titre de ces années, peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité. Enfin, s'il appartient, en principe, à la victime d'un dommage d'établir la réalité du préjudice qu'elle invoque, le juge ne saurait toutefois lui demander des éléments de preuve qu'elle ne peut apporter.

7. En premier lieu, il incombe, en principe, à la partie qui l'invoque d'établir l'existence d'une faute d'une personne publique de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. En l'espèce, il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal n'a pas exigé de la commune de Saint-Maximin des éléments de preuve qu'elle n'était pas en mesure de détenir mais a confronté les arguments qu'elle présentait pour établir l'existence d'une faute de l'administration fiscale aux explications fournies par cette dernière. Les premiers juges ont pu dès lors en déduire, sans méconnaître les règles de dévolution de la charge de la preuve, que l'administration n'avait pas commis de faute dans l'établissement de la TASCOM, de la CVAE et de la CFE, en ce qui concerne les années 2014 à 2017.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'analyse établie à la demande de la commune de Saint-Maximin n'a relevé, pour la seule période allant de 2013 à 2015, que des " anomalies apparentes " et non des carences fautives de l'administration, en matière de CFE pour quinze entreprises, en matière de CVAE pour dix-sept entreprises et en matière de TASCOM pour sept entreprises implantées sur le territoire communal. Le ministre fait valoir que l'ensemble des entreprises concernées ont fait l'objet d'un premier contrôle par l'administration fiscale, et que pour douze des quinze entreprises signalées en matière de CFE, les dix-sept entreprises signalées en matière de CVAE, et cinq des sept entreprises signalées en matière de TASCOM, aucune suite n'a été donnée dès lors que l'existence de doutes sérieux sur l'exactitude des éléments déclarés par le contribuable n'avait pas été confirmée. Or, s'agissant de ce premier contrôle, aucun texte ni principe général du droit ne prévoit l'établissement d'un document le formalisant. De plus, l'administration fait valoir que, pour trois entreprises, des relances ont été adressées pour qu'elles déposent les déclarations exigées par la révision des valeurs locatives foncières des locaux professionnels, que deux d'entre-elles ont donné suite à ces relances et que, pour la troisième, il a été procédé à l'évaluation d'office de la valeur locative foncière. Enfin, pour une entreprise, un avis de mise en recouvrement a été émis au titre de la TASCOM pour la période allant de 2015 à 2018. A ce titre, si la commune de Saint-Maximin soutient que l'administration ne produit pas les avis de vérification des entreprises concernées, il n'est pas contesté que ces procédures sont couvertes, notamment, par le secret professionnel prévu à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, si la commune de Saint-Maximin fait valoir que les rôles supplémentaires d'imposition ont été, de son point de vue, d'un faible montant, cette circonstance n'est pas de nature à établir, par elle-même, l'existence d'une carence fautive de l'administration fiscale dans son action d'établissement de l'impôt. En outre, le rapport établi à la demande de la commune de Saint-Maximin n'évoquait pas une absence de taxation généralisée ni même un défaut généralisé de mise à jour des bases imposables des entreprises installées sur le territoire communal, de telle sorte que l'administration fiscale n'avait pas à mener d'autres actions que les opérations de contrôle effectuées à l'égard des entreprises identifiées dans ce document. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'aucune carence fautive ne pouvait être reprochée aux services de l'Etat. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, les conclusions indemnitaires de la commune de Saint-Maximin doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Saint-Maximin doit être rejetée, ensemble les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Maximin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Maximin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience publique du 15 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA01322

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01322
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-09-29;20da01322 ?
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