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02/11/2022 | FRANCE | N°21DA01314

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 novembre 2022, 21DA01314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Mazal et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Mazal ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté de communes des Hauts-de-Flandre à verser à la SCI Mazal la somme de 150 194 euros et à l'EURL Mazal la somme de 593 249 euros, assorties des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait du retard pris dans la réalisation de la vente d'un bien immobilier.



Par un jugement n° 1808631 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Mazal et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Mazal ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté de communes des Hauts-de-Flandre à verser à la SCI Mazal la somme de 150 194 euros et à l'EURL Mazal la somme de 593 249 euros, assorties des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait du retard pris dans la réalisation de la vente d'un bien immobilier.

Par un jugement n° 1808631 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et mis à la charge de la SCI Mazal et de l'EURL Mazal la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin, 3 septembre et 29 novembre 2021, la SCI Mazal et l'EURL Mazal, représentés par la société civile professionnelle (SCP) Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté de communes des Hauts-de-Flandre à verser à la SCI Mazal la somme de 150 194 euros et à l'EURL Mazal la somme de 593 249 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la juridiction administrative est compétente pour connaître de leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre au titre de son comportement fautif lors de la conduite des pourparlers précédant la vente de l'immeuble dès lors que, d'une part, celui-ci appartenait au moment de la cession au domaine public de la communauté de communes et, d'autre part, le juge administratif est, en tout état de cause, compétent s'agissant des refus de cession de biens du domaine privé comme des actes détachables de l'acte de cession et, enfin, les relations entre la communauté de communes des Hauts-de-Flandre et elles s'inscrivent dans le cadre d'un régime exorbitant du droit commun ;

- la communauté de communes des Hauts-de-Flandre a eu un comportement fautif en retardant la conclusion de la vente du bien immobilier, notamment en refusant de lever l'hypothèque, en exigeant le paiement des indemnités d'occupation jusqu'au 15 janvier 2018 et en ne respectant pas ses engagements résultant de la décision de son bureau du 7 juillet 2015 et de la délibération du 11 octobre 2016 ;

- le retard pris par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre dans l'exécution de la délibération du 11 octobre 2016 engage sa responsabilité sans faute, au titre de la rupture d'égalité devant les charges publiques, alors que la SCI Mazal avait, dès le mois de septembre 2016, toutes les garanties nécessaires ;

- elles sont fondées à demander la réparation intégrale de leur préjudice financier, comprenant les loyers indument versés par la SCI Mazal à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre du 1er janvier 2017 au 15 janvier 2018, le surplus de loyer versé par l'EURL Mazal à la SCI Mazal au titre de la même période, une indemnité compensatoire des dommages subis par le locataire, en l'absence de réalisation par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre des travaux nécessaires, le remboursement des travaux finalement réalisés par la SCI Mazal après l'acquisition, une indemnité compensatoire de la perte de chance d'exploitation et de développer le " process RADDIS ", des surcoûts salariaux, des sous-locations effectuées par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre en faveur d'entreprises tierces dans des locaux qui auraient dû être exploités par la SCI Mazal, propriétaire ainsi que de la perte d'image et de clientèle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2021, la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, représentée par Me Frédéric Savoye, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SCI Mazal et l'EURL Mazal ;

2°) de mettre à la charge de chacune des requérantes le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le litige ne se rattache à aucune activité liée aux missions de service public ou aux prérogatives de puissance publique, mais seulement aux difficultés rencontrées dans l'exécution de conventions de droit privé ;

- le retard allégué par la SCI Mazal et l'EURL Mazal dans la régularisation définitive de la vente de l'immeuble est relatif aux modalités contractuelles de la vente d'un immeuble appartenant à son domaine privé et relève ainsi de la compétence exclusive du juge judiciaire ;

- les conclusions présentées au nom de l'EURL Mazal sont irrecevables dès lors que cette dernière est tierce à la délibération du 11 octobre 2016 proposant la vente d'un immeuble au bénéfice de la SCI Mazal et aux actes de droit privé subséquents ;

- la délibération du 11 octobre 2016 ne constitue pas, en elle-même, une vente, laquelle n'est intervenue que lors de la conclusion de l'acte de cession le 15 janvier 2018 ;

- les SCI Mazal et l'EURL Mazal ne peuvent soutenir que la cession a été retardée dès lors que, d'une part, la promesse synallagmatique de vente fixait une date limite de transfert de propriété au 15 janvier 2018, d'autre part, la SCI Mazal n'a obtenu son prêt bancaire, qui constituait une condition suspensive, que le 19 décembre 2017, alors qu'elle s'était engagée à l'obtenir un mois plus tôt et, enfin, la signature de la promesse de vente a été différée aux motifs que la SCI Mazal a tardé à transmettre ses observations au notaire et que son conseil n'était pas disponible au mois d'août pour signer l'acte ;

- aucune faute délictuelle ne peut lui être imputée, ni aucun retard ;

- l'hypothèse de l'engagement de la responsabilité sans faute n'est pas davantage fondée, la vente d'un immeuble n'ayant aucun lien avec le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

- la SCI Mazal ne peut prétendre au remboursement de douze mois d'indemnités d'occupation alors qu'elle ne disposait d'aucun titre, n'occupait pas les lieux et n'était pas propriétaire, ni à l'indemnisation de travaux effectués postérieurement à l'acquisition, dès lors qu'ils correspondent à des travaux relevant du nouveau propriétaire et que l'acte d'acquisition mentionne que le bien est acheté en l'état ;

- les demandes des deux sociétés ne sont pas justifiées et présentent un caractère abusif.

Par ordonnance du 22 août 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 7 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Ségolène Chavda, représentant la SCI Mazal et l'EURL Mazal, et de Me Fabrice Savoye, représentant la communauté de communes des Hauts-de-Flandre.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes des Hauts-de-Flandre a exercé, le 9 septembre 2014, son droit de préemption pour l'acquisition d'un bien immobilier situé rue d'Herzeele à Wormhout (Nord) avec l'objectif de favoriser le développement économique du secteur local, sinistré par plusieurs fermetures d'entreprises. Elle a, ensuite, par une convention d'occupation précaire conclue le 10 juillet 2015, mis une partie de ce bien à la disposition de l'EURL Mazal pour une durée maximale de trente-six mois. Par délibération du 11 octobre 2016, le conseil communautaire des Hauts-de-Flandre a décidé la cession du bâtiment à la SCI Mazal, qui souhaitait développer une activité de fabrication de plaques funéraires personnalisées, pour une somme de 350 000 euros et autorisé son président à signer tous actes afférents. Le compromis de vente comportant plusieurs conditions suspensives a été signé par la SCI Mazal le 29 septembre 2017 et par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre le 6 octobre 2017. La cession a été réalisée par acte authentique du 15 janvier 2018 après la levée des conditions suspensives. Par courrier en date du 18 juillet 2018, la SCI Mazal et l'EURL Mazal ont demandé à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre de les indemniser des préjudices qu'elles estimaient avoir subi du fait du retard mis pour la réalisation de la vente de l'immeuble.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ".

3. Un litige qui ne tend pas à l'annulation d'un acte détachable d'un contrat, mais qui a pour objet la responsabilité extracontractuelle d'une collectivité locale encourue à l'occasion de la gestion de son domaine privé en raison du comportement adopté par celle-ci lors de la conduite des pourparlers en vue de la cession d'un bien immobilier, lesquels n'avaient pas trait à l'exercice d'une mission de service public sur le domaine privé, relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

4. D'une part, il est constant que le bien immobilier situé rue d'Herzeele à Wormhout n'est pas affecté à l'usage direct du public et la circonstance que la délibération du conseil communautaire des Hauts-de-France en date du 11 octobre 2016 décidant de la cession de ce bâtiment à la SCI Mazal mentionne qu'il a été antérieurement acquis par la communauté de communes dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption afin d'encourager le développement économique sur son territoire touché par la fermetures d'entreprises, n'est pas de nature à le faire regarder comme étant affecté à un service public. Ainsi, le bien immobilier sur lequel a porté la cession relève du domaine privé de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre. D'autre part, la faute invoquée par la SCI Mazal et l'EURL Mazal ne concerne pas un acte détachable de l'acte de cession mais a trait au comportement de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre dans la conduite de la négociation engagée en vue de la vente de ce bien immobilier, les sociétés appelantes reprochant à la collectivité d'avoir retardé les pourparlers en refusant de lever l'hypothèque judiciaire se terminant le 10 décembre 2017 afin de continuer à percevoir le montant des indemnités d'occupation jusqu'au 15 janvier 2018. Le litige a, dès lors, pour objet de mettre en cause la responsabilité extracontractuelle de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre à l'occasion de la gestion de son domaine privé. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Mazal et l'EURL Mazal fondées sur le comportement fautif de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre dans la conduite de ces pourparlers, comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, la SCI Mazal et l'EURL Mazal persistent à soutenir en appel que la responsabilité de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre est engagée en raison d'une promesse non tenue de vendre le bien immobilier à la SCI Mazal. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes des Hauts-de-Flandre se soit engagée sur une date déterminée concernant cette vente, laquelle a été réalisée le 15 janvier 2018 après la levée des conditions suspensives comme le prévoyait le compromis de vente. Dans ces conditions, la SCI Mazal et l'EURL Mazal ne sont pas fondées à invoquer la responsabilité de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre du fait d'une promesse non tenue.

6. En second lieu, si la SCI Mazal et l'EURL Mazal soutiennent que le retard pris par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre dans la vente du bien immobilier engage sa responsabilité sans faute au titre de la rupture d'égalité devant les charges publiques, elles n'établissent pas plus en appel qu'en première instance l'existence d'une telle rupture d'égalité et ne peuvent, en conséquence, se prévaloir d'un tel fondement de responsabilité.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, que la SCI Mazal et l'EURL Mazal ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre à les indemniser des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait du retard pris dans la réalisation de la vente du bien immobilier situé rue d'Herzeele à Wormhout.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Mazal et l'EURL Mazal la somme globale de 2 000 euros à verser à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la somme réclamée à ce titre par la SCI Mazal et l'EURL Mazal soit mise à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Mazal et l'EURL Mazal est rejetée.

Article 2 : La SCI Mazal et l'EURL Mazal verseront à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mazal, à l'EURL Mazal et à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre.

Délibéré après l'audience publique du 7 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01314
Date de la décision : 02/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-02;21da01314 ?
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