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15/11/2022 | FRANCE | N°20DA01960

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 20DA01960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Haute Somme a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner plusieurs entreprises à indemniser les dommages causés à la suite de la construction d'une salle de sport pour le collège Béranger de Péronne.

Par un jugement n° 1802863 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2020 et 14 février 2022, la communauté de

communes de la Haute Somme, représentée par Me Mathilde Lefevre, demande à la cour :

1°) s'agis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Haute Somme a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner plusieurs entreprises à indemniser les dommages causés à la suite de la construction d'une salle de sport pour le collège Béranger de Péronne.

Par un jugement n° 1802863 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2020 et 14 février 2022, la communauté de communes de la Haute Somme, représentée par Me Mathilde Lefevre, demande à la cour :

1°) s'agissant du poste joint de dilatation, à titre principal, d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les architectes, l'APAVE, la société AG Bâtiment ainsi que la société Paul Mathis au titre de la garantie décennale des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil au paiement de la somme de 6 136 euros, subsidiairement de condamner sur le même fondement la société MTH Ingénierie au paiement de la somme de 1 872 euros, solidairement la société d'architecture Aedifi et M. B... au paiement de la somme de 1 872 euros et la société Paul Mathis au paiement de la somme de 520 euros, à titre infiniment subsidiaire, déclarer les architectes, l'APAVE, la société AG Bâtiment ainsi que la société Paul Mathis responsables sur le fondement quasi-délictuel et condamner la société MTH Ingénierie à lui verser la somme de 1 872 euros, solidairement la société d'architecture Aedifi et M. B... à lui verser la somme de 1 872 euros et la société Paul Mathis à lui verser la somme de 520 euros ;

2°) s'agissant du poste " problème de façade, ravalement et absence de ferraillage ", à titre principal, d'infirmer le jugement et de déclarer la société AG Bâtiment responsable au titre de la garantie décennale des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, subsidiairement, de condamner solidairement sur le même fondement la société AG Bâtiment et la société Paul Mathis à lui verser la somme de 34 680 euros, à titre infiniment subsidiaire, de déclarer la société AG Bâtiment responsable sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

3°) s'agissant du poste " problèmes de couvertines ", à titre principal, d'infirmer le jugement et de condamner solidairement la société d'architecture Aedifi, M. B..., la société AG Bâtiment et la société Paul Mathis responsables au titre de la garantie décennale des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil au versement de la somme de 5 400 euros, à titre subsidiaire, de dire la société AG Bâtiment responsable sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle à hauteur de sa part de 1 620 euros et de dire solidairement responsable la société d'architecture Aedifi et M. B... sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour la part leur incombant ;

4°) s'agissant du poste " problèmes des poutres sectionnées dans les vestiaires ", à titre principal, d'infirmer le jugement et de condamner solidairement la société d'architecture Aedifi, M. B..., la société Paul Mathis et la société EEP à lui verser la somme de 1 306 euros au titre de la garantie décennale des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à titre subsidiaire, de dire la société EEP entièrement responsable sur ce même fondement et la condamner au paiement de cette somme, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société EEP sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle au paiement de cette somme ;

5°) de mettre les frais d'expertise à la charge solidaire des parties succombantes ;

6°) de mettre à la charge des parties succombantes une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les quatre types de malfaçons sont de nature décennale ;

- les désordres engendrés par l'absence de joint de dilatation relèvent de la responsabilité des architectes, de l'ingénierie, du bureau de contrôle, de la société AG Bâtiment et de la société Paul Mathis ;

- les désordres liés aux façades, le ravalement et l'absence de ferraillage dans les plaques de béton relèvent de la responsabilité de la société AG Bâtiment, à titre principal, et de cette société et de la société Paul Mathis solidairement à titre subsidiaire ;

- le problème lié à l'absence de couvertines relève de la responsabilité la société Aedifi , de M. B..., du bureau de contrôle, de la société AG Bâtiment et de la société Paul Mathis ;

- le désordre causé aux poutres dans les vestiaires relève de l'électricien EEP et de la société Paul Mathis.

Par des mémoires, enregistrés les 3 février 2021 et 17 février 2022, la société APAVE Nord-Ouest, représentée par Me Sandrine Marié, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter les conclusions présentées contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés MTH, AG Bâtiment, Paul Mathis, Aedifi et M. B... à la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Haute Somme et de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence de joint de dilatation n'est pas de nature décennale dès lors que les désordres qu'elle a causés n'ont pas de conséquence sur la structure du bâtiment et ne sont pas de nature à compromettre la solidité ou la destination du gymnase ;

- l'absence de joint de dilatation révèle un défaut de conception de l'ouvrage qui ne fait pas partie de sa mission de contrôleur technique ;

- elle avait détecté dans son rapport du 1er août 2005 l'absence de joint de dilatation ;

- aucune condamnation solidaire ne pourra être prononcée contre elle car elle ne peut pas prendre en charge la part des entreprises défaillantes.

Par un mémoire, enregistré le 3 mars 2021, la société d'architecture Aedifi, représentée par Me Bénédicte Lefebvre, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter les conclusions présentées contre elle ;

2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que les frais d'expertise qu'elle a engagés devant le juge judiciaire d'un montant de 7 786,72 soient mis à la charge de la société Paul Mathis ;

3°) de mettre les frais de cette expertise à la charge de la société Paul Mathis ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Paul Mathis, M. B..., la société MTH Ingénierie et la société APAVE Nord-Ouest à la garantir de toute condamnation ;

5°) de limiter sa condamnation à la somme de 936 euros ;

6°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté de communes ne démontre pas que les dommages en cause présentent un caractère décennal ;

- la responsabilité quasi-délictuelle ne peut pas être engagée dès lors qu'un contrat lie les parties entre elles ;

- compte tenu de l'implication de la société Paul Mathis, il convient de mettre à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 7 786,72 euros ;

- à titre subsidiaire, si sa responsabilité est engagée, il y aura lieu de condamner solidairement la société Paul Mathis, M. B..., la société MTH Ingénierie et la société APAVE Nord-Ouest à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 23 avril 2021, la société Paul Mathis, représentée par Me Philippe Pourchez, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Aedifi, MTH Ingénierie, APAVE Nord-Ouest et AG Bâtiment à la garantir de toute condamnation.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions dirigées contre la compagnie Acte IARD ;

- aucun des lots lui étant confiés n'est concerné par les désordres ;

- étant mandataire d'un groupement momentané d'entreprises, aucune solidarité ne la lie aux autres membres de ce groupement ;

- aucune faute ne peut être retenue contre elle du fait qu'elle a participé à la réception de l'ouvrage en sa qualité de mandataire ;

- à titre subsidiaire, en cas de condamnation, sa responsabilité serait limitée à 10 % pour l'absence de joint de dilatation et 10 % pour l'absence de couvertines ;

- dans ce cas, les sociétés Aedifi, MTH Ingénierie, APAVE Nord-Ouest et AG Bâtiment devront la garantir de toute condamnation.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2021, la société MTH Ingénierie et M. A... B..., représentés par Me Benoît Legru, demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Aedifi, MTH Ingénierie, APAVE Nord8Ouest, Paul Mathis, Acte IARD et EEP à les garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est insuffisamment motivée ;

- l'absence de joint de dilatation ne compromet pas la solidité du bâtiment et ne le rend pas impropre à sa destination ;

- les problèmes de ravalement et de couvertines ne sont pas non plus des désordres décennaux ;

- la responsabilité quasi-délictuelle du constructeur ne peut pas être recherchée dès lors que l'existence d'un marché implique la recherche d'un fondement contractuel ;

- à titre subsidiaire, les sociétés Aedifi, MTH Ingénierie, APAVE Nord-Ouest, Paul Mathis, Acte IARD et EEP devront être condamnées à les garantir de toute condamnation.

Par une ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2022.

Par lettre du 19 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la communauté de communes de la Haute Somme présentées pour la première fois en appel, à titre principal, contre la société AG Bâtiment sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, seule la responsabilité de son assureur ayant été recherchée de manière subsidiaire en première instance sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Philippe Pourchez, représentant la société Paul Mathis et de Me Arnaud Noury, représentant la société APAVE Nord-Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 6 avril 2005, la communauté de communes de la Haute Somme a confié le marché de construction d'une salle de sport au sein du collège Béranger de Péronne au groupement d'entreprises dont la société Paul Mathis est le mandataire et qui était composé de la société Apia Somme, la société AG Bâtiment, la société Sterec Nord Picardie, la société EEP, la société Axima et la société Envirosports. La maîtrise d'œuvre des travaux a été confiée à M. B... et à la société d'architecture Aedifi. Le gymnase a fait l'objet d'une réception prononcée le 13 juin 2006 sous réserves, dont les dernières ont été levées le 12 juillet 2006. Aux termes d'un procès-verbal établi le 27 avril 2011, la communauté de communes de la Haute Somme a fait constater par un huissier les désordres intérieurs et extérieurs affectant ce bâtiment et a saisi, le 10 juin 2011, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens afin que soit diligentée une expertise, dont le rapport définitif a été signé le 30 septembre 2016. La communauté de communes de la Haute Somme relève appel du jugement n° 1802863 du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête et a mis à sa charge les frais d'expertise.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la société AG Bâtiment :

2. La communauté de communes de la Haute Somme demande, à titre principal, la condamnation de la société AG Bâtiment sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs à indemniser les conséquences dommageables causées par l'absence de joint de dilatation, l'absence de ferraillage du béton des façades et l'absence de pose de couvertines sur les murs de l'ouvrage. Or, en première instance, seule la responsabilité de son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, avait été recherchée, de manière subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour les désordres liés aux problèmes de façade, ravalement et absence de ferraillage et d'absence de couvertines. Dès lors, les conclusions dirigées par la communauté de communes à titre principal contre la société AG Bâtiment sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur les autres conclusions présentées par la communauté de communes de la Haute Somme sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs :

3. Aux termes de l'article 1792 du code civil : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. / Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ".

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure. L'obligation de garantie due au titre de la garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au fabricant d'un ouvrage, au sens des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance.

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

5. Il résulte de l'instruction et, notamment, du constat d'huissier du 27 avril 2011 et du rapport d'expertise du 30 septembre 2016 que des désordres apparaissent sur les quatre façades du bâtiment, aussi bien sur les murs extérieurs qu'à l'intérieur du bâtiment.

6. Si l'expert a estimé que les dimensions générales du bâtiment auraient dû conduire les constructeurs à installer des joints de fractionnement des parois de béton, ou joints de dilatation, comme préconisé par le contrôleur technique APAVE Nord-Ouest dans son rapport initial du 1er août 2005 afin d'éviter la survenance des fissures, il résulte de l'instruction que les fissures causées par l'absence de joints de dilatation n'ont pas de conséquences sur la structure du bâtiment ou " la tenue générale du clos-couvert " et ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

7. De même, si l'expert a relevé que les murs de la salle de sport n'ont pas été protégés par des couvertines en raison d'un choix architectural et que l'utilisation d'un béton de piètre qualité a provoqué sur son ragréage de surface des défauts d'adhérence qui ont dégradé la peinture, il ne résulte pas d'u rapport d'expertise que l'absence de couvertines sur les murs serait de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

8. S'il résulte également de l'instruction que des poutres en béton présentes dans les vestiaires ont été sectionnées par l'entreprise d'électricité afin d'y faire passer une conduite de ventilation, l'expert précise dans son rapport que ce désordre est sans conséquence avérée sur la structure de l'ouvrage. Dès lors, ce désordre n'est pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

9. En revanche, l'expert a précisé que les fissures à 45 degrés des panneaux béton, amorcées à proximité des angles des baies, sont le résultat d'un manque de ferraillage dans les banches réalisées par la société AG Bâtiment. Il a constaté qu'une partie des fissures sont traversantes et engendrent des transferts extérieur-intérieur d'air et d'eau. Il en résulte que les murs ne sont plus étanches, que ce désordre compromet la solidité de l'ouvrage et qu'il est ainsi de nature à engager la garantie décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres liés à l'absence de ferraillage dans les banches du béton ayant servi à la réalisation des façades :

10. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer les malfaçons susceptibles de compromettre la solidité de l'ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination, malfaçons dont les constructeurs sont, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, responsables à l'égard du maître de l'ouvrage sur le fondement de leur garantie décennale. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la communauté de communes de la Haute Somme n'est pas recevable en appel à demander la mise en cause, à titre principal, de la société AG Bâtiment sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs en raison des désordres résultant de l'absence de ferraillage dans les banches du béton ayant servi pour la construction des murs de façade du bâtiment. A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société Paul Mathis. Il résulte de l'instruction que la société Paul Mathis était membre d'un groupement solidaire d'entreprises tel que cela ressort de l'acte d'engagement du 6 avril 2005. Toutefois, le tableau de décomposition du prix mentionné aux termes de cet acte d'engagement définit la répartition des tâches entre les membres du groupement en associant chaque entreprise à la réalisation de lots, dont les prestations sont précisées aux termes du cahier des clauses techniques particulières. Il en résulte que seule la société AG Bâtiment, titulaire des lots 2,3,10 et 11 était chargée du gros œuvre et, notamment, du ferraillage de la façade. Par conséquent, la communauté de communes de la Haute Somme n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société Paul Mathis au titre de la garantie décennale des constructeurs, à raison des désordres résultant de ces travaux.

Sur les conclusions de la communauté de communes de la Haute Somme fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle :

12. S'il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage, de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage, il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. Il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires mais ne saurait se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. En outre, alors même qu'il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel, le maître d'ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l'opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l'ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

13. En l'espèce, la communauté de communes de la Haute Somme étant liée par contrat avec les constructeurs de la salle de sport, elle ne saurait utilement rechercher leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par la communauté de communes de la Haute Somme doivent être rejetées.

Sur les dépens :

15. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir à la charge de la communauté de communes de la Haute Somme les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 8 278,39 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal du 28 octobre 2016.

16. En second lieu, les conclusions de la société d'architecture Aedifi tendant à ce que les frais d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire d'un montant de 7 786,72 euros soient mis à la charge de la société Paul Mathis ne sont pas relatives aux dépens de la présente instance et ne peuvent, comme telles, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par la communauté de communes de la Haute Somme soient mises à la charge des défendeurs qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société APAVE Nord-Ouest, la société d'architecture Aedifi et la société MTH Ingénierie ensemble avec M. A... B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la communauté de communes de la Haute Somme est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties et les conclusions présentées par la société APAVE Nord-Ouest, la société d'architecture Aedifi et la société MTH Ingénierie ensemble avec M. A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de la Haute Somme, à la société Paul Mathis, à la société MTH Ingénierie, à M. A... B..., à la société AEDIFI et à la société APAVE Nord-Ouest.

Délibéré après l'audience publique du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°20DA01960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01960
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP HOUZE - LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-15;20da01960 ?
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