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15/12/2022 | FRANCE | N°21DA00518

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 décembre 2022, 21DA00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1804969, M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par une demande enregistrée sous le n° 1804972, la société par actions simplifiée (SAS) le Clos de la Bergerie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une

part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1804969, M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par une demande enregistrée sous le n° 1804972, la société par actions simplifiée (SAS) le Clos de la Bergerie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 1804969,1804972 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Guey, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2011.

Ils soutiennent que :

- la cession du lot n° 5 n'a pas été réalisée sans contrepartie ;

- le prix de cession est adapté aux inconvénients liés aux caractéristiques et à la configuration du terrain et à la nécessité, en conséquence, d'en diminuer le prix ;

- la présentation de la maison qu'ils ont construites sur ce terrain a constitué une contrepartie pour la SAS le Clos de la Bergerie ;

- cette cession ne constitue pas une libéralité ;

- la majoration pour manquement délibéré appliquée aux droits en litige n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guey, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes d'une vérification de la comptabilité, portant sur les exercices 2010 à 2012, de la société par actions simplifiées (SAS) le Clos de la Bergerie, ayant pour activité la promotion immobilière et dont M. A... était président et associé à hauteur de 50,10 % des parts, le service vérificateur a remis en cause la cession par cette société à M. A... et son épouse, le 27 décembre 2011, du lot n° 5 d'un programme immobilier, situé à Allennes-les-Marais, pour un montant de 60 000 euros, après avoir estimé que la minoration du prix de vente dont avait bénéficié M. et Mme A... était constitutive pour la société d'un acte anormal de gestion et pour les intéressés d'une libéralité représentant un avantage occulte pour ces derniers. En conséquence, par deux propositions de rectification du 21 juillet 2014, le service a mis à la charge, d'une part, de la SAS le Clos de la Bergerie, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, et, d'autre part, de M. et Mme A..., des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 au titre des revenus de capitaux mobiliers. Suite au rejet de leurs réclamations, la SAS le Clos de la Bergerie ainsi que M. et Mme A... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 31 décembre 2020, le tribunal, après avoir joint les deux instances, a rejeté ces demandes. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge au titre de l'année 2011.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est comptabilisée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

3. La SAS le Clos de la Bergerie a, le 27 décembre 2011, vendu à M. A..., par ailleurs président et actionnaire majoritaire de cette société, et à son épouse, le lot n° 5 d'un programme immobilier situé à Allennes-les-Marais, constitué d'un terrain d'une superficie de 525 m2, au prix de 60 000 euros, soit 114,29 euros le m2. Le service vérificateur a procédé à la comparaison de cette cession avec celles des autres lots de ce programme, lesquelles ont été réalisées au prix moyen de 263,80 euros le m2. Sur la base de cette comparaison et des caractéristiques du terrain, l'administration a par ailleurs constaté que le lot avait été mis en vente au prix de 130 000 euros. A la suite des observations formulées par M. et Mme A..., le service vérificateur a fixé la valeur vénale du terrain à 105 000 euros afin de tenir compte de la déclivité du terrain, de ses caractéristiques et de son implantation, et des difficultés de vente ayant pu en résulter. Si M. et Mme A... contestent la valeur vénale ainsi retenue, ils ne justifient d'aucune contrainte physique qui n'aurait pas été prise en compte par l'administration en fixant la valeur vénale du lot à un montant 20 % inférieur au prix de vente initial, lequel n'a au demeurant, à aucun moment, été diminué par la SAS le Clos de la Bergerie. Par ailleurs, si les contribuables soutiennent que la maison d'habitation construite sur ce terrain a été vendue au prix de 320 000 euros, d'une part, ils n'apportent aucune pièce au soutien de cette allégation, et, d'autre part, cette circonstance, à la supposer même établie, n'est pas de nature à justifier le prix d'acquisition auquel a été vendu le terrain en cause. Dès lors, l'administration apporte la preuve d'une minoration du prix de cession du terrain en cause, l'écart de 45 000 euros, soit 57 % entre le prix convenu et la valeur vénale du lot cédé, étant à ce titre significatif.

4. M. et Mme A... soutiennent que la SAS le Clos de la Bergerie a bénéficié de contreparties à cette cession. Toutefois, les besoins financiers de cette société ne sont pas démontrés alors que le rapport de gestion de son président en date du 22 juin 2021 fait état de bénéfices et d'un résultat bien supérieurs à ceux de l'exercice précédent. Par ailleurs, s'il est soutenu que la maison d'habitation construite sur ce lot par M. et Mme A... a constitué une publicité gratuite pour la société, cela n'est aucunement établi par l'instruction alors qu'aucun document ni pièce n'acte une diminution du prix de vente en contrepartie de l'utilisation gratuite par la SAS le Clos de la Bergerie de l'immeuble ou de l'image de cette réalisation afin de promouvoir son activité. Dès lors, l'avantage consenti par cette société à M. et Mme A... l'a été sans contrepartie.

5. Enfin, en relevant que M. A... était président et actionnaire majoritaire de la SAS le Clos de la Bergerie, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention pour la société d'octroyer, et pour M. et Mme A... de recevoir, une libéralité sous forme d'une minoration du prix de la cession en cause.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a qualifié cette différence, entre le prix convenu et la valeur vénale du lot cédé, de libéralité, représentant un avantage occulte constitutif, pour M. et Mme A..., d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposable entre leurs mains.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette et la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ".

8. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 5, le ministre établit que M. A... a eu l'intention d'accepter, sans contrepartie, l'avantage occulte, ayant la nature d'une libéralité, que lui avait consenti la SAS le Clos de la Bergerie en lui cédant un terrain à un prix nettement inférieur à sa valeur vénale. Au surplus, ainsi que le fait également valoir l'administration, M. A... ne pouvait, eu égard notamment à son expérience dans le domaine de la promotion immobilière, ignorer le caractère imposable de cet avantage. Dès lors, l'administration fiscale établit l'intention délibérée de M. A... d'éluder l'impôt en ne portant pas les sommes correspondantes sur ses déclarations de revenus et, par voie de conséquence, justifie du bien-fondé de l'application, aux suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA00518

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00518
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;21da00518 ?
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