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15/12/2022 | FRANCE | N°21DA01031

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 décembre 2022, 21DA01031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Innotec Automotive France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à hauteur d'un montant total de 246 878 euros.

Par un jugement n° 1804791 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de

Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Innotec Automotive France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à hauteur d'un montant total de 246 878 euros.

Par un jugement n° 1804791 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mai 2021, le 27 août 2021 et le 9 novembre 2021, la SARL Innotec Automotive France, représentée par la SELARL d'Avocats Interbarreaux Cornet - Vincent - Segurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la société de droit belge Ingi Consulting, bénéficiaire du versement des redevances en cause, serait soumise, en Belgique, à un régime fiscal privilégié, au sens et pour l'application de l'article 238 A du code général des impôts, le seul constat de l'existence d'une possibilité, ouverte aux sociétés de droit belge, de déduire de leurs résultats imposables un intérêt notionnel qui est fonction de leurs fonds propres ne pouvant suffire à administrer une telle preuve ; en effet, le régime des intérêts notionnels étant applicable à toutes les sociétés belges, sans option fiscale, celui-ci, qui a une incidence, non pas sur le taux d'imposition, lequel est comparable au taux français, mais sur l'assiette de l'impôt, ne peut être considéré comme un régime fiscal particulier mais fait partie du régime de droit commun, faute d'être dérogatoire de celui-ci et d'être applicable seulement à certaines formes d'entreprises ; il appartenait à l'administration, pour effectuer la comparaison qui lui incombe, de déterminer les bases d'imposition selon les dispositions auxquelles la société Ingi Consulting aurait pu prétendre en cas d'imposition en France, ce qu'elle n'a pas fait ; à cet égard, contrairement à ce qu'allègue l'administration, qui ne peut se borner, pour apporter la preuve qui lui incombe, à relever le niveau de l'impôt sur les sociétés acquitté par la société Ingi Consulting en Belgique, sans prendre en compte les autres impositions mises à la charge de cette société, elle apporte des éléments de nature à expliquer le faible niveau d'imposition de la société Ingi Consulting en Belgique au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ;

- elle est fondée à invoquer, à cet égard, les énonciations des paragraphes n°140, n°150 et n°180 et suivants, en particulier celles des paragraphes n°220, n°230 et n°240, de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-CHG-80-10, selon lesquelles les règles de comparaison, permettant de déterminer si un pays a une fiscalité privilégiée, doivent prendre en compte l'existence de régimes fiscaux particuliers ; la société Ingi Consulting n'a d'ailleurs pu déduire aucun intérêt notionnel au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, comme il est attesté par son expert-comptable et comme il ressort des déclarations fiscales souscrites auprès de l'administration belge par cette société ;

- elle apporte la preuve que les redevances en cause ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré et correspondent à des opérations réelles, à savoir des prestations de service réalisées par la société Ingi Consulting, en exécution d'une convention qui les liait, dans l'intérêt direct de son activité, en matière de développement et de direction technique, financière et générale, alors qu'elle n'est dotée d'aucun personnel compétent dans ces domaines ; ces prestations, qui sont distinctes de celles, de nature administrative et de gestion des stocks, fournies par la société Centre administratif de la Lys, lui ont permis d'adapter son offre ainsi que sa force de vente et d'atteindre le niveau de performance commerciale attendu, son chiffre d'affaires connaissant une constante évolution grâce aux conseils prodigués par la société Ingi Consulting ; elle a fourni, outre les factures correspondantes, qui sont régulières et qui créent une présomption de réalisation des prestations, des justificatifs suffisants de la réalité et de la consistance de ces prestations, parmi lesquels figurent notamment des rapports, des comptes rendus, des manuels, des analyses chiffrées ainsi que des tableaux de bord ; elle établit, en outre, que le montant des redevances versées par elle en contrepartie de ces prestations, effectuées par la société Ingi Consulting à raison de 3 506 heures, représentaient 3 % de son chiffre d'affaires mensuel hors taxes ; un tel montant, même rapporté à l'heure facturée, ne présente pas un caractère anormal ou exagéré ; par ailleurs, ces prestations, quand bien même elles ont été réalisées par son gérant statutaire, qui était aussi le gérant de la société Ingi Consulting, sont distinctes des missions relevant de l'exercice, par l'intéressé, de son mandat social ; enfin, l'administration, qui n'avait pas remis en cause la déductibilité de ces redevances à l'issue d'un précédent contrôle, au cours duquel le vérificateur avait demandé des justificatifs les concernant, doit, de ce fait, être regardée comme ayant pris une position formelle sur sa situation au regard du texte fiscal, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- pour les mêmes motifs, les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige ne sont pas fondés ;

- l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête ; la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige n'est ainsi pas fondée, y compris en tant qu'ils concernent les dépenses de restauration remises en cause, dont l'engagement dans l'intérêt de l'entreprise est justifié ; le paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20 conforte sa position sur ce point.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2021, et par des mémoires, enregistrés le 27 octobre 2021 et le 20 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Innotec Automotive France, aucune précision n'a été fournie au service vérificateur, malgré ses demandes en ce sens, afin de justifier la nature précise et la consistance des prestations facturées par la société de droit belge Ingi Consulting en exécution de la convention conclue par ces deux sociétés le 20 janvier 2006 et d'établir, en particulier, que les réunions mensuelles expressément prévues par cette convention ont effectivement été tenues ; en outre, les documents remis au service ont permis de constater que la société Ingi Consulting ne rémunérait aucun salarié et que les prestations en cause ont été réalisées par son dirigeant, qui est aussi le gérant statutaire de la SARL Innotec Automotive France ainsi d'ailleurs que le dirigeant de l'ensemble des autres sociétés du groupe ; ces éléments sont de nature à remettre en cause la réalité des prestations ainsi facturées par la société Ingi Consulting ;

- cette dernière, qui n'a été que très faiblement imposée en Belgique au titre des exercices clos en 2012 et 2014 et qui n'a versé aucun impôt au titre de l'exercice clos en 2013, est soumise, dans ce pays, à un régime d'imposition privilégié ; en effet, si les sociétés de droit belge sont assujetties, en Belgique, à un impôt sur les sociétés au taux de 34 %, elles ont la possibilité de déduire de leurs résultats imposables des intérêts fictifs, dits intérêts notionnels ; si l'appelante soutient que la société Ingi Consulting n'a pas bénéficié, au titre des années d'imposition en litige, de ce dispositif et si elle apporte des documents en ce sens, il n'en demeure pas moins que cette société a été imposée, au titre de ces années, à un niveau notablement inférieur, de plus de la moitié, à celui dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, à raison des mêmes résultats, alors que la SARL Innotec Automotive France n'apporte aucun élément convaincant de nature à expliquer cette situation ; dès lors, il y a lieu de retenir que la société Ingi Consulting a été assujettie, au titre des exercices en cause, à un impôt sur les bénéfices selon un régime fiscal privilégié ; par suite, il incombe à la SARL Innotec Automotive France, en application des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, d'établir que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;

- les documents que la SARL Innotec Automotive France produit dans ce but ne lui permettent pas d'apporter une telle preuve, dès lors qu'ils ne précisent pas, pour les uns, qu'ils lui sont destinés et, pour d'autres, qu'ils émanent de la société Ingi Consulting ; en outre, les tableaux d'analyse produits ne peuvent suffire à justifier des montants facturés par an ; par ailleurs, les récapitulatifs comportant la nature des prestations en cause et le nombre d'heures facturées ne peuvent suffire à la SARL Innotec Automotive France à apporter la preuve, qui lui incombe, des avantages tirés par elle de ces prestations, quand bien même son chiffre d'affaires aurait connu une hausse continue durant la période vérifiée, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas si l'on se réfère aux chiffres d'affaires déclarés par la société ; enfin, une autre société du groupe, la société Centre administratif de la Lys, lui a facturé, au cours des années d'imposition en litige, des prestations similaires à hauteur de montants, inscrits par elle en charges des exercices correspondants, qui représentent environ 17 % de son chiffre d'affaires ; en outre, les missions incombant au gérant de la SARL Innotec Automotive France apparaissent faire double emploi avec les prestations facturées par la société Ingi Consulting ; c'est donc à bon droit que l'administration a réintégré les montants facturés par la société Ingi Consulting à la SARL Innotec Automotive France, qui est sous sa dépendance, dans les résultats imposables de cette société au titre des exercices clos en 2012 à 2014, sur le fondement des dispositions des articles 57 et 238 A du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence l'absence de rectification à l'issue d'un précédent contrôle ; ces réintégrations pourraient aussi trouver un fondement dans les dispositions du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dès lors que l'existence et l'importance des prestations facturées ne sont pas établies ;

- c'est également à bon droit que le service a rectifié corrélativement les cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises mises à la charge de la SARL Innotec Automotive France au titre des mêmes exercices ;

- la SARL Innotec Automotive France n'a pu justifier de la réalité des prestations qui lui ont été facturées par la société Ingi Consulting ; elle n'a pas davantage justifié de ce que les montants facturés à ce titre ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ; en outre, la convention prévoyant ces prestations fait double emploi avec les fonctions exercées par son gérant et avec des prestations similaires facturées par une autre société du groupe ; dans ces conditions, la mise en place de cette convention et les facturations de prestations en litige procèdent d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ; il en est de même de la prise en charge, par la SARL Innotec Automotive France, de dépenses de restauration exposées, à hauteur de montants significatifs, par son gérant, pour certaines un dimanche ou en des lieux où l'entreprise ne dispose pas de clientèle ou ne commercialise pas ses produits, de sorte que le caractère inhérent de ces dépenses aux fonctions exercées par l'intéressé, qui est en outre le gérant des autres sociétés du groupe, n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Innotec Automotive France, qui avait, au cours des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, son siège à Roncq (Nord), a pour activité la vente, notamment aux réparateurs professionnels de poids lourds, de produits consommables techniques pour les véhicules. Elle est une filiale de la société de droit belge Ingi Consulting, qui détient l'intégralité de son capital et qui a pour objet social la réalisation de prestations de conseil en affaires et en gestion. La SARL Innotec Automotive France a fait l'objet, à compter de la fin de l'année 2015 et jusqu'au 6 juin 2016, d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, le service vérificateur a estimé qu'il y avait lieu de réintégrer, d'une part, aux bénéfices imposables déclarés par la SARL Innotec Automotive France au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, le montant des redevances versées par elle à la société Ingi Consulting, à hauteur des sommes respectives de 231 716 euros, 173 447 euros et 167 065 euros, d'autre part, aux bénéfices imposables déclarés par la SARL Innotec Automotive France au titre des exercices clos en 2013 et 2014, le montant de frais de représentation portés en charges, à hauteur des sommes respectives de 4 670 euros et 2 589 euros, dont l'intérêt pour l'activité de l'entreprise n'a pas été regardé comme établi. Ces rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés ont emporté des conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. L'administration a fait connaître à la SARL Innotec Automotive France l'ensemble des rectifications ainsi envisagées par elle au terme de ce contrôle par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 17 décembre 2015, en ce qui concerne l'exercice clos en 2012 et la période correspondante, et le 7 juin 2016, en ce qui concerne les exercices clos en 2013 et 2014 et les périodes correspondantes. Les observations formulées par la SARL Innotec Automotive France sur les rehaussements notifiés n'ayant pas amené l'administration à revoir son approche, les suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en résultant ont été mis en recouvrement à hauteur d'un montant total de 246 878 euros en droits et pénalités, lesquelles comprennent, outre les intérêts de retard, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Innotec Automotive France a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à hauteur d'un montant total de 246 878 euros. La SARL Innotec Automotive France relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur les rémunérations versées à l'étranger :

3. En vertu de l'article 57 du code général des impôts, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités de ces entreprises. Le même article ajoute que la condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A de ce code. Aux termes de l'article 238 A du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances (...) ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. / (...) ".

4. Lorsque l'administration se prévaut des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, elle doit justifier que le bénéficiaire des rémunérations dont elle conteste la déduction est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France. Si l'administration parvient à rapporter cette preuve, il appartient alors au contribuable d'établir que les dépenses en cause correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la SARL Innotec Automotive France a versé à la société Ingi Consulting, dont le siège est situé en Belgique et qui est la société mère du groupe auquel elle appartient, des sommes en paiement de factures que celle-ci lui avait adressées pour un montant total de 231 716 euros au titre de l'exercice clos en 2012, de 173 447 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et de 167 065 euros au titre de l'exercice clos en 2014. L'administration a remis en cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, la déductibilité de ces versements en se fondant sur les dispositions, rappelées au point 3, des articles 57 et 238 A du code général des impôts.

6. Pour établir, ainsi que la charge de la preuve lui incombe, que la société Ingi Consulting a été, au titre des années d'imposition en litige, soumise hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel elle aurait été soumise si les sommes qui lui ont été versées par la SARL Innotec Automotive France avaient été imposées en France, le ministre fait valoir que la société Ingi Consulting, à raison de résultats imposables s'élevant à 63 953 euros au titre de l'exercice clos en 2012, 18 355 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et 61 069 euros au titre de l'exercice clos en 2014, n'a été soumise, en Belgique, à l'impôt sur les bénéfices des sociétés qu'à hauteur du montant de 53 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6 245 euros au titre de l'exercice clos en 2014 tandis qu'aucune imposition n'a été, à ce titre, mise à la charge de cette société en ce qui concerne l'exercice clos en 2013. Le ministre ajoute que, si elle avait été soumise à l'impôt sur les sociétés en France, la société Ingi Consulting aurait dû acquitter, en tenant compte de l'application du taux de 15 %, à concurrence de la somme de 38 120 euros, et du taux de 33,33 % à la fraction de résultat imposable excédant cette somme, une imposition sur les bénéfices d'un montant de 14 328 euros au titre de l'exercice clos en 2012, de 2 753 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et de 13 367 euros au titre de l'exercice clos en 2014. Le ministre dresse, à partir de ces éléments, le constat que la société Ingi Consulting a été soumise, en Belgique, au titre des années en litige, à une imposition sur les bénéfices à hauteur de montants inférieurs de plus de la moitié à ceux de l'impôt sur les bénéfices dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France. Le ministre explique cette situation en faisant observer que, si le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de droit commun applicable en Belgique est de 34 %, les sociétés de droit belge bénéficient cependant d'une disposition de la loi fiscale belge les autorisant à déduire de leurs résultats imposables un intérêt fictif, appelé " intérêt notionnel " ou " déduction fiscale pour le capital à risque ", calculé sur le niveau de leurs fonds propres et dont le taux s'élevait à 3 % pour l'année 2012 et à 2,472 % pour l'année 2013, lequel taux était majoré de 0,5 % lorsque la société contribuable était une petite ou moyenne entreprise. Le ministre déduit de ces éléments que la société Ingi Consulting a été soumise hors de France, au titre des années en litige, à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel elle aurait été soumise si elle avait perçu, en France, les rémunérations que lui a versées la SARL Innotec Automotive France.

7. La société appelante conteste cette analyse, en produisant une attestation de l'expert-comptable de la société Ingi Consulting, ainsi que les déclarations de résultats souscrites par cette société, qui sont de nature à établir que celle-ci n'a pas, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, bénéficié du mécanisme de déduction fiscale pour le capital à risque. Elle ajoute que les données chiffrées avancées par le ministre, en ce qui concerne les résultats imposables de la société Ingi Consulting et l'imposition à laquelle celle-ci aurait été soumise au titre de chacune des années en litige, sont erronées au motif qu'elles tiennent compte de l'application de ce mécanisme de déduction fiscale. Toutefois, le ministre produit, au soutien de ses écritures, une édition des comptes déposés par la société Ingi Consulting à la clôture de chacun des exercices en cause, auxquels l'administration a pu avoir accès sur le site internet de la Banque nationale de Belgique, desquels il ressort que les données chiffrées prises en compte par l'administration pour les besoins de sa démonstration correspondent aux résultats imposables et aux montants d'imposition sur les bénéfices effectivement enregistrés en comptabilité par la société Ingi Consulting. Il s'ensuit que, quand bien même cette société n'aurait effectivement pas bénéficié, au titre des années d'imposition en litige, du mécanisme de déduction fiscale pour le capital à risque et quand bien même les résultats imposables portés dans sa comptabilité et retenus par le ministre seraient, comme l'avance la SARL Innotec Automotive France, le résultat de déductions pour dividendes reçus, dont il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait omis de tenir compte dans son calcul, il doit être tenu pour établi que la société Ingi Consulting a été soumise, au titre de chacune des années d'imposition en litige, à une imposition sur les bénéfices, en Belgique, d'un niveau inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France.

8. Dans ces conditions, il incombe, à ce stade, à la SARL Innotec Automotive France, en vertu des principes rappelés au point 4, d'établir que les sommes qu'elle a versées à la société Ingi Consulting, société mère du groupe ayant son siège en Belgique, correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

9. Pour s'acquitter de cette preuve, la SARL Innotec Automotive France soutient que les redevances versées à la société Ingi Consulting trouvent leur fondement dans la convention de prestations de service, qu'elle verse à l'instruction, conclue entre cette société et elle-même le 20 janvier 2006. Elle ajoute que la réalité des prestations de service effectuées, en contrepartie de ces versements, par la société Ingi Consulting doit être tenue pour établie dès lors qu'elles ont fait l'objet de facturations régulières. Elle produit ces factures, établies à fréquence mensuelle, auxquelles sont joints des états récapitulatifs des prestations réalisées. Enfin, elle produit des rapports, des comptes rendus, des manuels, des analyses chiffrées ainsi que des tableaux de bord, qu'elle présente comme ayant été élaborés, dans son intérêt, par la société Ingi Consulting, dans le cadre de l'exécution de la convention de prestations de service qui les liait. Elle ajoute que les prestations réalisées dans ce cadre sont distinctes tant de celles, de nature purement administrative, dont elle a confié, par une autre convention, la réalisation à la société Centre administratif de la Lys, autre entité du groupe auquel elle appartient, que des missions incombant à son gérant statutaire, quand bien même les prestations réalisées par la société Ingi Consulting ont, dans les faits, été réalisées par celui-ci. Enfin, elle relève que le montant des redevances versées par elle en contrepartie de ces prestations, effectuées par la société Ingi Consulting à raison de 3 506 heures, n'a représenté, au cours des trois années d'imposition en litige, que 3 % de son chiffre d'affaires mensuel hors taxes, ce montant, même rapporté à l'heure facturée, ne présentant pas, à ses yeux, un caractère anormal ou exagéré.

10. Il ressort des stipulations de la convention de prestations de service conclue le 20 janvier 2016 entre la SARL Innotec Automotive France et la société Ingi Consulting que, par l'article 1er de cette convention, cette dernière s'est vu confier la réalisation, selon les besoins exprimés par la SARL Innotec Automotive France et sous sa direction, de prestations de conseil et d'assistance en matière commerciale, dans le domaine technique, ainsi qu'en matière de gestion du personnel. L'article 2 de cette convention prévoit la tenue, au moins une fois par mois, de réunions périodiques afin de faire un point sur l'exécution des missions confiées à la société Ingi Consulting, qui pourra, pour remplir celles-ci, mobiliser le personnel qu'elle estimera utile ou faire appel à tout prestataire extérieur compétent. L'article 4 de la même convention stipule que la société Ingi Consulting percevra de la SARL Innotec Automotive France, en contrepartie de la réalisation de ses prestations, une rémunération forfaitaire dont le montant représentera 3 % du chiffre d'affaires mensuel hors taxes et hors rabais, remises et ristournes réalisé par la SARL Innotec Automotive France, laquelle rémunération fera l'objet d'une facturation mensuelle et sera payable à réception de chaque facture. Les mentions des factures mensuelles correspondantes, produites par la SARL Innotec Automotive France, qui portent exclusivement sur les modalités de calcul de la rémunération due à la société Ingi Consulting, ne permettent pas, même rapprochées des états qui y sont annexés, de justifier de l'exécution effective des prestations ainsi facturées. La SARL Innotec Automotive France, par les nombreux documents versés à l'instruction par, au nombre desquels figurent des rapports, des supports de réunion, des manuels destinés aux commerciaux ou aux techniciens, des analyses chiffrées, ainsi que des tableaux de bord, dont, contrairement à ce que soutient le ministre, plusieurs sont identifiés comme émanant de la société Ingi Consulting ou comme destinés à la SARL Innotec Automotive France, doit cependant être regardée comme apportant des éléments de nature à établir que la société Ingi Consulting a effectivement réalisé des prestations de service en exécution de la convention conclue avec la SARL Automotive France. Toutefois, compte tenu du fait que les domaines d'intervention confiés à la société Ingi Consulting, par la convention de prestations de service susmentionnée, sont particulièrement vastes et concernent l'essentiel des paramètres de pilotage d'une société commerciale, la SARL Innotec Automotive France n'établit pas, par ses seules allégations, que ces prestations sont distinctes, d'une part, de celles, au sujet desquelles elle ne produit aucun élément, qu'elle a parallèlement commandées, par une convention qu'elle ne produit pas, à la société Centre administratif de la Lys, autre entité du groupe qui gère notamment ses approvisionnements, d'autre part, des missions incombant, par nature, à son gérant, qui est aussi le dirigeant de la société Centre administratif de la Lys et de la société Ingi Consulting et dont il n'est pas contesté qu'il a effectué, lui-même, les prestations de service en cause. Par suite, et quand bien même ces prestations auraient eu un impact positif sur le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Innotec Automotive France, il ne peut être tenu pour établi que les rémunérations versées à la société Ingi Consulting, sous la dépendance de laquelle elle est placée, ne présentaient pas un caractère anormal ou exagéré au regard de l'importance du service rendu. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité des sommes y afférentes sur le fondement des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts. Enfin, la circonstance que l'administration, à l'issue d'une précédente vérification de la comptabilité de la SARL Innotec Automotive France portant sur un exercice antérieur, n'a pas notifié à cette société de rectification en ce qui concerne les rémunérations versées à la société Ingi Consulting, sans toutefois motiver cette position dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 décembre 2009, ne peut être regardée comme constituant une prise de position formelle sur une situation de fait au regard de la loi fiscale qui soit susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

11. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré par la SARL Innotec Automotive France de ce qu'elle devrait être déchargée, par voie de conséquence, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge doit être écarté.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

13. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Innotec Automotive France au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, le ministre fait valoir, en s'appropriant les termes des propositions de rectification adressées les 17 décembre 2015 et 7 juin 2016 à la SARL Innotec Automotive France, que cette dernière a effectué, au cours des années d'imposition en litige, des versements réguliers à la société Ingi Consulting, détentrice de la totalité de son capital, en contrepartie de prestations de service dont elle n'a pu justifier de la consistance, ni de leur caractère distinct de l'exercice, par son gérant, de son mandat social ou des prestations commandées à la société Centre administratif de la Lys, lesquelles représentent 17 % de son chiffre d'affaires. Par ailleurs, le ministre fait valoir que la SARL Innotec Automotive France n'a pas été en mesure de justifier des déductions qu'elle a pratiquées, au titre des charges des exercices clos en 2013 et en 2014, en ce qui concerne des dépenses de restauration exposées, pour certaines, des jours non ouvrables, par son gérant, non loin de son domicile en Belgique ou dans d'autres communes situées dans ce pays, alors que la SARL Innotec Automotive France n'y commercialise pas ses produits. Le ministre fait également valoir que ces déductions, opérées à hauteur des montants respectifs de 4 670 euros et 2 589 euros, ne correspondent qu'à une partie des frais de représentation dont l'intéressé était susceptible de faire état auprès des cinq sociétés du groupe dont il était le dirigeant. Si la SARL Innotec Automotive France soutient que les dépenses de restauration ainsi exposées par son gérant l'ont été dans l'intérêt de son exploitation, le seul tableau, mentionnant, au regard des dates et des montants de ces dépenses, des interlocuteurs et des localisations imprécises, sans être étayé par aucun justificatif, ne peut suffire à apporter une telle preuve. Dans ces conditions, le ministre, par les éléments qu'il avance et qui ne sont pas sérieusement contestés, doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL Innotec Automotive France et, par suite, du bien-fondé de l'application, aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige, de la majoration prévue en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que les rémunérations versées à la société Ingi Consulting n'aient fait l'objet d'aucune remarque de l'administration dans le cadre d'un précédent contrôle. Enfin, la SARL Innotec Automotive France n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Innotec Automotive France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Innotec Automotive France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Innotec Automotive France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA01031

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01031
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;21da01031 ?
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