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12/01/2023 | FRANCE | N°20DA01082

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 janvier 2023, 20DA01082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1800892 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 juillet 2020, le 11 mai 2022, le 10 juin 2

022, le 19 juillet 2022, le 30 août 2022 et le 11 octobre 2022, M. et Mme C..., représentés par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1800892 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 juillet 2020, le 11 mai 2022, le 10 juin 2022, le 19 juillet 2022, le 30 août 2022 et le 11 octobre 2022, M. et Mme C..., représentés par la SELARL Langlade et Associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de prononcer une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, tenant compte de la réalisation, par M. C..., d'une plus-value professionnelle d'un montant de 391 482 euros, au lieu de 444 974 euros, et, par Mme C..., d'une plus-value de nature privée d'un montant de 132 372 euros au lieu de 308 325 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- les conclusions de leur requête sont pleinement recevables ;

- ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, ils étaient fondés à se prévaloir des principes dégagés de manière prétorienne par le Conseil d'Etat pour la détermination de la plus-value de cession de leurs parts dans l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) des Noirs Chevaux ; toutefois, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ce calcul n'implique pas de prendre en compte le devenir de tous les résultats réalisés depuis la création de la société, mais seulement celui du dernier exercice avant la cession, c'est-à-dire de celui clos le 30 juin 2012 ;

- l'administration avait d'ailleurs elle-même envisagé de limiter l'application de ces principes à la prise en compte des trois derniers exercices, un représentant de la direction de la législation fiscale étant intervenu, en ce sens, au cours d'un colloque organisé en 2004 ;

- ils fournissent, sous la forme d'un tableau détaillé, des éléments chiffrés, tirés de leurs déclarations de revenus, ainsi que des délibérations de l'assemblée générale et des documents comptables de l'EARL des Noirs Chevaux, et non sérieusement contestés dans leur dernier état, permettant une plus exacte application de ces principes à leur situation, y compris en tenant compte de celle-ci durant toute la période au cours de laquelle ils ont été associés de cette entreprise agricole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, et par des mémoires, enregistrés le 30 mai 2022, le 13 juillet 2022, le 25 juillet 2022 et le 6 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en tant qu'elles tendent à obtenir une décharge supérieure au montant ayant fait l'objet de leur réclamation, qui tendait à la prise en compte d'une plus-value professionnelle de 259 540,19 euros, ainsi que d'une plus-value privée de 297 342,56 euros, c'est-à-dire à obtenir un dégrèvement total, en base, de 200 416 euros, les conclusions de la requête de M. et Mme C... sont, en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, irrecevables ;

- le service a déterminé le montant de la plus-value professionnelle de cession imposables entre les mains de M. et Mme C... en mettant en œuvre les principes dégagés de manière prétorienne par le Conseil d'Etat et qui conduisent à calculer un prix de revient fiscal des parts cédées par l'associé d'une société de personnes ; or, eu égard aux mentions de l'acte de cession et aux incohérences contenues dans le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 24 août 2012 des associés de l'EARL des Noirs Chevaux, le service était fondé à remettre en cause le calcul sur la base duquel M. et Mme C... ont déclaré les plus-values réalisées par eux à l'occasion de la cession de leurs parts dans cette entreprise et à retenir que le bénéfice du dernier exercice social avait été prélevé par les intéressés ; le service était ainsi tout autant fondé à calculer le prix de revient des parts de l'EARL des Noirs Chevaux en majorant leur prix d'origine du bénéfice imposé puis en le minorant du bénéfice prélevé, afin de parvenir à un prix de revient des parts s'élevant à 560 200 euros, conduisant à une plus-value professionnelle imposable de 753 300 euros ; M. et Mme C... n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse ; contrairement à ce qu'ils soutiennent, le calcul du prix de revient des parts sociales cédées impliquait de tenir compte, depuis la date de création de la société, des déficits imputés et des bénéfices imposés, sans que les dispositions et principes applicables ne prévoient de date butoir ;

- M. et Mme C... ne sont pas, à cet égard, fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les propos tenus par un responsable de la direction de la législation fiscale au cours d'un colloque organisé le 24 novembre 2003, qui ne peuvent être regardés comme ayant la nature d'une interprétation formelle du texte fiscal opposable à l'administration ;

- en tout état de cause, c'est à bon droit que le service a considéré que le montant imposable de la plus-value réalisée par Mme C... devait être porté à 308 326 euros.

Par une ordonnance du 16 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2022.

Un mémoire, présenté pour M. et Mme C... G..., a été enregistré le 12 décembre 2022, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) des Noirs Chevaux, qui est spécialisée dans les grandes cultures et qui a son siège à Beugneux (Aisne), a été créée le 24 avril 1999 entre M. B... C... et son épouse, Mme D... C... née A..., lesquels détenaient respectivement 59% et 41% du capital social, alors fixé à la somme de 560 200 euros. Par un acte authentique établi le 16 juillet 2012, M. et Mme C... ont cédé la totalité de leurs parts sociales à leur fils, M. E... C..., moyennant paiement d'une somme de 1 313 500 euros. M. et Mme C... ont alors procédé au calcul de la plus-value de cession, en déduisant de ce prix de vente de 1 313 500 euros la valeur d'origine des parts, soit, au terme de leur première analyse, 560 200 euros, ainsi que le résultat fiscal du dernier exercice avant cession, c'est-à-dire celui clos le 30 juin 2012, soit 263 657 euros. Ils ont ainsi abouti à une plus-value taxable de 489 643 euros. En tenant compte de ce calcul et de la part détenue par lui dans le capital de l'entreprise à la date de la cession, M. C... a porté, sur la déclaration de revenus qu'il a souscrite au titre de l'année 2012, une plus-value professionnelle égale à 289 223 euros, ramenée à 286 953 euros après imputation d'une moins-value à long terme, et a placé cette plus-value sous le régime d'exonération de l'article 151 septies A du code général des impôts de sorte qu'elle n'a été soumise qu'aux prélèvements sociaux. Mme C..., associée non exploitante, a porté quant à elle, sur la même déclaration de revenus, une plus-value privée s'élevant à 200 420 euros, qui a été soumise à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 24%, ainsi qu'aux prélèvements sociaux.

2. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause les calculs effectués par M. et Mme C... en ce qui concerne les plus-values portées sur la déclaration de revenus de l'année 2012, ce dont elle a informé les intéressés par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 14 mai 2014. L'administration a, en effet, considéré que la plus-value professionnelle de cession devait être déterminée en ajoutant, au prix d'origine des parts, le résultat fiscal de l'exercice clos le 30 juin 2012, mais minoré de la quote-part des bénéfices prélevée par les associés pour ce seul exercice. Le calcul du service a abouti à un montant de plus-value professionnelle s'élevant à 444 974 euros pour M. C..., ramené à 442 704 euros après imputation de la moins-value à long terme. En ce qui concerne la plus-value privée réalisée par Mme C..., le calcul du service, effectué sur les mêmes bases, a abouti à un montant de 308 325 euros. Les observations formulées par M. et Mme C... n'ayant pas conduit l'administration à reconsidérer son analyse, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, au titre de l'année 2012, des rehaussements notifiés ont ainsi été mis en recouvrement le 30 septembre 2014 à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 78 480 euros.

3. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Ils relèvent appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. Dans le dernier état de leurs écritures, ils demandent à la cour de prononcer une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, tenant compte de la réalisation, par M. C..., d'une plus-value professionnelle d'un montant de 391 482 euros, au lieu de 444 974 euros, et, par Mme C..., d'une plus-value de nature privée d'un montant de 132 372 euros au lieu de 308 325 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

4. En vertu de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration.

5. Il ressort des termes mêmes de la décision du 22 janvier 2018 de rejet de la réclamation de M. et Mme C..., que cette réclamation tendait à obtenir une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux auxquels M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2012, en prenant en compte la réalisation, par M. C..., d'une plus-value professionnelle d'un montant de 259 540 euros au lieu du montant de 444 974 euros sur la base duquel l'administration a établi ces suppléments et, par Mme C..., d'une plus-value privée d'un montant de 297 343 euros, au lieu du montant de 308 325 euros retenu par l'administration, c'est-à-dire que cette réclamation tendait à obtenir un dégrèvement total, en base, de 200 416 euros. Dans le dernier état de leurs écritures d'appel, M. et Mme C... demandent à la cour de prononcer une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, tenant compte de la réalisation, par M. C..., d'une plus-value professionnelle d'un montant de 391 482 euros, et, par Mme C..., d'une plus-value privée d'un montant de 132 372 euros, soit une réduction en base d'un montant total de 229 445 euros. Or, ainsi que l'oppose le ministre, ces conclusions, qui tendent à obtenir une réduction dont le montant global excède celui demandé par M. et Mme C... dans leur réclamation, sont, dans cette mesure, irrecevables. Le ministre est donc fondé à soutenir que les conclusions de la requête de M. et Mme C... ne sont recevables qu'en tant qu'elles tendant à une réduction en base d'un montant total de 200 416 euros.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige :

6. En vertu de l'article 8 du code général des impôts, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société et il en est de même de l'associé unique ou des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. En outre, aux termes du I de l'article 151 nonies du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38,72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession. ". Le 1 de l'article 38 du même code définit le bénéfice imposable comme le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. Cependant, l'article 39 duodecies du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : / a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. (...) / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. / (...) ". Enfin, en vertu du 1 de l'article 201 du même code, dans le cas de cession d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi.

7. Pour l'application de ces dispositions, dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé. En outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités susmentionnées.

8. Dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté par le ministre en cause d'appel que M. et Mme C... sont exposés, à raison de l'imposition de la plus-value de cession de leurs parts, à un risque de double imposition, les principes qui viennent d'être énoncés au point précédent trouvent à s'appliquer à leur situation, y compris à Mme C... alors même qu'elle n'était pas associée exploitante. Ces principes impliquent nécessairement, pour déterminer le prix de revient fiscal entrant dans le calcul de la plus-value de cession des titres d'une société relevant, comme l'EARL des Noirs Chevaux, du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, de tenir compte notamment, depuis la date d'acquisition des parts, de l'affectation de tout ou partie des bénéfices aux associés et des déficits déduits par ces derniers. Il suit de là que, contrairement à ce qu'ils ont soutenu dans le premier état de leurs écritures, sans formellement abandonner ce moyen, c'est à tort que M. et Mme C... ont tenu compte, pour le calcul de la plus-value imposable, du seul bénéfice imposable réalisé par l'EARL des Noirs Chevaux au titre du dernier exercice avant cession, clos le 30 juin 2012 comme ils l'ont fait et c'est à bon droit que l'administration a remis en cause cette modalité de calcul.

9. Toutefois, ainsi que le relèvent M. et Mme C..., les modalités, rappelées au point 2, suivant lesquelles l'administration a établi les bases des suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige ne procèdent pas d'une application plus exacte des principes énoncés au point 7. Dans ces conditions, les appelants sont fondés à soutenir que le calcul de la plus-value par l'administration est également entaché d'erreur de droit. M. et Mme C... proposent, dans le cadre d'une argumentation subsidiaire présentée dans le dernier état de leurs écritures, des données chiffrées alternatives à celles retenues par l'administration et présentées, pour l'application des principes énoncés au point 7, sous la forme d'un tableau. Ces éléments sont étayés par les déclarations de revenus souscrites par les intéressés depuis l'année 1999, qui est l'année de la création de l'EARL des Noirs Chevaux, à l'exception de la déclaration se rapportant à l'année 2009, et par la copie des procès-verbaux de l'assemblée générale des associés de cette entreprise, à l'exception de celui se rapportant à l'année 2009, ainsi que des bilans des exercices clos les 30 juin 2007 et 2010 de l'EARL des Noirs Chevaux.

10. En réponse à la critique du ministre portant sur les années 2006, 2009 et 2012, M. et Mme C... proposent, dans le dernier état de ce document, une répartition du résultat de l'exercice clos en 2006 de l'EARL des Noirs Chevaux, au vu des mentions du bilan de l'exercice suivant, clos en 2007, en faisant observer que celui-ci mentionne qu'un montant de 294 euros figure en compte de réserve et qu'aucun versement en réserve n'a été pratiqué au cours de cet exercice, de sorte qu'il y a lieu de retenir que ce montant constitue le reliquat du bénéfice réalisé en 2006, après prélèvement par les associés. M. et Mme C... procèdent aussi, dans le dernier état de leur tableau, à une correction des incohérences mises en évidence par le ministre en ce qui concerne cette même question s'agissant de l'exercice clos le 30 juin 2012, au titre de laquelle il apparaît, en définitive, sans que ce constat soit contredit par le ministre, que M. et Mme C... ont été imposés à hauteur d'un montant excédant celui résultant de la prise en compte de la quote-part qu'ils ont effectivement prélevée du résultat de l'EARL des Noirs Chevaux.

11. Toutefois, le calcul proposé par M. et Mme C... en ce qui concerne le résultat de l'exercice clos en 2009, consistant à ne prendre en compte qu'un prélèvement, entre leurs mains, d'un montant total de 4 823 euros, n'est pas cohérent avec la déclaration de revenus souscrite par eux au titre de cette année, qui fait état de la perception, par les intéressés, de bénéfices agricoles s'élevant à un montant total de 131 344 euros. Cependant, le ministre, qui ne conteste pas que les bases retenues pour fonder les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige ne sont pas conformes aux principes énoncés au point 7, ne propose aucun calcul de nature à permettre d'établir des bases d'imposition conformes à ces principes, ni même aucun élément de nature à remédier aux lacunes dont demeurent affectés les calculs proposés par M. et Mme C.... En outre, la cour ne dispose pas, et il en va de même des parties au litige, de l'ensemble des éléments qui seraient propres à lui permettre de déterminer plus exactement les bases imposables à assigner aux intéressés. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner sur ce point un supplément d'instruction qui se révèlerait frustratoire. Enfin, dès lors qu'une prise en compte des calculs proposés par M. et Mme C..., même en retenant que l'intégralité des bénéfices réalisés par l'EARL des Noirs Chevaux au titre des exercices clos les 30 juin 2006, 2009 et 2012 leur a été affecté, aboutirait à la détermination d'une base imposable moindre que celle sur laquelle ils fondent, dans la limite de leur réclamation, leurs conclusions en réduction, il y a lieu de faire droit, dans cette mesure, à ces conclusions.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner leur moyen tiré de l'invocation d'une prise de position de l'administration, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Ils sont, par suite, également fondés à demander, dans la limite de leur réclamation, une réduction de la base soumise à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux qui leur a été assignée au titre de l'année 2012 et, dans la mesure de cette réduction de base, la décharge partielle, en droits et pénalités, des impositions et prélèvements sociaux en litige.

Sur les frais de l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. et Mme C.... Enfin, dès lors que la présente instance n'a donné lieu à aucun frais de cette nature, leurs conclusions afférentes à la charge des dépens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800892 du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Il est accordé à M. et Mme C... une réduction, dans la limite de la somme de 200 416 euros, de la base soumise à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux qui leur a été assignée au titre de l'année 2012 dans la catégorie des plus-values de cession, tenant compte de la réalisation, par M. C..., d'une plus-value professionnelle taxable d'un montant de 259 540 euros au lieu du montant de 444 974 euros sur la base duquel l'administration a établi, avant imputation de la moins-value à long terme, les suppléments en litige et, par Mme C..., d'une plus-value privée taxable d'un montant de 297 343 euros, au lieu du montant de 308 325 euros retenu par l'administration.

Article 3 : M. et Mme C... sont déchargés, dans la mesure de la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

Signé : M. F...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

1

2

20DA01082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01082
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-12;20da01082 ?
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