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12/01/2023 | FRANCE | N°21DA00015

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 janvier 2023, 21DA00015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Prodomicile a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1803006 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier 2021 et le 14 juill

et 2022, la SARL Prodomicile, représentée par Me Guey Balgairies, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Prodomicile a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1803006 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier 2021 et le 14 juillet 2022, la SARL Prodomicile, représentée par Me Guey Balgairies, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Elle soutient que :

- les formalités liées au changement de siège social, qui ont été réalisées auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) le 16 mai 2012 et publiées dans un journal d'annonces légales, sont ainsi opposables aux tiers ainsi qu'à l'administration ;

- les charges refacturées par la société Atoudomicile correspondent à des charges communes et ont été engagées dans l'intérêt de la société Prodomicile ; en retenant une proportion de 30 %, le service ne tient pas compte des charges inhérentes à l'activité et ne prend pas davantage en compte la proportion des charges d'exploitation par rapport au chiffre d'affaires ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées, s'agissant d'un litige relatif à la production de justificatifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Prodomicile ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Prodomicile, qui a pour activité la formation professionnelle continue pour les particuliers et les entreprises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a écarté comme non probante la comptabilité présentée par cette société et l'a notamment assujettie, en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, au titre des années 2009 et 2010. La SARL Prodomicile relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Une proposition de rectification doit, pour être régulière, être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient à celui-ci d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à la SARL Prodomicile, par lettre recommandée avec accusé de réception, le pli contenant la proposition de rectification du 6 juillet 2012 au 20 rue de Bruxelles à Lambersart (Nord), qui constituait la dernière adresse communiquée au service et celle de son siège social. Le pli a été retourné au service avec la mention " avisé le 7 juillet 2012 - non réclamé ". Si la société requérante soutient qu'elle avait transféré son siège social au 117 rue Nationale à Lille à compter du 16 mai 2012 et publié ce transfert de siège social dans un journal d'annonces légales, la notification d'une proposition de rectification à une société doit être effectuée, non pas nécessairement à l'adresse de son siège social, mais à la dernière adresse communiquée par la société à l'administration fiscale. Or, le service n'a été informé du transfert du siège social que le 17 juillet 2012. Dès lors, en notifiant la proposition de rectification à la dernière adresse de la SARL Prodomicile connue du service, l'administration n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / (...) ".

5. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 6 juillet 2012 que le service a constaté, au cours des opérations de vérification de comptabilité, que la SARL Prodomicile avait comptabilisé au compte 61320 " locations immobilières " deux factures établies par la société Atoudomicile, le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010, pour des montant respectifs de 39 630 euros HT et 59 000 euros HT, correspondant à des prestations de location de salle au 54 bis boulevard de la Liberté à Lille, l'entretien des locaux, la mise à disposition de matériel, la fourniture de bureau et le prêt de main-d'œuvre. Le service a refusé d'admettre ces charges en déduction du bénéfice imposable au motif que les modalités de détermination des montants refacturés et la nature exacte des prestations correspondantes n'ont pas été précisées par la société vérifiée au cours des opérations de contrôle, qu'aucun lieu d'activité n'a pu être démontré à l'adresse du 54 bis boulevard de la Liberté, qu'il existait une différence non justifiée de 2 838 euros entre le montant comptabilisé le 31 décembre 2009 et le montant de la facture présentée, enfin, qu'aucun contrat de sous-location n'a été produit alors que les factures litigieuses faisaient référence à une location de locaux. De surcroit, le service a constaté que les charges non admises représentaient 80 % du loyer initial alors que le bail souscrit par la société Atoudomicile n'autorisait qu'une sous-location à hauteur de 30 % des surfaces louées. L'administration a par ailleurs relevé que la gérance était commune aux deux sociétés dans un contexte de confusion des patrimoines de ces mêmes sociétés. Par souci de réalisme économique, l'administration a néanmoins admis à titre forfaitaire un montant de charges refacturées correspondant à 30 % du chiffre d'affaires reconstitué pour les exercices clos en 2009 et 2010.

6. La SARL Prodomicile n'ayant formulé aucune observation dans le délai de trente jours ayant couru à compter de la présentation du pli recommandé ayant contenu la proposition de rectification du 6 juillet 2012, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige en application du second alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Au surplus, il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

7. La SARL Prodomicile soutient qu'elle ne dispose ni de personnel ni de locaux propres et que le personnel et les moyens techniques et matériels nécessaires à son activité sont mis à sa disposition par la société Atoudomicile. Elle fait valoir que le montant des charges retenu par l'administration à proportion de 30 % du chiffre d'affaires est insuffisant au regard, notamment, des charges de l'exercices 2008. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration a admis, par souci de réalisme économique, à titre forfaitaire, un montant de charges refacturées par la SARL Atoudomicile de 30 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des exercices 2009 et 2010. L'administration n'a donc pas ignoré les modalités particulières de fonctionnement de la société requérante. De surcroit, le pourcentage des charges par rapport au chiffre d'affaires enregistré lors de l'exercice 2008 ne peut être regardé comme un élément probant pour déterminer les charges des deux exercices suivants dès lors que le chiffre d'affaires réalisé en 2008, d'un montant de 2 000 euros, n'est pas comparable aux chiffres d'affaires des exercices 2009 et 2010, d'un montant respectif de 56 278 euros et 64 632 euros. Dès lors, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des impositions en litige.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

9. Pour justifier l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé que la SARL Prodomicile avait comptabilisé de façon répétée sur deux exercices des factures, d'un montant total de 39 640 euros et 59 000 euros, émises par la SARL Atoudomicile, sans être capable de justifier de la réalité des prestations ainsi facturées, dans un contexte de gérance commune aux deux sociétés et de confusion de patrimoines. La société requérante, en se bornant à faire valoir qu'il s'agit, selon elle, d'un litige relatif à la production de justificatifs et que le chiffre d'affaires développé justifie l'existence de charges, ne conteste pas sérieusement l'application aux droits en litige de cette majoration. Par suite, l'administration, par les éléments qu'elle fait valoir, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée, qui a été celle de la SARL Prodomicile, d'éluder le paiement de l'impôt dû, justifiant l'application, aux droits en litige, de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Prodomicile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Prodomicile tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Prodomicile est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Prodomicile et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. B... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00015
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-12;21da00015 ?
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