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19/01/2023 | FRANCE | N°22DA00094

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 19 janvier 2023, 22DA00094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice moral d'anxiété et des troubles dans ses conditions d'existence à la suite de son exposition aux poussières d'amiante et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102297 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M.

B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice moral d'anxiété et des troubles dans ses conditions d'existence à la suite de son exposition aux poussières d'amiante et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102297 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier 2022 et 27 juin 2022, M. B..., représenté par Me Karim Berbra, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis à la suite de son exposition aux poussières d'amiante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de de 700 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en sa qualité de soudeur, il a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante lorsqu'il travaillait pour la société Julin du 5 août 1969 au 26 octobre 1976 et du 22 juin 1981 au 25 juin 1982 mais également pour la société STII du 4 au 29 juin 1984 puis du 29 mai au 8 juin 1985 ainsi que pour la société SITUB à Tancarville à compter du 1er septembre 1992 ; ces sociétés sont inscrites à l'annexe II de l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements de construction ou de réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ;

- sa créance n'est pas prescrite, du fait de l'effet interruptif de plusieurs recours engagés contre l'Etat relatifs au même fait générateur ;

- il est fondé à se prévaloir d'une inaction coupable de l'Etat, constitutive d'une carence fautive dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante, tant en tardant à adopter une réglementation jusqu'en 1977 en dépit des connaissances scientifiques sur les dangers de l'amiante, qu'en adoptant alors une réglementation insuffisante ; l'Etat a aussi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle du respect de cette règlementation d'autant plus au regard de l'étendue de la catastrophe sanitaire et de la reconnaissance juridique et judiciaire des risques de l'amiante ;

- il a subi en conséquence de cette carence fautive un préjudice moral, résultant de l'anxiété d'être atteint d'une pathologie grave, et des troubles dans ses conditions d'existence, résultant de l'obligation de se soumettre à un suivi médical régulier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la créance dont se prévaut M. B... est prescrite au regard de la prescription quadriennale des créances de l'Etat et de l'absence de démonstration d'une interruption de ce délai.

Par une ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

- le décret n° 99-247 du 29 mars 1999 ;

- l'arrêté du 29 mars 1999 fixant la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, modifié par les arrêtés du 21 juillet 1999 ;

- l'arrêté du 3 juillet 2000 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité ;

- l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité ;

- l'arrêté du 24 avril 2002 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

- l'arrêté du 2 juin 2006 modifiant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de sa carrière professionnelle, M. B... a été notamment employé, en qualité de soudeur, par la société Julin, dont le siège social était à Rouen, du 5 août 1969 au 26 octobre 1976 et du 22 juin 1981 au 25 juin 1982. Il fut ensuite employé par la société STII, basée à Rouen, du 4 au 29 juin 1984 puis du 29 mai au 8 juin 1985 et enfin par la société SITUB établie à Tancarville à compter du 1er septembre 1992. Il a formé, le 19 février 2021, auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, une demande indemnitaire visant à obtenir la réparation de préjudices qu'il estime liés aux carences de l'Etat dans la mise en œuvre des mesures propres à limiter les risques d'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante. Sa demande ayant été implicitement rejetée, M. B... a demandé au tribunal administratif de Rouen à être indemnisé par l'Etat du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant des conséquences de son exposition à l'amiante durant son activité professionnelle au sein des établissements précités. M. B... relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 : " Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés

ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif ; / 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans ; / 3° S'agissant des salariés de la construction et de la réparation navales, avoir exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget. / (...) ". Ces dispositions instaurent un régime particulier de cessation anticipée d'activité permettant aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication ou de traitement de l'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, dits " travailleurs de l'amiante ", de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle.

4. Si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers. En outre, une faute commise par l'inspection du travail dans l'exercice des pouvoirs qui sont les siens pour veiller à l'application des dispositions légales relatives à l'hygiène et à la sécurité au travail est de nature à engager la responsabilité de l'Etat s'il en résulte pour celui qui s'en plaint un préjudice direct et certain.

5. En premier lieu, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré.

6. Le préjudice d'anxiété dont peut se prévaloir un salarié éligible à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante mentionnée au point 3 naît de la conscience prise par celui-ci qu'il court le risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition aux poussières d'amiante. La publication de l'arrêté qui inscrit l'établissement en cause, pour une période au cours de laquelle l'intéressé y a travaillé, sur la liste établie par arrêté interministériel dans les conditions mentionnées au point 3, est par

elle-même de nature à porter à la connaissance de l'intéressé, s'agissant de l'établissement et de la période désignés dans l'arrêté, la créance qu'il peut détenir de ce chef sur l'administration au titre de son exposition aux poussières d'amiante. Le droit à réparation du préjudice en question doit donc être regardé comme acquis, au sens des dispositions citées au point 3, pour la détermination du point de départ du délai de prescription, à la date de publication de cet arrêté. Lorsque l'établissement a fait l'objet de plusieurs arrêtés successifs étendant la période d'inscription ouvrant droit à l'ACAATA, la date à prendre en compte est la plus tardive des dates de publication d'un arrêté inscrivant l'établissement pour une période pendant laquelle le salarié y a travaillé. Enfin, dès lors que l'exposition a cessé, la créance se rattache, en application de ce qui a été dit au point 5, non à chacune des années au cours desquelles l'intéressé souffre de l'anxiété dont il demande réparation, mais à la seule année de publication de l'arrêté, lors de laquelle la durée et l'intensité de l'exposition sont entièrement révélées, de sorte que le préjudice peut être exactement mesuré. Par suite, la totalité de ce chef de préjudice doit être rattachée à cette année, pour la computation du délai de prescription institué par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.

7. En second lieu, d'une part, les recours formés à l'encontre de l'Etat par des tiers tels que d'autres salariés victimes, leurs ayants droit ou des sociétés exerçant une action en garantie fondée sur les droits d'autres salariés victimes ne peuvent être regardés comme relatifs au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, dont ils ne peuvent dès lors interrompre le délai de prescription en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968.

8. D'autre part, les dispositions de cet article subordonnant l'interruption du délai de prescription qu'elles prévoient en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d'une collectivité publique, les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur formées devant les juridictions judiciaires ne peuvent, en tout état de cause, en l'absence d'une telle mise en cause, davantage interrompre le cours du délai de prescription de la créance le cas échéant détenue sur l'Etat.

9. Enfin, lorsque la victime d'un dommage causé par des agissements de nature à engager la responsabilité d'une collectivité publique dépose contre l'auteur de ces agissements une plainte avec constitution de partie civile, ou se porte partie civile afin d'obtenir des dommages et intérêts dans le cadre d'une instruction pénale déjà ouverte, l'action ainsi engagée présente, au sens des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, le caractère d'un recours relatif au fait générateur de la créance que son auteur détient sur la collectivité et interrompt par suite le délai de prescription de cette créance. En revanche, ne présentent un tel caractère ni une plainte pénale qui n'est pas déposée entre les mains d'un juge d'instruction et assortie d'une constitution de partie civile, ni l'engagement de l'action publique, ni l'exercice par le condamné ou par le ministère public des voies de recours contre les décisions auxquelles cette action donne lieu en première instance et en appel.

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction, qu'un arrêté du 24 avril 2002 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante a modifié l'annexe II de l'arrêté 3 juillet 2000 modifiant la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, pour y inscrire, pour la période courant depuis sa création jusqu'à 1980, l'établissement de la société Julin situé à Rouen qui a employé M. B... du 5 août 1969 au 26 octobre 1976 et du 22 juin 1981 au 25 juin 1982. Cette même liste figurant en annexe II de l'arrêté du 3 juillet 2000 a par ailleurs été modifiée par un arrêté du 2 juin 2006 afin d'y inscrire, pour la période de 1960 à 1996, l'établissement de la société SITUB situé à Tancarville au sein de laquelle l'appelant a été employé à compter du 1er septembre 1992.

11. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'établissement de la société STII implanté à Rouen, qui a compté M. B... parmi ses effectifs du 4 au 29 juin 1984 puis du 29 mai au 8 juin 1985, a été inscrit, par un arrêté du 7 juillet 2000, pour la période courant depuis 1970, sur la liste des professions et des établissements de la construction et de la réparation navales ouvrant droit à l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité figurant en annexe II à cet arrêté.

12. L'inscription des établissements ayant employé M. B... sur l'une des listes annexées aux arrêtés des 3 et 7 juillet 2000 modifiés précités, a permis la mise en œuvre, à son égard, du régime légal de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Toutefois, il est constant que dans sa dernière version en vigueur, l'arrêté du 3 juillet 2000 ne fait apparaître aucune modification des périodes retenues respectivement pour les établissements des sociétés Julin et SITUB, où M. B... a été employé. Il en est de même de l'arrêté du 7 juillet 2000 s'agissant de la société STII. M. B... a ainsi eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence dont il demande réparation, au plus tard à compter de la publication, le 6 juillet 2006, de l'arrêté du 2 juin 2006.

13. Or, comme indiqué au point 6, sa créance se rattache, non à chacune des années au cours desquelles les troubles dont il demande réparation sont invoqués, mais à la seule année de publication de cet arrêté. Ainsi, en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 2007.

14. M. B... se prévaut de l'effet interruptif des quatre décisions rendues le 3 mars 2004 par le Conseil d'Etat (n° 241150, 241151, 241152 et 241153) saisi par d'autres requérants, qui ont reconnu la responsabilité de l'Etat du fait de manquements fautifs dont il a fait preuve dans la mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité relatives à la protection des salariés contre les poussières d'amiante, ainsi que de celui de la décision n° 342468 du 9 novembre 2015 rendue sur le recours d'un employeur, enregistré au début de l'année 2007 devant la juridiction administrative. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, les recours formés à l'encontre de l'Etat par des tiers tels que d'autres salariés victimes, leurs ayants droit ou des sociétés exerçant une action en garantie fondée sur les droits d'autres salariés victimes, ne peuvent être regardés comme relatifs au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. Ils ne peuvent, dès lors, interrompre le délai de prescription en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968. M. B... ne peut, en tout état de cause, pas davantage utilement se prévaloir de l'effet interruptif de la plainte pénale déposée alors que la créance était déjà prescrite.

15. Il résulte de ce qui précède que la créance invoquée par M. B... était prescrite à la date du 19 décembre 2021, à laquelle il a saisi la ministre chargée du travail. Par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée en défense par le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion doit être accueillie.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur les frais liés au litige :

17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00094 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00094
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL BAUDEU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-19;22da00094 ?
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