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24/01/2023 | FRANCE | N°21DA02910

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 24 janvier 2023, 21DA02910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 74 166,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 30 janvier 2015, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Laon à hauteur de 20 % des préjudices subis et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomi

ales (ONIAM) à hauteur de 80 % de ces préjudices, de condamner aux entiers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 74 166,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 30 janvier 2015, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Laon à hauteur de 20 % des préjudices subis et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 80 % de ces préjudices, de condamner aux entiers dépens, à titre principal, le centre hospitalier de Laon et, à titre subsidiaire, le centre hospitalier de Laon et l'ONIAM et de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de mettre la même somme à la charge du centre hospitalier de Laon et de l'ONIAM. Dans le cadre de la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise a demandé la condamnation du centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 116 352,01 euros, assortie des intérêts, au titre de ses débours ainsi que la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1902975 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a mis hors de cause l'ONIAM et a condamné le centre hospitalier de Laon à verser à M. A... la somme de 34 965 euros. Par le même jugement, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Laon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise la somme de 116 352,01 euros au titre de ses débours et la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le tribunal administratif d'Amiens a, enfin, mis à la charge du centre hospitalier de Laon le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2021 et 13 octobre 2022, le centre hospitalier de Laon, représenté par Me Catherine Tamburini-Bonnefoy, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu que sa responsabilité devait être engagée à hauteur de 100 % et qu'il a reconnu l'existence d'une incidence professionnelle et d'un préjudice d'agrément subi par M. A... ;

2°) de fixer, à titre principal, sa part de responsabilité à 17 % et, à titre subsidiaire, à 20 % ;

3°) de limiter aux sommes suivantes le montant de l'indemnité due :

- 262 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, à titre subsidiaire, à la somme de 542,25 euros ;

- 2 490,70 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, à titre subsidiaire, à la somme de 2 930,20 euros ;

- 1 224,20 euros au titre des souffrances endurées, à titre subsidiaire, à la somme de 1 440,20 euros ;

- 255 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, à titre subsidiaire, à la somme de 300 euros ;

- 340 euros au titre du préjudice esthétique définitif, à titre subsidiaire, à la somme de 400 euros ;

- 377,40 euros au titre de l'assistance à tierce personne, à titre subsidiaire, à la somme de 444 euros ;

4°) de condamner M. A... à lui restituer, à titre principal, la somme de 31 515,70 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 30 408,35 euros ;

5°) de réévaluer la créance de la CPAM de l'Oise à la somme de 114 723,93 euros, à titre principal, de limiter le montant dû à la CPAM de l'Oise en remboursement de ses débours à la somme de 19 503,07 euros et la condamner à lui restituer la somme de 96 848,94 euros, à titre subsidiaire, de limiter ce montant à la somme de 22 944,79 euros et la condamner à lui restituer la somme de 93 407,22 euros ;

7°) de limiter le montant de sa condamnation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 1 000 euros à verser respectivement à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise et à M. A....

Il soutient que :

- il ne conteste pas la faute technique commise le 30 janvier 2015 par le chirurgien digestif qui a conduit à la survenance d'une fistule gastrique, mais le manquement commis par le chirurgien gastrique n'étant pas exclusivement la cause du dommage présenté par M. A..., il convient de fixer son taux de responsabilité, à titre principal, à 17 % et, à titre subsidiaire, à 20 % ;

- l'infection présentée par M. A... ne peut être qualifiée de nosocomiale dès lors que le germe retrouvé est un germe de la peau et non un germe hospitalier, en outre, l'infection a été contractée près de deux mois après sa prise en charge au centre hospitalier de Laon et après une hospitalisation de plus de six semaines au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens pour la prise en charge des complications ;

- il convient de limiter l'indemnisation due au titre du déficit fonctionnel total à la somme de 321,30 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 378 euros, celle due au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % à la somme de 3,80 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 4,50 euros, celle due au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % à 40,80 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 48 euros, celle due au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % à la somme de 73,30 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 86,25 euros et celle due au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % à la somme de 21,70 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 25,50 euros ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne doit pas excéder, à titre principal, la somme de 2 490 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 2 930,20 euros ;

- les souffrances endurées peuvent être indemnisées à hauteur de 1 224,20 euros et, à titre subsidiaire, à hauteur de 1 440,20 euros ;

- il convient de limiter l'indemnisation due au titre du préjudice esthétique temporaire à la somme de 255 euros et à, à titre subsidiaire, à la somme de 300 euros et celle due au titre du préjudice esthétique définitif à la somme de 340 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 400 euros ;

- les besoins en assistance par une tierce personne doivent être réévalués en allouant à M. A... la somme de 377,40 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 444 euros ;

- les demandes présentées au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément doivent être rejetées dès lors que M. A... n'apporte aucune preuve permettant de déterminer l'emploi occupé au moment des faits litigieux ainsi que les tentatives pour retrouver un emploi depuis la date de consolidation et n'établit pas davantage qu'il pratiquait avant les faits litigieux un sport à haut niveau ;

- M. A... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice d'impréparation dès lors qu'il a été informé des risques vitaux ;

- M. A... ne justifie pas de dépenses de santé actuelle ;

- il convient de déduire de la créance de la CPAM de l'Oise la somme de 1 628,08 euros dès lors qu'il n'est pas prouvé que les sept consultations de médecine générale du 28 avril au 20 juillet 2015 sont en lien avec la prise en charge médicale dont a bénéficié M. A... au centre hospitalier de Laon ;

- le remboursement des débours de la CPAM de l'Oise ne saurait excéder la somme de 19 503,07 euros et, à titre subsidiaire, la somme de de 22 944,79 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 3 mars 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, représentée par Me Benoît de Berny, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, que la somme de 116 352,01 euros que le centre hospitalier de Laon a été condamné à lui verser soit assortie des intérêts à compter de la demande du 26 octobre 2020 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'infection développée par M. A... en raison d'une fistule consécutive à l'intervention chirurgicale du 30 janvier 2015 au centre hospitalier de Laon est nosocomiale au sens de l'article R. 6111-6 du code de la santé publique dès lors qu'elle a été contractée à l'occasion de soins prodigués au sein de l'établissement hospitalier ;

- le centre hospitalier de Laon est responsable de l'infection dès lors que le dommage n'atteint pas le seuil de gravité pour être pris en charge au titre de la solidarité nationale ;

- le centre hospitalier de Laon ne conteste pas la maladresse du chirurgien, sans laquelle la fistule ne serait pas intervenue, développant l'infection que le patient a subi ;

- la fistule et l'infection ne sont pas des aléas thérapeutiques ;

- ses débours s'élèvent à la somme de 116 352,01 euros ;

- les sept consultations de médecine générale ont été assurées pendant la période de traitement de l'infection entre le 28 avril et le 20 juillet 2015 et ont été prodiguées dans le cadre du parcours de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Céline Roquelle-Meyer, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 novembre 2021.

Il soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Laon est engagée en raison de la faute commise par le chirurgien digestif qui a entraîné la survenue de la complication, ce qui fait obstacle à toute indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

- en tout état de cause, la condition de gravité permettant une indemnisation par la solidarité nationale n'est pas remplie dès lors que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert est de 10 %, que celui-ci n'a pas retenu l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant au moins six mois, que M. A... était sans emploi au moment des faits et n'a pas été reconnu définitivement inapte à exercer une activité professionnelle et qu'il n'est pas établi que la complication aurait occasionné des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, M. B... A..., représenté par Me Mohamed-Akli Zakenoune, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Laon ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 34 965 euros le montant de l'indemnisation et de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 77 220,50 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Laon à hauteur de 20 % et l'ONIAM à hauteur de 80 % à lui verser la somme de 74 166, 50 euros ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon et de l'ONIAM les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Laon doit être engagée en totalité dès lors que la malfaçon technique dans la réalisation de la sleeve-gastrectomie a eu pour conséquence la fistule gastrique qui, elle-même, a provoqué l'infection ;

- il n'existe aucun élément ni dans la littérature médicale, ni dans les faits ni dans le rapport d'expertise permettant de retenir à l'encontre du centre hospitalier une responsabilité à hauteur de 20 % ;

- l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être fixée à 3 091,50 euros et celle due au déficit fonctionnel permanent, à 20 500 euros ;

- le préjudice lié aux souffrances endurées doit être fixé à 17 000 euros ;

- l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire doit être fixée à 3 000 euros et celle du préjudice esthétique définitif à 3 000 euros ;

- il est en droit d'obtenir la somme de 3 054 euros au titre des dépenses de santé correspondant à ses séjours en hospitalisation du 24 mars au 24 avril 2015 et du 5 février au 20 mars 2015 ;

- le préjudice lié à l'assistance par une tierce personne peut être indemnisé à hauteur de 4 575 euros ;

- le préjudice lié à l'incidence professionnelle doit être fixé à 10 000 euros ;

- le préjudice d'agrément doit être fixé à 8 000 euros ;

- le préjudice d'impréparation doit être évalué à 5 000 euros ;

- à titre subsidiaire, si la Cour estime que son préjudice n'est imputable à la faute médicale qu'à hauteur de 20 %, l'ONIAM doit alors être condamné à hauteur de 80 %.

Par une ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022 à 12h00.

Par lettre du 4 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tirés de ce que les conclusions présentées par le centre hospitalier de Laon tendant à ce que la Cour condamne M. A... et la CPAM de l'Oise à lui restituer une partie des sommes que le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à leur verser sont irrecevables dès lors qu'il lui appartient d'émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de ces sommes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Salomé Taverne représentant le centre hospitalier de Laon.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., alors âgé de vingt-quatre ans et présentant une obésité morbide chronique avec un indice de masse corporelle (IMC) à 40, a bénéficié d'une sleeve-gastrectomie réalisée au centre hospitalier de Laon le 30 janvier 2015. Il a pu regagner son domicile le 1er février 2015. L'intéressé a été admis, le 4 février 2015, aux urgences du centre hospitalier de Saint-Quentin à la suite de douleurs abdominales brutales puis a été transféré le 5 février 2015 au centre hospitalier de Laon en raison de la persistance de ces douleurs. La réalisation d'un transit oeso-gastro-duodenal a mis en évidence une franche fuite du liquide de contraste permettant de diagnostiquer une fistule gastrique, conduisant au transfert de l'intéressé au centre hospitalier universitaire d'Amiens où un bilan biologique pré-opératoire a mis en évidence une insuffisance rénale. M. A... a bénéficié, le 5 février 2015, d'une prise en charge chirurgicale de sa fistule gastrique au centre hospitalier d'Amiens et a été autorisé à sortir le 20 mars 2015. Il a de nouveau été admis, le 24 mars 2015, aux urgences du centre hospitalier universitaire d'Amiens en raison de douleurs au niveau de l'épaule gauche associées à un syndrome inflammatoire et une tachycardie. Des examens réalisés ont révélé une gastrectomie compliquée d'une fistule gastro-pleurale avec constitution d'un abcès pulmonaire. Le 3 avril 2015, l'intéressé a bénéficié d'une reprise chirurgicale au centre hospitalier d'Amiens pour couverture de la fistule par une anastomose gastro-jéjunale par anse en Y, splénectomie, lobectomie inférieure gauche et suture diaphragmatique et, en raison de la suspicion de la rupture diaphragmatique, une nouvelle intervention par voie thorascopique a été réalisée le 13 avril 2015. M. A... a regagné son domicile le 24 avril 2015. Admis aux urgences du centre hospitalier de Saint-Quentin, le 1er mai 2015, en raison d'une tachycardie, d'une hypotension artérielle et d'une basithoracique gauche, il a pu regagner son domicile le jour-même après que le diagnostic de douleurs post-opératoires eut été retenu. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Quentin, saisi par M. A..., a, par ordonnance du 25 juin 2018, ordonné une expertise médicale. L'expert a déposé son rapport le 24 octobre 2018. M. A... a alors adressé le 29 janvier 2019 une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier de Laon, lequel lui a fait une proposition d'indemnisation partielle qui est restée sans réponse.

2. Le centre hospitalier de Laon relève appel du jugement du 10 novembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a retenu son entière responsabilité et l'a condamné à verser la somme de 34 965 euros à M. A... et à rembourser la somme de 116 352,01 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise au titre de ses débours. M. A... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise demande également, par la voie de l'appel incident, de réformer ce même jugement en assortissant la somme que le centre hospitalier de Laon a été condamné à lui rembourser, des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2020.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Laon :

En ce qui concerne la faute médicale :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, d'une part, que la sleeve-gastrectomie pratiquée sur M. A... le 30 janvier 2015 n'a pas été effectuée dans les règles de l'art dès lors que la résection gastrique a été réalisée de façon trop serrée, ce qui a été confirmé par l'endoscopie réalisée en per-opératoire ainsi que par l'aphagie quasi-complète qu'a présentée l'intéressé pendant plusieurs jours et, d'autre part, que les suites post-opératoires ont été compliquées par la survenue d'une fistule gastrique, qui correspond à une fuite au niveau de l'extrémité supérieure de l'agrafage gastrique, laquelle a ensuite provoqué une fistule gastro-pleurale et un abcès pulmonaire. Si l'expert a indiqué que la survenue d'une fistule gastrique représentait, en l'absence de toute faute technique, un accident médical non fautif se produisant dans 2 à 4 % des cas, il a toutefois précisé que selon la littérature médicale, une résection trop serrée entraînait une hyperpression à l'intérieure du tube gastrique qui se répercutait sur l'extrémité supérieure de la rangée d'agrafes pour des raisons mécaniques et augmentait ainsi le risque de désunion et, donc, de fistule gastrique. En revanche, il a estimé qu'il n'était pas possible, en l'espèce, de corréler directement la survenue de la fistule gastrique à la réalisation d'une résection trop serrée et que celle-ci n'avait constitué qu'un facteur augmentant sensiblement le risque de survenue de la fistule. Il en résulte que la faute dans le geste chirurgical effectué le 30 janvier 2015 n'est pas la cause directe de l'entier dommage subi par M. A... mais lui a seulement fait perdre une chance d'échapper à la fistule gastrique responsable des complications qu'il a présentées, que l'expert a fixée à 20 %. Il y a donc lieu de retenir ce taux de perte de chance et de condamner le centre hospitalier de Laon à la réparation de cette fraction des préjudices subis par M. A....

En ce qui concerne l'infection nosocomiale alléguée :

6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de santé publique : " I. (...) / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / (...) ".

7. Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la sleeve-gastrectomie pratiquée sur M. A... s'est compliquée d'une fistule gastrique et d'une récidive de fistule sous la forme de fistule gastro pleurale avec pour conséquence la survenue d'un abcès pulmonaire avec infection par le germe de la peau Citrobacter koseri, ce qui a nécessité une résection de la zone pulmonaire infectée et une antibiothérapie. Si la CPAM de l'Oise fait valoir que cette infection présente les caractéristiques d'une infection nosocomiale, il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise médicale que l'infection a été contractée plus de deux mois après la prise en charge de M. A... au sein de centre hospitalier de Laon et après une hospitalisation de plus de six semaines au sein du centre hospitalier d'Amiens et qu'elle ne présente donc pas le caractère d'une infection nosocomiale contractée au centre hospitalier de Laon. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise n'est donc pas fondée à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier de Laon est engagée sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. En revanche, il résulte de l'instruction que la faute commise dans le geste chirurgical au centre hospitalier de Laon a exposé M. A... au risque de survenance d'une fistule gastrique et aux complications qui ont suivi, dont l'infection, à hauteur de 20 %. Il en résulte que le centre hospitalier de Laon doit être condamné uniquement à réparer les préjudices subis par M. A... à hauteur du taux de 20 % de perte de chance d'échapper à cette complication.

Sur la mise en œuvre de la solidarité nationale :

9. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ".

10. Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; /2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".

11. Il résulte des termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que la réparation d'un accident médical par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale n'est possible qu'en dehors des cas où cet accident serait causé directement soit par un acte fautif d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit par un défaut d'un produit de santé.

12. Lorsque, dans le cas d'un tel accident médical non fautif dont les conséquences dommageables remplissent les conditions prévues par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, une faute commise par un professionnel, un établissement, un service ou un organisme mentionné au I du même article a, sans être la cause directe de l'accident, fait néanmoins perdre à la victime une chance d'y échapper ou de se soustraire à ses conséquences, cette dernière a droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale, mais l'indemnité due par l'ONIAM doit être réduite du montant de l'indemnité mise à la charge du professionnel, de l'établissement, du service ou de l'organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l'ampleur de la chance perdue.

13. Par suite, il appartient au juge saisi par la victime d'un accident médical de conclusions indemnitaires invoquant la responsabilité pour faute d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de déterminer si l'accident médical a été directement causé par la faute invoquée et, dans ce cas, si l'acte fautif est à l'origine des dommages corporels invoqués ou seulement d'une perte de chance de les éviter.

14. Si l'acte fautif n'est pas la cause directe de l'accident, il lui appartient de rechercher, le cas échéant d'office, si le dommage subi présente le caractère d'anormalité et de gravité requis par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et doit, par suite, faire l'objet d'une réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

15. Enfin, dans le cas d'une réponse positive à cette dernière question, si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d'éviter l'accident médical non fautif ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l'indemnité due par l'ONIAM du montant qu'il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance.

16. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise médicale que le déficit fonctionnel permanent résultant de la fistule gastrique et sa complication est de 10 % en raison de l'existence d'une splénectomie et d'une dyspnée séquellaire, soit un taux inférieur au seuil de 24 % requis par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. En outre, il ressort du rapport d'expertise que M. A... n'a pas été atteint d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant au moins six mois. Si l'intéressé fait valoir que pour la période du 25 avril au 21 septembre 2015, il a continué à s'alimenter par jéjunostomie qui n'a été retirée qu'en août 2015 et qu'il s'est vu prescrire une ventilation non invasive jusqu'à fin août 2015, il résulte de l'instruction, d'une part, que la première consultation de contrôle du 27 mai 2015 n'a mis en évidence aucune anomalie et, d'autre part, que l'intéressé a lui-même indiqué à l'expert avoir retiré dès le mois de mai sa jéjunostomie et avoir été plus autonome en août 2015. Par ailleurs, M. A..., qui était sans emploi lors de son hospitalisation, ne remplit pas la condition relative à l'arrêt des activités professionnelles sur une période au moins égale à six mois consécutifs ou non consécutifs et il n'a pas non plus été déclaré inapte à exercer une activité professionnelle. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la fistule gastrique aurait occasionné des troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence, la consolidation de son état de santé ayant été acquise le 15 décembre 2015. Par suite, les conditions de mise en œuvre d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale du dommage ne sont pas remplies et il y a donc lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 novembre 2021 en tant qu'il a mis hors de cause l'ONIAM.

Sur l'évaluation des préjudices de M. A... et les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

17. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

S'agissant des dépenses de santé :

18. Il résulte de l'instruction et, notamment, de la notification de saisie administrative à tiers détenteur dont a été destinataire M. A... que ce dernier est redevable à l'égard du centre hospitalier d'Amiens des sommes de 2 400 et 594 euros correspondant respectivement à son hospitalisation pour la période du 5 février au 20 mars 2015 et celle du 24 mars au 20 avril 2015. La circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise ait pris en charge ces deux hospitalisations ne fait pas obstacle à ce que M. A... puisse demander le remboursement des sommes restées à sa charge. Par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise justifie, par la production de son relevé de débours définitifs et de l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil, avoir effectué des dépenses de santé correspondant à des frais hospitaliers, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage et des frais de transport pour un montant total de 116 352,01 euros en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Laon. Par suite, l'évaluation des dépenses de santé s'élève à la somme totale de 119 406,01 euros, soit, après application du taux de perte de chance de 20 %, une indemnité de 23 881,20 euros à mettre à la charge du centre hospitalier. Il y a lieu, en application du principe de priorité de la victime, d'allouer à M. A... la somme de 3 054 euros au titre des dépenses restées à sa charge et de ramener la somme de 116 352,01 euros accordée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, à 20 287,20 euros.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

19. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise que M. A... a eu besoin d'une aide non spécialisée à raison de deux heures par jour pour la période du 21 au 23 mars 2015 et celle du 25 avril au 27 mai 2015 et à raison d'une heure par jour du 28 mai au 20 septembre 2015. En se fondant sur un taux horaire de 13,45 euros correspondant au coût moyen de l'aide non médicalisée que nécessitait l'état de santé de l'intéressé sur une base annuelle de 412 jours, le coût de l'assistance par une tierce personne peut être évalué à la somme de 2 853,54 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 20 %, il y a lieu de ramener la somme de 2 729 euros allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice, à 570,70 euros.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

20. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que la faute médicale commise par le centre hospitalier de Laon a eu un retentissement sur l'activité professionnelle de M. A... à raison de la limitation des efforts physiques résultant de la résection pulmonaire et des aménagements que nécessitera l'emploi de chauffeur-livreur que l'intéressé souhaitait exercer avant son intervention chirurgicale. Cette incidence professionnelle peut être évaluée à 2 000 euros. Par suite, il y a lieu de ramener la somme mise à la charge du centre hospitalier de Laon au titre de l'incidence professionnelle, après application du taux de perte de chance de 20 %, de 2 000 euros à 400 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra- patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

21. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que M. A... a été atteint, avant la consolidation de son état de santé fixé au 15 décembre 2015, d'un déficit fonctionnel temporaire total de 78 jours correspondant à la période d'hospitalisation du 4 février au 20 mars 2015 et du 23 mars au 24 avril 2015, d'un déficit fonctionnel temporaire de classe IV, soit 75 %, résultant de l'utilisation de la jéjunostomie du 21 au 22 mars 2015, d'un déficit fonctionnel temporaire de classe III, soit 50 %, du 25 avril au 27 mai 2015, d'un déficit fonctionnel temporaire de classe II, soit 25 %, du 28 mai au 20 septembre 2015 et d'un déficit fonctionnel temporaire de classe I, soit 10 %, du 21 septembre au 15 décembre 2015. Il y a lieu de se fonder sur un taux de 13,33 euros par jour, soit un montant mensuel de 400 euros pour évaluer ce chef de préjudice et ramener, après application du taux de perte de chance de 20 %, la somme de 1 736 euros allouée par les premiers juges à 347,36 euros.

Quant aux souffrances endurées :

22. Les souffrances endurées par M. A... ont été estimées par l'expert à 4 sur une échelle de 7, en tenant compte des douleurs liées aux réinterventions chirurgicales, aux séjours en réanimation et à l'alimentation par sonde de jéjunostomie. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice à 8 000 euros. Par suite, il y a lieu de ramener la somme mise à la charge du centre hospitalier de Laon par les premiers juges, après application du taux de perte de chance de 20 %, de 8 000 euros à 1 600 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

23. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que M. A... a subi un préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur une échelle de 7 du fait de la présence de cicatrices, des séjours en réanimation où il était intubé et ventilé et de la présence de drains et de la sonde de jéjunostomie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, en ramenant, après application du taux de perte de chance de 20 %, la somme allouée par les premiers juges de 1 500 euros à 300 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

24. Il ressort du rapport d'expertise que M. A... présente un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 %. L'intéressé étant âgé de vingt-cinq ans à la date du 15 décembre 2015 de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 18 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 20 %, il y a lieu de ramener la somme allouée à ce titre par les premiers juges de 16 000 euros à 3 600 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

25. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que M. A... subit un préjudice esthétique permanent évalué à 2 sur une échelle de 7 résultant de la présence de cicatrices abdominales et thoraciques. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, en ramenant, après application du taux de perte de chance de 20 %, la somme allouée par les premiers juges de 2 000 euros à 400 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

26. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise et de l'attestation du président du club de Gricourt Basketball que si M. A..., en dépit de son IMC important, a continué à s'entraîner au basket-ball au sein de ce club dans lequel il avait antérieurement participé à des compétitions de haut niveau, son état actuel n'est cependant plus compatible avec la pratique de ce sport en raison de la baisse de sa capacité pulmonaire et ne lui permet plus que de participer de façon épisodique à un match. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en ramenant, après application du taux de perte de chance de 20 %, la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges à 200 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

27. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus lors d'une intervention ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. L'existence d'un tel préjudice ne se déduit pas de la seule circonstance que le droit du patient d'être informé des risques de l'intervention a été méconnu, il appartient à la victime d'en établir la réalité et l'ampleur. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

28. M. A..., en se bornant à soutenir qu'il n'a pas bénéficié d'un délai de six à douze mois, comme le préconise la haute autorité de santé, avant de subir la sleeve-gastrectomie, n'établit pas la réalité du préjudice d'impréparation dont il se prévaut. Au surplus, si cette intervention chirurgicale n'a été pratiquée que trois mois après la première consultation dont il a bénéficié, il résulte de l'instruction que l'intéressé avait été reçu à deux reprises par son chirurgien avant cette intervention et qu'il avait bénéficié de consultations avec un pneumologue, un endocrinologue nutritionniste, un gastro-entérologue, un cardiologue et un psychiatre et qu'il avait signé un consentement éclairé avec la mention d'une information y compris d'un risque vital. En outre, l'expert a relevé que le délai de préparation de six à douze mois recommandé par la haute autorité de santé ne s'impose pas au praticien. Il en résulte que les conclusions indemnitaires présentées au titre du préjudice d'impréparation doivent être rejetées.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Laon est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 novembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a retenu son entière responsabilité dans les préjudices subis par M. A.... Il y a lieu de réformer le jugement sur ce point, de retenir un taux de perte de chance de 20 % pour M. A... d'avoir échappé aux complications de la sleeve-gastrectomie qu'il a subie et de ramener la somme de 34 965 euros que le centre hospitalier de Laon a été condamné à verser à M. A..., à 10 472,06 euros et la somme de 116 352,01 euros qu'il a été condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, à 20 827,20 euros.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :

30. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise a droit aux intérêts sur la somme de 20 827,20 euros à compter du 26 octobre 2020, date de sa première demande.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

31. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Le jugement du 10 novembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens a accordé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 098 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 4 décembre 2020 alors en vigueur. Si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que les sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées à M. A... n'ont pas été majorées par le présent arrêt.

Sur les conclusions présentées par le centre hospitalier de Laon tendant à ce que M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise soit condamnés à lui rembourser une partie de l'indemnisation accordée par le tribunal administratif d'Amiens :

32. Les conclusions du centre hospitalier de Laon tendant à ce que la Cour condamne, en exécution du présent arrêt, M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise à lui restituer respectivement, à titre principal, les sommes de 31 515,70 euros et de 96 848,94 euros et, à titre subsidiaire, les sommes de 30 408,35 euros et de 93 407,22 euros sont irrecevables dès lors qu'il lui appartient d'émettre un titre exécutoire pour le recouvrement des sommes qui lui sont dues. Ces conclusions doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les dépens et les frais liés à l'instance :

33. La présente instance n'ayant pas comporté de dépens, les conclusions des parties tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

34. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 34 965 euros que le centre hospitalier de Laon a été condamné à verser à M. A... est ramenée à 10 472,06 euros.

Article 2 : La somme de 116 352,01 euros que le centre hospitalier de Laon a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise est ramenée à 20 827,20 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2020.

Article 3 : Le jugement n° 1902975 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Laon, à M. B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02910
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CABINET DE BERNY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-24;21da02910 ?
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