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16/03/2023 | FRANCE | N°21DA01725

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21DA01725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803009 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, déchargé M. B... de la cotisation supp

lémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803009 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2021 et le 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1803009 du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M B... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de prescrire le reversement de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à la date de la proposition de rectification, le 20 avril 2016, aucun redressement ne pouvait être notifié au contribuable au titre de l'exercice clos en 2012 dès lors que cet exercice était prescrit ; les premiers juges, en considérant que le premier exercice non prescrit au 20 avril 2016 était l'exercice 2012, ont commis une erreur de droit au regard des règles de prescription des articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification du 21 décembre 2015 ne portait que sur la remise en cause du crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts, qui est sans rapport avec l'activité professionnelle de M. B..., et n'a donc aucune incidence sur la prescription de l'exercice 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2021 et le 4 mars 2022, M. B..., représenté par Me Vandamme, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'administration ne tient pas compte de la proposition de rectification du 21 décembre 2015, interruptive de prescription pour l'année 2012, de sorte que le premier exercice non prescrit était, ainsi que l'ont admis les premiers juges, l'année 2012.

Par une ordonnance du 4 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2022.

Par une communication en date du 3 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la cour prescrive la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat, par le jugement frappé d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'activité d'élevage et de négoce de bovins exercée à titre individuel par M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment reconstitué le stock des animaux vivants et l'a évalué à 417 983 euros au titre de l'exercice clos en 2013. En application des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, le service a rehaussé le résultat du premier exercice non prescrit, soit l'exercice clos en 2013, de la différence entre la valeur du stock retenue par le service et la valeur du stock déclarée par M. B.... En conséquence, l'administration a assujetti M. B... à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, assortie de pénalités, en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, déchargé M. B... de cette cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.

2. Pour décharger M. B... de l'imposition supplémentaire ainsi mise à sa charge, les premiers juges ont relevé que l'exercice clos en 2012 était le premier exercice non prescrit en raison de l'application par l'administration de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de l'intéressé au titre de l'année 2014. Les premiers juges ont déduit de cette analyse que l'administration avait à tort fait application à l'exercice clos en 2013 des principes d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit prévu par les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts et de correction symétrique des bilans.

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa. / (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification datée du 21 décembre 2015 notifiée par l'administration à M. B... portait exclusivement sur la reprise d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et ne concernait pas la vérification de comptabilité de l'activité individuelle d'élevage et de négoce de bovins exercée par ce dernier. En revanche, l'administration a adressé à M. B... pour son activité exercée à titre individuel une proposition de rectification, datée du 20 avril 2016, laquelle a valablement interrompu la prescription pour les exercices clos de 2013 à 2015 s'agissant de cette activité professionnelle. L'exercice clos en 2015 n'ayant pas été vérifié, seuls les exercices clos en 2013 et 2014 étaient concernés par l'acte interruptif de prescription au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. L'administration ayant fait application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu notifiées au contribuable au titre des exercices clos en 2013 et 2014, la prescription de deux ans, prévue au deuxième alinéa de l'article L. 169 du code général des impôts, n'était, en tout état de cause, pas applicable. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., le premier exercice non prescrit étant l'exercice clos en 2013, celui-ci pouvait faire l'objet d'une correction de son bilan de clôture entraînant un supplément d'actif net de clôture et, par voie de conséquence, un rehaussement du bénéfice imposable de l'exercice 2013, en raison précisément de l'impossibilité de corriger l'actif net d'ouverture de l'exercice 2013 en application des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que le premier exercice non prescrit était l'exercice 2013. C'est donc à tort que les premiers juges ont déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, au motif que l'exercice clos en 2012 était le premier exercice non prescrit.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... tant devant le tribunal administratif de Lille qu'en appel. Toutefois, le requérant n'a pas soulevé, tant devant les premiers juges qu'en appel, de moyen autre que celui auquel les premiers juges ont fait droit et qui doit être écarté pour les motifs exposés au point 5.

7. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, que la demande présentée par M B... ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Enfin, dès lors que le ministre de l'action et des comptes publics tient de l'article 11 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique le pouvoir d'émettre un ordre de recouvrement à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont une personne serait redevable envers l'Etat, ses conclusions tendant à ce que la cour prescrive le reversement de la somme de 1 500 euros mise, par les premiers juges, à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803009 du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que les majorations correspondantes, dont la décharge a été prononcée par ce jugement, sont remises à la charge de celui-ci.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°21DA01725 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01725
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP J.P. VANDAMME - F. MOLURI - F. VANDAMME

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-16;21da01725 ?
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