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22/06/2023 | FRANCE | N°21DA02705

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 22 juin 2023, 21DA02705


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Orange Expression a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1806903 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

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Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2021, et par un mémoire, enregistré le 26 mai 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Orange Expression a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1806903 du 24 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2021, et par un mémoire, enregistré le 26 mai 2023 et qui n'a pas été communiqué, la SARL Orange Epxression, représentée par Me Guey Balgairies, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors que c'est la procédure de rectification contradictoire qui a été mise en œuvre à son égard, la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion qui lui est imputé incombe à l'administration, d'autant que le service n'a pas suivi l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- l'administration n'a pu valablement déterminer, en utilisant la méthode par comparaison avec les données issues d'autres cessions contemporaines, la valeur vénale du fonds de commerce qu'elle a cédé, cette méthode n'étant admise qu'en l'absence de cession équivalente ; or, la société cessionnaire de son fonds de commerce, qui exerce d'ailleurs la profession de marchand de biens, a revendu celui-ci le même jour pour un prix de 300 000 euros, qui résulte du jeu normal de l'offre et de la demande et qui devait donc être regardé comme correspondant à la valeur vénale de son fonds au jour de sa première cession ;

- elle conteste que le chiffre d'affaires soit un critère de comparaison et d'évaluation pertinent pour déterminer la valeur vénale d'un fonds de commerce de restauration ; les organisations professionnelles, de même que les banques s'accordent pour retenir l'excédent brut d'exploitation comme le critère le plus pertinent et réaliste pour déterminer la valeur vénale d'un tel fonds de commerce ; la disparité des pourcentages retenus par l'administration en ce qui concerne les termes de comparaison qu'elle a choisis confirme d'ailleurs que le rapport prix de cession sur chiffre d'affaires a été retenu à tort par l'administration comme une donnée utilisable ;

- les autres cessions utilisées comme termes de comparaison ne concernant pas des fonds de commerce comparables au sien ; les abattements pratiqués, qui atteignent d'ailleurs 30%, ce qui confirme cette absence de caractère comparable, ne suffisent pas à compenser les différences existant entre son fonds et ceux retenus à titre de comparaison ; l'administration n'a d'ailleurs pas justifié les taux de ces abattements, qui apparaissent ainsi déterminés de façon purement arbitraire ;

- la seule cession d'un fonds pour un prix inférieur à sa valeur vénale ne peut suffire à l'administration à apporter la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un acte anormal de gestion, en l'absence, comme en l'espèce, de lien d'affaires entre le cédant et le cessionnaire, ni même entre ces parties et l'acquéreur final ; en tout état de cause, le prix fixé pour la cession en cause est conforme à l'intérêt de son entreprise, dès lors que cette opération avait pour but d'anticiper des difficultés à venir, liées à une baisse constante de son excédent brut d'exploitation, à l'instar de celles qu'ont rencontrées d'autres restaurants du même secteur géographique ; la circonstance que les locaux du restaurant et ceux du logement attenant ont fait l'objet d'une vente concomitante demeure sans incidence à cet égard, contrairement à ce qu'a cru pouvoir retenir l'administration, cette vente ayant été conclue au juste prix et consentie à deux personnes différentes n'ayant aucun intérêt entre elles ni avec les parties aux cessions du fonds de commerce ; à cet égard l'allégation selon laquelle l'ensemble de ces cessions aurait eu pour objet de dégager la trésorerie nécessaire à la réalisation d'un projet immobilier est sans fondement et expressément contestée ;

- la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige n'est pas fondée, l'administration ne démontrant pas, eu égard à ce qui a été dit et compte-tenu, notamment, de ce que la minoration du prix de cession ne peut être regardée comme importante, l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle lui prête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête de la SARL Orange Expression tendant à la décharge du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 sont irrecevables, dès lors qu'aucun moyen n'est articulé à leur soutien ;

- l'administration est réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que la cession, par une entreprise, d'un élément d'actif procède d'un acte anormal de gestion lorsqu'elle démontre que cette cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale de l'élément cédé ;

- en l'espèce, le service, qui était fondé, moyennant des abattements destinés, conformément aux préconisations de la commission de conciliation, à tenir mieux compte des caractéristiques particulières du fonds de commerce cédé par la SARL Orange Expression, à déterminer la valeur vénale de ce fonds par comparaison avec des cessions portant sur des fonds de commerce comparables, en retenant comme critère, ce qui correspond à un usage de la profession, le rapport entre chaque prix de cession et le chiffre d'affaires moyen réalisé, par chaque établissement concerné, au cours des trois exercices précédents, a apporté la preuve de la minoration notable du prix de vente retenu par la SARL Orange Expression, à savoir 100 000 euros, par rapport à la valeur vénale du fonds cédé, estimée en dernier lieu à 525 000 euros ; les abattements ainsi pratiqués, qui atteignent un pourcentage total de 30%, ne sont pas excessifs et ne remettent pas en cause le caractère similaire des termes de comparaison choisis ;

- contrairement à ce que soutient la SARL Orange Expression, la revente du fonds de commerce cédé, effectuée par l'acquéreur pour un prix de 300 000 euros, le jour même de son acquisition, ne correspond pas à une pratique courante de la profession et ne peut donc être regardée comme traduisant le jeu normal de l'offre et de la demande ; cette transaction ne peut ainsi constituer un terme de comparaison pertinent ; quand bien même la cour la regarderait comme telle, elle ne pourrait que constater que le prix auquel s'est opérée cette revente équivaut au triple de celui de la cession initiale ;

- la SARL Orange Expression n'apporte aucun élément de nature à établir que la vente, à un prix notablement minoré, de son fonds de commerce aurait été conclue dans son intérêt, qui ne peut se confondre avec l'intérêt personnel de ses associés, ni avec celui de la société propriétaire de ses locaux ;

- eu égard à l'ampleur de l'écart constaté, soit 425%, entre le prix de cession du fonds de commerce de la SARL Orange Expression et la valeur vénale de ce fonds, cette société ne pouvait ignorer le caractère anormalement bas du prix convenu, ni qu'elle n'en retirerait elle-même aucune contrepartie, de sorte qu'elle opérait un acte anormal de gestion lui permettant de minorer son impôt ; en faisant valoir ces éléments, l'administration établit le bien-fondé de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guey Balgairies, représentant la SARL Orange Expression, ainsi que celles de M. A..., gérant de cette société.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Orange Expression exploitait, à Lille, un fonds de commerce de restauration traditionnelle, spécialisé dans la cuisine italienne, qu'elle a revendu, le 24 mai 2011, à la SARL Do It, pour un prix de 100 000 euros. La SARL Orange Expression a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé que le prix conclu pour la cession, intervenue au cours de la période vérifiée, du fonds de commerce de la société avait été sous-évalué, dans une situation dans laquelle la valeur vénale de ce fonds pouvait, selon le service, être estimée à 752 759 euros. L'administration a, dans ces conditions, regardé cette cession comme procédant, pour la SARL Orange Expression, d'un acte anormal de gestion et a estimé qu'il y avait lieu d'en tirer les conséquences en ce qui concerne les bases de l'impôt sur les sociétés qui ont été assignées à cette société au titre de l'exercice clos en 2011. Par ailleurs, le service a considéré qu'il y avait lieu de mettre à la charge de la SARL Orange Expression des rappels de contribution sur les ventes de produits alimentaires au titre des exercices clos en 2011 et en 2012. Elle a fait connaître sa position sur ces points à cette société par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 30 juin 2014. Les observations présentées par la SARL Orange Expression n'ayant pas amené le service à revoir son appréciation, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et les rappels de contribution sur les ventes de produits alimentaires résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 2 octobre 2015, à hauteur des sommes respectives, en droits et pénalités, de 322 772 euros et de 1 401 euros. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, consultée à la demande de la SARL Orange Expression a émis, à l'issue de sa séance du 11 mai 2015, l'avis que la valeur vénale du fonds de commerce cédé devait être estimée à 300 000 euros. L'administration n'a cependant pas suivi cet avis et a décidé de fonder les suppléments d'impôt sur les sociétés contestés sur son évaluation initiale, à hauteur de 752 759 euros.

2. La SARL Orange Expression a alors introduit une réclamation, qui a fait l'objet d'une acceptation partielle, l'administration ayant consenti à suivre l'avis émis par la commission de conciliation compétente en matière de cession de fonds de commerce, saisie dans le cadre d'un autre différend concernant le même fonds de commerce, laquelle commission, tout en regardant comme pertinents les termes de comparaison retenus par le service pour évaluer le fonds de commerce cédé, a proposé d'appliquer des abattements pour tenir mieux compte des caractéristiques propres de ce fonds. L'administration a, en conséquence, ramené l'évaluation du fonds de commerce à 525 000 euros et il en a résulté un dégrèvement d'impôt sur les sociétés d'un montant de 114 184 euros, en droits et pénalités. Insatisfaite cependant de cette issue partielle, la SARL Orange Expression a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. La SARL Orange Expression relève appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du supplément d'impôt sur les sociétés en litige :

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

4. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

5. Pour retenir que la cession, par la SARL Orange Expression de son fonds de commerce de restauration à la SARL Do It, avait été effectuée pour un prix notablement inférieur à la valeur vénale du fonds cédé, le service, comme l'exposent les termes de la proposition de rectification qu'il a adressée le 30 juin 2014, a cherché à déterminer cette valeur vénale. Pour ce faire, le service a estimé qu'en l'absence de cession équivalente, il y avait lieu d'effectuer une évaluation du fonds cédé en procédant par comparaison avec des transactions récentes portant sur des fonds de commerce comparables. Le service a ainsi identifié trois autres cessions, portant sur des fonds de commerce de restauration traditionnelle établis également à Lille, dans un rayon géographique proche de celui cédé par la SARL Orange Expression. Il a alors rapporté le prix de cession retenu pour chacun des termes de comparaison ainsi choisis à la moyenne des chiffres d'affaires toutes taxes comprises réalisés par chaque établissement concerné durant les trois années précédant la cession de leur fonds de commerce. De ces rapports est né un pourcentage, de 34,59% pour le premier terme de comparaison, de 74,91% pour le deuxième et de 79,90% pour le troisième. Le service a estimé que la moyenne de ces pourcentages, à savoir 63,14%, pouvait à bon escient être appliquée à la moyenne des chiffres d'affaires toutes taxes comprises réalisés par la SARL Orange Expression durant les trois exercices précédant la cession, laquelle s'élevait à 1 192 206 euros, pour déterminer la valeur vénale du fonds cédé, qu'il a fixée à 752 759 euros. Durant la discussion précontentieuse, l'administration, suivant l'avis émis par la commission de conciliation compétente, dans le cadre du règlement des différends en matière de droits d'enregistrement, en matière de cessions de fonds de commerce, a accepté d'appliquer, à cette valeur, un abattement de 10%, pour compenser l'absence de terrasse et d'activité de débit de boissons dans l'établissement exploité par la SARL Orange Expression, un autre abattement de 10%, pour tenir compte, eu égard aux difficultés financières rencontrées par la cédante, des charges relatives au bail commercial et à la masse salariale reprise par le cessionnaire, enfin, un autre abattement de 10% pour tenir compte de l'encaissement de produits au titre d'opérations promotionnelles peu rentables. Ainsi, la valeur vénale, au jour de la cession, du fonds de commerce cédé par la SARL Orange Expression a été évaluée à la somme de 525 000 euros.

6. La SARL Orange Expression conteste la pertinence de cette méthode par comparaison et soutient que le service n'était pas autorisé à mettre celle-ci en œuvre, dès lors que ce même fonds de commerce a été cédé le même jour à un autre investisseur pour un montant de 300 000 euros. Elle précise que l'acquéreur de son fonds de commerce, à savoir la SARL Do It, a, en effet, revendu celui-ci le jour même à un tiers pour un prix de 300 000 euros, qu'elle estime plus représentatif, au jour de la cession en cause, de la valeur vénale de son fonds de commerce que la valeur retenue par l'administration. Si le ministre fait valoir qu'une telle revente d'un fonds de commerce acquis le jour même ne peut être regardée comme constituant une pratique normale de la profession de restauration, cet argument ne peut, à lui seul, suffire à établir que le prix fixé pour cette revente, effectuée par la SARL Do It, qui n'est d'ailleurs pas un professionnel de la restauration, mais un marchand de biens, ne résultait pas du jeu normal de l'offre et de la demande. De surcroît, l'administration n'allègue pas que cette cession du même fonds de commerce par la SARL Do It aurait été faite à un prix sous-évalué pour cette dernière. Ainsi, cette seconde cession le même jour, portant sur le même fonds de commerce, peut être regardée comme l'expression de la valeur vénale du fonds de commerce résultant du jeu de l'offre et de la demande. Il y a, dès lors, lieu de retenir, ainsi que le soutient la SARL Orange Expression et que l'a, au demeurant, préconisé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le prix de 300 000 euros comme représentatif de la valeur vénale du fonds au jour de son acquisition par la SARL Do It. L'administration n'était, dès lors, pas fondée à mettre en œuvre la méthode d'évaluation par comparaison avec les données issues d'autres cessions portant sur des fonds de commerce regardés par elle comme comparables à celui cédé par la SARL Orange Expression.

7. Toutefois, conformément aux principes rappelés au point 4, l'administration, en faisant observer que cette valeur de 300 000 euros correspond au triple du prix de cession de son fonds de commerce par la SARL Orange Expression, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère anormal de l'acte de cession. Il incombe donc, à ce stade, à la SARL Orange Expression d'établir que l'appauvrissement qui en est résulté pour elle a été décidé dans son intérêt.

8. La SARL Orange Expression soutient avoir pris la décision de céder son fonds de commerce, dans le contexte d'une baisse constante, depuis plusieurs années, de ses résultats et de son excédent brut d'exploitation, afin d'éviter de se trouver confrontée, à l'instar de plusieurs établissements voisins exerçant la même profession, à des difficultés économiques plus graves. Elle ajoute que le prix de cette cession, à savoir 100 000 euros, résulte d'une négociation avec l'acquéreur, qui n'est pas un professionnel de la restauration mais un marchand de biens, avec lequel elle n'entretenait aucun lien, ni ne possédait d'intérêts communs. Elle produit, enfin, une attestation établie, le 3 novembre 2014, par le cabinet chargé de la commercialisation de son fonds de commerce et qui fait état de plusieurs tentatives de vente infructueuses au prix de 300 000 euros, en précisant que ces négociations n'ont pu aboutir eu égard, notamment, au niveau du prix demandé, à l'importance du loyer et de la masse salariale auxquels la SARL Orange Expression devait faire face pour son établissement et à la faible rentabilité de celui-ci, due notamment à une localisation regardée comme peu favorable et à l'absence de terrasse.

9. Toutefois, le tableau que la SARL Orange Expression a versé à l'instruction devant les premiers juges, présentant l'évolution de son chiffre d'affaires, de son excédent brut d'exploitation et de son résultat durant la période couvrant les exercice clos en 2003 à 2011, ne permet pas, à lui seul, de corroborer ses allégations, selon lesquelles son résultat et son excédent brut d'exploitation ont connu, au cours des années précédant la cession, le 24 mai 2011, de son fonds de commerce, une dégradation constante, ce tableau révélant, au contraire, que son résultat a progressé, au cours des exercices clos en 2009 et en 2010, par rapport à celui des exercices antérieurs et que son excédent brut d'exploitation s'est maintenu au cours des deux exercices précédant cette cession, pour ne connaître au baisse significative qu'au terme de l'exercice clos en 2011, au cours duquel la cession est intervenue. En outre, il ne peut davantage être tenu pour établi, au vu des seules pièces versées à l'instruction, que la SARL Orange Expression, qui a elle-même tenté, à plusieurs reprises, de vendre son fonds au prix de 300 000 euros, n'aurait pas été à même de céder celui-ci à un prix supérieur à celui de 100 000 euros, auquel a été conclue la cession en cause et qui est équivalent au tiers du prix initialement escompté par elle. Enfin, la SARL Orange Expression, qui ne démontre pas que cette cession à prix minoré répondait à un intérêt pour son exploitation, ne conteste pas sérieusement que le propriétaire de ses locaux y avait, quant à lui, un intérêt direct, pour avoir conclu, le 10 mars 2011, une promesse de vente, concernant ces locaux, dont les stipulations comportent une condition suspensive tenant à la vente du fonds de commerce de la SARL Orange Expression. L'administration était, dans ces conditions, fondée à regarder la cession, par cette dernière, de son fonds de commerce comme procédant d'un acte anormal de gestion et à en tirer les conséquences en ce qui concerne les bases de l'impôt sur les sociétés qui ont été assignées à la SARL Orange Expression au titre de l'exercice clos en 2011. Cette société peut cependant prétendre à une réduction de la base imposable qui lui a été assignée au titre de l'année 2011, en matière d'impôt sur les sociétés, tenant compte d'une valeur vénale de 300 000 euros pour le fonds de commerce cédé.

Sur le bien-fondé du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires :

10. Si la SARL Orange Expression conclut à la décharge du rappel de contribution sur les ventes de produits alimentaires auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, elle ne soulève cependant aucun moyen à l'appui de ces conclusions. En outre, ce rappel n'est pas la conséquence des rectifications notifiées en matière d'impôt sur les sociétés. Il suit de là que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui leur est opposée par le ministre.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

12. Pour justifier, comme la charge lui en incombe, que le supplément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Orange Expression au titre de l'exercice clos en 2011 a été assorti à bon droit de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 30 juin 2014 à cette société, que s'approprie le ministre en appel, que la SARL Orange Expression, en cédant son fonds de commerce au prix de 100 000 euros qu'elle savait notablement inférieur à la valeur vénale de ce fonds, pour avoir d'ailleurs elle-même précédemment proposé celui-ci à la vente pour un prix de 300 000 euros, trois fois supérieur, ne pouvait ignorer qu'elle agissait au détriment de l'intérêt de son entreprise, en minorant la recette y afférente, ni qu'elle atténuait indûment et à hauteur d'une somme importante, sa cotisation d'impôt sur les sociétés de l'exercice correspondant, sans être à même d'établir l'existence d'une contrepartie conforme à son intérêt. Ces éléments sont de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé l'intéressée. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application, au supplément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Orange Expression au titre de l'exercice clos en 2011, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Orange Expression est seulement fondée, dans la mesure de ce qui a été dit au point 9, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par la SARL Orange Expression et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La base imposable assignée au titre de l'année 2011, en matière d'impôt sur les sociétés, à la SARL Orange Expression est réduite pour tenir compte d'une valeur vénale de 300 000 euros du fonds de commerce cédé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL Orange Expression a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 est réduite en conséquence de la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1806903 du 24 septembre 2021 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Orange Expression est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Orange Expression, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

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N°21DA02705

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02705
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-22;21da02705 ?
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