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17/08/2023 | FRANCE | N°21DA02808

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 août 2023, 21DA02808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Clan's World a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mai 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions.

Par un jugement n

1806746 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Clan's World a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mai 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions.

Par un jugement n° 1806746 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2021 et 10 mai 2022, C... Clan's World, représentée par Me Derouin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au ministre de produire le fichier informatisé " TTC " (Traitement de la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire) relatif aux prestations intracommunautaires réalisées par elle pour les années 2013 à 2015 à destination de sociétés françaises et l'analyse qui en a été faite par les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales ;

3°) de lui accorder, à titre principal, la décharge des impositions en litige, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions ;

4°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur l'interprétation des dispositions pertinentes des directives 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et 2011/16/UE du 15 février 2011 et leur mise en œuvre au regard du principe de coopération loyale ;

5°) à titre subsidiaire, de saisir également la Cour de justice de l'Union européenne du point de savoir si les libertés d'établissement et de prestations de services et les directives 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et 2009/101/CE du 16 septembre 2009 doivent être interprétées en ce sens qu'un État membre ne peut pas considérer comme " occulte " avec les conséquences qui s'y attachent en droit national français (notamment l'application d'une pénalité de 80 %) l'activité d'une société d'un autre État membre qui y a accompli les formalités de publicité prévues par la directive 2009/101/CE et y a déclaré ses prestations de services intracommunautaires, notamment à destination de preneurs établis dans le premier État membre conformément à la directive 2006/112/CE ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est prononcé en l'absence de tout élément de preuve et n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction ;

- le tribunal a soulevé d'office un moyen et a opéré une substitution de base légale sans en informer les parties ;

- l'administration a méconnu le VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ainsi que l'article L. 47 du même livre du fait de l'absence de vérification effective de la comptabilité de la société ;

- la procédure est irrégulière en raison de l'absence de débat oral et contradictoire ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en refusant de lui communiquer certaines pièces jointes à la requête à fins de visite domiciliaire ;

- la procédure est irrégulière en raison du refus de coopération loyale et d'application de bonne foi des clauses d'échange d'informations et de coopération administrative dans le domaine fiscal et des stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise pour éviter les doubles impositions ;

- en cas de doute sur le sens ou la portée des textes et principes susmentionnés, il appartiendra à la cour d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel sur l'interprétation des dispositions pertinentes des directives 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et 2011/16/UE du 15 février 2011 et leur mise en œuvre au regard du principe de coopération loyale ;

- il n'y avait pas d'activité occulte au sens des articles L. 68 et L. 169 du livre des procédures fiscales et l'administration ne pouvait ignorer les déclarations " néant " souscrites par elle en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ;

- C... Clan's World n'a pas son siège de direction effectif, ni aucun établissement en France ;

- la convention fiscale franco-luxembourgeoise pour éviter les doubles impositions ne permet pas d'attribuer l'imposition à la France ;

- elle est en droit de se prévaloir des principes dégagés par le Conseil d'Etat dans sa décision n°433367 du 5 novembre 2021, selon lesquels l'activité de gestion de marque n'est pas une prestation de services ni une activité professionnelle ;

- C... Clan's World ne peut être recherchée comme " redevable légal " d'une taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquittée en France par auto-liquidation ;

- la double imposition économique de la même prestation au même impôt est contraire à la Constitution et elle peut se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel n°2016-537 QPC du 22 avril 2016 Société Sofadig Exploitation ;

- à supposer que C... Clan's World ait eu un établissement en France, celui-ci n'aurait pas pu, faute de disposer de la propriété juridique des marques enregistrées au siège social situé à l'étranger, participer à la réalisation des concessions de licence et aucune prestation de services à titre onéreux n'a été rendue en France ni à l'étranger ;

- à titre subsidiaire, à supposer que tout ou partie des résultats de C... Clan's World soit imposable en France, les sommes reçues au titre des " premières redevances ou droits d'entrée " devraient être prises en compte au fur et à mesure de l'écoulement de la licence, c'est-à-dire réparties sur dix ans et le bénéfice avant impôt devrait être fixé à 41 996 euros pour 2013, 262 164 euros pour 2014 et 329 172 euros pour 2015 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'une activité occulte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, et un mémoire, enregistré le 28 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par C... Clan's World ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me Derouin, représentant C... Clan's World.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une procédure de visite domiciliaire exercée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales au siège de la société GDL à Clairoix, dans le département de l'Oise, l'administration a estimé que C... Clan's World, société de droit luxembourgeoise dont le siège est à Luxembourg, possédait en France un établissement stable à Clairoix à partir duquel elle exerçait une activité de gestion de droits de propriété intellectuelle et qu'à ce titre elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée en France. En conséquence, l'administration a assujetti C... Clan's World, en suivant la procédure de taxation d'office, à des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013, 2014 et 2015 et a mis à sa charge des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er mai 2013 au 31 décembre 2015, assortis de pénalités. C... Clan's World relève appel du jugement du 8 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, si C... Clan's World fait grief aux premiers juges, pour avoir écarté les moyens soulevés devant eux, de s'être prononcés " en l'absence de tout élément de preuve ", ce moyen n'est pas relatif à la régularité du jugement attaqué mais à son bien-fondé, lequel est examiné par le juge d'appel dans le cadre de l'effet dévolutif. D'autre part, la société appelante fait grief aux premiers juges de s'être abstenus d'exercer leur pouvoir d'instruction pour obtenir le versement au dossier par l'administration des pièces jointes à la requête au juge des libertés et de la détention de Compiègne du 13 septembre 2016 et des pièces saisies dans les locaux de la société GDL. Toutefois, lorsque l'administration s'abstient de verser au dossier des pièces qui n'ont été mentionnées ni dans les écritures de l'administration ni dans le bordereau des pièces produites ni encore dans les pièces de procédure et qu'elle n'évoque pas davantage pour asseoir l'imposition, il n'appartient pas au juge de l'impôt d'user de ses pouvoir d'instruction pour inviter l'administration à produire ces pièces qui ne sont pas utiles à la résolution du litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

3. En second lieu, il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. En statuant ainsi, le juge ne relève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Ainsi, les premiers juges, en répondant au moyen tiré par C... Clan's World de l'absence d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France en se fondant, d'abord sur l'article 209 du code général des impôts, puis sur les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, se sont bornés à exercer leur office et à répondre au moyen invoqué par la société requérante sans soulever d'office un moyen en défense ni opérer une substitution de base légale. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France :

4. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) ".

6. En vertu du I de l'article 209 du code général des impôts, les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, sont passibles de l'impôt sur les sociétés. Les bénéfices réalisés par une entreprise ayant son siège hors de France sont imposables en France, notamment lorsqu'ils résultent d'opérations constituant l'exercice habituel en France d'une activité, soit à travers un établissement, soit qu'elle y réalise des opérations par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité professionnelle indépendante ou encore lorsque les opérations effectuées en France y forment un cycle commercial complet.

7. Si C... Clan's World soutient qu'elle avait son siège de direction effective au Luxembourg où ont eu lieu les conseils de gérance, et que les services de prestations administratives, commerciales et de direction fournis par la société GDL à certains licenciés étaient distincts de la licence de marque de C... Clan's World, l'administration fait valoir que C... Clan's World, immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Luxembourg, est détenue par un associé unique, la société luxembourgeoise Clanes SA, elle-même détenue à 98 % par M. H... G... et son épouse. C... Clan's World est propriétaire depuis le 9 septembre 2013 des marques " Speed Park " et " Bowling World " qu'elle exploite sous la forme de concessions de licence auprès de seize sociétés établies en France, dont treize ont pour dirigeant M. G.... La société GDL, dans les locaux de laquelle ont eu lieu la visite et les saisies dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, est détenue par M. G... et assure la gestion administrative et financière et aide au développement commercial de certaines sociétés, dont celui-ci est dirigeant, et qui exploitent les marques " Speed Park " et " Bowling World ". A l'occasion de la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans les locaux de la société GDL, l'administration fiscale a saisi, notamment, un plan de communication intitulé " Plan de communication Grand Public 2015-2016 ", comprenant des actions et objectifs pour développer et pérenniser la clientèle " Speed Park ", un compte-rendu d'une réunion du 4 août 2015 avec mention de l'inclusion de C... Clan's World dans le budget du licencié Torcy et de la révision prévue du circuit de facturation et de la redéfinition du rôle de chaque entreprise du groupe " Speed Park ", un courriel du 9 juin 2016 de la société EXPandCom adressé à M. G... relatif à l'implantation du concept " Speed Park " dans le projet Equinoxe de Gonesse, différents courriels concernant C... Clan's World émanant notamment de l'assistante de communication de la société GDL, et relatifs à l'organisation d'une réunion de communication avec l'ensemble des directeurs et franchisés, en présence de M. G..., au développement des sites " Speed Park " en France et à leurs implantations futures sous la surveillance de M. G... et en collaboration avec son assistante, Mme E..., salariée de la société GDL et " responsable développement Speed Park ", des factures établies par C... Clan's World au titre des redevances dues par les entreprises licenciées, des factures établies par la société EFIC à la charge de C... Clan's World et relatives à la création de flyers ou publicités en lien avec les complexes " Speed Park ", adressées directement à Mme B..., un document de suivi des mouvements bancaires de C... Clan's World de juin 2014, une chemise " Licence de marques " contenant notamment des contrats de licence de marque conclus entre C... Clan's World représentée par M. G... et des sociétés licenciées, des avis d'opération de virement au bénéfice de C... Clan's World, un document relatif à une réunion du 20 novembre 2013 entre M. D..., expert-comptable chez AEC Compiègne, Mme F..., assistante de bureau de la société GDL, et Mme A..., ayant pour ordre du jour " point sur le contrat de licence de marque, mise en place du plan de trésorerie et des factures " et listant les différentes étapes dans la mise en place des contrats de licence entre C... Clan's World et les licenciés sur le territoire national. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'activité de C... Clan's World ne se réduit pas à l'exploitation " passive " des marques détenues par elle par l'encaissement des redevances mais s'étend à la gestion et au développement de ces marques à travers la gestion des sociétés déjà franchisées et à la recherche de nouveaux franchisés, ainsi qu'en témoigne notamment le courriel déjà mentionné du 9 juin 2016 saisi lors de la visite domiciliaire. Ces éléments sont de nature à faire regarder le siège de C... Clan's World au Luxembourg comme n'étant pas le siège de direction effective, mais que celui-ci se trouve au contraire en France pendant les années en cause. Enfin, si la société appelante se prévaut de la décision n°433367 du 5 novembre 2021 du Conseil d'Etat, selon laquelle l'activité de gestion de marque n'est pas une prestation de services ni une activité professionnelle, cette décision ne se prononce qu'au regard de l'article 155 A du code général des impôts, qui n'est pas le fondement des impositions en litige. De surcroit, l'activité de la société appelante ne se réduit pas à une simple exploitation passive des marques, ainsi qu'il a déjà été dit. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence en France d'un établissement autonome de C... Clan's World exploité au sein des locaux de la société GDL. Par suite, l'administration justifie de l'existence d'une entreprise exploitée en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts et c'est à bon droit qu'elle a assujetti C... Clan's World à l'impôt sur les sociétés sur ce fondement.

En ce qui concerne la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 :

8. D'une part, aux termes des stipulations du 3. de l'article 2 de la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg signée le 1er avril 1958, alors en vigueur : " 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : / a) les sièges de direction ; / (...) ". Aux termes du 4. de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise : " Le domicile fiscal (...) des personnes morales (...) est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre des Etats contractants, au lieu de leur siège. / (...) ".

9. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier si les stipulations de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 sont susceptibles de faire échec à l'application des dispositions du code général des impôts au cas d'espèce. Il lui appartient d'examiner la situation du contribuable en faisant application des critères successifs énoncés au 2 de cet article.

10. Il résulte de l'instruction que le siège de direction de C... Clan's Word au Luxembourg était hébergé par la banque Société Générale et Trust, avec la mise à disposition d'un bureau, d'une salle de réunion, d'appareils de téléphonie et informatique et la mise à disposition de personnels dédiés à la gestion administrative et comptable. En revanche, il résulte également de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 7, que la prise des décisions stratégiques de C... Clan's World, le suivi de la comptabilité et l'animation des sociétés franchisées étaient réalisés en France. Par suite, alors même que la société tenait ses conseils de gérance au Luxembourg, son centre effectif de direction se situait en France pendant les années en cause.

11. D'autre part, aux termes du 2. de l'article 10 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 : " Les droits d'auteurs ainsi que les produits ou redevances (royalties) provenant de la vente ou de la concession de licences d'exploitation de brevets, marques de fabrique, procédés et formules secrets qui sont payés dans l'un des deux États contractants à une personne ayant son domicile fiscal dans l'autre État sont imposables dans ce dernier État, à la condition que ladite personne n'exerce pas son activité dans le premier État par l'intermédiaire d'un établissement stable. (...) ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, C... Clan's World ne peut être regardée comme ayant son siège effectif de direction au Luxembourg, mais exerçait son activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable au regard de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958. Par suite, ladite convention ne faisait pas obstacle à l'imposition en France des sommes provenant de la concession des marques détenues par C... Clan's World, quand bien même ces sommes ont été payées au Luxembourg, dès lors que C... Clan's World exerçait son activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 12 que c'est à bon droit que l'administration a assujetti C... Clan's World à l'impôt sur les sociétés en France.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

14. En premier lieu, aux termes du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ". L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par l'entreprise, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié.

15. Il résulte de l'instruction que le service a informé C... Clan's World, par un avis du 2 novembre 2016, de l'engagement d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 23 mai 2013 au 31 décembre 2015. La société vérifiée ayant refusé de rencontrer le vérificateur au siège de la société GDL, des entretiens ont eu lieu dans les locaux du service vérificateur à Saint-Quentin les 2 décembre 2016, 26 janvier et 27 février 2017. En l'absence de présentation de toute comptabilité par la société et en l'absence de déclarations de résultats et de taxe sur la valeur ajoutée souscrites en France, le vérificateur a procédé à la vérification des comptes annuels de C... Clan's World déposés au Luxembourg, transmis par les services fiscaux luxembourgeois à la suite d'une demande d'assistance administrative internationale. Le service vérificateur a déterminé le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de C... Clan's World en retenant un chiffre d'affaires égal au total des produits figurant sur ces comptes déposés au Luxembourg et en évaluant les charges déductibles des résultats à hauteur d'un montant correspondant aux charges figurant sur ces mêmes documents comptables. De même, pour déterminer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, le service a corrigé le chiffre d'affaires de la variation des comptes clients figurant dans la partie " plan comptable normalisé " annexée aux comptes annuels reçus dans le cadre de la demande d'assistance administrative internationale, et ramené les montants considérés TTC en des montants HT pour le calcul de la taxe collectée. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la société appelante, le service vérificateur a bien procédé à un examen des écritures comptables des exercices vérifiés qu'il a confrontées aux déclarations ou, en l'espèce, à l'absence de déclarations en France, pour établir les rehaussements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur le chiffre d'affaires, procédant ainsi à une vérification de comptabilité. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En deuxième lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables ou dans les locaux de l'administration, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

17. Ainsi qu'il a été dit, C... Clan's World a refusé de rencontrer le vérificateur au siège de la société GDL, dans lequel l'administration présumait l'existence d'une activité en France de C... Clan's World, et a demandé que la vérification de comptabilité se déroule dans les locaux de l'administration. Des entretiens ont eu lieu dans les locaux du service vérificateur à Saint-Quentin les 2 décembre 2016, 26 janvier et 27 février 2017 et les dirigeants de la société SARL Clan's World ont été reçus le 21 juillet 2017 par le supérieur hiérarchique du vérificateur au cours d'un entretien pendant lequel ont été évoqués les éléments à l'origine de la vérification de comptabilité, l'analyse des pièces saisies par le service dans le cadre de la procédure de visite domiciliaire, les raisons pour lesquelles le service estimait que C... Clan's World avait une activité occulte en France pendant les années vérifiées et, enfin, les conséquences financières de l'imposition en France de la société. Par suite, la société appelante ne peut être regardée comme apportant la preuve ni qu'elle n'a pas eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ni que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Par suite, le moyen doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. En outre, l'obligation faite à l'administration, en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé.

19. Si la société appelante fait grief au service d'avoir refusé de faire droit à sa demande de communication de certaines pièces jointes à la requête du 9 septembre 2016 à fins de visite domiciliaire adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Compiègne, dont, notamment, les pièces n° 13, 14, 25, 28, 29 et 31 jointes à cette requête mais non communiquées avec la notification de l'ordonnance ni davantage au cours du contrôle, l'administration n'est toutefois tenue d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal que dans la mesure où ces renseignements, par la nature et la précision de leur contenu, ont servi à l'établissement des redressements. Or, les documents invoqués par la société, s'ils ont servi à justifier une procédure de visite domiciliaire et à engager ultérieurement un contrôle fiscal, n'ont pas servi à l'établissement des redressements dès lors que l'administration s'est fondée uniquement sur les pièces saisies lors de la visite domiciliaire et sur les pièces comptables obtenues dans le cadre de la procédure d'assistance administrative internationale. Dès lors, l'administration a pu s'abstenir de les communiquer à C... Clan's World, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit être écarté.

20. En quatrième lieu, l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions fiscales bilatérales reste sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, laquelle est exclusivement conduite au regard des règles contenues dans le livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

21. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) / 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ; / (...) ". Enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".

22. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

23. D'une part, il est constant que C... Clan's World n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire à raison de son activité en France et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Si elle fait valoir qu'elle a déposé des déclarations portant la mention " néant " ou " zéro " en France, ces déclarations ont été déposées au cours des opérations de vérification après mise en demeure par le vérificateur et ne peuvent donc être prises en compte pour l'appréciation du caractère occulte de l'activité de la société en France.

24. D'autre part, la circonstance que C... Clan's World a fait connaître son activité et déposé ses déclarations au Luxembourg est sans incidence sur l'existence d'une activité occulte en France, sauf pour le contribuable à établir l'erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Or, C... Clan's World, en se bornant à faire valoir qu'elle a fait connaître son activité au registre du commerce et des sociétés du Luxembourg et qu'elle a déposé ses déclarations fiscales au Luxembourg dont elle soutient dépendre en raison de la localisation de son siège, ne peut, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, être regardée comme établissant avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur les sociétés :

25. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / (...) ".

26. C... Clan's World demande, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où elle serait imposable à raison de l'existence d'un établissement stable en France, que les sommes reçues au titre des " premières redevances ou droits d'entrée " soient prises en compte au fur et à mesure de l'écoulement de la licence, c'est-à-dire réparties sur dix ans, et soutient, en conséquence, que le bénéfice avant impôt doit être fixé à 41 996 euros pour 2013, 262 164 euros pour 2014 et 329 172 euros pour 2015.

27. Toutefois, il résulte des mentions des contrats de licence de marques établis entre le concédant et le licencié, que l'article 15 intitulé " redevance forfaitaire annuelle " prévoit le versement mensuel d'une redevance forfaitaire annuelle due au titre du contrat de licence, constitutive de la contrepartie des services rendus par C... Clan's World pendant toute la durée du contrat. Selon les stipulations de ce contrat, la " première redevance " ou " droit d'entrée " correspond " au droit d'exploiter le concept " Speed Park ou Bowling World, dont le prix comprend " le coût de la formation et la mise à niveau une fois par an " et " restera définitivement acquise au concédant quelles que soient les suites données aux présentes ". Il est également précisé qu'en cas de renouvellement du contrat au bout de dix ans, " aucune première redevance ne sera exigée ". Cette première redevance ne constitue donc pas la rémunération d'une prestation continue au sens du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts. Au demeurant, l'administration fait valoir que C... Clan's World n'a pas procédé à une telle proratisation dans ses déclarations déposées au Luxembourg. Par suite, C... Clan's World n'est pas fondée à soutenir que les montants de ces premières redevances doivent être comptabilisées dans le résultat au titre de chacun des exercices couverts par la durée de dix ans de la concession de licence. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

28. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".

29. Il appartient au contribuable dont les impositions ont été établies d'office de justifier qu'il ne remplissait pas les conditions pour être assujetti à l'impôt en France au titre de l'année en cause. Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ayant été établis dans la présente affaire sur le fondement de la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe à C... Clan's World.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

30. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) / IV. - 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services ; / (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / (...) ".

31. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). / Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287. / 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. / (...) ".

32. Le service vérificateur a considéré que C... Clan's World fournissait, à partir de son établissement situé dans les locaux de la société GDL, des prestations de services de concession de marques, à ses clients établis en France. En conséquence, le service a estimé que cette activité était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du I et du IV de l'article 256 du code général des impôts et que le lieu des prestations de services était situé en France en application du a) du 1° de l'article 259 du code général des impôts. Le service a également considéré que le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée était C... Clan's World en application du 1. de l'article 283 du code général des impôts et que la taxe sur la valeur ajoutée collectée était exigible sur les encaissements, s'agissant d'une prestation de services.

33. En premier lieu, les locaux de la société GDL présentant, contrairement à ce que soutient la société appelante, le caractère d'un établissement stable de C... Clan's World à partir duquel les prestations de services étaient rendues, c'est à bon droit que le service a considéré que celle-ci était le redevable légal de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les prestations de services en application du 1° de l'article 283 du code général des impôts et la circonstance qu'elle a facturé, par erreur, les prestations de services à ses clients hors taxe avec la mention de la taxe sur la valeur ajoutée à auto-liquider par le preneur reste sans incidence à cet égard.

34. En deuxième lieu, le fait que les sociétés clientes se sont acquittées de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en qualité de redevable légal en application du 2° de l'article 283 du code général des impôts, n'est pas constitutif d'une double imposition dès lors que C... Clan's World, redevable sur le fondement du 1° de l'article 283 du code général des impôts après mise en œuvre d'une procédure de taxation d'office, n'est pas le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée auto-liquidée sur le fondement du 2° de l'article 283 du code général des impôts. Par suite, la société appelante ne peut invoquer une double imposition ni se prévaloir, en tout état de cause, de la décision du Conseil constitutionnel n°2016-537 QPC du 22 avril 2016 Société Sofadig Exploitation.

35. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient C... Clan's World, son établissement situé en France, n'ayant pas une personnalité morale, disposait de la propriété des marques enregistrées par cette société, quand bien même celle-ci avait légalement son siège social à l'étranger, et pouvait ainsi rendre à partir de la France un service de concession de marques assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et dont elle était le redevable légal.

36. Il résulte de ce qui a été dit aux points 33 à 35 que c'est à bon droit que l'administration a estimé que C... Clan's World était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et redevable légal de la taxe collectée sur les prestations de services rendues à partir de son établissement stable en France.

Sur les pénalités :

37. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".

38. Il résulte des dispositions du dernier alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

39. Pour justifier du bien-fondé de l'application de la majoration de 80 % aux droits en litige sur le fondement du c. de l'article 1728 du code général des impôts et apporter la preuve du caractère occulte de l'activité de C... Clan's World, l'administration fait valoir que, bien que disposant d'un siège légal au Luxembourg, les décisions stratégiques n'étaient pas prises au Luxembourg, où la société ne disposait que d'une adresse de domiciliation hébergée par la Société Générale et Trust, d'un bureau de 30 m², qu'elle n'avait pas d'employé au Luxembourg et où M. G... n'a effectué qu'un seul déplacement par mois au cours des années en cause, sans être en mesure de justifier ces déplacements mensuels. Les décisions stratégiques ainsi que les affaires courantes liées à la gestion et au développement des marques détenues par C... Clan's World étaient en revanche prises ou gérées en France à travers la société GDL dont les salariés étaient en relation avec M. G... pour assurer la gestion et le développement des marques. De surcroit, il ressort des propres écritures de C... Clan's World que cette dernière a supporté au Luxembourg des impôts directs d'un montant total de 58 014 euros au titre des années 2013 à 2015 alors que le montant des droits mis à sa charge au titre de l'impôt sur les sociétés en France s'élève à 376 406 euros au titre des mêmes exercices. Dès lors, eu égard à l'important écart du niveau d'imposition entre le Luxembourg et la France, C... Clan's World ne peut être regardée comme ayant commis une erreur en ne déclarant pas ses résultats en France. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère occulte de l'activité exercées par C... Clan's World et du bien-fondé de la majoration de 80 % appliquée aux droits en litige.

40. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer pour poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ni davantage d'enjoindre au ministre de produire le fichier informatisé " TTC " (traitement de la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire) relatif aux prestations intracommunautaires réalisées par C... Clan's World pour les années 2013 à 2015, que C... Clan's World n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

41. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de C... Clan's World tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de C... Clan's World est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à C... Clan's World et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 août 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°21DA02808 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02808
Date de la décision : 17/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEROUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-17;21da02808 ?
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