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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA00910

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA00910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1905122 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2022 et un mémoire, enregistré le 30 novembre 20

22, M. E..., représenté par Me Storme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1905122 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2022 et un mémoire, enregistré le 30 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Storme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement, en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

4°) d'assortir d'intérêts moratoires et d'intérêts majorés les montants déjà acquittés, en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- au titre de l'année 2012, la somme de 31 940 euros qu'il a reçue de la société Corporate Sporting Events Management Limited constitue un prêt, dont il est apporté la preuve de son existence et de son remboursement ;

- les virements, d'un montant total de 78 000 euros, reçus de la société Tandi developments, dont il était associé et co-gérant, correspondent à des remboursements de comptes courants d'associé ; l'administration ne rapporte pas la preuve contraire qui lui incombe ;

- au titre de l'année 2013, la somme de 61 800 euros reçue de M. A... était destinée à la société Flandres cars Sprl et a été virée par erreur sur son compte et remboursée par un versement du 10 février 2013 ;

- la somme de 69 200 euros reçue de la société Cars Shipley Ltd correspond à des avances en compte courant d'associé qui lui ont été accordées par cette société et qui lui ont été distribuées sous forme de dividendes en janvier 2014, lesquels ont été déclarés dans ses revenus au titre de l'année 2014 ; le service n'a à tort pas pris en considération la date des décisions de distributions ni les règles fiscales applicables au Royaume-Uni.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le contribuable supporte la charge de la preuve et que les moyens présentés par M. E... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Storme, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme E..., l'administration les a imposés, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, au titre des années 2012 et 2013, selon la procédure de taxation d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, à raison de certains crédits figurant sur les relevés de comptes bancaires de M. E.... Ce dernier relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été réclamées à son foyer fiscal au titre des années 2012 et 2013.

Sur la charge de la preuve :

2. En vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable qui entend contester devant le juge de l'impôt le bien-fondé de l'imposition de sommes régulièrement taxées d'office d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge. En application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 192 du même livre indiquant que la charge de la preuve incombe au contribuable en cas de taxation d'office des sommes d'origine indéterminée sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 de ce livre, l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires reste sans influence sur la charge de la preuve qui, en raison de la taxation d'office, incombe au contribuable. Dès lors, M. E..., qui ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office à laquelle il a été soumis, supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition qui lui ont été assignées pour les années 2012 et 2013.

Sur le bien-fondé des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et contributions sociales établies au titre de l'année 2012 :

En ce qui concerne la somme de 31 940 euros :

3. Aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : " (...) 3. Les personnes qui interviennent à un titre quelconque, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer à l'administration la date, le montant et les conditions du prêt ainsi que les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur. Cette déclaration est faite dans des conditions et délais fixés par décret ". Aux termes de l'article 49 B de l'annexe III à ce code : " 1. Les personnes physiques ou morales qui interviennent, à titre de partie ou d'intermédiaire, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur, la date, le montant et les conditions du prêt, notamment sa durée, le taux et la périodicité des intérêts ainsi que les modalités de remboursement du principal (...) ".

4. Si les articles 242 ter du code général des impôts et 49 B de l'annexe III à ce code ne mentionnent pas une obligation d'enregistrement des contrats de prêts, il n'en demeure pas moins qu'ils disposent que de tels contrats doivent être déclarés. L'obligation de déclarer le contrat de prêt incombe au débiteur, en l'absence d'intermédiaire, qu'il s'agisse de contrats de prêts conclus directement entre les parties ou de prêts consentis par un prêteur professionnel au moyen de ses fonds propres.

5. M. E... soutient que la somme de 31 940 euros versée sur un compte bancaire ouvert en France à son nom, le 29 juin 2012, par la société de droit britannique Corporate Sporting Events Management Limited (CSE), détenue par le frère de M. E..., constituait un prêt. Il a produit à l'appui de cette allégation un document présenté comme un contrat de prêt, signé par M. E... et un représentant de la société CSE, qui fait état d'un prêt de 31 940 euros payable le 29 juin 2012 avec remboursement à l'échéance du 31 décembre 2016, l'extrait d'un document relatif aux comptes de la société CSE au titre de l'exercice clos le 30 avril 2013, qui mentionne un prêt de 25 000 livres à M. E..., un courrier de la société CSE du 24 novembre 2016 rappelant l'échéance de remboursement du prêt, une attestation, établie le 27 septembre 2021 par Mme D..., dans laquelle cette dernière indique avoir été présente lors de la signature des contrats de prêts consentis par la société CSE à M. E... et les copies des ordres de deux versements effectués en 2016 et 2018.

6. Toutefois, l'administration relève, sans être contredite, que la somme de 31 940 euros versée sur le compte bancaire du requérant par la société CSE, spécialisée dans la gestion d'événements sportifs, comportait un libellé, faisant référence aux essais olympiques d'athlétisme organisés aux Etats-Unis entre le 21 juin et le 1er juillet 2012, dépourvu de tout rapport avec un prêt. Il est également relevé par le ministre en défense que le document produit par M. E... et présenté comme étant le contrat de prêt n'est pas daté et n'a pas été déclaré en méconnaissance des dispositions citées au point 3. A cet égard, contrairement à ce que soutient M. E..., il ne résulte pas de l'instruction que ce prétendu contrat de prêt aurait été rédigé par l'intermédiaire d'un cabinet d'avocat auquel il aurait appartenu de le déclarer. L'extrait d'un document comptable de la société CSE au titre de l'exercice clos le 30 avril 2013, qui distingue, au sein de cet exercice, les dépenses engagées pour la partie de l'exercice comprise en 2012 et celle comprise en 2013, mentionne un prêt de 25 000 livres consenti à M. E... entre le 1er janvier 2013 et le 30 avril 2013 et non en 2012. L'attestation, établie plus de neuf ans après les faits, par une personne qui se borne à indiquer avoir été témoin de la signature de plusieurs contrats de prêts conclus entre la société CSE et M. E..., sans même en préciser les dates, est dépourvue de valeur probante. Enfin, les copies des ordres de deux versements effectués en 2016 et 2018, qui auraient été destinés à rembourser cet emprunt, n'ont pas été corroborées par la production de relevés bancaires permettant d'attester tant du débit des comptes de M. E... que du crédit des comptes de la société CSE.

7. Dans ces conditions, M. E... ne justifie pas de la réalité du prêt invoqué et c'est dès lors à bon droit que l'administration a taxé d'office cette somme de 31 940 euros en tant que revenu d'origine indéterminée.

En ce qui concerne la somme de 78 000 euros :

8. Pour expliquer l'origine de la somme totale de 78 000 euros figurant au crédit de son compte bancaire en 2012, M. E... fait valoir, en s'appuyant sur une attestation émise le 31 mars 2015 par le cabinet d'expertise-comptable de la société Tandi developments, que cette somme correspond au remboursement d'une avance en compte courant d'associé qu'il détenait dans cette société dont il était le co-gérant et dont il détenait un tiers des parts.

9. Toutefois, l'administration fait valoir qu'aucun compte courant d'associé n'était ouvert au nom du requérant dans la comptabilité de cette société, seul le second associé et co-gérant y disposant d'un tel compte, et que si le compte 467 " débiteurs et créditeurs divers " y a mentionné des apports et un prélèvement, c'était au nom de la société Flandres cars. Si M. E... soutient que ce compte correspond, en réalité, à son compte courant d'associé dans cette société et que son intitulé résulte d'une erreur comptable, qui a été commise en 2005 et qui n'a été rectifiée qu'en 2014, il ne l'établit pas par la seule production d'une attestation de l'expert-comptable de la société Tandi developments émise postérieurement au contrôle. En outre, M. E... n'apporte aucun élément de nature à justifier les apports dont la somme en cause constituerait une partie du remboursement. Dans ces conditions, c'est à bon droit que cette somme a été regardée comme constituant un revenu d'origine indéterminée.

Sur le bien-fondé des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et contributions sociales établies au titre de l'année 2013 :

En ce qui concerne la somme de 69 200 euros :

10. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 24 juin 2015, que M. E... a bénéficié, sur un compte bancaire tenu par l'établissement bancaire Barclays bank, de neuf versements, effectués entre le 5 juin 2013 et le 18 décembre 2013, d'un montant total de 69 200 euros.

11. M. E... soutient que ces versements provenaient du compte courant d'associé dont il disposait auprès de la société de droit britannique Cars shipley limited, qu'ils constituaient des avances consenties par cette société, que leur remboursement est intervenu lorsque lui-même et son épouse ont bénéficié de la distribution de dividendes en janvier 2014, pour un montant total de 23 000 livres chacun, et que ces dividendes ont déjà été imposés au Royaume-Uni, où l'exercice fiscal court du 1er mai au 30 avril, au titre des revenus perçus en 2014.

12. Toutefois, l'administration relève que le contribuable n'a produit aucun élément permettant de justifier l'existence des prêts allégués. En outre, le montant des dividendes ainsi versés à M. E... en 2014, qui s'est élevé, compte tenu de la parité de change, à la somme totale de 38 098 euros, a été sans commune mesure avec le montant total des virements effectués par la société Cars shipley limited sur le compte bancaire personnel du requérant en 2013. Dans ces conditions, M. E... ne rapporte pas la preuve à sa charge que les sommes litigieuses ont été imposées à tort comme revenus d'origine indéterminée.

En ce qui concerne la somme de 61 800 euros :

13. Il résulte de l'instruction que M. E... a bénéficié, sur son compte bancaire personnel, de trois virements effectués les 16, 18 et 28 janvier 2013, d'un montant total de 61 800 euros, comportant le libellé " transfert reçu Stephen A... ". M. E... fait valoir que ces crédits correspondent au montant d'un prêt que la société Flandres cars avait consenti à M. A... et que ce dernier a procédé, par erreur, au remboursement de ce prêt directement sur le compte bancaire de l'intéressé.

14. Toutefois, M. E... ne justifie pas avoir ultérieurement reversé cette somme à la société Flandres cars. La seule attestation versée au dossier, établie par M. A... le 26 mars 2015, soit postérieurement à l'engagement du contrôle, ne permet pas à elle seule d'identifier l'objet, l'origine et la nature des sommes en cause. En tout état de cause, cette attestation est contredite par l'avis de crédit versé au débat, qui mentionne que M. A... a remboursé directement à la société Flandres cars la somme de 61 800 euros par des virements effectués les 21 décembre 2012 et 7 janvier 2013. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a taxé d'office cette somme en tant que revenus d'origine indéterminée.

15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

16. Dans ces conditions, les conclusions de M. E... tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées, de même que les conclusions de M. E... tendant à l'obtention du sursis de paiement et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA00910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00910
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STORME FABIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da00910 ?
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