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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA00911

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA00911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2003079 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Pa

r une requête, enregistrée le 28 avril 2022 et un mémoire, enregistré le 30 novembre 2022, M. E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2003079 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2022 et un mémoire, enregistré le 30 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Storme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement, en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

4°) d'assortir d'intérêts moratoires et d'intérêts majorés les montants déjà acquittés, en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- au titre de l'année 2014, la somme de 60 000 euros qu'il a reçue de la société Corporate Sporting Events Management Limited constitue un prêt, dont il apporte la preuve de son existence et de son remboursement ;

- la somme de 36 893 euros reçue de la société Cars Shipley Ltd correspond à des avances en compte courant d'associé qui lui ont été accordées par cette société et qui lui ont été distribuées sous forme de dividendes en 2015, lesquels ont été déclarés dans ses revenus au titre de l'année 2015 ; le service n'a à tort pas pris en considération la date des décisions de distribution ni les règles fiscales applicables au Royaume-Uni ;

- la somme de 104 000 euros portée au crédit de son compte courant d'associé dans la comptabilité de la société Cars France résulte d'une erreur, cette somme correspondant à un prêt consenti par la société High Grade Imports Ireland Ltd à la société Cars France ;

- s'agissant de la somme de 32 839,06 euros qui lui a été versée par la société Cars Shipley Ltd, il s'agit de remboursements de frais de déplacement à hauteur de 4 580 livres, soit 5 539,83 euros, et, pour le surplus, de prêts qui lui ont été consentis par cette société et qui ont donné lieu à des distributions de dividendes en 2015 ;

- il justifie s'être acquitté d'impôts au Royaume-Uni sur les distributions issues de la société Cars Shipley Ltd de sorte qu'il est fondé à demander l'imputation d'un crédit d'impôt d'un montant de 6 226 euros ;

- au titre de l'année 2015, si l'administration remet en cause le relevé de son compte courant d'associé ouvert dans la comptabilité de la société Cars Shipley Ltd, il lui appartient de proposer une rectification s'approchant le plus possible de la réalité ;

- il justifie s'être acquitté d'impôts au Royaume-Uni sur les distributions issues de la société Cars Shipley Ltd de sorte qu'il est fondé à demander l'imputation d'un crédit d'impôt d'un montant de 11 015 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. E... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Storme, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, à l'issue duquel l'administration leur a notifié des redressements, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, selon la procédure de rectification contradictoire, et, d'autre part, pour des revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office, en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. L'administration a également remis en cause, au titre des années 2014 et 2015, l'imputation de crédits d'impôt de source britannique. M. E... relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les revenus d'origine indéterminée :

2. M. E... ne conteste pas avoir été régulièrement taxé d'office, en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Il supporte donc, pour ces impositions, la charge de la preuve de l'absence de bien-fondé ou du caractère exagéré des impositions mises à sa charge, en application des articles L. 192 et L. 193 du même livre.

3. Aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : " (...) 3. Les personnes qui interviennent à un titre quelconque, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer à l'administration la date, le montant et les conditions du prêt ainsi que les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur. Cette déclaration est faite dans des conditions et délais fixés par décret ". Aux termes de l'article 49 B de l'annexe III à ce code : " 1. Les personnes physiques ou morales qui interviennent, à titre de partie ou d'intermédiaire, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur, la date, le montant et les conditions du prêt, notamment sa durée, le taux et la périodicité des intérêts ainsi que les modalités de remboursement du principal (...) ".

4. Si les articles 242 ter du code général des impôts et 49 B de l'annexe III à ce code ne mentionnent pas une obligation d'enregistrement des contrats de prêt, il n'en demeure pas moins qu'ils disposent que de tels contrats doivent être déclarés. L'obligation de déclarer le contrat de prêt incombe au débiteur, en l'absence d'intermédiaire, qu'il s'agisse de contrats de prêt conclus directement entre les parties ou de prêts consentis par un prêteur professionnel au moyen de ses fonds propres.

5. M. E... soutient que la somme totale de 60 000 euros versée sur son compte bancaire tenu par le CIC Nord-Ouest, les 23 janvier et 11 février 2014, par la société de droit britannique Corporate Sporting Events Management Limited (CSE), détenue par le frère de M. E..., constituait un prêt. Pour l'établir, il a produit un document présenté comme un contrat de prêt, signé par M. C... E... et son frère, M. A... E..., en qualité de représentant de la société CSE, qui fait état d'un prêt d'un montant de 60 000 euros remboursable dans les trente jours suivant le paiement de toute somme due à Investec Bank ou, à défaut, à l'échéance du 31 décembre 2018, des attestations de la société CSE et de l'expert-comptable de celle-ci, établies respectivement les 8 et 9 mai 2017, qui rappellent les sommes virées à M. E... les 23 janvier et 11 février 2014 et l'échéance de leur remboursement, une attestation notariale du 9 mai 2017, qui indique que le prix de la vente de terrains par la société Tandi developments, dont M. E... est l'associé et le cogérant, doit notamment permettre à ce dernier de " solder le prêt qui lui a accordé " par la société CSE, des extraits de comptes bancaires, qui font état du virement de la somme en cause, une attestation établie le 27 septembre 2021 par Mme D..., dans laquelle cette dernière indique avoir été présente lors de la signature des contrats de prêts consentis par la société CSE à M. E..., ainsi que des messages électroniques émanant de la banque CIC, qui font état de virements, émis en 2018 et 2019, à hauteur d'un montant total de 60 000 euros.

6. Toutefois, le document présenté comme un contrat de prêt produit par M. E..., rédigé en anglais et non traduit, et qu'il a conclu avec son frère en qualité de dirigeant de la société CSE, n'a été communiqué pour la première fois que lors des opérations de contrôle, le 16 septembre 2016, et n'a pas fait l'objet de la déclaration à l'administration fiscale prévue au 3 de l'article 242 ter du code général des impôts, de sorte qu'il ne peut pas être regardé comme ayant une date certaine et, par suite, une valeur probante. Ni la mention évoquée ci-dessus de l'attestation notariale, qui ne fait que relater des déclarations des parties à l'acte de vente, ni les autres attestations ou courriers postérieurs aux opérations de contrôle, ne sont de nature à démontrer que les crédits bancaires litigieux correspondraient à un prêt accordé par la société CSE. En outre, la somme en cause n'aurait été remboursée par M. E... que postérieurement à l'échéance la plus tardive, fixée au 31 décembre 2018.

7. Dans ces conditions, les allégations de M. E..., non étayées de justificatifs suffisamment probants de l'existence du prêt allégué, ne suffisent pas à remettre en cause l'imposition de la somme en litige dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

En ce qui concerne les revenus distribués à M. E... par la société Cars France :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

9. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de l'EURL Cars France, dont M. E... était dirigeant et associé, l'administration a constaté que le compte courant d'associé de M. E... dans la comptabilité de cette société avait été crédité, le 31 janvier 2014, d'un montant de 104 000 euros. Le requérant soutient que l'inscription de cette somme au crédit de son compte courant d'associé procède d'une erreur d'écriture comptable dont il n'est pas à l'origine et que cette somme correspond en réalité à un prêt consenti à la société Cars France par la société de droit irlandais High grade imports Ltd.

11. Toutefois, M. E... s'est borné à produire, à l'appui de ses allégations, une attestation de l'expert-comptable de la société Cars France émise postérieurement à la vérification de comptabilité de cette société. Il ne démontre ainsi pas qu'il n'a pas pu avoir la disposition de la somme en cause, ni que cette somme ne correspondait pas à la mise à disposition d'un revenu. Au demeurant, l'administration fait valoir, sans être contredite, qu'aucune correction n'a été comptabilisée sur le compte courant d'associé de M. E... à la clôture de l'exercice le 31 décembre 2014. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. E..., que cette somme aurait fait l'objet d'une double imposition.

En ce qui concerne les revenus distribués à M. et Mme E... par la société Cars Shipley Ltd :

12. D'une part, aux termes du l'article 120 du code général des impôts applicable aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France et revenus assimilés : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création (...) 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission. (...) ".

13. Les sommes inscrites au crédit du compte courant d'un associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

14. D'autre part, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. (...) ". Aux termes du 3 de l'article 158 de ce code : " 1° Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l'exception des revenus expressément affranchis de l'impôt en vertu de l'article 157 et des revenus ayant supporté les prélèvements visés au II de l'article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A. Lorsqu'ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d'un compte ".

15. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre. Doivent notamment être regardées comme mises à la disposition du contribuable les sommes distribuées à titre de dividendes attachés à des actions ou parts sociales que le contribuable détient et qui n'ont pas fait l'objet d'un démembrement du droit de propriété ayant pour effet de le priver de la disposition de ces sommes ou d'une convention portant sur leur usage ayant le même effet.

S'agissant de la somme de 32 839 euros :

16. L'administration a imposé entre les mains de M. et Mme E... au titre de l'année 2014, sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts, la somme totale de 32 839 euros, correspondant à des crédits portés au crédit du compte courant d'associé de M. et Mme E... dans la comptabilité de la société de droit britannique Cars Shipley Ltd, détenue par les époux E... et dont M. E... était le gérant pour des montants de 5 539,83 euros le 31 janvier 2014 et de 21 499,50 euros et 5 799,73 euros le 30 avril 2014. Le requérant soutient que ces sommes ne constituent pas des revenus distribués mais, d'une part, le remboursement de frais de déplacement à hauteur de 5 539,83 euros et, d'autre part, des prêts qui leur ont été accordés par la société à hauteur de 27 290,23 euros.

17. Toutefois, M. E... n'apporte aucun élément de nature à justifier la réalité du prêt qu'il invoque. La seule production de tickets de transport entre Calais et Folkestone (Royaume-Uni), dont la plupart sont d'ailleurs postérieurs à la date à laquelle la somme de 5 539,83 euros a été portée au crédit des comptes courants d'associés de M et Mme E..., n'est pas de nature à établir que les déplacements invoqués ont été effectués en lien avec l'exploitation de la société Cars Shipley Ltd. Enfin, il n'est pas allégué que les sommes ainsi mises à la disposition de M. et Mme E... par la société Cars Shipley Ltd aient eu pour origine un remboursement d'apports ou de prime d'émission.

18. Dans ces conditions, l'administration pouvait légalement fonder l'imposition de ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 120 du code général des impôts.

S'agissant de la somme de 36 893 euros :

19. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 28 juillet 2017, qu'au titre de l'année 2014, M. et Mme E... ont déclaré avoir perçu des dividendes de la société Cars Shipley Ltd à hauteur de 62 264 euros.

20. L'administration a constaté, en examinant les comptes bancaires personnels de M. et Mme E... et leurs comptes courants d'associés, qu'au cours de cette année 2014, cette société avait distribué des revenus à M. et Mme E... à hauteur de 129 740 euros. Elle a également constaté, dans le bilan de la société Cars Shipley Ltd déposé au titre de l'exercice clos le 30 mars 2015 et obtenu dans le cadre d'une assistance administrative internationale, que cette société avait voté des dividendes à hauteur de 99 157 euros. Elle en a déduit que l'avance faite à M. et Mme E... sur les dividendes distribués au titre de cet exercice, versée au cours de l'année 2014, ne pouvait pas excéder ce montant de 99 157 euros. Le service a, en conséquence, procédé à un rehaussement de la base d'imposition de M. et Mme E... au titre de l'année 2014 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à hauteur de la somme de 36 893 euros correspondant à la différence entre les dividendes votés au titre de l'exercice clos le 30 mars 2015 et le montant des dividendes déclarés par les intéressés.

21. M. E... ne conteste pas avoir appréhendé cette somme. S'il soutient que la distribution en cause correspond à un prêt consenti par la société Cars Shipley Ltd, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation alors qu'il a indiqué, dans ses observations formulées le 8 octobre 2017, que ces sommes correspondaient à des dividendes. Contrairement à ce que soutient M. E..., les sommes créditées sur ses comptes étaient à sa disposition au cours de l'année 2014 et non pas seulement en 2015, de sorte qu'en application des dispositions citées au point 14, elles étaient imposables au titre des revenus perçus en 2014.

22. L'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme démontrant que les sommes en cause constituent des distributions imposables sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts.

S'agissant de redressements au titre de l'année 2015 :

23. L'administration n'a pas procédé au rehaussement de la base d'imposition de M. et Mme E... au titre de l'année 2015 à raison d'opérations portées au crédit de leurs comptes courants d'associés ouverts dans les écritures de la société Cars Shipley Ltd. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service a considéré que les documents comptables remis lors du contrôle présentaient un caractère inexploitable.

Sur les rectifications correspondant à l'imputation de crédits d'impôt afférents à des dividendes de sources britannique :

24. Aux termes du 1 de l'article 220 du code général des impôts : " a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. (...) b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales (...) ".

25. Aux termes de l'article 11 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 : " 1. a) Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. b) Sous réserve des dispositions de l'alinéa c) du présent paragraphe, les dividendes visés à l'alinéa a) du présent paragraphe sont aussi imposables dans le premier Etat, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui les reçoit en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes ". Aux termes de l'article 24 de cette convention : " 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt du Royaume-Uni n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : (i) pour les revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ;(ii) pour les revenus soumis à l'impôt sur les sociétés visés à l'article 7 et au paragraphe 3 de l'article 14 et pour les revenus visés à l'article 11, aux paragraphes 1, 2 et 6 de l'article 14, au paragraphe 3 de l'article 15, à l'article 16, aux paragraphes 1 et 2 de l'article 17 et au paragraphe 3 de l'article 23, au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni conformément aux dispositions de ces articles ; toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ;(...) ".

26. Aux termes de l'article 122 du code général des impôts relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France qui servent pour la détermination des revenus imposables dispose : " 1. (...), le revenu est déterminé par la valeur brute en euros des produits encaissés d'après le cours du change au jour des paiements, sans autre déduction que celle des impôts établis dans le pays d'origine et dont le paiement incombe au bénéficiaire ". Il résulte des dispositions du b) du 1 de l'article 220 du code général des impôts, qui définissent le régime applicable aux revenus de source étrangère auxquels cette disposition fait référence, que l'imputation sur l'impôt dû en France de la retenue à la source acquittée à l'étranger à raison de ces revenus est limitée au montant du crédit d'impôt correspondant à cette retenue à la source tel qu'il est prévu par les conventions internationales.

27. Il résulte de l'instruction que M. E... a, dans ses déclarations de revenus souscrites au titre des années 2014 et 2015, imputé sur son imposition des crédits d'impôt respectivement de 6 226 euros et de 11 015 euros, au titre de l'impôt acquitté au Royaume-Uni sur les dividendes qui lui ont été versés par la société Cars Shipley Ltd.

28. Toutefois, l'administration fait valoir qu'aucun impôt n'a été acquitté au Royaume-Uni sur les dividendes qui ont été versés par cette société à M. E..., au titre des années en cause, ce que ce dernier ne contredit pas sérieusement par ses allégations. A cet égard, si M. E... se prévaut de certificats de paiement qui auraient été émis par l'administration fiscale britannique, il ne les a pas versés au débat. Dans ces conditions, M. E... ne pouvait pas bénéficier, en application des dispositions et stipulations précitées, du droit de déduire des dividendes en litige l'imposition supportée au Royaume-Uni.

29. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

30. Dans ces conditions, les conclusions de M. E... tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées, de même que les conclusions de M. E... tendant à l'obtention du sursis de paiement et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA00911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00911
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STORME FABIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da00911 ?
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