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31/10/2023 | FRANCE | N°22DA00818

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 31 octobre 2023, 22DA00818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), depuis renommée Relyens Mutual Insurance, a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'annulation des titres exécutoires nos 2018-289 et 2018-290 émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 18 mai 2018 aux fins de recouvrer des sommes respectivement de 28 345,42 euros et 1 050 euros et, d'autre part, la décharge des sommes ains

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Par un jugement n° 1905940-1907851 du 16 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), depuis renommée Relyens Mutual Insurance, a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'annulation des titres exécutoires nos 2018-289 et 2018-290 émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 18 mai 2018 aux fins de recouvrer des sommes respectivement de 28 345,42 euros et 1 050 euros et, d'autre part, la décharge des sommes ainsi mises à sa charge.

Par un jugement n° 1905940-1907851 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Lille, auquel ces requêtes avaient été transmises par des ordonnances du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil, a annulé les titres exécutoires attaqués pour un motif d'irrégularité en la forme, a mis une somme de 1 500 euros à la charge de l'ONIAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril 2022 et 1er mars 2023, l'ONIAM, représenté par Me Samuel Fitoussi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation des titres exécutoires nos 2018-289 et 2018-290 du 18 mai 2018 pour un motif d'irrégularité en la forme ;

2°) de rejeter les demandes d'annulation présentées en ce sens par la SHAM en première instance ainsi que celles à fin de décharge ;

3°) de condamner la SHAM à lui verser la somme de 28 345,42 euros en réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille par M. C... A..., dans les droits duquel il est subrogé, ainsi que la somme de 1 050 euros au titre des frais d'expertise amiable dont il s'est acquitté ;

4°) de condamner la SHAM au paiement des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, à compter respectivement des 10 octobre 2018 et 11 octobre 2019 ;

5°) de condamner la SHAM à lui verser une somme de 4 251,81 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

6°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai ;

7°) de mettre à la charge de la SHAM le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dès lors qu'il s'est substitué à la SHAM pour indemniser la victime en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il lui était loisible d'émettre directement des titres exécutoires pour obtenir le recouvrement des sommes qu'il a exposées à cette occasion ;

- il est fondé à rechercher le recouvrement de ces sommes sur la SHAM, assureur du CHRU de Lille, dès lors que les dommages subis par la victime sont imputables à des fautes commises lors de sa prise en charge ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les titres exécutoires ne sont pas entachés d'un vice de forme au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- en effet, l'avis des sommes à payer ne constitue pas une décision mais une ampliation de l'ordre à recouvrer et n'a donc pas à répondre aux exigences de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- en tout état de cause, il comporte la mention des nom, prénom et qualité du directeur général de l'ONIAM, qui doit seul être regardé comme étant l'auteur des titres exécutoires attaqués ;

- la circonstance que les titres exécutoires n'aient pas été directement signés par l'intéressé est sans incidence sur leur régularité, dès lors que le signataire est intervenu sur le fondement d'une simple délégation de signature et non sur celui d'une délégation de compétence et ne peut à ce titre être regardé comme étant l'auteur des titres exécutoires ;

- la SHAM n'a en tout état de cause été privée d'aucune garantie dès lors que les mentions portées sur l'avis des sommes à payer dont elle a été destinataire lui ont permis de s'assurer de la compétence de l'auteur des titres exécutoires ;

- à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour confirmerait le moyen d'annulation retenu par le tribunal, il est à tout le moins fondé, compte tenu du caractère rétroactif des annulations ainsi prononcées, à demander à titre reconventionnel, dans le cadre de l'instance, la condamnation de la SHAM à lui verser les sommes qu'il réclame au titre des indemnités qu'il a versées à la victime et au titre des frais d'expertise dont il s'est acquitté ;

- à cet égard, le déficit fonctionnel temporaire subi par la victime a justifié l'octroi d'une indemnité de 6 909,50 euros, une indemnité de 7 500 euros au titre des souffrances endurées, une indemnité de 700 euros au titre du préjudice esthétique permanent et une indemnité de 13 235,92 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire ; les frais liés à l'expertise amiable se sont quant à eux élevés à 1 050 euros ;

- dès lors que le recours introduit par le débiteur d'un titre exécutoire émis par l'ONIAM, tendant à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge, invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'office est subrogé ainsi que sur le montant de son préjudice et dès lors que les indemnités versées par l'ONIAM à la victime ont tenu compte de celles déjà versées par les organismes sociaux, il y a lieu de déclarer la décision à intervenir commune à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille - Douai ;

- dès lors que les conclusions de l'expertise réalisée devant la commission de conciliation et d'indemnisation et l'avis de celle-ci étaient convergents, il y a lieu de mettre à la charge de la SHAM, au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, une somme de 4 251,81 euros, correspondant à 15% de l'indemnité totale qu'il a versée à la victime ;

- il a droit aux intérêts légaux et à la capitalisation de ces intérêts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2022 et 2 mars 2023, la SHAM, depuis devenue Relyens Mutual Insurance, représentée par la SARL Le Prado - Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 3 500 euros soit mis à la charge de l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration sont applicables aux titres exécutoires en litige dès lors qu'elle n'est pas une personne publique et même si le contrat qui la lie à son assuré, le CHRU de Lille, présente les caractères d'un contrat administratif ;

- les titres exécutoires en litige méconnaissent ces dispositions dès lors que les avis des sommes à payer qui lui ont été notifiés ne comportent pas la mention des nom, prénom et qualité du signataire des bordereaux des titres ;

- ce vice de forme présente un caractère substantiel et ne peut qu'emporter l'annulation des titres exécutoires ; il l'a de surcroît privé de la garantie consistant à pouvoir s'assurer de la compétence de leur auteur ;

- c'est, dès lors, à raison que le jugement attaqué a accueilli ce moyen qu'elle soulevait en première instance et qu'il a annulé les deux titres exécutoires ;

- l'ONIAM n'est pas recevable à solliciter, à titre reconventionnel, que la cour la condamne à lui verser les sommes qu'il réclame ; d'une part, la saisine du juge à cette fin n'est plus possible une fois qu'il a décidé d'émettre un titre exécutoire ; d'autre part, ces conclusions soulèvent un litige distinct ; de tierce part, le dommage est en l'espèce imputable à un accident médical non fautif ;

- il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM Lille-Douai ;

- il n'y a pas lieu de prononcer à son encontre une pénalité au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; d'une part, le principe même de la responsabilité du CHRU de Lille était en l'espèce très contestable ; d'autre part, cette pénalité ne peut être infligée lorsque le titre exécutoire est annulé, même si c'est seulement pour un motif d'irrégularité en la forme ;

- les conclusions relatives aux intérêts et à la capitalisation des intérêts soulèvent un litige distinct et sont irrecevables ; aucun intérêt n'est, quoiqu'il en soit, dû dès lors que les oppositions aux titres exécutoires ont un effet suspensif.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 de finances rectificative pour 1992 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hubert Demailly, représentant Relyens Mutual Insurance.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 octobre 2009, M. C... A..., auquel un cancer de la prostate a été diagnostiqué, a subi au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille une prostatectomie. Les suites opératoires ont été marquées par des complications imputables à une fistule recto-vésicale, nécessitant plusieurs réinterventions ainsi que la pose d'une colostomie. La fistule ayant été déclarée guérie en mars 2011, il a subi au CHRU de Lille, le 11 juillet 2011, une opération de rétablissement de la continuité colique. Les suites opératoires ont été marquées par des complications, imputables à une nouvelle fistule, colo-cutanée, et nécessitant d'autres réinterventions ainsi que la pose d'une nouvelle colostomie. La résection de cette fistule a été obtenue, définitivement et sans complication, à la suite d'une intervention le 25 avril 2012.

2. M. A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) du Nord-Pas-de-Calais le 18 août 2011, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 6 avril 2012. Par un avis du 16 mai 2012, la CRCI a estimé que la réparation incombait à l'assureur du CHRU de Lille, au titre des fautes commises par ce dernier au cours de l'intervention initiale du 19 octobre 2019. M. A... a ressaisi la CRCI le 9 juillet 2012 aux fins de fixer la date de consolidation de son état de santé et de déterminer les préjudices définitifs. A la suite d'une seconde expertise médicale, dont le rapport été déposé le 23 septembre 2014, la CRCI, par un avis du 30 octobre 2014, a confirmé que la réparation était à la charge de l'assureur du CHRU de Lille, a fixé la consolidation au 13 juin 2012 et a déterminé les postes de préjudices indemnisables.

3. Par un courrier du 21 janvier 2015, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en qualité d'assureur du CHRU de Lille, a informé M. A... et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de ce qu'elle refusait d'adresser une offre d'indemnisation au motif que la responsabilité de son assuré n'était, selon elle, pas engagée. L'ONIAM, intervenant par substitution en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a conclu avec M. A... deux protocoles d'indemnisation transactionnels les 7 octobre 2015 et 21 mars 2017, pour des montants respectifs de 15 109,50 euros et 13 235,92 euros. Il a, par ailleurs, réglé à l'expert une somme globale de 1 050 euros. Le directeur de l'ONIAM a alors émis à l'encontre de la SHAM, le 18 mai 2018, deux titres exécutoires nos 2018-289 et 2018-290 aux fins de recouvrer, d'une part, la somme 28 345,42 euros versée à M. A... et, d'autre part, celle de 1 050 euros, versée à l'expert.

4. Par un jugement du 16 février 2022, le tribunal administratif de Lille, saisi par la SHAM, a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'elle soit déchargée du paiement des sommes sollicitées mais a, en revanche, fait droit à ses conclusions à fin d'annulation des deux titres exécutoires au motif qu'ils étaient entachés d'une irrégularité en la forme. L'ONIAM relève appel de ce jugement, d'une part, en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par la SHAM et, d'autre part, en tant qu'il a rejeté ses conclusions reconventionnelles, présentées à titre subsidiaire, tendant à ce que la SHAM soit directement condamnée à lui verser les sommes qu'il réclame, ses conclusions tendant au bénéfice des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts sur ces mêmes sommes, ses conclusions tendant à ce que la SHAM soit condamnée à lui verser une somme de 4 251,81 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et ses conclusions tendant à ce que le jugement soit déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai. En défense, la SHAM, depuis devenue Relyens Mutual Insurance, conclut au rejet de la requête d'appel, sans former d'appel incident contre le jugement.

Sur le motif d'annulation des titres exécutoires retenu par le jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions aux titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, d'une part, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doit mentionner les noms, prénoms et qualités de l'auteur de la décision, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les nom, prénom et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.

6. En l'espèce, les titres exécutoires attaqués, nos 2018-289 et 2018-290 du 18 mai 2018, ont été émis par l'ONIAM à l'encontre de la SHAM, qui est une personne morale de droit privé et n'est pas chargée d'une mission de service public. Ils devaient donc satisfaire aux dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Or, il résulte de l'instruction que les avis des sommes à payer notifiés à la SHAM mentionnent comme émetteur " le directeur de l'ONIAM M. D... B... ". Ni ces avis ni leurs bordereaux ne comportent la signature de ce dernier. En revanche, si les bordereaux sont signés par " le directeur des ressources Denis Casanova " au titre d'une délégation de signature, il est constant que les nom, prénom et qualité de cette personne, qui, en application des principes rappelés au point 5, doit être regardée comme étant l'auteur des titres exécutoires attaqués, ne figurent pas sur les avis des sommes à payer notifiés à la SHAM, non plus que sur aucun autre document alors porté à sa connaissance. Dès lors, les dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues et ont privé la SHAM d'une garantie liée à l'identification de l'auteur des titres exécutoires attaqués et c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a, pour ce motif, annulé les titres litigieux.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la SHAM à lui verser les sommes de 28 345,42 euros et 1 050 euros :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. / En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. / (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique : " L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé (...) des indemnisations qui lui incombent, le cas échéant, en application des articles L. 1142-15 (...) / (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-23 du même code : " L'office est soumis à un régime administratif, budgétaire, financier et comptable défini par décret. / Les charges de l'office sont constituées par : / 1° Le versement d'indemnités aux victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales en application des dispositions du présent chapitre ; / (...) / 6° Les frais résultant des expertises diligentées par les commissions régionales et interrégionales (...). / (...) / Les recettes de l'office sont constituées par : / (...) / 2° Le produit des remboursements des frais d'expertise prévus aux articles (...) L. 1142-15 ; / 3° Le produit des pénalités prévues aux articles (...) L. 1142-15 (...) ; / 4° Le produit des recours subrogatoires mentionnés aux articles L. 1142-15 (...) ; / (...) ". L'article R. 1142-53 de ce code ajoute que l'ONIAM " est soumis aux dispositions des titres Ier et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ".

9. De troisième part, selon les termes de l'article 98 de la loi du 31 décembre 1992 de finances rectificative pour 1992 : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Et l'article 28 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, qui figure dans le titre Ier de ce décret, précise que : " L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales. / Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. / Le cas échéant, il peut également poursuivre l'exécution forcée de la créance sur la base de l'un ou l'autre des titres exécutoires énumérés par l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ". Enfin, aux termes de l'article 192 de ce décret, inséré dans son titre III : " Tout ordre de recouvrer donne lieu à une phase de recouvrement amiable. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux. / L'exécution forcée par l'agent comptable peut, à tout moment, être suspendue sur ordre écrit de l'ordonnateur ".

10. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Toutefois, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Il n'est pas davantage recevable, lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, à saisir le juge de conclusions subsidiaires tendant, pour le cas où il prononcerait l'annulation rétroactive du titre exécutoire attaqué uniquement pour un motif de forme, à ce qu'il condamne directement le débiteur au versement des sommes qu'il réclame, de telles conclusions soulevant un litige distinct.

11. Il résulte des principes rappelés au point précédent que, dès lors que le tribunal administratif de Lille était saisi d'un litige portant sur des titres exécutoires émis par l'ONIAM, ce dernier, qui n'avait pas retiré ces titres, ne pouvait régulièrement le saisir de conclusions subsidiaires tendant, pour les mêmes sommes, à la condamnation indemnitaire de la SHAM. Ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant au bénéfice des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts :

12. Ainsi qu'il a été dit au point 11, les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la SHAM à lui verser les sommes de 28 345,42 euros et 1 050 euros doivent être rejetées comme irrecevables. Par voie de conséquence, les conclusions tendant au bénéfice des intérêts légaux sur ces mêmes sommes et de la capitalisation des intérêts doivent être rejetées.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à ce qu'une pénalité de 4 251,81 euros soit infligée à la SHAM :

13. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique citées au point 7 que la pénalité prévue à cet article en cas de silence ou de refus de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, ne peut être prononcée que par le juge. L'ONIAM ne peut donc, en l'état des dispositions applicables, émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de cette pénalité et doit, s'il entend qu'elle soit infligée, saisir la juridiction compétente d'une demande tendant au prononcé de la pénalité contre, selon le cas, l'assureur ou le responsable des dommages. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM peut poursuivre le recouvrement de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition. En revanche, une telle demande doit être rejetée lorsque l'opposition du débiteur conduit seulement à l'annulation du titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme. En effet, si une telle annulation n'implique pas par elle-même l'extinction de la créance litigieuse au regard de la possibilité de régularisation par l'administration, son effet rétroactif ne permet pas, en l'absence de somme effectivement mise à la charge du débiteur, d'infliger la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

14. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6, les titres exécutoires attaqués, nos 2018-289 et 2018-290 du 18 mai 2018, doivent être annulés pour un motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 11, l'ONIAM n'est pas recevable à demander, dans le cadre de la présente instance, la condamnation directe de la SHAM à lui verser les sommes dont il poursuivait le recouvrement par les mêmes titres exécutoires. Il s'ensuit qu'en application des principes rappelés au point précédent, l'absence de somme effectivement mise à la charge de la SHAM s'oppose à ce stade au prononcé de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Les conclusions en ce sens de l'ONIAM doivent, dès lors, être rejetées. Le cas échéant, il appartiendra à l'ONIAM, s'il décide de reprendre des titres exécutoires à l'encontre de la SHAM et s'il s'estime fondé à le faire, de saisir ultérieurement le juge de conclusions en ce sens.

Sur les conclusions de l'ONIAM en déclaration de jugement commun à la CPAM de Lille-Douai :

15. Lorsqu'il a versé une indemnité à la victime en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique citées au point 7, il appartient à l'ONIAM, s'il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, d'informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. Il incombe également à l'office d'informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, il ne résulte ni de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire.

16. Ainsi qu'il a été dit au point 11, le tribunal administratif de Lille était saisi par la SHAM d'un litige portant sur des titres exécutoires émis par l'ONIAM et ce dernier, qui n'avait pas retiré ces titres, ne pouvait régulièrement le saisir de conclusions subsidiaires tendant, pour les mêmes sommes, à la condamnation indemnitaire de la SHAM. Il s'ensuit qu'en application des principes rappelés au point précédent, il n'appartient pas au juge administratif de déclarer le présent jugement commun et opposable à la CPAM de Lille-Douai. Les conclusions en ce sens de l'ONIAM doivent, dès lors, être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé ses titres exécutoires nos 2018-289 et 2018-290 du 18 mai 2018 et, d'autre part, a rejeté ses conclusions reconventionnelles, présentées à titre subsidiaire, tendant à ce que la SHAM soit directement condamnée à lui verser les sommes qu'il réclame, a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts sur ces mêmes sommes, a rejeté ses conclusions tendant à ce que la SHAM soit condamnée à lui verser une somme de 4 251,81 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et a rejeté ses conclusions tendant à ce que le jugement soit déclaré commun à la CPAM de Lille-Douai.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SHAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ONIAM demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Relyens Mutual Insurance présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SHAM, devenue Relyens Mutual Insurance, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la société " Relyens Mutual Insurance ", venant aux droits de la " société hospitalière d'assurance mutuelle ".

Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00818
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE et FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-31;22da00818 ?
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