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16/01/2024 | FRANCE | N°22DA01957

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 16 janvier 2024, 22DA01957


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé, à son encontre la sanction disciplinaire du blâme et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2102299 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé, à son encontre la sanction disciplinaire du blâme et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102299 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 septembre 2022, 1er mai 2023 et 30 août 2023, Mme A..., représentée par Me Hélène Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 du recteur de l'académie d'Amiens ;

3°) dans le dernier état de ses écritures, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le courrier l'informant de l'engagement de la procédure disciplinaire ne comportait pas un énoncé suffisamment précis des griefs que le rectorat envisageait de retenir à son encontre ;

- elle n'a obtenu qu'une communication partielle de son dossier individuel ;

- aucun inventaire des pièces de son dossier individuel n'a été dressé par l'administration ;

- la procédure disciplinaire suivie à son encontre n'a pas respecté le principe des droits de la défense, garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est entachée de partialité ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie et leur qualification est inexacte ;

- les faits qui lui sont reprochés ont été commis dans le contexte d'un conflit l'opposant à la cheffe de l'établissement où elle exerçait ses fonctions, à l'origine d'une dégradation importante de son état de santé, l'ensemble de ces éléments justifiant son comportement ;

- la sanction qui lui a été infligée s'inscrit dans un processus de harcèlement moral ;

- la décision contestée est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le recteur de l'académie d'Amiens conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Detrez-Cambrai, représentant Mme A....

Mme A..., représentée par Me Detrez-Cambrai, a présenté une note en délibéré le 22 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., professeure certifiée de classe normale de mathématiques et titulaire d'un contrat définitif d'enseignement depuis le 6 septembre 1993, exerce ses fonctions depuis le 9 septembre 1990 au sein du collège privé Saint-Paul de Soissons, lui-même intégré dans l'association scolaire Saint-Rémy, établissement d'enseignement privé sous contrat. Après l'avoir informée, par un courrier du 16 décembre 2020, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, le recteur de l'académie d'Amiens a, par un arrêté du 27 avril 2021, prononcé à son encontre la sanction disciplinaire du blâme. Mme A... relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la lettre même du jugement attaqué que le tribunal, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, a suffisamment répondu aux moyens soulevés devant lui, en particulier au moyen tiré de ce que Mme A... était atteinte d'une pathologie susceptible de faire obstacle à ce qu'une sanction soit prononcée à son encontre, au moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction contestée et au moyen tiré de ce que cette décision était entachée d'un détournement de pouvoir. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur la légalité de la décision du recteur de l'académie d'Amiens du 27 avril 2021 :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, le courrier du 16 décembre 2020 informant Mme A... de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire, qui informait, par ailleurs, l'intéressée de son droit d'obtenir la communication de son dossier, comporte l'énoncé des cinq griefs que l'autorité disciplinaire a retenus à son encontre dans la décision contestée et se réfère expressément à l'ensemble des documents sur lesquels le recteur a entendu se fonder pour établir la matérialité des faits qui lui étaient reprochés et les qualifier de fautifs. Contrairement à ce que soutient Mme A..., ce courrier était ainsi suffisamment précis pour lui permettre d'organiser sa défense.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, dont les dispositions ont été rendues applicables aux maîtres, liés à l'Etat par contrat, des établissements d'enseignement privé sous contrat par celles de l'article R. 914-102 du code de l'éduction : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Le courrier du 16 décembre 2020, informant Mme A... de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire, invitait l'intéressée à se présenter dans les services du rectorat, le 12 janvier 2021, pour prendre connaissance de son dossier individuel, en précisant qu'elle pourrait en obtenir ultérieurement une copie. Par un courriel du 11 janvier 2021, Mme A..., placée en arrêt de travail, a demandé le report de la date de consultation de son dossier, qui a été fixée au 3 février 2021. Invoquant l'état de fragilité de Mme A..., son avocate a demandé, le 2 février 2021, que le dossier de l'intéressée soit envoyé à l'adresse personnelle de cette dernière. A la suite de cette demande, les services du rectorat ont envoyé à Mme A... un dossier comportant 217 pièces, dont elle a accusé réception le 8 février 2021. Mme A... soutient que la communication du dossier qui lui a été faite était incomplète.

7. Il ressort des pièces du dossier que le dossier individuel de Mme A..., comportant 1 828 pièces, était constitué de huit sous-dossiers, intitulés " dossier I - Affectations, procès-verbaux d'installation, mutations ", " dossier II - Avancement " ; " dossier III -Notations, rapports " ; " dossier IV - Dossier administratif ", " dossier V - Congés, autorisations d'absence ", " dossier VI - Traitement ", " dossier VII - Correspondances " et " dossier VIII -Allègement de service ". Ainsi, même s'il est établi qu'outre les 217 pièces qu'elle a reçues le 8 février 2021, Mme A... avait pris copie de 221 autres pièces de son dossier individuel lors d'une précédente consultation de celui-ci dans les locaux du rectorat, le 3 juillet 2020, l'intéressée n'a pas obtenu la communication de l'intégralité de son dossier individuel, alors qu'elle en avait fait la demande, par l'intermédiaire de son avocate, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. Cette procédure est, par suite, entachée d'irrégularité au regard des dispositions, citées au point 4, de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984.

8. Toutefois, il n'est pas contesté par Mme A... que les 217 pièces qu'elle a reçues le 8 février 2021 correspondaient aux documents intégrés dans le sous-dossier " correspondances " postérieurement à la consultation de son dossier du 3 juillet 2020, au nombre desquels figuraient les pièces sur lesquelles l'administration s'est fondée pour lui infliger la sanction contestée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les pièces dont Mme A... n'a pas reçu communication lui auraient été utiles pour organiser sa défense. Dans ces conditions, et alors même que la première consultation par Mme A... de son dossier individuel a eu lieu avant l'envoi du courrier du 16 décembre 2020 l'informant de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire et portant à sa connaissance les griefs que le recteur de l'académie d'Amiens envisageait de retenir à son encontre, il n'est pas établi, dans les circonstances de l'espèce, que l'intéressée ait été privée de la garantie que constitue le droit d'obtenir la communication de son dossier dans des conditions lui permettant de préparer utilement sa défense, résultant des dispositions de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984, ou que l'obtention de la communication intégrale de son dossier ait pu exercer une influence sur le sens de la décision contestée.

9. En troisième lieu, la circonstance que le dossier individuel de Mme A... ne comporte aucun inventaire détaillé des pièces y figurant est sans influence sur la légalité de la décision contestée.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recteur de l'académie d'Amiens ait manifesté à l'encontre de Mme A... une animosité particulière ou aurait pris parti, à son détriment, en faveur de la directrice de l'association scolaire Saint Rémy. Le moyen tiré de ce que la décision infligeant à Mme A... une sanction est entachée de méconnaissance du principe d'impartialité doit, par suite, être écarté.

11. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès juste et équitable, garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant en ce qui concerne la procédure administrative à l'issue de laquelle l'autorité disciplinaire inflige une sanction à un agent public.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la matérialité des faits reprochés à Mme A..., de leur caractère fautif et du caractère proportionné de la sanction :

12. Aux termes de l'article R. 914-100 du code de l'éducation : " Les sanctions disciplinaires applicables aux maîtres contractuels ou agréés sont réparties en quatre groupes. / 1er groupe : (...) / b) Le blâme (...) ".

13. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si la matérialité des faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire est établie, si ces faits constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

14. En premier lieu, pour infliger à Mme A... la sanction contestée, le recteur de l'académie d'Amiens a retenu un grief tiré de ce que l'intéressée " adresse des propos menaçants sur les adultes (parent-correspondant, enseignants), qui ont été appelés à témoigner dans l'enquête administrative diligentée à la suite de sa plainte pour harcèlement (...) ". Il ressort des échanges de courriels des 4 et 6 juillet 2020 entre Mme A... et deux professeures principales du collège, ainsi que la mère d'un élève, parent-correspondant, que l'intéressée leur a demandé des comptes sur leurs témoignages recueillis au cours de l'enquête diligentée après qu'elle se fut plainte auprès de l'autorité académique de faits de harcèlement qu'elle reproche à sa cheffe d'établissement. Dans ces courriels, Mme A... accusait l'une d'elles de lui " cacher des choses " et de n'être " qu'un pantin ", tout en suggérant qu'elle adoptait à son égard une attitude de harcèlement, et accusait les deux autres de " diffamation, un délit pénal ". Dans le contexte particulier de l'affaire, compte tenu notamment du comportement volontiers quérulant de Mme A... et de la plainte qu'elle avait portée à l'encontre de la cheffe d'établissement devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Soissons, le recteur de l'académie d'Amiens était fondé à qualifier de menaçants les propos tenus par l'intéressée. Le premier grief ainsi retenu par le recteur de l'académie d'Amiens est, par suite, suffisamment établi, alors même qu'un autre courriel mentionné dans la décision contestée pour étayer ce grief n'est pas produit par l'administration.

15. En deuxième lieu, le recteur de l'académie d'Amiens a retenu à l'encontre de Mme A... un grief tiré de ce qu'elle avait, le 3 septembre 2020, sollicité les témoignages des élèves de l'une de ses classes à propos de la venue, dans cette classe, de la cheffe d'établissement, alors qu'elle assurait un cours. D'une part, la matérialité de ce grief est établie par la confrontation des mentions figurant dans le " rapport d'incident grave " rédigé le 8 décembre 2020 par la cheffe d'établissement, relatant les conditions dans lesquelles elle est intervenue dans la classe de Mme A... à la suite d'un problème concernant l'appel des élèves, aux termes mêmes de lettres d'élèves produites par Mme A.... D'autre part, la prise à témoin des élèves de sa classe par un enseignant, dans le cadre d'un conflit l'opposant au chef d'établissement, n'est pas au nombre des comportements qu'il lui incombe d'adopter, compte tenu des responsabilités qui lui sont confiées.

16. En troisième lieu, le recteur de l'académie d'Amiens a retenu à l'encontre de Mme A... un grief tiré de ce qu'elle avait tenu des propos déplacés et discourtois à l'égard de différents interlocuteurs, membres ou non de l'éducation nationale. A cet égard, il ressort d'un courriel adressé le 27 novembre 2020 au directeur des services de l'éducation nationale de l'Aisne par le directeur de cabinet du préfet de la Somme que Mme A... avait témoigné d'un comportement inapproprié à l'égard de l'une de ses collaboratrices. En outre, le courriel adressé le 4 décembre 2020 par Mme A... au chef de la division des personnels enseignants du rectorat, également versé au dossier, est rédigé en des termes outranciers et discourtois. Par suite, alors même que l'administration n'a pas produit un autre courriel mentionné dans la décision contestée pour étayer ce grief, celui-ci est suffisamment établi.

17. En quatrième lieu, le recteur de l'académie d'Amiens a retenu, à l'encontre de Mme A..., le fait de ne pas respecter la voie hiérarchique en omettant de transmettre à son établissement les arrêts de maladie qui lui étaient prescrits, malgré les rappels qui lui avaient été adressés le 29 mai 2020, le 2 juin 2020 et les 12 et 14 janvier 2021. Si Mme A... soutient qu'elle était seulement tenue de transmettre ses avis d'arrêt de travail à l'administration, ce qu'elle a fait en les adressant aux services du rectorat, le refus persistant de l'intéressée de les faire parvenir à l'établissement au sein duquel elle enseignait était de nature à perturber le bon fonctionnement de celui-ci.

18. En cinquième lieu, le recteur de l'académie d'Amiens a également retenu à l'encontre de Mme A... un grief fondé sur un courriel adressé le 28 septembre 2020 par l'intéressée aux professeurs principaux du collège Saint-Paul, leur demandant de " bien vouloir veiller à [l'] informer dans les temps au cas où une difficulté se présente, que ce soit avec un élève ou un parent ", afin de lui permettre d'y réagir de façon adaptée, plutôt que de signaler d'éventuels incidents sans qu'elle en ait été informée en demandant, en outre, aux destinataires de ce courriel d'utiliser à cet effet l'adresse de sa messagerie personnelle. Il est ainsi établi que Mme A... a incité les professeurs principaux à ne pas utiliser l'outil de communication institutionnel pour évoquer des questions concernant le fonctionnement de l'établissement.

19. En sixième lieu, les faits ainsi reprochés à Mme A... constituent, comme l'a retenu le recteur de l'académie d'Amiens dans la décision contestée, des manquements aux obligations de dignité, d'exemplarité et d'obéissance hiérarchique qui lui incombaient en sa qualité d'agent public et d'enseignante, et nuisent au bon fonctionnement du service, ainsi qu'à la réputation du service public de l'éducation. Ils sont, par suite, constitutifs de fautes de nature à justifier qu'une sanction disciplinaire soit infligée. Si Mme A... soutient qu'elle a été poussée à commettre ces agissements en raison du comportement adopté à son égard par la directrice de l'association scolaire Saint-Rémi qui, qualifiable selon elle de harcèlement moral, a entraîné une aggravation des troubles anxiodépressifs dont elle souffre après avoir été victime de harcèlement dans le cadre professionnel au début des années 2000, il ne ressort pas des pièces médicales produites au dossier qu'elle ait été privée de tout discernement au moment où elle a commis les faits reprochés, dans des conditions faisant obstacle au prononcé d'une telle sanction.

20. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier des multiples pièces médicales produites, émises notamment par le médecin du travail, ainsi que de la cohérence de certains faits rapportés par Mme A..., que la décision contestée est intervenue dans un contexte marqué par des relations conflictuelles entre l'intéressée et la cheffe d'établissement, qui a pris une part non négligeable dans l'émergence d'un tel contexte et a au demeurant été condamnée, par un jugement du 1er juin 2023 du tribunal judiciaire de Soissons, à verser à Mme A... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi. Si cette situation a été à l'origine de souffrances psychologiques pour Mme A..., par ailleurs reconnue travailleuse handicapée, il n'est pas établi, compte tenu de la nature et du caractère répété des faits qui lui sont reprochés, et de la multiplicité des personnes affectées par ses agissements, que la sanction qui lui a été infligée, limitée au blâme et relevant du premier groupe de l'échelle des sanctions prévue par les dispositions de l'article R. 914-100 du code de l'éducation, revêtirait un caractère disproportionné.

S'agissant des autres moyens :

21. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le fait pour le recteur de l'académie d'Amiens d'avoir infligé à Mme A... la sanction du blâme n'est pas de nature à faire présumer la participation de l'auteur de cette décision à un processus susceptible d'être qualifié de harcèlement moral.

22. En second lieu, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la décision contestée ait été inspirée par un but étranger à celui de sanctionner le comportement fautif de Mme A.... Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le recteur de l'académie d'Amiens en première instance et en appel, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

24. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que les frais d'avocat exposés par Mme A... devant la cour soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Me Hélène Detrez-Cambrai.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Amiens.

Délibéré après l'audience publique du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

Le président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

N. Roméro

2

N° 22DA01957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01957
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : GRAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22da01957 ?
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