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23/01/2024 | FRANCE | N°22DA01297

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 janvier 2024, 22DA01297


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a autorisé le regroupement de la SNC Pharmacie de France, devenue la SELARL Pharmacie l'Etendard, et de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron, respectivement situées 10 et 45 rue de France à Neufchâteau dans des nouveaux locaux, situés 15 rue des Lilas

à Neufchâteau.



Par une décision du 7 juin 2021, le président de la section d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a autorisé le regroupement de la SNC Pharmacie de France, devenue la SELARL Pharmacie l'Etendard, et de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron, respectivement situées 10 et 45 rue de France à Neufchâteau dans des nouveaux locaux, situés 15 rue des Lilas à Neufchâteau.

Par une décision du 7 juin 2021, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis l'affaire au tribunal administratif d'Amiens.

Par un jugement n° 2102114 du 27 avril 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrés les 17, 22 et 23 juin 2022, la commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien, représentées par Me Yanis Zoubeidi-Defert, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 du directeur de l'agence régionale de santé Grand Est ;

3°) de mettre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à la charge de l'agence régionale de santé Grand Est.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction en demandant à l'agence régionale de santé Grand Est la communication du dossier de demande de regroupement d'officines en litige et qu'il a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'absence de définition par le schéma régional de santé des besoins d'approvisionnement en médicaments de la population ;

- la définition des quartiers d'origine et d'implantation retenue par l'arrêté méconnaît l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique ;

- l'arrêté contesté méconnaît les articles L. 5125-3 et les 1 et 3 de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 8 novembre 2022 et 30 novembre 2023, l'agence régionale de santé Grand Est conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens soulevés par les appelantes n'est fondé.

Par ordonnance du 1er décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 ;

- l 'arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, pris en application de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Pharmacie de France, devenue la SELARL Pharmacie l'Etendard, et la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron, respectivement situées 10 et 45 rue de France à Neufchâteau, ont demandé, le 25 mars 2019, à l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est de les autoriser à se regrouper dans de nouveaux locaux, situés 15 rue des Lilas à Neufchâteau. Par un arrêté du 2 décembre 2019, le directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est a autorisé ce transfert. La commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien font appel du jugement n° 2102114 du 27 avril 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il revient au juge de l'excès de pouvoir, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

3. Contrairement à ce que soutient l'ARS Grand-Est, le juge administratif, dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, est en droit de demander à l'administration la production de tous documents qu'il estime utiles et ce alors même que les intéressés n'auraient pas demandé leur communication auprès de l'administration ou que la commission d'accès aux documents administratifs n'aurait pas été saisie. Pour écarter le moyen soulevé par la commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien tiré du caractère incomplet du dossier de demande de regroupement d'officines de la SNC Pharmacie de France et de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron le tribunal a jugé qu'il n'était pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En statuant ainsi, sans avoir préalablement demandé à l'ARS Grand-Est la communication de ce dossier, seule à même de lui permettre de vérifier les allégations des demanderesses, le tribunal n'a pas fait usage des pouvoirs d'instruction qui sont les siens et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité.

4. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité soulevé par les appelantes, il y a lieu d'annuler le jugement précité, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Neufchâteau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :

5. En premier lieu, il ressort du dossier de demande de regroupement en litige, communiqué par l'ARS Grand-Est en appel, que ce dernier comprend l'ensemble des pièces justificatives mentionnées par l'arrêté du 30 juillet 2018 fixant la liste des pièces justificatives accompagnant toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, pris en application de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique, à l'exception de l'attestation d'inscription de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron au tableau de la section compétente de l'ordre des pharmaciens. Toutefois, la demande de regroupement précise que cette société était inscrite au tableau annexe de l'ordre régional des pharmaciens de Lorraine sous le numéro 37943 et ses statuts mentionnent comme condition suspensive l'inscription au tableau de l'ordre. En outre, cette société a été cédée à la SNC Pharmacie de France, devenue à la suite du regroupement la SELARL Pharmacie de l'Etendart, et devait en conséquence être radiée de l'ordre des pharmaciens tandis que l'associée exerçante de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron, qui est devenue associée cogérante de la SELARL Pharmacie de l'Etendart, a justifié dans sa demande de regroupement de son inscription au tableau de l'ordre régional des pharmaciens. Dans ces conditions, l'absence de cette pièce justificative doit être regardée comme sans incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la demande de regroupement en litige. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de regroupement en litige doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes d'une décision du 21 décembre 2017 du directeur de l'agence régionale de santé Grand Est, la direction des soins de proximité exerce le contrôle des lois et règlements dans les domaines de la biologie médicale et de la pharmacie. Par un arrêté du 26 septembre 2019, le directeur de l'agence régionale de santé Grand Est a donné à M. B... A..., directeur des soins de proximité, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer toutes décisions, conventions ou correspondances relatives à l'activité de sa direction. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 5125-5-1 du code de la santé publique : " Toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d'une même commune ou de communes limitrophes à l'initiative d'un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l'indemnisation de la cessation définitive d'activité d'une ou plusieurs officines doit faire l'objet d'un avis préalable du directeur général de l'agence régionale de santé. ". Il ressort des pièces du dossier que la SNC Pharmacie de France et la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron ont fait une demande de regroupement d'officines. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît l'article L. 5125-5-1 du code de la santé publique, qui est relatif aux seules opérations de restructuration du réseau officinal donnant lieu à l'indemnisation de la cessation définitive d'activité d'une ou plusieurs officines, est inopérant et doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5125-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie : " Le directeur général de l'agence régionale de santé évalue les besoins d'approvisionnement en médicaments pour la population du territoire pour lequel il est compétent dans le cadre du schéma régional de santé prévu au 2° de l'article L. 1434-2. / Il fixe par arrêté les territoires au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante. Un décret détermine les conditions dans lesquelles ces territoires sont définis en raison des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales de leur population, de l'offre pharmaceutique et de son évolution prévisible, ou, le cas échéant, des particularités géographiques de la zone / (...) " et aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : " I. - Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à la date de publication des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 31 juillet 2018, sous réserve des dispositions prévues au II./ II. - Les demandes d'autorisation de création, transfert ou regroupement d'officines déposées auprès des agences régionales de santé et dont la complétude a été constatée avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance demeurent soumises aux dispositions du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la date de publication des décrets pris pour l'application de la présente ordonnance ".

9. En raison de ce que, d'une part, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 5125-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, forment un ensemble indivisible avec les autres dispositions dérogatoires de la section 3 : " Dispositions particulières à certains territoires (Articles L5125-6 à L5125-6-2) " issues de la même ordonnance et de ce que, d'autre part, l'application de certaines des dispositions de cette section est manifestement impossible en l'absence du décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 5125-6 du code de la santé publique issu de cette ordonnance, les dispositions du premier alinéa du même article n'étaient pas entrées en application à la date à laquelle la complétude de la demande d'autorisation en litige a été constatée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 5125-3-2 du même code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs. ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 du même code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. / Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier ".

11. Il ressort de l'arrêté attaqué que le quartier d'origine des deux pharmacies ayant fait l'objet de l'autorisation de regroupement est délimité au nord par la voie ferrée Neufchâteau-Epinal, à l'est et au sud-est par le cours d'eau Le Mouzon et à l'ouest par la voie ferrée Cumont-Chalindrey-Toul. Tout d'abord, dès lors que la voie ferrée Neufchâteau-Epinal représente, au sein de la commune de Neufchâteau, ainsi qu'en témoignent les photos et plans produits par l'agence régionale de santé, une rupture ne pouvant être franchie qu'en trois points, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant cette voie aux fins de délimitation du quartier d'origine, la circonstance que la voie ferrée Neufchâteau-Epinal ne serait plus en fonctionnement ne suffisant pas à lui faire perdre sa nature d'infrastructure de transport. D'autre part, si au sein du centre-bourg, situé dans le quartier d'origine tel que défini par l'arrêté en litige, sont incluses des zones correspondant à des altitudes différentes, de 284 m à l'emplacement d'origine des deux pharmacies ayant sollicité le regroupement jusqu'à 307 m, de telles différences altimétriques, dans la mesure où elles sont limitées et ne créent pas de frontière naturelle ou de difficultés significatives d'accès entre ces zones, n'imposaient pas à l'autorité administrative de délimiter le quartier d'origine en fonction de son altitude.

12. Il ressort également de l'autorisation de regroupement que le quartier d'implantation de la nouvelle pharmacie est délimité au nord et à l'est par les limites communales, au sud par la voie ferrée Neufchâteau-Epinal et le cours d'eau du Mouzon et à l'ouest par la voie ferrée Cumont-Chalundrey-Toul. Tout d'abord, en définissant la limite sud du quartier d'implantation par référence à la fois à la voie ferrée Neufchâteau-Epinal et au cours d'eau Le Mouzon, l'autorité administrative n'a pas laisser subsister d'incertitude quant aux limites de ce quartier dès lors, d'une part, que cette limite est cohérente avec la limite nord du quartier d'origine et que, d'autre part, selon les plans produits, cette double référence permet de déterminer la limite au sud-est de ce quartier, définie par le tracé du cours d'eau du Mouzon entre le point où la voie ferrée Neufchâteau-Epinal rencontre le même cours d'eau jusqu'à la limite communale à l'est. De plus, si les appelantes soutiennent que le quartier d'implantation défini par l'agence régionale de santé ne représente pas une unité géographique dès lors qu'il intègre une zone située au-delà de l'avenue de la Division Leclerc et une zone située au sud de la rue du Bois alors que ces zones sont peu accessibles au reste du quartier d'implantation défini par l'arrêté en litige, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'avenue de la Division Leclerc ou le bois situé au sud de la rue du Bois constituent des obstacles infranchissables créant une rupture au sein de ce quartier, alors qu'au surplus la fixation de la limite nord du quartier d'implantation par référence à l'avenue de la Division Leclerc conduirait à exclure une zone résidentielle, enclavée car étant elle-même circonscrite au nord par la voie ferrée Cumont-Chalundrey-Toul, d'une dimension trop réduite pour constituer à elle seule un quartier en vue de la détermination d'une zone de desserte en médicaments. Enfin, si le quartier d'implantation défini par l'autorité administrative comprend une zone d'activités commerciales au nord-est, il est essentiellement constitué de zones résidentielles et recoupe, selon les pièces produites par l'agence régionale de santé, la majeure partie de l' " ilot regroupé pour l'information statistique " (IRIS) dénommé " Nord Est ", défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques, qui comprenait, en 2017, 2 193 habitants, de telle sorte que la population du quartier d'implantation peut être estimée à au moins 1 500 habitants.

13. Il en résulte que le quartier d'origine des deux pharmacies sollicitant leur regroupement et le quartier de leur nouvelle implantation constituent chacun une unité géographique, déterminée dans le respect des dispositions de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, dotée d'une population résidente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue du regroupement en litige, le quartier d'origine restera desservi par la pharmacie située 1 rue Neuve, accessible au public par voie piétonnière, en dépit de la déclivité modérée entre l'implantation de cette pharmacie et celle des deux pharmacies ayant demandé leur regroupement et dotée de plusieurs emplacements de stationnement. En outre, si les appelantes soutiennent que le regroupement en litige compromet la desserte en médicaments du quartier d'origine au regard de la concentration en son sein de plus de la moitié des habitants de la commune, qui comprenait 6 639 habitants en 2016, d'une part, cette allégation ne peut être regardée comme établie en l'absence de précisions quant aux modalités de détermination et aux sources de ces données démographiques et, d'autre part, à supposer cette circonstance établie, il n'est pas démontré que la présence d'une seule officine n'assurerait pas une desserte suffisante alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique que l'ouverture par voie de transfert ou de regroupement d'une officine dans une commune peut être autorisée lorsque le nombre d'habitants recensés est au moins égal à 2 500 et que l'ouverture d'une officine supplémentaire ne peut y être autorisée par voie de transfert ou de regroupement qu'à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune. De surcroît, l'officine située 87 avenue du Général de Gaulle à Neufchâteau restera accessible par voie piétonnière aux habitants du sud du quartier d'origine, étant située à 850 m des officines ayant demandé leur regroupement. Dans ces conditions, les appelantes n'établissent pas que le regroupement en litige compromet l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine.

15. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que si l'emplacement choisi pour le regroupement d'officines est plus difficile d'accès aux piétons par l'avenue de la division Leclerc, il jouxte toutefois des rues pavillonnaires permettant aux habitants de la majeure partie du quartier d'implantation d'y accéder par voie piétonnière. En outre, le nouvel emplacement est accessible en voiture, dispose d'un parking comportant de nombreux emplacements de stationnement et est desservi par une ligne de transports en commun. Enfin, alors que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il n'est pas établi que l'autorité administrative ait pris en compte la population de passage constituée de la clientèle de la zone d'activités commerciales située à proximité, il n'est pas contesté que le quartier de l'implantation nouvelle ne comprend aucune officine. Dès lors, le regroupement contesté permet une desserte en médicaments d'une population jusqu'ici non desservie. Dans ces conditions, en considérant que le regroupement d'officines en litige permet une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente du quartier d'implantation nouvelle, le directeur de l'agence régionale de santé Grand Est n'a pas méconnu les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande des collectivités tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le directeur de l'agence régionale de santé Grand Est a autorisé le regroupement de la SNC Pharmacie de France, devenue la SELARL Pharmacie l'Etendard, et de la SELARL Pharmacie Vicherat-Le Perron doit être rejetée. Par suite, les conclusions qu'elles présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102114 du 27 avril 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Neufchateau et la communauté de communes de l'Ouest vosgien est rejetée.

Article 3 :Le présent arrêt sera notifié à la commune de Neufchâteau, à la communauté de communes de l'Ouest vosgien et à l'agence régionale de santé Grand-Est.

Délibéré après l'audience publique du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la Cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la Cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA01297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01297
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : GARTNER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22da01297 ?
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