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23/01/2024 | FRANCE | N°23DA01474

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 janvier 2024, 23DA01474


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 du préfet du Nord en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, détermine le pays à destination duquel il doit être éloigné et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2303358 du 25 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 du préfet du Nord en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, détermine le pays à destination duquel il doit être éloigné et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2303358 du 25 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions, prononcées à son encontre le 12 avril 2023, portant obligation de quitter le territoire français, refus d'un délai de départ volontaire, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de son droit au séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français procède d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et méconnaît à ce titre l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus d'un délai de départ volontaire est illégale en tant qu'elle est fondée sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant détermination du pays de destination est illégale en tant qu'elle est fondée sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en tant qu'elle est fondée sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 612-6, L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Des pièces, produites par le préfet du Nord, ont été enregistrées le 9 août 2023.

Par une ordonnance en date du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 12 heures.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 29 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 21 juin 1978, de nationalité nigériane, est selon ses déclarations entré en France le 7 avril 2017. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 septembre 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 octobre 2019. Par un arrêté du 19 avril 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ce à quoi il n'a pas déféré. Après avoir été contrôlé en situation irrégulière, il a fait l'objet, le 12 avril 2023, d'un nouvel arrêté du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il devra être éloigné, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et le plaçant en centre de rétention administrative en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement n° 2303358 du 25 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'un délai de départ volontaire, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur le moyen commun aux décisions contestées :

2. L'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions qui constituent les fondements légaux de chacune des décisions qu'il prononce à l'encontre de M. A.... Il comporte des considérations de fait suffisantes ayant mis l'intéressé à même de comprendre les motifs des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'un délai de départ volontaire, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français. S'agissant en particulier de cette dernière décision, il ressort des énonciations de l'arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet du Nord a procédé à un examen de la situation de M. A..., au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a retenu en particulier qu'il est entré irrégulièrement en France en 2017, qu'il a été définitivement débouté de l'asile, qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et a tenu compte de sa situation matérielle et familiale sur le territoire, laquelle est précisément analysée. Si la motivation de l'arrêté attaqué ne fait pas référence au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort en l'occurrence pas des pièces du dossier que le requérant représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à son encontre. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions contestées sont insuffisamment motivées doivent être écartés comme manquant en fait.

Sur les moyens propres à l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A.... A cet égard, contrairement à ce que celui-ci soutient, les motifs de l'arrêté attaqué rappellent les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France et comportent l'analyse de sa situation privée et familiale sur le territoire. En particulier, l'arrêté mentionne la nature des liens privés et familiaux dont se prévaut M. A... et examine précisément leur ancienneté ainsi que leur intensité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre procède d'un défaut d'examen sérieux doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de l'instruction de la demande d'admission au séjour qu'il avait présentée auprès du préfet du Nord en septembre 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avait été saisi de sa situation médicale et avait estimé, par un avis du 27 janvier 2021, que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigeria eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Devant le tribunal, M. A... a seulement présenté une échographie de la main droite datée du 15 décembre 2021 qui fait état d'un épanchement intra-articulaire interphalangien proximal du 3ème rayon sans signe de synovite active, une échographie cardiaque d'effort datée du 21 septembre 2021 qui est sans anomalie particulière et une ordonnance médicale datée du 27 janvier 2023 d'un médecin généraliste qui prescrit un traitement antibiotique et antisécrétoire gastrique des plus courants. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de le regarder comme étant exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa santé, sans pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... justifie seulement d'un peu plus de six années de présence en France, durée qu'il n'a au demeurant prolongée qu'en détournant la procédure d'asile de son objet et en faisant échec à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre. S'il se prévaut d'une relation de concubinage avec une compatriote en situation régulière sur le territoire et de ce qu'il a reconnu être le père de trois des enfants de cette dernière, il n'apporte aucun justificatif de communauté de vie effective avant le mois de juin 2023, ni ne justifie de sa participation à l'entretien et à l'éducation des enfants. Au demeurant, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de l'empêcher de maintenir les liens avec ses proches en France dans les mêmes conditions que celles qui prévalaient avant qu'il ne s'établisse sur le territoire français dans des conditions irrégulières. Ces derniers conservent également la possibilité de lui rendre visite au Nigeria, pays dont ils ont eux-mêmes la nationalité et alors qu'ils ont en tout état de cause la garantie de pouvoir retourner sur le territoire français où ils sont légalement admissibles. Enfin, M. A... ne justifie d'aucune insertion professionnelle et sociale propre à garantir son autonomie matérielle et financière non plus que son intégration réussie à la société française. Dans le même temps, il n'avance aucune considération de nature à faire obstacle à sa réinsertion au Nigeria, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et où il ne démontre pas être isolé. Dès lors, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Nord n'a pas méconnu son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations citées au point précédent et le moyen soulevé en ce sens par M. A... doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En l'espèce, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. A... de leur mère, d'interrompre leur séjour en France ou de les contraindre à suivre leur père au Nigeria. Celui-ci ne peut dans ces conditions pas utilement invoquer les craintes pour ses filles d'être excisées, qu'il se borne au demeurant à énoncer sans apporter aucun élément propre à établir leur caractère personnalisé. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... ne justifie pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants non plus que l'intensité des relations avec eux et la décision contestée n'a en tout état de cause ni pour objet ni pour effet d'empêcher la poursuite de leurs relations. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur les moyens propres à la décision portant refus de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 9, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

12. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, M. A... ne conteste pas qu'il s'est maintenu sur le territoire malgré une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet du Nord le 19 avril 2021, qu'il a fait part de son intention de ne pas se conformer à toute nouvelle mesure qui serait prise à son encontre, qu'il ne possède pas de passeport en cours de validité et qu'il ne justifie pas du caractère effectif et permanent de la domiciliation qu'il déclare dans la commune de Ronchin, circonstances qui lui ont été opposées pour caractériser l'existence d'un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et pour lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire. Son moyen doit dès lors être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur les moyens propres à la décision portant détermination du pays de destination :

14. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 9, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision déterminant le pays à destination duquel il doit être éloigné est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

16. En l'espèce, la décision contestée désigne au titre des pays vers lesquels M. A... est susceptible d'être renvoyé d'office en l'absence d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, notamment, son pays de nationalité, à savoir le Nigeria. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... ne démontre pas y être isolé et un retour vers ce pays n'a pas pour effet de mettre définitivement un terme à ses relations avec ses proches en France. Ainsi qu'il a également été dit au point 8, les décisions prononcées à son encontre ne privent pas ses enfants de la possibilité de demeurer auprès de leur mère en France et n'ont pas pour effet de les exposer à des craintes pour leur sécurité au Nigeria, dont la réalité n'est au demeurant pas démontrée par M. A.... Celui-ci n'établit par ailleurs pas, ni même n'allègue, être personnellement exposé à des risques pour sa sécurité dans ce pays, sa demande d'asile ayant d'ailleurs été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision déterminant le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Sur les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 9, M. A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

19. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France en 2017 et, dès lors que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA, doit être regardé comme ayant contourné les règles de l'asile aux seules fins de se maintenir sur le territoire. A la date de la décision attaquée, il se trouve ainsi en situation irrégulière sur le territoire français depuis plus de six ans, malgré une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, il ne justifie pas de l'intensité des liens avec ses compatriotes résidant en France qu'il désigne comme sa concubine et ses trois enfants et ses relations avec eux sont en tout état de cause susceptibles de se poursuivre dans les mêmes conditions que celles qui prévalaient avant qu'il ne s'installe irrégulièrement sur le territoire français. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour sur le territoire et même si aucun trouble à l'ordre public ne peut lui être reproché, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni dans son principe, ni dans sa durée. Pour les mêmes motifs, elle ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, les moyens soulevés en ce sens par M. A... doivent être écartés.

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2023 du préfet du Nord en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, détermine le pays à destination duquel il doit être éloigné et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais non compris dans les dépens. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'annulation du jugement et celles qu'il réitère en appel doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA01474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01474
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;23da01474 ?
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