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25/01/2024 | FRANCE | N°22DA02370

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 25 janvier 2024, 22DA02370


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Alka a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016.



Par un juge

ment n° 2002867 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alka a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2002867 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2022, la SARL Alka, représentée par Me Delattre, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction de ces suppléments d'impôt sur les sociétés ainsi que de ces rappels de taxe et de réformer ce jugement ;

4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le jugement attaqué, qui ne comporte aucune réponse expresse à son moyen tiré du caractère exagéré des recettes reconstituées par le service vérificateur au regard des conditions réelles d'exploitation de son établissement, est irrégulier comme insuffisamment motivé ;

- dès lors que les propositions de rectification qui lui ont été adressées le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 ne comportent pas d'information sur la nature des documents obtenus par le service vérificateur auprès de tiers, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, ni aucune précision sur la procédure ayant permis de les obtenir, et qu'elles n'en précisent pas non plus le nombre, l'administration doit être regardée comme ne s'étant pas conformée à l'obligation d'information pesant sur elle en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; cette irrégularité substantielle de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard entraîne la décharge, en droits et pénalités, de l'intégralité des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

- à titre subsidiaire, la reconstitution, par le service vérificateur, des recettes taxables de son établissement a conduit à déterminer un niveau de chiffre d'affaires excessif au regard de l'activité réelle de son établissement, telle qu'elle ressort notamment de la carte des produits proposés à la vente et du livre de recettes produit au vérificateur ; en particulier, cette reconstitution ne tient pas compte d'un prix réaliste pour la vente seule de boissons non alcoolisées, toutes les ventes de ces boissons ayant été considérées comme nécessairement incluses dans un menu ; en outre, la dose de 2 cl retenue en ce qui concerne la vente de raki au verre est manifestement inférieure aux usages de la profession et à ce que retient le site de la sécurité routière pour ce qui concerne la vente d'alcools distillés à 40°, à savoir 3 cl ; la méthode alternative de reconstitution qu'elle propose permet d'aboutir, pour ce qui concerne les trois exercices en cause, à des chiffres d'affaires moins élevés et plus cohérents que ceux retenus par l'administration pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, moyennant la prise en compte d'un taux représentatif des pertes et de la consommation du personnel au moins égal à 10 %, rapporté au taux de 5 % retenu par l'administration, les suppléments d'impôt sur les sociétés en litige ;

- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, n'est pas fondée, faute pour l'administration d'apporter la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les propositions de rectification adressées à la SARL Alka le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 indiquent que, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de fournisseurs dont les noms sont précisés, le service vérificateur a obtenu les relevés des achats effectués auprès de ceux-ci par la SARL Alka au cours de la période vérifiée ; ces mentions suffisent à donner à cette société l'information, requise par les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de l'origine et de la teneur des éléments ainsi recueillis, de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité, au regard de ces dispositions, de la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Alka n'est pas fondé ;

- la SARL Alka, qui n'a formulé aucune observation sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 mars 2018, supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant, respectivement, aux exercices clos en 2015 et 2016, ainsi qu'aux périodes correspondantes ;

- l'administration était fondée à écarter, comme irrégulière, insincère et dépourvue de caractère probant, la comptabilité de la SARL Alka et à procéder à une reconstitution des recettes taxables ainsi que des résultats imposables de son établissement ;

- la reconstitution opérée par le service tient compte des produits achetés et proposés à la vente par la SARL Alka, de même que des tarifs pratiqués dans son établissement ; en l'absence de caisse enregistreuse et eu égard au caractère reconstitué du livre de recettes produit au vérificateur, au demeurant affecté de nombreuses incohérences, le service ne disposait d'aucun élément fiable lui permettant, à partir des recettes et dépenses journalières réelles par produit, de déterminer un prix moyen différencié pour les boissons vendues seules et avec un menu ; en outre, la dose de 2 cl retenue pour la vente de raki, qui est un alcool distillé à 45°, est conforme aux pratiques de la profession de la restauration en ce qui concerne la vente des alcools forts ; pour ces motifs, la reconstitution proposée, à titre alternatif, par la SARL Alka à partir de son livre de recettes et qui aboutit d'ailleurs à des chiffres d'affaires supérieurs à ceux retenus par le service, n'est pas pertinente ;

- la SARL Alka, qui se borne à faire état d'un pourcentage de pertes très important sur des produits tels que la viande de kebab, n'apporte aucun élément concret de nature à étayer son allégation ;

- dès lors qu'une partie seulement des factures d'achat de bière et de vin ont été produites pour ce qui concerne l'exercice clos en 2015 et qu'aucune de ces factures n'a été fournie pour ce qui concerne l'exercice clos en 2016, les recettes n'ont été que partiellement reconstituées pour la vente de ces produits, pourtant proposés à la clientèle de l'établissement au cours de la période vérifiée, de sorte que la reconstitution opérée par l'administration s'avère favorable à la SARL Alka ;

- eu égard aux importantes minorations de recettes mises en évidence par l'administration à l'issue de la reconstitution des recettes de l'établissement, lesquelles ont été permises par des pratiques comptables irrégulières et conscientes du gérant de la SARL Alka, le caractère délibéré des manquements ayant permis à cette société d'éluder l'impôt a été retenu à bon droit et la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, a été appliquée à bon droit aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alka exploite, à Hazebrouck (Nord), un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne " Le Pacha ". Elle a pour gérant statutaire, depuis juin 2012, M. A... C.... Cette société a fait l'objet, à la fin de l'année 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Le vérificateur ayant estimé que la comptabilité de l'entreprise présentait de nombreuses et substantielles anomalies qui lui sont apparues de nature à en altérer le caractère probant, il a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires taxables et des résultats imposables de l'établissement. Il en a résulté des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, qui ont été portés à la connaissance de la SARL Alka par deux propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017 pour ce qui concerne l'exercice clos en 2014 ainsi que la période correspondante et le 8 mars 2018 pour ce qui concerne les exercices clos en 2015 et en 2016 ainsi que les périodes correspondantes. Les observations formulées par la SARL Alka sur la première de ces propositions de rectification n'ont pas conduit le service à revoir son appréciation, mais seulement à corriger, s'agissant de la détermination du résultat imposable de l'exercice clos en 2014, une erreur ayant consisté en l'omission de la prise en compte de déficits antérieurs déclarés par la société.

2. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant des rectifications notifiées ont, sur ces bases rectifiées, été mis en recouvrement le 30 avril 2018, à hauteur des montants respectifs de 19 985 euros et 16 391 euros, en droits et pénalités. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Alka a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. La SARL Alka relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des motifs mêmes du jugement dont la SARL Alka a relevé appel que le tribunal administratif a, par les motifs énoncés au point 8 de ce jugement, apporté une réponse expresse et suffisante au moyen tiré, par la société requérante, du caractère exagéré, au regard des conditions réelles d'exploitation de son établissement, des chiffres d'affaires reconstitués par l'administration pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les suppléments d'impôt sur les sociétés en litige, en retenant que la méthode alternative proposée par la SARL Alka, qui, notamment, ne tenait pas compte des recettes tirées de la vente des produits non mentionnés dans les cahiers des recettes, ne permettait pas de déterminer les chiffres d'affaires et résultats imposables réalisés au cours des exercices en litige avec davantage de précision que celle retenue par le service. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier comme entaché, sur ce point, d'une insuffisante motivation manque en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications. Le service n'est donc pas tenu d'indiquer les modalités d'exercice du droit de communication.

5. Les propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 à la SARL Alka, rédigées dans des termes très proches sur ce point, indiquent que l'exercice, par le service vérificateur, du droit de communication prévu par les articles L. 81 et L. 102 B du livre des procédures fiscales, au moyen de demandes adressées, entre le 6 octobre 2017 et le 25 octobre 2017, aux principaux fournisseurs de la société, dont la liste est précisée, a permis à ce service d'obtenir de la part de ces fournisseurs, à l'exception de l'un d'entre eux qui n'a pas donné suite à la demande qui lui a été adressée, des relevés des achats effectués auprès d'eux par la SARL Alka, durant la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016.

6. Ainsi rédigées, ces propositions de rectification doivent être regardées, alors même qu'elles ne précisent pas le nombre de documents reçus dans ce cadre et qu'elles ne donnent pas plus de précisions sur la procédure ayant permis de les obtenir, comme comportant l'indication de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de ces tiers, avec un niveau de précision suffisant pour permettre à la société contribuable d'identifier les documents contenant ces éléments d'information et, le cas échéant, d'en demander, en temps utile avant la mise en recouvrement des impositions en litige, la communication auprès de l'administration. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation posée, sur ce point, par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

En ce qui concerne la comptabilité de la SARL Alka :

7. Ainsi qu'il a été dit, au cours du contrôle dont a fait l'objet la SARL Alka, le vérificateur a constaté que la comptabilité de cette société présentait, pour la période vérifiée, de graves irrégularités, anomalies et incohérences de nature à en altérer l'exhaustivité, la sincérité et le caractère probant. En particulier, le vérificateur a relevé l'absence de production d'un brouillard de caisse, le défaut de présentation d'un inventaire physique des stocks se rapportant à l'exercice clos en 2014 et, pour toute la période vérifiée, l'absence de tout document, tels des copies de notes ou des souches de carnets d'addition, ayant permis l'établissement des livres de recettes transmis à l'expert-comptable de la société ou présentés au vérificateur, ces derniers comportant de nombreuses ratures, corrections ou incohérences par rapport aux autres éléments consultés et ayant manifestement été reconstitués pour les besoins du contrôle. Dans ces conditions, l'administration a écarté comme irrégulière et dépourvue de caractère probant la comptabilité de la SARL Alka se rapportant aux exercices vérifiés et a procédé à une reconstitution des recettes taxables et des résultats imposables s'y rapportant.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la SARL Alka :

8. La SARL Alka, qui ne conteste plus, en cause d'appel, le bien-fondé des motifs ayant conduit l'administration à écarter sa comptabilité, ni ne prétend que la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire dans ses modalités de mise en œuvre, soutient cependant que cette méthode a conduit à établir un niveau de chiffre d'affaires excessif pour les trois exercices vérifiés, dès lors qu'elle a pris en compte des tarifs insuffisamment différenciés selon la nature des produits proposés à la vente dans son établissement et, par suite, excessivement élevés, ainsi que des dosages inexacts en ce qui concerne l'alcool entrant dans la composition du raki.

S'agissant de la méthode mise en œuvre par le vérificateur :

9. Ainsi qu'il a été dit, il résulte des propositions de rectification que le vérificateur a déduit des relevés d'achats communiqués par les principaux fournisseurs de la société que les livres de recettes fournis en dernier lieu au vérificateur n'étaient pas probants dès lors qu'ils comportaient de nombreuses incohérences, se traduisant par l'absence de prise en compte de nombreux achats manifestement revendus au cours de la période vérifiée et, s'agissant des recettes retenues, par de nombreuses erreurs de calcul ou de report de prix ayant conduit à les minimiser. En particulier, le vérificateur a constaté l'absence de prise en compte, durant les trois exercices vérifiés, de la majeure partie des ventes de bière, de vin et de pâtisseries turques, alors pourtant que ces produits avaient fait l'objet d'achats auprès de fournisseurs, et une importante minoration des ventes d'eaux minérales et des menus " enfant ", par rapport aux quantités achetées auprès des fournisseurs. Il est également apparu que les recettes ainsi reprises dans ces livres de recettes étaient, pour un grand nombre d'entre elles, inférieures aux montants portés en produits dans la comptabilité de la SARL Alka et que celle-ci n'avait été en mesure de justifier d'aucun de ces écarts, ni d'aucune des incohérences ainsi constatées.

10. En conséquence, la reconstitution des recettes de la SARL Alka a utilisé, pour les trois exercices vérifiés, d'autres éléments comptables disponibles ainsi que les renseignements recueillis auprès des tiers.

11. Dans un premier temps, le vérificateur a divisé le chiffre d'affaires que la société avait déclaré par le nombre de boissons vendues, toutes non alcoolisées, ressortant des livres des recettes remis par la société à l'expert-comptable qui, à la différence des livres mentionnés au point précédent, comportaient le détail des produits vendus. Il a ainsi obtenu une recette moyenne par boisson. Il a ensuite appliqué cette recette aux achats communiqués par les principaux fournisseurs de la société, en déduisant de l'absence d'inventaire des stocks pour l'exercice clos en 2014 que tous les achats effectués au cours de cet exercice avaient été revendus au cours de l'exercice et en tenant compte des états de stocks produits au vérificateur pour les exercices suivants.

12. Dans un deuxième temps, le vérificateur a évalué la recette tirée des achats de boissons alcoolisées, des pâtisseries turques et des boîtes destinées à un menu " enfant ", qui ne figuraient généralement pas sur les livres de recettes remis à l'expert-comptable, en tenant compte des achats indiqués par les fournisseurs, des prix de vente affichés dans l'établissement et, s'agissant des dosages des boissons, des usages de la profession.

13. Dans un troisième temps, le vérificateur a pratiqué un abattement de 5 % sur les achats revendus de l'ensemble des produits pour tenir compte des pertes, des offerts et de la consommation personnelle.

14. Cette reconstitution des recettes se rapportant à chacun des exercices et périodes vérifiés a conduit le service à établir, par comparaison avec les éléments déclarés par la SARL Alka, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés qu'il y avait lieu de mettre à la charge de celle-ci.

S'agissant des critiques formulées par la SARL Alka :

15. En premier lieu, la SARL Alka conteste cette reconstitution en exposant qu'elle retient un tarif unique pour ses ventes de boissons non alcoolisées alors que ces boissons étaient proposées à un tarif différent selon qu'elles étaient ou non incluses dans un menu et que plusieurs de ses clients avaient pour habitude de commander des boissons seules.

16. Toutefois, la société, dont la comptabilité a été écartée comme non probante et qui ne peut utilement invoquer les livres de recettes qu'elle a reconstitués pour les besoins du contrôle, insuffisamment probants pour les raisons déjà exposées, n'a apporté aucun élément fiable au soutien de ses allégations, alors que celles-ci ne correspondent pas aux pratiques commerciales en vigueur dans les établissements de restauration rapide, dans lesquels les boissons non alcoolisées sont généralement proposées à la vente en accompagnement d'une préparation alimentaire, le plus souvent dans le cadre d'une formule, ce qui était d'ailleurs la pratique de la SARL Alka au cours des exercices vérifiés, comme en témoigne la carte dont elle verse une copie à l'instruction, le seul fait que cette carte comporte un tarif pour la vente d'une boisson non alcoolisée seule ne pouvant suffire à justifier d'une pratique commerciale différente.

17. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir la méthode de reconstitution alternative proposée par la SARL Alka, laquelle est notamment fondée sur les données de ces livres de recettes reconstitués pour les besoins du contrôle.

18. En deuxième lieu, la SARL Alka soutient que la dose retenue par le vérificateur pour évaluer les recettes réalisées sur la vente de raki, à savoir 2 cl d'alcool par verre, est insuffisante, ce qui a conduit à la détermination d'un chiffre d'affaires excessif sur ces ventes.

19. Toutefois, la dose de 3 cl qu'elle propose comme plus pertinente, correspond aux usages de la profession de la restauration et au dosage retenu par le site de la sécurité routière en ce qui concerne les ventes d'alcools forts distillés à 40°, alors qu'elle ne conteste pas que le raki est un alcool distillé à 45°, ce qui justifie un dosage moins élevé de la quantité servie.

20. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément, il y a lieu de retenir que le service vérificateur était fondé à retenir ce dosage de 2 cl pour évaluer le chiffre d'affaires réalisé par l'établissement sur les ventes de raki effectuées durant la période vérifiée.

21. En troisième lieu, la SARL Alka soutient que l'abattement de 5 % retenu par le vérificateur pour tenir compte, à la fois, des pertes, des offerts et de la consommation du personnel, avant de déterminer le résultat imposable de chacun des trois exercices en litige, est insuffisant et propose de retenir un abattement de 5 % pour tenir compte des seules pertes, qu'elle estime très importantes pour certaines denrées, telles la viande pour kebab, ainsi qu'un autre abattement de 5 % pour tenir compte de la consommation de son personnel.

22. Toutefois, la SARL Alka n'a apporté aucun élément de nature à justifier le bien-fondé de cette proposition, qui ne peut, dès lors, être retenue.

23. D'ailleurs, ainsi que le fait valoir le ministre, dès lors qu'une partie seulement des factures d'achat de bière et de vin ont été produites pour ce qui concerne l'exercice clos en 2015 et qu'aucune de ces factures n'a été fournie pour ce qui concerne l'exercice clos en 2016, les recettes tirées des ventes de ces produits, pourtant proposés à la clientèle de l'établissement au cours de la période vérifiée, n'ont été que partiellement reconstituées de sorte que la reconstitution opérée par l'administration ne s'avère pas défavorable à la SARL Alka.

Sur les pénalités :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

25. En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

26. Pour justifier, comme la charge lui incombe, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes des propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 à la SARL Alka, que la reconstitution des recettes de l'établissement exploité par cette société avait permis de mettre en évidence d'importantes minorations des recettes déclarées par rapport non seulement aux recettes reconstituées mais aussi par rapport à celles figurant sur les livres de recettes présentés au vérificateur.

27. L'administration a retenu, en outre, que ces minorations des recettes déclarées avaient été permises par des pratiques comptables irrégulières et conscientes du gérant de la SARL Alka.

28. Enfin, le service a retenu qu'en s'abstenant de faire figurer, de façon récurrente, des recettes sur ses déclarations de chiffre d'affaires, cette société avait délibérément placé ses ventes sous le régime de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée, alors que son chiffre d'affaires avait déjà excédé, en septembre 2014, le plafond au-delà duquel l'entreprise contribuable ne pouvait plus y prétendre.

29. Ces motifs sont de nature à établir l'intention délibérée qui a animé la SARL Alka au cours de la période vérifiée, ainsi que le bien-fondé de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts dont il a été fait application.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alka n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et que ses conclusions tendant à la décharge ou, à titre subsidiaire, à la réduction, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige doivent être rejetées. Par voie de conséquence les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Alka est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alka et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. B...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

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N°22DA02370

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02370
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;22da02370 ?
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