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25/01/2024 | FRANCE | N°23DA00900

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 25 janvier 2024, 23DA00900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 25 avril 2022 par laquelle le préfet du Nord a rejeté comme étant irrecevable sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et, d'autre part, l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par

un jugement n° 2207096-2207097 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 25 avril 2022 par laquelle le préfet du Nord a rejeté comme étant irrecevable sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et, d'autre part, l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207096-2207097 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2022 et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 27 octobre 2023, M. E..., représenté par Me Gommeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai d'un mois, de l'autoriser à travailler et de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'objet du litige :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2022 en ce qu'elle avait été implicitement mais nécessairement retirée par l'arrêté du 17 juin 2022, dès lors que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 17 juin 2022 n'a pas examiné la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il avait formée.

Sur la décision du 25 avril 2022 :

- elle est entachée du vice d'incompétence ;

- en ne soumettant pas pour avis sa demande à la commission du titre de séjour alors qu'il justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans, le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure et l'a privé d'une garantie ;

- le préfet a commis une erreur de droit et méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant irrecevable sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au motif qu'il était en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur l'arrêté du 17 juin 2022 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. E... ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires qui auraient permis sa régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2023.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant congolais né le 15 mars 1987, est entré en France le 11 mars 2010 selon ses déclarations. Par deux demandes formées les 28 septembre 2021 et 21 octobre 2021, il a sollicité son admission au séjour successivement en raison de son état de santé et à titre exceptionnel. Par une décision du 25 avril 2022, le préfet du Nord a rejeté comme irrecevable la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. E... au motif qu'il était en situation régulière sur le territoire français à raison de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour valable du 15 avril 2022 au 14 juillet 2022. Par un arrêté du 17 juin 2022, le préfet du Nord a rejeté la demande de titre de séjour formée par l'intéressé à raison de son état de santé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... a saisi le tribunal administratif de Lille de deux demandes tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2022 et de l'arrêté du 17 juin 2022. Après avoir joint ces demandes, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 17 mars 2023 dont M. E... relève appel, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2022 et a rejeté le surplus de la demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Lille a considéré que la demande présentée par M. E... tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2022 par laquelle le préfet du Nord a rejeté comme irrecevable sa demande d'admission exceptionnelle au séjour était devenue sans objet au motif que l'arrêté du 17 juin 2022 devait être regardé comme ayant retiré, implicitement mais nécessairement, ce refus.

3. Toutefois, l'arrêté du 17 juin 2022, qui n'a pas fait pas référence, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, à la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. E... le 21 octobre 2021, et qui n'a pas visé l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est borné à refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé le 28 septembre 2021 sur le fondement de l'article L. 425-9 de ce code. Dès lors, l'arrêté du 17 juin 2022, en tant qu'il a refusé à M. E... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, ne saurait être regardé comme ayant retiré, fût-ce implicitement, la décision du 25 avril 2022 par laquelle le préfet du Nord avait rejeté comme irrecevable la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par le requérant.

4. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande dont ils étaient saisis tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord du 25 avril 2022 était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Dès lors, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé.

5. Il appartient toutefois à la cour de statuer sur les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord du 25 avril 2022 par la voie de l'évocation, et par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions du requérant.

Sur la légalité de la décision du 25 avril 2022 portant refus d'admission exceptionnelle au séjour :

6. En premier lieu, par un arrêté du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme D..., directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., directrice de l'immigration et de l'intégration, dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle n'était pas absente ou empêchée, à l'effet notamment de signer les décisions portant refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'auteure de la décision contestée ne disposait pas d'une délégation de signature régulière manque en fait et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.

8. Si M. E... soutient résider en France depuis le 11 mars 2010, il s'est borné à produire, pour justifier notamment de sa résidence habituelle au cours de l'année 2016, un avis d'impôt sur les revenus de l'année 2015 faisant état d'une absence de revenus, un mémoire en défense produit le 6 septembre 2016 par le préfet du Nord et communiqué par le tribunal administratif de Lille dans une instance introduite par l'intéressé à l'encontre d'un arrêté du 20 novembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que la première page d'un arrêté préfectoral mentionnant l'envoi d'une copie de celui-ci en lettre simple au requérant le 29 février 2016. Ces éléments sont toutefois trop peu nombreux et insuffisamment circonstanciés et probants pour permettre de démontrer la résidence habituelle en France de M. E... au cours de l'année 2016.

Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres années, le requérant n'a pas justifié, au 25 juin 2022, date du refus de titre de séjour contesté, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes du premier aliéna de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article R. 435-1 de ce code : " L'étranger qui sollicite l'admission exceptionnelle au séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ".

10. La circonstance, invoquée par le préfet dans la décision contestée, selon laquelle M. E... était alors muni d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 14 juillet 2022, n'est pas, ainsi que le soutient le requérant, au nombre des motifs de nature à permettre de prendre légalement une décision de refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Le préfet du Nord fait valoir que la décision de refus de titre de séjour est également justifiée par la circonstance que M. E... n'a pas justifié de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires qui auraient permis sa régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, il doit être regardé comme faisant valoir un nouveau motif, tiré de que le requérant ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 435-1 du code. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce motif. Si M. E..., qui ne conteste pas le bien-fondé du motif dont la substitution est proposée par le préfet, fait valoir que cette substitution a pour effet de le priver de la garantie liée à la saisine de la commission du titre de séjour, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant ne remplissait pas les conditions pour que sa demande soit soumise pour avis à cette commission. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet, le requérant n'ayant pas été privé d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Eu égard à cette substitution de motif, l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet ne peut être utilement invoquée.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2022 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

14. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. E... sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Nord a notamment relevé que, par un avis rendu le 29 mars 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, M. E... pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, la République démocratique du Congo. Le requérant fait valoir que le défaut de prise en charge de la sarcoïdose et de la pathologie psychiatrique chronique dont il souffre est susceptible d'entrainer des conséquences exceptionnellement graves pour sa santé.

15. Toutefois, les certificats établis les 10 octobre 2022 et 12 décembre 2022 par un médecin généraliste, lequel reconnaît lui-même ne pas être spécialiste des pathologies dont est atteint l'intéressé et ne pas être en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les conséquences pour la santé de l'intéressé en cas d'interruption des traitements médicamenteux qu'il poursuit, n'est pas de nature à contredire l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office et le préfet. La production par le requérant d'un certificat médical établi par son psychiatre traitant établi le 31 mai 2023, soit près d'un an après l'édiction de la décision contestée, et faisant état, de manière générale, de la nécessité de la poursuite d'une prise de psychotropes dont l'arrêt est susceptible d'entraîner un risque de réactivation psycho-traumatique et de complication dépressive pouvant potentiellement engager le pronostic vital de l'intéressé, ne suffit pas, en l'absence de précisions circonstanciées, à infirmer l'appréciation du collège de médecins et du préfet. Faute de contester utilement la gravité des conséquences d'un défaut de soins, M. E... ne peut utilement soutenir que le traitement médicamenteux qui lui est prescrit, dont le caractère non substituable n'est au demeurant pas démontré, n'est pas disponible en République démocratique du Congo. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. M. E... fait valoir qu'il réside depuis 2010 en France de manière ininterrompue, où il justifie de liens familiaux et personnels importants et où il a exercé une activité professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont le caractère ininterrompu de son séjour sur le territoire français depuis 2010 n'est, ainsi qu'il a été dit plus haut, pas établi, n'est pas dépourvu de liens familiaux et personnels avec la République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge au moins de vingt-trois ans et où résident ses deux enfants mineurs, nés en 2006 et 2008, avec lesquels il n'établit pas avoir rompu tout contact. M. E..., qui ne peut utilement se prévaloir d'une promesse d'embauche en qualité d'agent polyvalent du 30 juin 2022, postérieure à la décision attaquée, ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière en se bornant à exposer qu'il a travaillé au cours de l'année 2013 en qualité d'agent de service. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuivait et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, l'illégalité de la décision du 25 avril 2022 portant refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, que M. E... invoque à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

19. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. E..., la circonstance que le préfet aurait, par ailleurs, rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, n'étant pas, en tout état de cause, de nature à établir l'absence d'un tel examen.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

21. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité en l'absence de traitement médicamenteux et de suivi médical. Par suite, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. E..., le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En dernier lieu, M. E... se prévaut, au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés et ce moyen dont donc être écarté pour les motifs mentionnés ci-dessus.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Nord du 25 avril 2022 ayant refusé son admission exceptionnelle au séjour et n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Nord 17 juin 2022 en ce qu'il a porté refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

24. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement ° 2207096-2207097 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a constaté un non-lieu à statuer sur la décision du préfet du Nord du 25 avril 2022 portant refus d'admission exceptionnelle au séjour.

Article 2 : La demande d'annulation de la décision de refus de séjour du préfet du Nord du 25 avril 2022 présentée devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gommeaux.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA00900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00900
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;23da00900 ?
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