La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2024 | FRANCE | N°22DA02052

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 22DA02052


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre sub

sidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter du jugement à interv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200081 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 octobre 2022 et le 9 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente à cet effet ;

- elle est intervenue sans que le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne et est garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ait été respecté ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation particulière ;

- elle procède d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subornent pas la délivrance d'une carte de résident au parent d'un enfant reconnu réfugié à la condition que le demandeur contribue à son entretien et à son éducation ;

- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet de la Seine-Maritime dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente à cet effet ;

- elle est intervenue sans que le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne et est garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ait été respecté ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation particulière ;

- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet n'a pas examiné s'il était exposé, en cas de retour dans son pays d'origine à des peines ou traitements prohibés par ces stipulations et qu'il serait soumis à de tels risques en cas de retour en République de Guinée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été signée par une autorité incompétente à cet effet ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car il serait exposé, en cas de retour en République de Guinée, à des risques de traitements prohibés par ces stipulations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. B... est tardive et, par suite, irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 octobre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République de Guinée né le 3 mars 1999, est entré sur le territoire français en janvier 2018, selon ses déclarations, afin d'y solliciter l'asile. Il a fait l'objet d'un arrêté de transfert en Italie le 27 mars 2018, à l'exécution duquel il s'est soustrait. Le 25 septembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 24 août 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné, notamment, le pays dont l'intéressé a la nationalité comme pays de renvoi.

Sur la compétence de l'auteur de l'acte attaqué :

2. Par un arrêté n° 21-055 du 1er juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Maritime n° 76-2021-116 du 2 juillet 2021, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. E... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Par suite, le signataire de l'acte attaqué était compétent à cet effet.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., d'une part, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant les conditions dans lesquelles les étrangers insusceptibles de bénéficier de la procédure du regroupement familial peuvent prétendre à la délivrance d'un titre de séjour au titre de leur vie privée et familiale, et, d'autre part, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, relatives à la délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour, lorsqu'il est justifié de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas pris une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, du droit d'être entendu, partie intégrante du principe général du droit de l'Union européenne que constitue le respect des droits de la défense, doit donc être écarté comme inopérant.

4. En second lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les éléments propres à la situation de M. B... retenus par le préfet de la Seine-Maritime pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en application de ces dispositions. Il comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B.... Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de M. B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. M. B..., qui fait état d'une présence sur le territoire français depuis plus de trois ans à la date de la décision contestée, soutient qu'il entretient depuis l'année 2018 une relation avec une compatriote dont il a eu une fille, née le 19 janvier 2019, qui s'est vue reconnaître le statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 mars 2020. La personne présentée par M. B... comme sa compagne est également mère d'une fille née en 2016 d'une précédente union. M. B... produit plusieurs attestations de cette personne, certifiant qu'elle l'héberge à son domicile depuis l'année 2018, qu'il s'occupe des deux fillettes, effectue pour celles-ci des achats et les conduit et va les chercher à l'école, ainsi qu'à la crèche, ce qu'elle-même ne peut faire en raison de ses activités professionnelles.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité de la vie commune alléguée à la date de l'arrêté contesté du 24 août 2021. A cet égard, il ne conteste pas avoir déclaré, lors de sa demande de titre de séjour, une adresse distincte de celle de la mère de son enfant et, contrairement à ce qu'il affirme, l'arrêté contesté ne lui a pas été notifié au domicile de cette dernière. En outre, la déclaration de changement de situation à laquelle celle-ci a procédé auprès de la caisse d'allocations familiales le 6 septembre 2021 est postérieure à l'arrêté contesté du 24 août 2021 et mentionne une situation de vie maritale avec M. B... à compter du 4 septembre 2021 seulement. Par ailleurs, les tickets de caisse émis lors d'achats divers, dont la plupart ont été édités postérieurement à l'arrêté contesté et dont il ne ressort ni qu'ils concernaient des achats effectués par l'intéressé, ni que ces achats étaient destinés à sa fille ou à la demi-sœur de celle-ci, ne permettent pas de tenir pour établi que M. B... contribuait, à la date de la décision contestée, à l'entretien et à l'éduction des deux enfants et entretenait avec elles une relation affective. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à une inexacte application de ces dispositions.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 ci-dessus que M. B... ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle ni considération humanitaire de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

11. En quatrième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Toutefois, dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder titre de séjour à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée.

12. M. B... soutient que la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la délivrance d'une carte de résident aux parents de l'enfant mineur non marié auquel la qualité de réfugié a été reconnue, en précisant que cet enfant s'entend de celui dont la filiation est légalement établie, sans exiger que le demandeur justifie participer à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant. Toutefois, M. B... ne conteste pas avoir demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises à l'article L. 423-23 de ce code, et il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas examiné d'office la possibilité de lui accorder une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 424-3 du même code. Le moyen ainsi soulevé par le requérant est, par suite, inopérant.

13. En cinquième lieu, dans les circonstances de l'espèce, analysées aux points 7 et 8, la décision refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour n'a pas porté, à la date à laquelle elle a été prise, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En sixième lieu, si la qualité de réfugiée reconnue à la fille aînée de M. B... fait obstacle à ce qu'elle retourne en République de Guinée, il ne ressort pas des pièces du dossier, faute de justification de la réalité des liens entretenus par le requérant avec sa fille, que le refus de lui délivrer un titre de séjour ait, à la date à laquelle il a été pris, méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant. Le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté. En outre, M. B... ne peut utilement se prévaloir, au soutien de ce moyen, de la naissance de sa seconde fille, le 15 janvier 2023, postérieurement à la décision contestée.

15. En dernier lieu, dans les circonstances analysées aux points 7, 8 et 14, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation particulière de l'intéressé.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

En ce qui concerne la légalité externe :

16. En premier lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquels le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du même code, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, laquelle est en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4, suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... doit, par suite, être écarté.

17. En second lieu, d'une part, le droit d'être entendu, qui est une composante du principe des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Tel que précisé par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment, dans ses arrêts C 166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour, entrant dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

18. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

19. En l'espèce, M. B... ne précise pas les conditions dans lesquelles il n'a, selon lui, pas été mis à même, au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter oralement ou par écrit, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une obligation de quitter le territoire français en cas de rejet de sa demande. En toute hypothèse, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il a été privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure susceptible de conduire le préfet à s'abstenir de lui faire obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de ce que cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au regard du droit d'être entendu doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 15 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

21. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de M. B... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français. En particulier, le préfet n'avait pas à rechercher, préalablement à cette décision, si l'intéressé était exposé dans son pays à des peines ou traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a, par elle-même, ni pour objet, ni pour effet, de désigner le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit en cas d'exécution d'office de cette mesure, qui fait l'objet d'une décision distincte.

22. En troisième lieu, dans les circonstances analysées aux points 7 et 8, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... n'a pas, à la date à laquelle elle a été prise, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

23. En quatrième lieu, dans les circonstances analysées au point 14, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... n'a pas non plus méconnu, à la date à laquelle elle a été prise, l'intérêt supérieur de sa fille aînée. Le moyen tiré de la violation par cette décision des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.

24. En cinquième lieu, dans les circonstances analysées aux points 7, 8 et 14, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

25. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 21, l'obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet, ni pour effet, de désigner le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement. Par suite, M. B..., qui n'apporte d'ailleurs sur ce point aucune précision, ne peut utilement soutenir, pour demander l'annulation de cette décision, qu'il serait exposé dans son pays à des risques de peines ou traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. En dernier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a imparti à M. B... un délai de trente jours pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont sans portée et ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

27. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3 du même code, à destination duquel l'étranger peut être reconduit d'office, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le même arrêté mentionne que M. B..., né à Conakry, est de nationalité guinéenne, que l'intéressé est entré sur le territoire français pour y demander l'asile, et qu'il n'établit pas être personnellement exposé dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention précitée. Cet arrêté comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour décider que M. B... pourrait être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit, par suite, être écarté.

28. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 16 à 26 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

29. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) ./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

30. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France pour demander l'asile, avant de faire l'objet d'une décision de transfert vers l'Italie à l'exécution de laquelle il s'est soustrait, il se borne à faire valoir qu'il est de nationalité guinéenne et que le préfet de la Seine-Maritime ne démontre pas qu'il ne serait exposé, en cas de retour en République de Guinée, à aucun des risques prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans apporter sur ce point aucune précision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par la décision fixant le pays de renvoi, ainsi que des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-Maritime ni le moyen tiré par le préfet de l'irrecevabilité de la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elatrassi-Diome.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

Le président de la formation de jugement,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 22DA02052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02052
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22da02052 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award