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01/02/2024 | FRANCE | N°23DA00084

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 23DA00084


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n°2105024 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, et des mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°2105024 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, et des mémoires, complémentaire et de production de pièces, enregistrés les 20 janvier et 20 mai 2023, M. E..., représenté par Me Akli Aït Taleb, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime, en cas de reconnaissance du bien-fondé de la requête, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, en cas d'annulation de l'arrêté pour un vice de légalité externe, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2023.

M. E... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., ressortissant algérien né le 1er septembre 1989 à Mostaganem, déclare être entré en France en mars 2021. Il a sollicité par un courrier du 26 mars 2021 son admission au séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 24 novembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai. M. E... interjette appel du jugement n° 2105024 du 7 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

3. M. E..., qui affirme être présent en France depuis 2019, atteste avoir travaillé comme carrossier entre juillet 2020 et novembre 2021 et vivre en concubinage, depuis le 24 août 2019, avec Mme (G...) D... F..., ressortissante algérienne, avec laquelle il a eu un enfant, né le 14 novembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que sa compagne, qui dispose d'un certificat de résident algérien valable jusqu'au 19 février 2027, a été mariée auparavant avec un ressortissant français et que leur divorce a été prononcé à effet du 22 novembre 2018 aux torts exclusifs de son époux pour violences conjugales. Si le requérant, sa compagne et leur enfant sont tous de nationalité algérienne et pourraient reconstituer leur cellule familiale en Algérie, il ressort du jugement du 18 juin 2019 rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille que Mme A... B... a eu avec son précédent époux un enfant né le 16 août 2016, qui bénéficie de la nationalité française. Dans la mesure où, d'une part, le jugement énonce que l'autorité parentale sur l'enfant mineur sera exercée conjointement par les deux parents, maintient la résidence de cet enfant au domicile de sa mère en fixant un droit de visite mensuel à son père, et où d'autre part, le préfet n'établit ni même n'allègue que la situation de cet enfant aurait évolué, qu'il ne résiderait plus avec sa mère et que son père français ne participerait pas effectivement à son entretien et à son éducation, il y a lieu de considérer, qu'en dépit de sa présence récente en France, le requérant justifie que la décision de refus de titre qui lui a été opposée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et qu'elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à celui de sa compagne, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de leur fils et du fils de sa compagne.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2021. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 24 novembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu des motifs de l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du lieu de résidence de M. E... de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Akli Aït Taleb sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 24 novembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du lieu de résidence de M. E... de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Akli Aït Taleb en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Me Akli Aït Taleb, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

Pour expédition conforme

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00084 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00084
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AIT TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23da00084 ?
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