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15/02/2024 | FRANCE | N°23DA01158

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23DA01158


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert auprès des autorités italiennes.



Par un jugement n°2301712 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de remettre à M. B... l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour de

s étrangers et du droit d'asile.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert auprès des autorités italiennes.

Par un jugement n°2301712 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de remettre à M. B... l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B....

Il soutient que l'Italie ne connaît pas de défaillances systémiques faisant obstacle au transfert de l'intéressé dans ce pays.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Mary, conclut :

1°) à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de prendre en charge sa demande d'asile, sans délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 ;

- il méconnaît les droits de la défense ;

- il méconnaît l'article 3-2 du règlement (UE) 604/2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Par un courrier du 7 décembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que la France est devenue responsable, en application de l'article 29 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de la demande de protection internationale présentée par M. B... et qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais, a sollicité le 18 janvier 2023 l'asile en France. Par un arrêté du 29 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert auprès des autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. B..., annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui remettre l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Maritime interjette appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Dès lors que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire à cette aide.

Sur le non-lieu :

3. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours (...) ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours (...) ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

6. La requête de M. B... devant le tribunal administratif de Rouen a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013, qui avait couru à compter de l'acceptation du transfert par les autorités italiennes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet de la Seine-Maritime du jugement rendu par ce tribunal le 22 mai 2023 et n'a pas été interrompu par l'appel du préfet devant la présente cour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait fait l'objet d'une prolongation. Ce délai de six mois ayant expiré, il s'ensuit qu'à la date du présent arrêt, la France est devenue, en application des dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) du 26 juin 2013, responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. B....

7. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, les conclusions du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer. Pour les mêmes motifs, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par Me Mary, avocat de M. B..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Mary.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01158
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL MARY & INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23da01158 ?
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