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15/02/2024 | FRANCE | N°23DA01410

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23DA01410


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 avril 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an.



Par un jugement n°2205733 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cet ar

rêté du 8 avril 2022 et enjoint au préfet du Nord de réexaminer la demande de M. B... dans un délai d'u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 avril 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un délai d'un an.

Par un jugement n°2205733 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 8 avril 2022 et enjoint au préfet du Nord de réexaminer la demande de M. B... dans un délai d'un mois, en lui délivrant sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. B....

Il soutient que :

- M. B... a fait valoir un projet de création d'une auto-entreprise sous le régime de la micro-entreprise ;

- sa demande de titre de séjour devait être examinée au regard du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ; l'intéressé ne justifie pas de moyens d'existence suffisants ;

- au surplus, l'activité envisagée est en inadéquation avec les études suivies par M. B... sur le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Sanjay Navy, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans délai et sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

3°) à la mise à la charge de l'État de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 avril 2022, le préfet du Nord a refusé de délivrer à M. B..., ressortissant algérien, un certificat de résidence l'autorisant à exercer en France une activité professionnelle non salariée, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir en France pendant un délai d'un an. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 8 avril 2022. Le préfet du Nord interjette appel de ce jugement.

Sur les moyens accueillis par le tribunal administratif de Lille :

2. Pour annuler l'arrêté du 8 avril 2022 du préfet du Nord, les premiers juges ont estimé que cet arrêté méconnaissait, d'une part, les stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, d'autre part, l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelant ne conteste le bien-fondé du jugement du 13 juillet 2023 qu'en tant qu'il a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ".

4. Aux termes de l'article 7 du même accord : " (...) a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; / (...) / c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ".

5. Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France pour y exercer une activité professionnelle autre que salariée, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés.

6. Il s'ensuit que ne leur sont pas applicables les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent les conditions de délivrance des cartes de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " aux étrangers exerçant en France une activité non salariée et qui imposent notamment de justifier d'une activité " économiquement viable " procurant des " moyens d'existence suffisants ".

7. En revanche, demeurent applicables aux ressortissants algériens sollicitant un certificat de résidence sur le fondement des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien, les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, d'une activité professionnelle en France, notamment les règles définies dans le code de commerce relatives aux obligations des commerçants.

8. Lorsqu'un ressortissant algérien sollicite la première délivrance d'un certificat de résidence pour exercer en France une activité professionnelle autre que salariée, les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, combinées à celles du c) de l'article 7 du même accord, ne subordonnent pas cette délivrance au caractère effectif ou à la viabilité économique de cette activité, ni à la justification de moyens d'existence suffisants ou d'un lien entre cette activité et les études le cas échéant poursuivies en France par l'intéressé.

En ce qui concerne les activités projetées par M. B... :

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un certificat de résidence algérien en qualité d'étudiant valable du 29 novembre 2018 au 28 novembre 2019, qui a été renouvelé jusqu'au 28 novembre 2020. M. B... a sollicité le 8 février 2021 la délivrance d'un certificat de résidence pour l'exercice en France d'une activité professionnelle non salariée de " livraison de colis et de courrier ".

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce : " La loi répute actes de commerce : / (...) / 5° Toute entreprise (...) de transport par terre (...) ". Aux termes du I de l'article L. 123-1 du code de commerce : " Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration : / 1° Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au registre national des entreprises (...) ".

11. En application de ces dispositions, les activités projetées revêtent, par leur objet, un caractère commercial et M. B... était tenu, en sa qualité de commerçant, de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés. A cet égard, si le préfet du Nord se prévaut des dispositions de l'article L. 123-1-1 du code de commerce, créées par l'article 8 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, qui dispensaient d'une telle immatriculation les personnes bénéficiant du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ont été abrogées par l'article 27 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et n'étaient donc pas applicables à la situation de M. B..., nonobstant la circonstance qu'il exercera ses activités commerçantes sous le régime de la micro entreprise.

12. Conformément aux dispositions précitées du code de commerce, il ressort des pièces du dossier qu'au titre des activités projetées, M. B... a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

13. En second lieu, dès lors que la demande de certificat de résidence présentée par M. B... tend à l'exercice en France d'une activité professionnelle autre que salariée, celle-ci devait être examinée par le préfet du Nord au regard des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, combinées à celles du c) de l'article 7 du même accord.

14. Si le préfet du Nord fait valoir que les activités projetées ne sont pas soumises à un régime d'autorisation en application des règles générales applicables à toute personne désireuse de les exercer en France, mais seulement aux formalités d'immatriculation prévues par le code de commerce, il s'en déduit que l'intéressé n'était pas tenu de fournir d'autres pièces justificatives que celles produites à l'appui de sa demande, et non que celle-ci devait être examinée sur le fondement des stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien relatives à la délivrance de certificats de résidence portant la mention " visiteur ".

15. Par suite, en exigeant de M. B... qu'il justifie de l'effectivité de ses activités commerçantes, de moyens d'existence suffisants et, au surplus, d'un lien avec les études qu'il avait poursuivies en France, le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l'article 5 et du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien.

16. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 8 avril 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que la requête doit être rejetée et que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la demande de M. B... dans un délai d'un mois, en lui délivrant sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Navy, avocat de M. B..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Navy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Navy, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Navy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Sanjay Navy.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01410
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23da01410 ?
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