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20/02/2024 | FRANCE | N°23DA00887

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 20 février 2024, 23DA00887


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... épouse D... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 27 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils devront être éloignés, d'en suspendre l'exécution et d'enjoindre sous astreinte au préfet de leur délivrer des attestations de demande d'asile.



Par un juge

ment n° 2300197-2300198 du 20 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse D... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 27 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils devront être éloignés, d'en suspendre l'exécution et d'enjoindre sous astreinte au préfet de leur délivrer des attestations de demande d'asile.

Par un jugement n° 2300197-2300198 du 20 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, Mme D..., représentée par Me Antoine Mary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) de suspendre l'exécution de cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a jamais reçu l'information prévue à l'ancien article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise sans que son époux bénéficie des garanties spéciales prévues au point 29 et à l'article 24 de la directive 2013/32/UE et rendues nécessaires par son état de santé ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'aucun médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a été saisi de la situation médicale de son époux ;

- elle est dépourvue de base légale et méconnaît les articles L. 611-1 et L. 542-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en effet, la décision plaçant la Géorgie sur la liste des pays d'origine sûrs, prise le 16 décembre 2013, est illégale compte tenu des évolutions de la situation dans le pays ;

- son époux n'a pas bénéficié des garanties spéciales prévues au point 29 et à l'article 24 de la directive 2013/32/UE et rendues nécessaires par son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est constitutive d'une décision de refoulement et méconnaît les articles 33 de la convention de Genève sur les réfugiés et 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît son droit d'être entendue personnellement devant la Cour nationale du droit d'asile, ses droits à un recours effectif et à un procès équitable et, par suite, méconnaît le point 25 in fine et l'article 46 de la directive 2013/32/UE ;

- pour les mêmes motifs, elle méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est à tort considéré comme étant lié par la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- elle est entachée d'erreur de droit également au motif que ses craintes n'ont été examinées qu'au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et non au regard des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les risques de persécutions pour des motifs politiques qu'elle encourt en cas de retour en Géorgie justifient le maintien de son droit au séjour durant l'examen de son recours par la CNDA ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît la protection prévue au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée à ce titre d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; d'une part, elle ne distingue pas les notions de vie privée et de vie familiale et, d'autre part, elle porte une atteinte disproportionnée à ce droit ;

- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'OFPRA n'a pas examiné la situation de son fils A... ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle devra être éloignée a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors que ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine ne sont examinées qu'au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et non au regard des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dès lors qu'elle ne prend aucun élément de sa situation personnelle en considération ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de droit à défaut de procéder à un examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée également d'erreur de droit au motif que le préfet s'est considéré à tort comme étant lié par la décision du directeur général de l'OFPRA ;

- elle est entachée également d'erreur de droit au motif que ses craintes n'ont été examinées qu'au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et non au regard des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'OFPRA n'a pas examiné la situation de son fils A... ;

- elle est fondée à demander la suspension de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre dès lors, d'une part, que la privation du droit au maintien sur le territoire pendant l'examen de son recours à la CNDA méconnaît le point 29 et les articles 24 et 37 de la directive 2013/32/UE ainsi que le droit au recours effectif et, d'autre part, qu'elle présente des éléments sérieux attestant des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;

- en outre, en méconnaissance de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'OFPRA n'a pas examiné la situation de son fils A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de Mme D....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 à 12 heures.

Les parties ont été informées le 23 janvier 2024, au titre des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de prononcer d'office un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dès lors que ladite Cour a rendu sa décision en audience publique le 1er juin 2023.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

II.- Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, M. D..., représenté par Me Antoine Mary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) de suspendre l'exécution de cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991.

Il reprend, à l'encontre de l'arrêté attaqué et au soutien de ses conclusions à fin de suspension de son exécution, les mêmes moyens que ceux soulevés par son épouse dans la requête n° 23DA00887 analysée ci-dessus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de M. D....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 à 12 heures.

Les parties ont été informées le 23 janvier 2024, au titre des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de prononcer d'office un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dès lors que ladite Cour a rendu sa décision en audience publique le 1er juin 2023.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... et M. E... D..., nés respectivement les 4 janvier 1984 et 2 janvier 1980, de nationalité géorgienne, déclarent être entrés en France le 1er février 2022 afin d'y solliciter l'asile. Leurs demandes, enregistrées en guichet unique le 9 février 2022, ont été placées en procédure accélérée compte tenu de leur provenance d'un pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs. Elles ont été rejetées par des décisions du 17 octobre 2022 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qu'ils ont contestées devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par des arrêtés du 27 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime, considérant que leur droit au maintien sur le territoire au titre de l'asile a pris fin en application de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils devront être éloignés. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 20 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ces arrêtés et à la suspension de leur exécution.

2. Les requêtes susvisées sont relatives à la situation des membres d'un couple au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, lorsqu'il sollicite l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue une protection et délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est ensuite loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le rejet de sa demande, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite et en conséquence du rejet de sa demande d'asile ni sur les autres décisions susceptibles de lui être assorties.

4. M. et Mme D..., qui se bornent à soutenir que les décisions attaquées ont été prises sans qu'ils aient été mis en mesure de formuler des observations avant leur intervention, ne précisent pas en quoi ils auraient été empêchés de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à leur situation personnelle avant l'adoption des mesures d'éloignement attaquées. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance de leur droit d'être entendus doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) / Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'office (...) le certificat médical mentionné au premier alinéa. Lorsque la demande est fondée sur l'article L. 431-2, le certificat médical est transmis dans le délai mentionné à ce même article ".

6. A la supposer établie, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a seulement pour effet de rendre inopposables à l'intéressé les délais de procédure prévus par les dispositions des articles D. 431-7 et R. 425-12 du même code. Le refus de séjour se fondant sur de tels délais serait illégal et entacherait d'illégalité une obligation de quitter le territoire fondée sur ce refus de séjour en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du même code. En revanche, la méconnaissance d'une telle obligation d'information est sans influence sur la légalité d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions du 4° du même article lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme D... aient déposé des demandes de titre de séjour auxquelles auraient été opposés les délais de procédure prévus par les dispositions précitées. Par suite, le moyen qu'ils soulèvent contre les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre, tiré du défaut de communication de l'information prévue à l'article L. 431-2, doit être écarté comme inopérant. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enregistrement de leurs demandes d'asile en guichet unique le 9 février 2022, il leur a été remis le guide du demandeur d'asile, dans sa version en langue géorgienne, dont il est constant qu'il contient cette information.

7. En troisième lieu, M. et Mme D... soutiennent qu'ils n'ont pas bénéficié des garanties spéciales que l'état de santé de M. D... rendait nécessaire, conformément au point 29 et à l'article 24 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013. Toutefois, alors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent que cette directive n'aurait pas été transposée par les autorités françaises, ils ne peuvent utilement se prévaloir de celle-ci à l'encontre des décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, ces moyens doivent être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article R. 611-2 ajoute que cet avis " est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

9. Si M. et Mme D... soutiennent que l'état de santé de M. D... remplit les conditions prévues au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il justifiait en tout état de cause la saisine du collège des médecins de l'OFII, ils n'établissent pas avoir communiqué au préfet, préalablement au prononcé des obligations de quitter le territoire français, des éléments de nature à présumer l'existence d'un quelconque risque pour sa santé. Au demeurant, dans le cadre de la présente instance, ils n'apportent pas davantage d'éléments en ce sens. Le bulletin d'hospitalisation daté du 11 janvier 2023 qu'ils produisent ne comporte aucune précision quant aux motifs de l'hospitalisation de M. D... à compter du 9 janvier 2023 et ne justifie pas à lui seul que M. D... était, à la date des décisions attaquées, atteint d'une affection répondant aux critères précités. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a ni méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant des obligations de quitter le territoire français à l'encontre des intéressés, ni entaché ses décisions d'un vice de procédure en s'abstenant de saisir préalablement le collège des médecins de l'OFII. Le moyen soulevé en ce sens par M. et Mme D... doit, dès lors, être écarté.

10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas, préalablement au prononcé des décisions attaquées, procédé à un examen de la situation personnelle de M. et Mme D.... En effet, non seulement les arrêtés attaqués rappellent les conditions de séjour des intéressés sur le territoire et qu'ils ont fait l'objet de décisions de rejet de leurs demandes d'asile par le directeur général de l'OFPRA mais ils rendent également compte de l'examen de leur situation au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché ses décisions d'un défaut d'examen et, ce faisant, d'une erreur de droit doivent être écartés comme manquant en fait.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; / (...) / Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Aux termes de l'article L. 752-5 du même code : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger dont la demande d'asile a été placée en procédure accélérée au motif qu'il provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr perd son droit de se maintenir sur le territoire dès la décision de rejet prise par l'OFPRA, même s'il a régulièrement introduit un recours devant la CNDA à l'encontre de cette décision. Il peut alors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. A l'occasion du recours dirigé contre cette mesure d'éloignement, il peut néanmoins saisir le juge administratif de conclusions tendant à ce que l'exécution de la mesure d'éloignement soit suspendue jusqu'à ce que la CNDA ait statué.

12. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile de M. et Mme D..., qui ont la nationalité géorgienne, ont été placées en procédure accélérée au motif que la Géorgie est inscrite sur la liste des pays d'origine sûrs. Elles ont été rejetées par des décisions du directeur général de l'OFPRA du 17 octobre 2022, notifiées le 15 novembre suivant. A la date à laquelle le préfet de la Seine-Maritime a pris les arrêtés attaqués, M. et Mme D... ne disposaient donc plus du droit de se maintenir sur le territoire au titre de l'asile et le préfet de la Seine-Maritime pouvait prononcer à leur encontre des obligations de quitter le territoire français en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort à cet égard ni des énonciations des arrêtés attaqués, ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée du fait des décisions prises par le directeur général de l'OFPRA. D'une part, dès lors qu'une obligation de quitter le territoire français ne constitue pas une mesure d'application du placement d'une demande d'asile en procédure accélérée ni ne trouve sa base légale dans celui-ci et, d'autre part, dès lors que les dispositions de l'article L. 531-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile attribuent à la seule CNDA la compétence pour se prononcer sur la légalité des décisions de placement d'une demande d'asile en procédure accélérée, M. et Mme D..., dans le cadre de la présente instance, ne peuvent utilement soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision d'inscrire et de maintenir la Géorgie sur la liste des pays d'origine sûrs, ni soutenir que leur placement en procédure accélérée méconnaît les dispositions relatives aux garanties procédurales spéciales de l'article 24 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013. En outre, les dispositions citées au point précédent, en tant qu'elles retirent au recours devant la CNDA son caractère suspensif et autorisent le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français dès l'intervention de la décision de l'OFPRA, procèdent à la transposition de l'article 46, paragraphe 6, de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013. Elles ne méconnaissent ni le droit à un procès équitable ni le droit au recours effectif, garantis notamment par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors, d'une part, qu'elles prévoient la possibilité pour le demandeur d'asile de saisir le juge administratif, dans le cadre de l'instance engagée contre la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, de conclusions tendant à la suspension de son exécution jusqu'à ce que la CNDA ait statué et, d'autre part, que la mise à exécution de cette mesure est en tout état de cause sans incidence sur l'issue du recours introduit auprès de la CNDA, devant laquelle la procédure est écrite et l'étranger peut se faire assister et représenter par la personne de son choix. Enfin, alors qu'il n'appartient en tout état de cause pas au préfet de se substituer à l'OFPRA pour examiner la demande d'asile de l'étranger au regard des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. et Mme D..., dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'OFPRA, n'établissent pas avoir apporté des éléments complémentaires de nature à justifier des craintes qu'ils invoquent et les décisions d'obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre ne peuvent ainsi pas être regardées comme constituant des mesures de refoulement ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations des articles 33 de la convention de Genève sur les réfugiés et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées sont privées de base légale pour être fondées sur les dispositions combinées des articles L. 611-1, 4°, L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou méconnaissent ces mêmes dispositions doivent, en toutes leurs branches, être écartés.

13. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. D'une part, pour l'application des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet n'est pas tenu de se prononcer, de façon distincte, sur les effets de la décision d'obligation de quitter le territoire français sur la vie privée des intéressés et sur ses effets sur leur vie familiale, ces deux notions étant en effet étroitement liées. C'est donc sans entacher sa décision d'erreur de droit que le préfet de la Seine-Maritime a pu, en l'espèce, apprécier la situation de M. et Mme D... de manière globale et les moyens soulevés en ce sens par ceux-ci doivent, dès lors, être écartés.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, M. et Mme D... sont présents en France depuis moins d'une année. Ils ne disposent sur le territoire, à l'exception de leurs enfants qui les accompagnent, d'aucune attache familiale. Ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer des perspectives d'intégration professionnelle et sociale réussie à la société française. Le seul fait que leurs enfants soient scolarisés depuis leur arrivée en France et qu'ils soient inscrits dans des clubs de sport n'est à cet égard pas suffisant. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas être regardés comme ayant établi en France le centre de leur vie privée et familiale. Dans le même temps, à part les craintes sécuritaires dont ils font état et qui ne peuvent pas être tenues pour établies ainsi qu'il va être exposé au point 22, ils n'avancent aucune autre considération qui serait de nature à empêcher leur réinsertion dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et où ils ne contestent pas y avoir conservés des attaches. De la même manière, ils ne démontrent pas que leurs enfants, qui à la date des décisions attaquées étaient scolarisés depuis moins d'un an en France, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Géorgie. Enfin, contrairement à ce qu'ils soutiennent et à supposer même qu'ils puissent utilement s'en prévaloir dans le cadre de la présente instance, la situation de leur fils A... a été dûment prise en compte par l'OFPRA dans sa décision prise à l'encontre de Mme D... le 17 octobre 2022. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en les obligeant à quitter le territoire français, n'a ni méconnu les stipulations citées au point 13, ni entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation. Les moyens soulevés en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

16. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

17. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance de leur droit d'être entendus doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4.

18. En deuxième lieu, pour décider que les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de M. et Mme D... pourront être exécutées à l'encontre du pays dont ils ont la nationalité, à savoir la Géorgie, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'accord de Schengen, dans lequel ils sont légalement admissibles, les arrêtés attaqués visent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappellent qu'ils ont la nationalité géorgienne, sont venus depuis ce pays et ne justifient pas y être démunis d'attaches, que leurs demandes d'asile ont été rejetées par le directeur général de l'OFPRA et qu'ils n'établissent pas y être exposés à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même M. et Mme D... de comprendre les motifs des décisions prises à leur encontre et apparaît suffisante dans la mesure où ils ne justifient pas avoir adressé au préfet des observations préalables à ce sujet. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient insuffisamment motivées doivent être écartés.

19. En troisième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 3 à 15, M. et Mme D... n'établissent pas que les arrêtés attaqués, en tant qu'ils leur font obligation de quitter le territoire français, sont illégaux. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité par voie d'exception des décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

20. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas, préalablement au prononcé des décisions attaquées, procédé à un examen de la situation personnelle de M. et Mme D.... Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée du fait des décisions prises par le directeur général de l'OFPRA. Les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait, pour ces motifs, entaché ses décisions d'erreur de droit doivent, dès lors, être écartés comme manquant en fait.

21. En cinquième lieu, il n'appartient pas au préfet, lorsqu'il fixe le pays de destination, d'apprécier les éventuelles craintes dont l'étranger fait état au regard des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, ces dispositions régissent la reconnaissance de la qualité de réfugié et l'octroi de la protection subsidiaire, appréciation sur laquelle il n'appartient qu'à l'OFPRA, le cas échéant à la CNDA, de se prononcer dans le cadre d'une demande d'asile. Les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché les décisions attaquées d'erreur de droit pour avoir omis d'apprécier leurs craintes à l'égard de la Géorgie sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent dès lors être écartés.

22. En sixième lieu, pour soutenir que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, citées au point 16, M. et Mme D... soutiennent qu'ils encourent des risques pour leur sécurité en cas de retour en Géorgie en raison de l'affiliation de M. D... à un parti politique aujourd'hui dans l'opposition. Toutefois, ils ne produisent aucune déclaration circonstanciée sur les violences dont ils disent avoir été victimes dans leur pays d'origine et sur les conditions de leur départ. L'attestation établie pour les besoins de la cause par leurs proches résidant toujours en Géorgie, rédigée en des termes généraux et stéréotypés, ne présente pas de force probante suffisante. Le certificat de décès en date du 13 janvier 2017 d'un de leur fils né le 11 novembre précédent ne permet pas d'établir les circonstances du décès et de le relier aux faits de violences qu'ils invoquent. La carte de membre du parti politique auquel M. D... fait référence, à la supposer même authentique, n'est à elle-seule pas davantage probante. En outre, il est constant que les demandes d'asile de M. et Mme D... ont été rejetées par l'OFPRA le 17 octobre 2022, après un examen attentif au cours duquel ils ont été entendus avec l'assistance d'un interprète en langue géorgienne le 4 mai 2022. La Géorgie figure par ailleurs sur la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs au sens de l'article L. 531-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, aucune crainte personnalisée n'étant démontrée, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point 16 doivent être écartés.

23. En septième lieu, les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme D... de leurs enfants mineurs, dès lors qu'il est constant que ces derniers sont également de nationalité géorgienne, qu'ils sont admissibles dans ce pays et qu'ils pourront donc les accompagner. Ainsi qu'il a été dit au point 15, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme D... aient d'autres liens privés et familiaux en France et qu'ils soient isolés en cas de retour en Géorgie. Alors que leurs enfants sont scolarisés en France depuis moins d'une année à la date des décisions attaquées, ils n'avancent aucune considération qui ferait obstacle à la poursuite de leur scolarité dans leur pays d'origine. Enfin, contrairement à ce qu'ils soutiennent et à supposer même qu'ils puissent s'en prévaloir dans le cadre de la présente instance, la situation de leur fils A... a été dûment prise en compte par l'OFPRA dans sa décision prise à l'encontre de Mme D... le 17 octobre 2022. Dans ces conditions, en fixant la Géorgie comme pays de destination des mesures d'éloignement prononcées à leur encontre, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 27 décembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les conclusions aux fins de suspension des mesures d'éloignement :

25. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision lue en audience publique le 1er juin 2023, soit postérieurement à l'enregistrement des présentes requêtes d'appel, la CNDA a rejeté les recours introduits par M. et Mme D... en leur nom et au nom de leurs enfants contre les décisions du 17 octobre 2022 par lesquelles l'OFPRA a rejeté leurs demandes d'asile. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par les intéressés, sur le fondement des dispositions citées au point 11 de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement, sont devenues sans objet à la date du présent arrêt. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur ces conclusions.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. et Mme D... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme D... tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre par le préfet de la Seine-Maritime le 27 décembre 2022.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse D..., à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Mary.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa première vice-présidente de la cour,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA00887, 23DA00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00887
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL MARY & INQUIMBERT;SELARL MARY & INQUIMBERT;SELARL MARY & INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23da00887 ?
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