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29/02/2024 | FRANCE | N°23DA02014

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 23DA02014


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 septembre 2022 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et son arrêté du 8 février 2023 par lequel il l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n°2300308 et 2301242 du 26 juillet 2023, le trib

unal administratif de Lille a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire frança...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 septembre 2022 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et son arrêté du 8 février 2023 par lequel il l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°2300308 et 2301242 du 26 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Sanjay Navy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays d'éloignement ;

2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2022 du préfet du Nord et son arrêté du 8 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, d'une part, de supprimer sans délai son signalement dans le système d'information Schengen et, d'autre part, de lui délivrer sans délai le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus d'un titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du même code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays d'éloignement a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les observations de Me Maëliss Guillaud, substituant Me Navy, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, a demandé le 21 juin 2022 un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale ". Par une décision du 5 septembre 2022, le préfet du Nord a rejeté sa demande. Par un arrêté du 8 février 2023, le préfet du Nord l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir en France pendant une durée d'un an. M. B... a demandé l'annulation de cette décision et de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 26 juillet 2023, a annulé la décision portant interdiction de retour en France et a rejeté le surplus de la requête. M. B... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet du Nord a examiné ses conditions d'entrée sur le territoire français, ainsi que sa durée de séjour, sa scolarité et de ses liens familiaux en France. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 28 décembre 1999 en Tunisie, est entré en France le 7 août 2017 avec sa mère et ses deux sœurs. S'il soutient que ses parents et ses deux sœurs résident en France, il ressort des pièces du dossier que seul son père est titulaire d'un titre de séjour, tandis que sa mère séjourne irrégulièrement sur le territoire français et que ses deux sœurs étaient mineures à la date de la décision attaquée. En outre, si l'appelant soutient que sa présence est indispensable aux côtés de son demi-frère qui est de nationalité française, il ne produit pas d'élément précis et probant à l'appui de ses allégations, alors que les parents de son demi-frère résident en France. De plus, si M. B... a développé des relations amicales dans le cadre de sa scolarité ou de ses activités sportives et associatives, il ressort des pièces du dossier qu'il était majeur, célibataire et sans charge de famille à la date de l'arrêté attaqué.

6. Par ailleurs, si M. B... a obtenu le 23 août 2019 un baccalauréat série " sciences et technologies du management et de la gestion " avec une mention " bien " et s'il soutient, sans d'ailleurs l'établir, avoir validé en 2019-2020 une première année de licence en " économie gestion " à l'Université de Lille, il ne fait état d'aucune formation au cours de l'année 2020-2021, tandis qu'il n'établit pas avoir validé les formations suivies en 2021-2022 en " sciences économiques et gestion d'entreprise " et en 2022-2023 en " économie, statistique et modélisation ". Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. B... aurait exercé une activité professionnelle en France.

7. Dans ces conditions, le préfet du Nord a pu rejeter sa demande de titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

En ce qui concerne la décision obligeant à quitter le territoire français :

9. En premier lieu, dès lors que la décision refusant de délivrer un titre de séjour est régulièrement motivée, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des articles L. 611-1 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté comme inopérant.

10. En deuxième lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une décision illégale refusant la délivrance d'un titre de séjour. Ce moyen doit ainsi être écarté.

11. En troisième lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant un délai départ volontaire :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire (...) sont indiqués ".

13. La décision attaquée mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a notamment relevé que l'intéressé ne pouvait présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il avait déclaré de façon explicite ne pas vouloir retourner en Tunisie. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser un délai de départ volontaire à M. B..., le préfet du Nord s'est fondé, d'une part, sur le fait que l'intéressé a déclaré explicitement son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, sur le fait qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. L'appelant, qui se borne à faire valoir ses liens familiaux et amicaux en France ainsi que les études qu'il y a entreprises, ne produit aucun élément de nature à contester les motifs retenus par le préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

17. Pour les motifs énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2022 et de l'arrêté du 8 février 2023 du préfet du Nord en tant qu'il l'oblige à quitter sans délai le territoire français et fixe le pays d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

19. Dès lors que les conclusions aux fins d'annulation de la requête doivent être rejetées, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Sanjay Navy, avocat de M. B..., et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à Me Sanjay Navy.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la cour,

Signé : N. MassiasLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA02014 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02014
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23da02014 ?
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