La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°22DA01954

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2024, 22DA01954


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice des ressources humaines et du dialogue social de l'établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise l'a suspendue de ses fonctions, ensemble la décision du 26 octobre 2021 rejetant son recours gracieux, d'autre part, l'avis des sommes à payer n° 8006041 émis le 28 octobre 2021 par cet établissement pour un montant de

1 197,38 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice des ressources humaines et du dialogue social de l'établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise l'a suspendue de ses fonctions, ensemble la décision du 26 octobre 2021 rejetant son recours gracieux, d'autre part, l'avis des sommes à payer n° 8006041 émis le 28 octobre 2021 par cet établissement pour un montant de 1 197,38 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 2109547, 2109873 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions des 15 septembre 2021 et 26 octobre 2021 en tant qu'elles prononcent la suspension de l'intéressée pendant la durée de son congé de maladie, a annulé l'avis de sommes à payer du 28 octobre 2021 et a déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 1 197,38 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2022 et 28 mai 2023, l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise, représenté par Me Julien Robillard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... A... le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire n'a pas pour effet de faire obstacle à la suspension d'un agent qui ne respecte pas l'obligation vaccinale dès lors qu'il est en congé de maladie ;

- Mme A... a été placée en congé de maladie sur le fondement de certificats médicaux de complaisance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2023, Mme B... A..., représentée par Me Gauthier Jamais, demande à la cour ;

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions des 15 septembre, 26 octobre et 28 octobre 2021 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 1 197,38 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'EPSM de l'agglomération lilloise le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir à titre principal, que les moyens soulevés par l'établissement appelant ne sont pas fondés et à titre subsidiaire, reprend ses moyens de première instance.

Par une ordonnance du 27 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe,

- les conclusions de Mme Caroline Régnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Julien Robillard, représentant l'EPSM de Lille agglomération et de Me Florine Douchain, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., assistante médico-hospitalière exerçant les fonctions de secrétaire médicale au sein de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise, après avoir informé son employeur qu'elle ne se conformerait pas à l'obligation de vaccination contre le virus du Covid-19 posée par la loi du 5 août 2021 relative à la crise sanitaire, pour les personnes exerçant leur activité dans les établissements du secteur médical, a fait l'objet d'une décision de suspension le 15 septembre 2021 par la directrice des ressources humaines de l'établissement. Elle a vainement contesté cette décision par un recours gracieux qui a été rejeté par décision du 26 octobre 2021. Par lettre du 26 octobre 2021, l'EPSM l'a informée qu'elle ferait l'objet d'une demande de remboursement du salaire qu'elle avait perçu pour le mois de septembre 2021. Un avis de somme à payer d'un montant de 1 197,38 euros a été émis le 28 octobre 2021. L'EPSM de l'agglomération lilloise relève appel du jugement du 21 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions des 15 septembre 2021 et 26 octobre 2021 en tant qu'elles prononcent la suspension de l'intéressée pendant la durée de son congé de maladie, a annulé l'avis de sommes à payer du 28 octobre 2021 et a déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme de 1 197,38 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". En vertu du premier alinéa du B du I de l'article 14 de la même loi, à compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté le certificat de statut vaccinal ou le certificat de rétablissement mentionnés au I de l'article 13, un certificat médical de contre-indication ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Aux termes du III de cet article 14 : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 3 décembre 2021, que Mme A..., placée en congé de maladie le 26 août 2021, était toujours en congé de maladie le 15 septembre 2021. Ainsi, la mesure de suspension prise par l'EPSM de l'agglomération lilloise ne pouvait prendre effet à la date du 15 septembre 2021 et son entrée en vigueur devait être différée au terme du congé de maladie. Dès lors, l'établissement appelant a commis une erreur de droit en décidant que la suspension de Mme A... prendrait effet dès la date de son édiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 doit être écarté.

6. En second lieu, si l'EPSM de l'agglomération lilloise soutient que Mme A... a bénéficié de certificats médicaux de complaisance pour échapper aux effets de la suspension, il n'apporte aucun élément pour l'établir. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'agent a fait l'objet de deux visites de contrôle les 1er et 13 septembre 2021 à l'issue desquelles n'a pas été remise en cause l'existence d'une maladie la rendant temporairement inapte à exercer ses fonctions. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EPSM de l'agglomération lilloise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions des 15 septembre 2021 et 26 octobre 2021 en tant qu'elles prononcent la suspension de Mme A... pendant la durée de son congé de maladie, a annulé l'avis de sommes à payer du 28 octobre 2021 et l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 1 197,38 euros.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'EPSM de l'agglomération lilloise demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement le paiement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EPSM de l'agglomération lilloise est rejetée.

Article 2 : L'EPSM de l'agglomération lilloise versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience publique du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA01954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01954
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : JAMAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22da01954 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award