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14/05/2024 | FRANCE | N°23DA00220

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mai 2024, 23DA00220


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis.



Par un jugement n° 2102817 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.r>


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 6 février 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis.

Par un jugement n° 2102817 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2023, Mme B..., représentée par Me Jonathan Porcher, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 ;

3°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière le paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que ses observations écrites n'ont pas été lues lors de la séance du conseil de discipline, en méconnaissance de l'article 6 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît le principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits dès lors que la décision du 22 octobre 2020 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie l'a nommée directrice adjointe chargée de projets transversaux pour le GHT Somme Littoral Sud constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- il constitue une mesure discriminatoire au sens des dispositions de l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle a signalé de bonne foi des faits constitutifs d'un délit et un détournement de pouvoir ;

- il méconnaît les articles L. 530-1 et L. 531-1 du code général de la fonction publique dès lors qu'elle n'a commis aucune faute ;

- il constitue une sanction hors de proportion avec les faits reprochés.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2024, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, représenté par Me Jacques Bazin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Vivent Mercier, représentant le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 7 décembre 2017, la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a nommé Mme B..., titulaire du grade de directeur d'hôpital de classe normale, en qualité de directrice adjointe du centre hospitalier universitaire Amiens-Picardie, chargée de la fonction achat au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) Somme Littoral Sud, à compter du 1er décembre 2017. A la suite de son congé de maternité du 2 décembre 2019 au 23 août 2020 et de ses congés annuels du 24 août au 5 octobre 2020, la directrice générale du centre hospitalier universitaire Amiens-Picardie, par une décision du 22 octobre 2020, a nommé Mme B... sur un emploi de directrice adjointe chargé de projets transversaux au sein du GHT Somme Littoral Sud à compter du 8 octobre 2020. Estimant que Mme B... a commis des manquements graves à ses obligations professionnelles, le centre hospitalier universitaire Amiens-Picardie a engagé, le 13 avril 2021, une procédure disciplinaire à l'encontre de l'intéressée. Par un arrêté du 30 juin suivant, la directrice du CNG l'a exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis. Mme B... relève appel du jugement n° 2102817 du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur, disposait que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour infliger une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme B..., la directrice du CNG a considéré qu'elle a adopté un comportement inadéquat dans le management de son équipe, tenu des propos inadaptés voire outranciers, porté des annotations écrites non professionnelles, entretenu une confusion entre les sphères privées et professionnelles des agents la conduisant à ne pas respecter leur vie privée et qu'elle a abusé de sa position hiérarchique afin d'obtenir des informations confidentielles au regard du secret médical et les a diffusées à d'autres personnes.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., dans le cadre de ses fonctions de management, a entretenu une confusion entre la sphère professionnelle et la sphère privée des agents de son service se manifestant par des prises de contact avec certains d'entre eux alors qu'ils étaient en congés et des sollicitations à plusieurs reprises de son assistante afin qu'elle accomplisse des démarches relatives à sa vie privée comme l'organisation du baptême de sa fille ou l'envoi d'un certificat médical. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... a reconnu avoir sollicité la transmission par un agent qui sollicitait l'octroi d'un temps partiel, un certificat de son oncologue afin de vérifier le bien-fondé d'un tel aménagement du temps de travail et qu'elle a diffusé ce certificat à ses adjoints sans recueillir l'accord de l'agent concerné. En outre, il ressort de deux témoignages concordants qu'une altercation violente est survenue au cours du mois de février 2018 entre Mme B... et un agent du service, au sujet de plaintes réitérées de cette dernière concernant la moquette de certains bureaux qui entraînerait des allergies, et que l'appelante a contribué à envenimer la situation. Par ailleurs, il ressort du témoignage d'un agent de la direction des achats que la requérante a porté, en relisant un rapport, deux annotations particulièrement familières, à savoir " LOL ", pour " Laughing out loud " et " WTF ", pour " What the fuck ". Les faits ainsi commis par Mme B..., dont la matérialité est établie par les pièces du dossier, sont constitutifs de fautes de nature à justifier l'application d'une sanction disciplinaire.

6. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une faute puisse être reprochée à Mme B... au titre du refus opposé au renouvellement des demandes, qui n'étaient pas de droit, de travail à temps partiel de certains de ses collaborateurs. Par ailleurs, son management, décrié par seulement une partie des agents de son service, s'est exercé dans un contexte difficile, révélé par l'enquête administrative conduite par la direction de l'établissement et par plusieurs témoignages, de restructuration et de professionnalisation de la fonction achat au sein du GHT où l'augmentation des effectifs a entraîné un malaise et un sentiment de dévalorisation chez certains agents moins diplômés.

7. Compte tenu de ce qui précède, et alors que Mme B... n'avait jamais été sanctionnée auparavant, la sanction de l'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis apparaît hors de proportion avec les fautes qu'elle a commises.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le CNG au titre des frais d'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNG une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102817 du 8 décembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 30 juin 2021 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière sont annulés.

Article 2 : Le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière versera à Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Délibéré après l'audience publique du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de la chambre ;

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00220
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : PORCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23da00220 ?
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